Forum - 3-Le Seigneur d'obsidienne *La Danse des Trois Noires*
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Larme De Fée | 29/10/08 13:21
Je nais. Quelque part sur la Terre d'Elladyl, un cri retentit, dans une petite bourgade peuplée d'humains. Je n'ai que peu de souvenirs de cette enfance, si ce n'est qu'elle fut rude mais heureuse, jusqu'à l'arrivée de pillards qui mirent à sac notre village, massacrant tous ses habitants. Je ne m'étendrais pas sur cette période, car elle a déjà été contée, de même que la plupart des événements qui suivirent. Certaines choses, pourtant, sont restées dans l'ombre, ce qui ne fut pas un mal. Les temps changent, cependant, et ce qui hier devait rester caché doit parfois se révéler. Non que j'aie vraiment envie d'en parler, mais j'ai le sentiment de devoir le faire, quoi qu'il puisse m'en coûter.
La Fraternité naquit aux environs de la lune 520, en un temps où les Dragons parcouraient les terres en solitaires. Redoutables et redoutés, les Anciens de la Coalition n'étaient plus bien nombreux, la plupart avaient disparu, certains avaient emprunté d'autres voies, d'autres encore parcouraient les continents, l'esprit envahi de sombres souvenirs, peu désireux de rejoindre un nouveau regroupement, sans doute. A cette époque, Avalon disparaissait lentement dans les brumes, je me souviens de l'avoir entraperçue, déjà éthérée, inaccessible. Je me rappelle aussi avoir tenté de contacter les Protecteurs Runiques de ce haut lieu de légendes, mais mes efforts furent vains. Avalon rejoignit les légendes puis, peu à peu, devint un mythe, un souvenir fuyant raconté seulement par quelques anciens qui en avaient contemplé la majesté. Les lunes passèrent, la Fraternité prit lentement de l'ampleur, rappelant au monde de Daifen que les Dragons n'étaient pas morts. Je me souviens de cette ère comme d'un temps merveilleux, parcourant les terres en compagnie d'Elliona, cette Elfe au coeur pur qui à jamais restera dans mon souvenir comme une flamme émouvante, que j'ai aimée au delà de ce que les mots peuvent exprimer. Je me souviens également de la naissance de notre fille, Iryël, que j'ai si peu connue, et de l'adoption d'Ambre, à qui je transmis le Don. J'ignore ce qu'elles sont devenues, voilà tant de lunes que je les ai confiées à leur grand-père, le vieux roi de Cyrlidan. Ce fut aussi à cette époque que je m'engageais dans la Quête de Num la Pétrifiée, qui ne sera que peu évoquée dans ce récit, car ce qui devait en être dit l'a été.
Il advint, ainsi qu'il est écrit dans les annales de cette quête, que ce combat prit une tournure qui aurait dû signifier ma fin, mon inconscience m'ayant mené à un point de non-retour. Ce fut à cette occasion qu'Orféor vint à mon secours, défiant le Néant pour me ramener parmi les vivants. Il m'octroya le Don de son Sang, comme Elliott le Vert l'avait fait à mon ancêtre lointain, ce qui fit de moi son fils. Je me souviens de cet instant comme si c'était hier, le voyant encore me fixer d'un regard infiniment grave, m'offrant un choix que peu d'êtres ont eu. Nous parlâmes longuement, il m'expliqua ce que je devais en savoir, ne me cachant qu'une unique chose, ne me refusant qu'un unique savoir, celui des Runes Noires. Je devins donc un Dragon Noir et pris à cette occasion le nom de Noir-Feu, sous lequel la plupart des êtres que j'ai côtoyé m'ont connu. Il me fallut longtemps pour appréhender ce que j'étais devenu, tâche rendue plus difficile encore par le fait que je ne comprenais qu'à moitié ce qui s'était passé lors du combat de mon nouveau père, la nature de ces Runes Noires m'étant totalement cachée. Lui-même ignorait ce qui avait mis un terme à sa folie, ignorait aussi si cette haine pouvait un jour rejaillir. Je me posais mille fois la question de savoir s'il était possible qu'elle m'envahisse un jour, sans réponse, évidemment, bien que mon instinct me soufflât qu'il ne pouvait en être autrement. De cette crainte naquit ma peur de me lier à des êtres, peur d'être un jour la cause de leur perte. Je sais aujourd'hui que c'est précisément cette crainte qui engendra plus tard la fin d'Elliona, la cause aussi de la fin de la Fraternité. Mais à cette époque, trop de voiles me camouflaient la réalité, trop de peurs me hantaient pour que j'aie eu une chance de comprendre ce qui se passait.
