Forum - Les terres perdues

Index des forums > Rôle Play > Les terres perdues

Carlyle | 01/07/07 21:04

Les flammes faisaient craquer les bûches dans la cheminée, et dans la grande halle du Nord, le silence était glacial. Non pas que l'hiver fut plus froid qu'à l'accoutumée, ou que les coeurs aient été moins proches qu'avant, mais la silhouette qui se découpait dans l'embrasure de porte projetait dans la salle une atmosphère irréelle et sombre. Le vent qui s'était engouffré en même temps que l'ombre gigantesque du vieil homme avait fait trembler les torches, et se taire les conversations. Le jarl se leva de son siège avec une lenteur toute calculée, tandis que les hommes assaillaient la figure ténébreuse de mille regards interrogatifs. Les femmes cachaient leurs enfants sous leurs jupes. Il s'avança d'un pas très lent vers le foyer brûlant, et la porte claqua derrière lui, sans que personne n'y eu touché. Normal, du moins, rien de surprenant. Il déposa son bâton de rune contre le haut siège, et jeta un oeil lourd vers le jarl, qui se contenta de s'incliner lentement. L'autre s'assit, ses articulations craquant dans le silence, audibles par tous, témoins du poids de son âge. Il leva la main vers le centre de la halle, et le feu gagna soudain en intensité. Lui, plus grand, plus noble, d'un seul coup, rejeta sa lourde silhouette en arrière, se redressant sur son siège, devenant, non pas l'esprit des neiges, mais le scalde du village. Il gronda sourdement, et enfin commença d'une voix aussi vieille que le monde, et peut-être plus encore.

« Je crois, au vu des mouvements des étoiles et des murmures des arbres, qu'il est temps pour moi de faire quelque chose que je n'ai pas eu l'occasion d'accomplir depuis des années. Le village des terres perdues va devoir se défaire de son sang une nouvelle fois, la première depuis des éons dont je suis la mémoire vivante.

Avant de vous confier mes pensées, avant de vous confier vos projets, avant de commencer l'Histoire présente, laissez-moi vous plonger dans la Grande Histoire, dans les temps passés que vous n'avez pas connu, quand les héros et les dieux marchaient sur le monde, et que le Tout veillait à l'harmonie grandiose de l'univers. Laissez-moi vous amener dans cette galaxie étrange que désormais les hommes appellent Faërie, et que seuls vous êtes encore apte à connaître pour vrai.

Or donc, quand la voûte du ciel enfermait les terres dans son étreinte amoureuse, d'une certaine façon, tout allait bien. Ne souriez pas, enfants du temps, mais il n'est pas de plus belle phrase pour décrire la situation d'alors. Les hommes étaient libres et francs, leurs héros joyeux et éradiquaient les quelques manifestations du Néant en faisant parfois appel au pouvoir des dieux, qui siégeaient paisiblement dans des espaces hors ou reculés. Le temps béni, en somme, le paradis perdu, d'une certaine manière. Les terres perdues ne l'étaient pas alors.

Je passerai vite sur cette époque incroyable, dont les souvenirs bercent encore les nuits des hommes. Ce qu'il vous faut savoir, c'est ce qui s'est passé après. Quand les terres ont tremblé. Quand les mers se sont soulevées. Quand les dieux se sont battus.

Le cataclysme fut incroyable, les hommes, balayés par la violence des chocs des héros et des dieux. Les dieux eux-mêmes s'entredéchiraient dans la barbarie la plus totale, le ciel était obscurci par le sang et l'ichor des êtres divins qui rivalisaient de férocité, de barbarie et d'horreur. Dans le silence des cris affreux qui emplissaient le monde, nul ne pouvait prétendre être neutre, nul ne pouvait ne pas choisir de camp. Il fallait être avec une faction, ou une autre, pour défendre sa vie, pour défendre son clan, pour espérer rien qu'un instant se sortir vivant de pareille folie.

Le Tout se désolait, mais parce que tout puissant, parce démesurément au-delà de toute compréhension, il ne pouvait intervenir. Il était garant de l'équilibre, pour ainsi dire, et l'équilibre n'était pas mis en danger par une simple guerre divine. S'ils avaient pu toucher, un camp ou un autre, à la trame même de l'univers, il serait évidemment entré en guerre, pour son propre intérêt. Mais pour être divins et orgueilleux, ils n'en étaient pas moins pourvus d'une certaine intelligence. Tacitement, ils avaient décidé de rester dans un plan terrestre, pour ne pas encourir le courroux du Tout.

Pourtant, au sein de ce chaos provoqué pour une obscure raison qu'il ne m'appartient pas de me souvenir pour le moment, un dieu restait d'un calme étrange. Il observait. Il apprenait. Il computait. Il faisait des hypothèses. Il vérifiait. Il marchandait avec tout le monde. Il gardait son pré carré. Qui n'existait pas. Il observait, beaucoup trop pour n'avoir pas une idée. Et si personne ne lui demandait d'agir, il était clair qu'il préparait quelque chose. Comme s'il avait eu l'idée de ce qui allait se produire. Comme s'il avait eu la prescience de la suite.

