Forum - Isram le Naïf - Marmidhil

Index des forums > Rôle Play > Isram le Naïf - Marmidhil

Isram Le Naïf | 06/04/24 10:16

Isram regardait depuis la grève disparaître, toutes voiles dehors, la goélette qui les avait déposés.

Il n'avait pas compris pourquoi il était indispensable de débarquer les passagers pour ramoner la corne de brume, ainsi que le capitaine lui avait expliqué. Ni pourquoi il fallait la tester au large, toujours sans passagers. Son précepteur et mentor, le vieux scribe Otis, avait tenté de protester, comme souvent ces derniers temps. Mais sur un navire le capitaine est seul maître à bord, avant même son Prince. Et ça, Isram le savait et le respectait. Il avait donc amicalement sermonné Otis.

La mort inattendue sa mère la Reine le chagrine encore. Il ne se figurait toujours pas comment elle avait pu, par maladresse, se percer la carotide avec son aiguille à broder, elle qui avait depuis des décennies orné tant de draps et napperons de ses motifs familiers, sans jamais se piquer les doigts. Et sa dame de compagnie qui s'était murée dans le silence depuis l'accident. Elle avait même défailli lorsque Isram, accompagné par le Grand Sénéchal, avait voulu partager son désarroi avec elle. Après tout, c'était elle qui avait passé le plus de temps avec la Reine récemment, et jusque dans ses derniers instants.

La mort de son père, il y pensait moins, maintenant qu'une lune était passée. Une indigestion fatale, pour un fin gourmet comme le Roi, c'était à la fois incongru et presque prévisible. Les fruits de mer, peut-être, mais personne d'autre n'avait été malade. Ou le magnifique gâteau cuisiné "pour Sa Majesté seulement" par le nouveau cuisinier du château. Un excès de crème sur des libations déjà bien gourmandes, sans doute.
Les obsèques avait été grandioses, et le Grand Sénéchal avait été très présent auprès de sa mère, qui restait froide et distante malgré les attentions qu'il tentait de lui apporter. Le chagrin, probablement.

Il est clair que le peuple avait aimé son bon Roi, mesuré dans le faste, ayant apporté paix et prospérité au royaume, préférant commercer avec ses voisins plutôt que d'engloutir des fortunes pour les ors et les armes d'une gloire sanguinaire.

Sur les conseils du nouveau régent, le Grand Sénéchal, Isram avait embarqué pour commencer son règne par une visite aux frontières, en commençant par les plus lointaines, par delà le continent natal et les mers limitrophes. Rien de mieux qu'un voyage pour forger jeunesse et caractère, et se présenter en personne aux seigneurs voisins assurerait son aura dans tout le monde connu. Cette perspective faisait raisonner un je-ne-sais-quoi dans le cœur d'Isram.

Otis, quelques soldats et serviteurs, ainsi quelques artisans conseillers de son père le Roi avaient tenu à l'accompagner dans ce voyage. Les mêmes qui avaient pourtant passé des jours à tenter de le dissuader de faire cette expédition formatrice, et à le pousser à monter sur le trône immédiatement. Mais son choix était arrêté, d'autant qu'il rêvait de relater plus tard ses aventures extraordinaires aux plus jeunes, ainsi que l'avait fait pour lui le Grand Sénéchal.

La goélette était maintenant invisible, et le soleil descendait vers l'horizon. Émergeant des ses pensées, Isram vit que ses hommes avaient déjà monté un campement et préparaient un repas, sans doute pour s'occuper en attendant le retour du navire.

Isram Le Naïf | 06/04/24 10:19

Cela faisait maintenant quelques lunes que le bateau les avait déposés, lui et ses hommes sur cette grève déserte. Et n'avait pas reparu à l'horizon. Une avarie, un Craque-haine peut-être ?

Les quelques indigènes croisés avaient indiqué que ce continent se nommait Marmidhil, et que d'autres étrangers venaient de s'y installer à divers endroits.
Il était temps pour Isram de prendre en main l'organisation du campement, de construire un pigeonnier et de s'abreuver des connaissances accessibles dans la mémoire de ses compagnons, les sagas anciennes, les légendes intemporelles et les récits d'illustres explorateurs.

Isolé tout d'abord, ses pigeons restants sans réponses, ou réponses tardives et laconiques, il doutait. Ce continent était-il réellement habité, les autres seigneurs étaient-ils xénophobes au point de l'ignorer, y avait-il un complot pour égarer ses explorateurs et les forcer à revenir bredouilles ?

Bientôt cependant la rumeur de son arrivée se propagea sur tout le continent et plusieurs seigneurs saluèrent Isram le Naïf de leurs pigeons, quelques ambassadeurs en caravanes firent même la courtoisie d'une visite. Isram se rapprocha de ceux aux pigeons les plus rapides, et dont ses explorateurs avaient découvert les routes d'accès.

La guerre. Les attaques, les morts, le pillage. Tel était le monde qu'Isram découvrit. Son anxiété grandissait, redoutant d'être agressé par un inconnu, et pourtant il infligeait lui-même cette injustice à d'autres. C'est ainsi, lui avait-on expliqué, frappe avant d'être frappé, si tu veux survivre.
Engagé dans une alliance, apprenant beaucoup auprès de ses pairs bienveillants, surpris parfois de leur décisions, mais respectant leur expérience et craignant aussi de leur déplaire, il s'engagea pleinement dans cette folie sanguinaire. Il trahit même par omission, si l'on peut dire. Il dormait peu, et mal.

Combattre pour survivre, oui bien sûr. Mais frapper sans provocation, aux côtés de goules et de harpies, d'hommes-serpent et de corsaires avides ? Ses alliés étaient francs et précis sur le parchemin, amicaux et bienveillants même. Leurs armées impitoyables. Et les soldats d'Isram aussi.

Enfin se dessina la fin des combats, alors que les armées alliées, plus puissantes que jamais, avaient attaqué et vaincu chacun des autres seigneurs sur les terres de Marmidhil.
Le repos, la fin de l'inquiétude... Mais pas la paix de l'esprit : y avait-il eu une seule bataille où son alliance ne fut impliquée ? Sans son élan meurtrier, le monde aurait-il pu être moins sanglant ?

Une dernière réunion avec ses alliés, une conférence de paix et de partage. Isram ne réclamerait pas de terres sur Marmidhil, préférant partir et tenter de retrouver l'insouciance de son pays natal, par delà les mers, où malheureusement ne l'attendent plus ni son père ni sa mère. Sans doute recroisera-t-il des seigneurs d'ici évincés, dans de circonstances forcément différentes, et sans doute d'autres tourments suivront.
Aujourd'hui c'est la célébration de la victoire, et toutes les distractions seront les bienvenues pour assurer une nuit sans rêves ni cauchemars.

Isram le Naïf

Celimbrimbor | 07/04/24 10:27

Ah, les joies douteuses de la guerre. Que les vents vous soient favorables.

Index des forums > Rôle Play