Orféor le Noir finit par mourir, nous donnant une chance de franchir Num, de nous rapprocher enfin de la source de cette haine qui l'avait consumé, de mettre un terme à la malédiction du Cercle. Mais l'être qui avait jadis séparé les protagonistes avait élevé une barrière qui ne pouvait être si aisément franchie, et alors que je pensais avoir mis fin à ce Cercle en mettant à bas les Gardiens, ils oeuvraient de leur côté, rongeant petit à petit la frontière, tout aussi désireux de détruire ce Dragon que lui l'avait été de les anéantir. Les lunes passèrent, dans une tranquillité relative, je ne m'aperçus pas que déjà le pouvoir des Nécromants était à l'oeuvre, me rongeant de l'intérieur, m'éloignant de celle que j'aimais, fragmentant l'unité des Dragons. Le vieux Til-Bora, qui m'avait révélé l'existence de la Route d'Elladyl, ce chemin entre les mondes qui m'avait permis de découvrir Daifen, avait continué sa route de son côté, lui aussi désireux de mettre à bas ce Cercle, bien que pour des raisons très différentes.
Pendant longtemps, je n'entendis plus parler de lui, jusqu'au jour où il vint me trouver, dans le plus grand secret. Son génie et son savoir lui avaient permis de découvrir un moyen de vaincre les Princes du Cercle. Il m'exposa son idée, plus folle encore que je n'aurais pu l'imaginer, puis repartit sur notre terre d'origine, rechercher l'objet dont nous aurions un jour besoin. De mon côté, je fis de longues recherches dans les plus dangereux grimoires des Dragons, sans en parler à quiconque, sachant que du secret le plus absolu dépendait notre réussite. Je finis par trouver, un moyen d'outrepasser les limites de la Vie, de défier à jamais la mort. Je fis appel aux plus grands bâtisseurs, et dans les tréfonds de la cité dragonnique, ils creusèrent une salle, puis en recouvrirent les murs d'obsidienne, selon mes indications. Il faut savoir à ce sujet que les Dragons sont toujours liés à une pierre, qui leur permet d'accroître sensiblement leur pouvoir et leur résistance. L'obsidienne est celle qui se lie le mieux aux Dragons Noirs, sans doute de par ses teintes et ses reflets, raison pour laquelle ce fut cette substance et aucune autre qui fut employée. Lorsque la salle fut terminée, les sculpteurs les plus adroits taillèrent un trône, qui de par ses proportions pourrait se lier aux plus grandes forces de la terre et des étoiles, ainsi qu'à l'essence de mon être. Lorsque tout fut prêt, je rassemblais tous ceux qui avaient participé à l'oeuvre, et je les tuais, n'ayant d'autre moyen de m'assurer de leur silence de manière absolue. Ce geste nécessaire me révulse aujourd'hui encore, mais je n'avais pas le choix. Usant des plus grandes Runes Dragonniques, je liais ce trône à la terre, aux étoiles et aux lunes, ainsi qu'à moi-même.
Absorbé par notre oeuvre, je n'accordais que peu d'attention à ce qui m'entourait, ne me rendant pas compte que de cela dépendait mes chances de survie, de réussite. Le combat pour franchir les illusions de Num se poursuivait, interminable, et ceux qui avaient accepté de m'aider tentaient par tous les moyens de me délier de cette guerre qui ne pouvait être gagnée. Nous parvînmes cependant à aller plus loin encore, jusqu'à parvenir devant le dernier Gardien, la créature d'Ivoire. Grâce à l'amour qui emplissait le coeur des sept porteurs de talismans, je parvins à réaliser en moi le paradoxe, être et ne pas être en un même instant et le dernier des sept premiers Gardiens fut terrassé.