Elandel vint parmi nous, parmi vous, peuple des terres perdues qui ne l'étaient encore pas. Il s'installa pendant un temps, le temps et la guerre semblaient ne pas lui importer. Les mondes s'effondraient autour de lui, pour ainsi dire, mais lui restait à vaquer chez nous. Scrutant, je le compris plus tard, nos âmes.

Il était en recherche de celui à qui il allait donner une partie impressionnante de son pouvoir. Pas la totalité, mais presque, en fait. Il lui fallait une âme à l'image de son être. Calme, lente, sûre d'elle, capable d'attendre, encore, toujours, logique, froide, calculatrice, planificatrice.

Et il trouva Carlyle.

C'était un brave garçon. Très gentil, très secret. Il rendait service à qui le lui demandait. Il était, étrangement, de ce genre de natures qui aiment à résoudre les problèmes des autres, et éviter d'affronter les siens. Il trouvait solution à tout ce que l'on lui opposait. Toujours. Plus ou moins lentement, mais sa logique imparable finissait toujours par triompher. Elandel passa un très long moment à l'observer, puis un jour, disparu, tout simplement.

Le grand cataclysme, dont les événements précédents n'étaient que de pâles répliques anticipatrice, se déroula finalement.

Le Tout avait trouvé une solution. Il l'avait toujours connu, évidemment, mais il avait préféré vérifier que les dieux n'arrivassent pas à s'entendre, jusqu'au bout, avant de recourir à cette extrémité.

Il se retira.

Un matin, le Tout n'était plus présent que sous la forme bâtarde que nous connaissons alors sous le nom de magie, même si celle d'aujourd'hui n'est qu'une relique de ce qu'elle était à l'époque, pourtant déjà bien inférieure. Conséquemment, les dieux perdirent leurs pouvoirs et disparurent.

Elandel avait déjà chargé Carlyle de son savoir, de sa puissance. Et l'avait prévenu du sort de notre village.

Les terres furent perdues. Notre village disparut du monde, emmené par le Tout hors de l'espace et du temps dans ce Nord incertain. Nous devînmes légendes, murmures, puis plus rien, sinon le nom d'un ordre de paladin créé dans des circonstances étranges.

Pourquoi avions nous été choisi ? Je ne sais. Sans doute car, de tous les peuples humains, nous étions les seuls à n'avoir pas de héros, et à ne pas participer, alors, à la guerre. Neutralité forcée par notre impuissance.

Ne tressaillez pas. Aujourd'hui, vous êtes bien plus grands que vos ancêtres l'ont jamais été. Ils avaient compris la leçon, et depuis ce jour, s'étaient préparés à avoir à agir. Ainsi ont-ils pu retarder Carlyle voilà des éternités. Et ainsi allez-vous pouvoir contrecarrer à nouveau ses projets en ce temps.

Trois guerriers partiront. Trois guerriers que je vais nommer. Ils rejoindront le monde, et combattront Carlyle. Je ne peux vous dire comment, je ne peux vous dire avec l'aide de qui. Je sais seulement que le Tout placera sur leur chemin un homme digne de confiance.

Laissez-moi vous remonter de ce temps que d'aucuns nomment contes, laissez-moi vous rappeler de cet univers que certain appellent Faërie, et qui pour nous est Histoire. Laissez-moi achever mon histoire et les rêves que j'ai fait. »

Les images qui dansaient dans le feu depuis qu'il avait pris la parole s'éteignirent une à une, et lui se leva du haut siège. Il reprit son bâton de rune, et marcha sur la table vers la porte. Dans son chemin, le scalde effleura Hrothgar, Haraldr et Scyld.

Le portail de la halle s'ouvrit devant lui, et il s'engouffra dans la neige et le froid, redevant l'esprit des bois, hantant les marges du monde, hantant les marges des mondes, rapportant au village la volonté du Tout.

Carlyle | 01/07/07 21:10

Suite de :

1) Monologue oublié : [Lien HTTP]

2) Fragments epars : [Lien HTTP]

3) Séance inamicale : [Lien HTTP]

4) Eva : [Lien HTTP]

5) Vol de nuit : [Lien HTTP]

6) Les Minutes de la Confrérie Blanche : [Lien HTTP]

7) Orchestral manoeuvre in the dark : [Lien HTTP]

8 ) Echange et mots couverts : [Lien HTTP]

9) Le Chant des anges : [Lien HTTP]

Edité par Carlyle le 01/07/07 à 21:19

Mamba La Vengeresse | 02/07/07 12:04

C'est que ça ferait presque froid dans le dos

Mais je ne crois toujours pas à un Carlyle gentil étant petit

Bart Abba | 02/07/07 13:22

Epastrouillant ! Chapeau bas !

Zoltahn Kodaly | 03/07/07 01:04

La suite se fait attendre ! Même si je gage qu'elle sera là bientôt

Index des forums > Rôle Play