Forum - Seule sur Pannacottadhil

Gamine | 10/11/17 19:43

Elle court à perdre haleine dans les broussailles qui longent le champ de bataille. Derrière elle, elle entend le souffle court de son adversaire se rapprocher de plus en plus. Si jamais il la rejoint, ça en est fini d'elle : son bras blessé est ankylosé et pendouille lamentablement, la douleur lui fait serrer les dents. La flèche qu'elle a reçue dans l'épaule est toujours fichée dans sa chair, lui arrachant des gémissements de douleur. Le combat était mal engagé dès le début : son manque d'expérience a fait qu'elle s'est jetée dans la gueule du loup sans savoir vraiment où elle allait. Keï ne va pas être contente, mais peut-être ne sera-t-elle plus là pour encourir sa colère, surtout si ce satané nain la rattrappe. Elle ne pensait pas que ces mini-portions couraient aussi vite. Elle bifurque soudain à gauche, se rapprochant dangereusement d'une ravine qui court parallèlement à la direction qu'elle a prise. Son souffle devient saccadé, ses jambes ont de plus en plus de mal à la porter. Et soudain l'inévitable survient : elle se prend les pieds dans une racine et s'étale de tout son long. Le contact avec le sol est rude, elle roule sur elle même en hurlant lorsque la flèche s'enfonce davantage dans son épaule blessée. C'est fini, pense-t-elle avec amertume, elle n'aura pas fait long feu sur ces terres, et son billet de sortie va lui être administré par un gnome. Elle ferme les yeux, refusant de regarder la mort en face. Elle perçoit les pas de son adversaire puis plus rien, le nain a dû s'arrêter, il s'apprête maintenant à lui donner le coup de grâce. Des larmes se mettent à couler lentement sur ses joues, elle pense à Keï et... se réveille.
Il est encore tôt. Ses draps sont trempés sous elle, son bras, coincé sous son corps, est ankylosé et le seul fait de le bouger réanime une armée de fourmis qui se mettent à lui courir dessus et dedans sans aucune pitié. Elle écarquille les yeux et tente de reprendre pied dans la réalité. Ce n'était qu"un cauchemar, mais comme il lui semble encore réel ! Elle jette un regard circulaire mais aucun nain ne la menace de sa hache au tranchant effilé. Ce n'était vraiment qu'un sale rêve.
Son soulagement n'est pas feint. Elle se retourne dans son lit et ferme les yeux. Sa respiration redevient plus calme tandis que ses pensées s'entremêlent dans sa tête. Elle sait pourquoi elle a rêvé ça, sans aucun doute possible. Aujourd'hui, elle va partir toute seule en campagne, comme une grande ! Keï le lui a annoncé hier soir et elle entend de nouveau les paroles de la commandante en chef des armées orcs résonner dans ses oreilles:
- Gamine, le haut commandement en a décidé ainsi : il est temps pour toi de combattre seule. Fais tes bagages, tu pars demain pour Pannacottadhil. Tu auras à ta disposition une escouade de valeureux guerriers. Ils veilleront sur toi.
Elle avait regardé Keï avec des yeux effrayés avant de s'adresser à elle en signant rapidement avec ses mains :
- Mais je ne suis pas prête !
La commandante en chef lui avait répondu de la même manière, avec ce langage silencieux et particulier à elles deux :
- Si ma chérie, tu es prête. tu as fait d'énormes progrès dans le maniement des armes et tu es douée pour la tactique. je te fais entièrement confiance, tu vas dignement représenter notre Maison.
- Mais je ne peux pas y aller sans toi...
- Si, il est temps.
Et Keï avait fait demi-tour, les yeux brillants de larmes malgré la fierté qu'elle ressentait.
Cela faisait longtemps maintenant qu'elle avait recueilli la gamine et toutes ces lunes passées à l'entraîner et à l'initier au combat allaient enfin pouvoir porter leur fruit : Gamine était prête.
Le reste de la soirée avait passé en un éclair : il lui avait fallu préparer ses affaires, signer des tas de documents et aller passer en revue son escouade. Keï lui avait sélectionné un échantillon de guerriers qui, à première vue, lui avaient semblé redoutables.
Et d'ici à peine une heure, elle allait devoir laisser la citadelle et Keï pour s'embarquer vers l'inconnu. La jeune fille ne peut s'empêcher de frissonner à cette seule pensée et elle ramène les couvertures sur elle d'un geste hésitant. Elle s'efforce de faire le vide en elle et ça marche. A peine quelques minutes plus tard, elle se rendort avec l'insouciance de ses jeunes années.