La danse n'était cependant pas terminée, car toujours la femme du Volkhard étais prise au piège dans les tentacules de Num, et il vint un jour où je dus m'engager à nouveau dans les pièges de Num, pour tenter de l'en délivrer avant qu'il ne soit trop tard. Par delà le premier cercle de Gardiens, un univers de miroirs machiavéliques se révéla, et moi qui avais pensé m'en sortir sans trop de mal, je me rendis compte que tout mon pouvoir ne suffirait pas à déceler celui qui contenait l'image de Drachilda. Au moment où je l'aperçus enfin, il était déjà trop tard, et je vis mes griffes se diriger dans un geste qui ne pouvait être arrêté vers ce reflet qu'entre tous je devais épargner. Usant du paradoxe qui m'avait été dévoilé, je me décalais et pris pour moi le coup, mortel. Drachilda fut libérée, et moi je tombais sans fin dans le néant, certain d'avoir été vaincu, mais heureux que ma mort ait pu rendre la vie à celle que mon Frère aimait. Ce geste prit une toute autre signification quand je me rendis compte qu'il m'avait permis de franchir le dernier voile de Num, m'amenant devant l'entité qui gardait l'ultime porte, le Gardien d'Ivoire. Je compris à cet instant que la fin de ma route se trouvait devant moi, et me préparais à livrer mon dernier combat, quand bien même l'issue ne faisait aucun doute, je n'étais plus qu'une âme en peine, seule et sans le moindre pouvoir en ce lieu. Les plans si soigneusement élaborés par Til-Bora vacillèrent, perdant toute substance, anéantis par ce piège aux infinis reflets qu'était la cité pétrifiée.
Alors que tout semblait irrémédiablement perdu, Elliona joua sa dernière carte, la plus pure et la plus admirable de toutes. Elle me fit don de son âme, de son être, de l'amour sans limite qui habitait son coeur, se sacrifiant pour moi, insensé qui n'avait su lui montrer à quel point elle comptait à mes yeux. Le Phénix qu'elle fit naître à cet instant perça mon coeur tel une flèche que nulle armure ne pouvait ralentir, à la seconde même où les griffes du Gardien d'Ivoire tranchaient mon âme. Par cet ultime don, l'entité osseuse fut vaincue, et moi, le plus méprisable des êtres, je fus sauvé, d'une certaine manière. J'avais été trop loin dans le néant pour en ressortir indemne, mon âme ne pouvait plus rien ressentir, j'étais vivant, mais dénué de toute capacité d'exprimer ou de percevoir les sentiments, statue de chair que rien ne pouvait plus atteindre. Elliona s'était sacrifiée, mais je ne pouvais en comprendre le sens, ce fut sans doute ce qui la tua.
La fin de la Fraternité, et plus encore la fin d'Elliona, m'amenèrent à de bien sombres rêves, même selon les critères d'un Dragon Noir dénué de toute sensibilité, et les temps qui s'ensuivirent ne seront jamais évoqués, tant ils demeurent pour moi entremêlés de regrets et de peines. Les cauchemars se mêlent parfois si étroitement que nulle parole ne peut l'exprimer, ne sachant ni où commence ni où finit la réalité. Les lunes passèrent, rapprochant inexorablement le jour qui verrait la conjonction adéquate des forces mises en oeuvre. Par une magie qui ne peut être contée, les sentiments me revinrent, et je redécouvris l'amour, la joie. Je retournais brièvement sur mon monde d'origine chercher l'objet qui me donnerait assez de résistance pour franchir l'ultime porte me séparant des Princes Nécromants: la Couronne d'Elladyl. Par l'amour de celles qui avaient donné leur vie pour moi, le plan de Til-Bora fut ainsi couronné de succès, et les Princes Nécromants vaincus. Mais tout étant lié, je savais depuis longtemps que leur mort devait aussi être la mienne, Til-Bora l'avait prévu, et je m'y étais préparé. Le temps était venu de vérifier si le stratagème patiemment mis en place par son esprit retors pour contourner cette fin fonctionnait.
Le silence était la clé de cette étroite possibilité, je savais que rien ne devait être dit, de peur que l'affection de mes proches ne me fasse reculer. Depuis longtemps déjà, j'avais remis certains objets importants à des personnes chères, objets qui constitueraient pour moi le moyen de me souvenir de mon passé si je parvenais à revenir, sans leur révéler la nature triple de ce "cadeau", sans même leur laisser une lueur d'espoir. Des trois artefacts nécessaires, deux avaient déjà été donnés à celles qui seraient, si la chance était de mon côté, ma garantie de renaissance, une clé avait ainsi été remise à Eigoel Nahb, une écaille à Elenna Celebrindal. Lorsque vint le jour de mon départ, je donnais à Sanaga le dernier, mon épée runique. Puis je plongeais une dernière fois dans le néant, mettant enfin un terme à cette vie si sombre qui avait, par ma folie, engendré la fin de toutes les personnes s'étant par trop approchées de mon coeur.
Edité par Larme De Fée le 29/10/08 à 13:22
Eigoel Nahb | 29/10/08 13:46
Par les Quatre Eléments... Quelle histoire !
*Reprend son souffle, ayant l'impression de ressortir d'un tourbillon épique*
Edité par Eigoel Nahb le 29/10/08 à 13:46