Forum - [vers Certadhil III] Curiosité
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Duc De L'uto | 09/12/10 02:08
Xënkogeat approcha du pied de la tour. C'était une ancienne tourelle de garde, usée par le temps, dévorée par les plantes grimpantes, une de ces constructions de pierre qui s'effritent comme de rien. La vieille porte de bois, en haut de l'escalier, n'était pas fermée, aussi l'humain entra-t-il. Cela faisait quelques années qu'il ne frappait plus pour annoncer son arrivée. Le Duc la percevait bien assez tôt.
« Des nouvelles ?
-Pas vraiment. Le front ouest avance, tout brûle. Ailleurs, ça n'évolue pas vite.
-Aha. »
Le nain paraissait préoccupé. Il s'affairait dans la pièce, faisant des allers-retours sans arrêt. Xënkogeat s'aperçut qu'il était en train de remplir une vieille sacoche de cuir.
« Vous allez quelque part ? »
Le Duc rangea un dernier objet dans son sac et se retourna.
« Oui. Abkatäer vient avec moi, et j'emmène quelques gars de la Garde. Tu prendras le commandement ici en attendant mon retour. Ca ne devrait pas prendre trop de temps.
-Je peux vous demander où vous vous rendez ?
-Certadhil. Une île tout ce qu'il y a de plus intéressant. Il s'y passe de bien belles choses, et avec des gens fort biens intentionnés, parait-il.
-Une île ? Mais tous nos bâtiments participent au blocus... Vous n'aviez pas dit d'en garder quelques uns pour...
-Ce n'est pas un problème, une certaine Shadee m'y emmène. »
Xënkogeat se tut. Le Duc ramassa ses dernières affaires, passa la lanière de la sacoche à son épaule et passa devant son second pour sortir. Il descendit les escaliers et s'éloigna à petits pas, longeant le sentier qui allait vers la forêt. Xënkogeat le rattrapa et adapta son allure à la sienne.
« Shadee ? La Shadee ?
-Il y en a combien, d'après toi ?
-N'est-ce pas risqué ?
-Risqué ? Pourquoi ?
-Mais... Parce qu'elle n'est pas qu'une femme sans défense ! Une belle saloperie, et pas des moindres, en plus... Et arrêtez de faire le naïf, vous savez très bien qu'elle connait le Dragon ... Ce qu'il s'est passé avec lui en 583...
-C'est du passé.
-Pas du genre qu'on efface d'un revers de main, et vous le savez.
-Alors disons qu'on verra bien. Si l'île ne me fait pas peur, pourquoi aurai-je peur d'elle ? »
Xenkogeat s'arrêta à nouveau. Il avait une réponse, mais n'osa pas la prononcer.
Il préféra laisser le Duc partir.
***
La nuit était tombée vite, et les flocons s'amoncelaient le long des rues désertes, faisant crisser les bottes des neuf soldats. Il y avait huit nains, lourds dans leurs armures de mailles et de plaques noircies. Le neuvième était un humain, plutôt fin, et armuré de cuir.
« Abkatäer. »
L'homme s'arrêta, ses suivants firent de même derrière lui. Un autre nain, peut-être un peu plus imposant que les autres, se tenait au milieu de la rue, seul. L'homme hocha la tête.
« Duc.
-Tout est prêt ?
-Xënkogeat gère le commandement. Le front s'est maintenu depuis hier, mais nous avons pu détacher un contingent de réserve dans le cas où nous en aurions besoin, une fois sur l'île. Par contre, nous n'avons toujours pas de navires pour ces troupes.
-A priori, cela pourrait se régler.
-Encore cette femme ?
-Je ne sais pas encore. Peut-être Noir-feu lui-même.
-Vous savez ce que j'en pense...
-Et pour une fois je m'en moque pas mal. Allons-y, qu'elle ne nous attende pas. »
Shadee | 09/12/10 02:19
La nuit tombait lentement sur la cité mère, c'était l'heure pour les rêveurs de regarder le coucher de soleil sur les grandes plaines. Angus lui était à des lieues de cet état d'esprit, pour lui, c'était l'heure de sortir de son lit miteux, chauffé pour celui qui arriverait d'ici peu. Il avait l'impression d'être entré dans le dortoir depuis quelques minutes alors qu'il avait profité de trois heures de sommeil. Cela n'avait pas de quoi faire rêver la plupart des gens, mais pour ce soldat, c'était précieux. Il sortit de la caserne, l'esprit embrumé qu'il tenta d'éclaircir avec une goulée de gnôle. Ses ordres étaient de surveiller une partie du rempart Est, celui qui borde l'embarcadère. Cette portion était réputée pour être la plus venteuse.
Il était seul lorsqu'il arriva sur place, aucun moyen pour lui de se souvenir de la personne qui était censée être avec lui, il n'était même pas certain de la connaitre, et il n'avait aucune envie du contraire. Sans un regard pour son frère d'armes qui approchait déjà, Angus s'appuya sur le bord du garde-fou pour observer le port en contrebas. Si quelqu'un avait apperçu son regard vide à ce moment, il aurait rapidement compris à quel point il estimait son travail. La soirée s'annonçait longue comme toutes les autres, il ne se passerait rien, il ne se passait jamais rien au centre de Daifen. Les lumières de la ville scintillait peu à peu à travers le crépuscule de plus en plus dense. Puis, il s'attarda à regarder un galion qu'il jugea prétentieux. Les couleurs or et blanches de sa coque le gonflaient d'orgueil. Au gaillard-arrière, les oriflammes chatoyantes flottaient gaiement en suivant les courants de la brise iodée. S'il avait été plus près, il aurait pu détailler les armoiries d'Olwë mêlées à celles myrilliennes. Ce serait un navire de Myrilla, le monde des primotaures. Ce bâtiment appartiendrait à celle qu'on nomme dans les racontars comme étant la fille des éléments. Encore une fable à dormir debout...
Deux sabliers se sont écoulés. Les gardes, réglés comme des horloges, se levèrent dans un parfait accord. Le silence régnait sur la ville qui cuvait son alcool, le reste de la nuit sera calme ,comme toutes les autres. Pourtant, avant la relève, Angus vit une escouade composée d'une dizaine d'hommes qui se dirigeait vers le fier navire, il s'en détourna, écoeuré, ce n'était pas son monde...
***
À quai, Shadee, enveloppée d'un manteau soyeux, se tenait droite, les mains protégées par des gants en cuir étaient jointes devant elle. Un sourire paisible flottait sur ses lèvres, son regard exprimait la douceur, mais aussi une vivacité d'esprit qui ne laissait aucun détail lui échapper. À quelques pas derrière elle, une silhouette athlétique et cornue donnait les dernières instructions aux matelots qui se pressaient de charger les derniers vivres. Elle prit le temps de contempler la démarche confiante du Duc. En tête de son escorte, il paraissait toujours détaché de tout. Son sang-froid avait fini par sculpter son visage dans une expression d'autorité naturelle. Finalement, elle avança de quelques pas pour l'accueillir, son geste gracieux précéda ses paroles pour l'inviter à monter sur le pont:
-En effet, vous êtes ponctuel, Duc. Je vous prie de bien vouloir vous donner la peine d'être mon passager pour ce voyage.
Une expression espiègle mit un point d'honneur à sa phrase. Elle prit soin de fermer la marche en saluant chaque homme d'un signe de tête cordial. Dés que la nacelle fut remontée, les marins insufflèrent la vie au galion : les rames apparurent afin d'éloigner le navire du port, et bientôt les voiles se gonfleront d'un vent complice pour voguer vers Certadhil.
Edité par Shadee le 09/12/10 à 02:22