Forum - [Mytholodhil] Souvenirs, folie, souffrance.
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Ragzâkor | 22/11/07 23:46
« Avance, ou je fais du sushi de gobelin !
-Oui, puissant Sire... »
L'Orc soupira. La créature qui le devançait de quelques pieds était tout sauf fiable, mais elle était aussi sa seule chance de sortir un jour de ce maudit piège dans lequel il s'était enferré. A en juger par les vivres qui lui restaient et en tenant compte de la régularité de ses phases de sommeil, cela faisait environ sept lunes qu'il errait, accompagné de la chose qui lui tenait lieu de guide.
« Allons-nous oui ou non sortir un jour de ce fichu brouillard !
-Maître, vous ne devriez pas, oh non...
-Je ne devrais pas quoi ?
-Insulter cette brume divine, car divine elle est, oh oui...
-Allons donc. Et comment le sais-tu, toi qui n'est pas même capable de poser un piège à lapin seul ?
-Messire, aucun endroit sur cette terre n'est si vaste que nous n'en puissions le traverser en tant de lunes. Nous sommes donc dans un endroit à tout le moins magique, sinon plus encore. De plus, le silence qui nous entoure n'est pas naturel. Beaucoup de gens sont rentrées par-là même où nous avons débuté notre périple. Et...
-Périple ?! Pour que ce voyage soit un périple, il faudrait des aventures, des combats, des rencontres, que sais-je encore ! Pour l'instant, nous nous bornons à survivre comme nous pouvons. Tu m'avais pourtant juré d'être le meilleur des éclaireurs qui soit, et moi, pauvre aveugle, je t'ai cru ! A présent, nous sommes pris au piège d'un labyrinthe comme il en existe tant de par les contrées qui jalonnent ce monde. Tais-toi et avance donc, pauvre fou.
Mais malgré sa détermination à vouloir sortir à tout prix de la chape qui les oppressait, Ragzâkor savait que les propos du gobelin n'étaient pas si infondés que lui-même avait voulu le faire paraître. Les volutes cotonneuses qui les enveloppait ne semblaient pas vouloir les laisser passer et plus d'une fois depuis le début de leur marche, il avait cru entendre des voix par-delà les murs de vapeur. « Il a raison, il est anormal que nous ne croisions personne... »
L'Orc ruminait en cheminant sur les traces du gobelin lorsque ce-dernier trébucha bruyamment :
« Aïe, ouille, ouille, aïe !
-Allons bon... Qu'est-ce qui me vaut le déplaisir d'entendre tes grognements nasillards ?
-Ces pierres étranges, Seigneur, ces pierres-là ont failli faire tomber le pauvre Ceuhl, ouille, aïe, aïe...
-Des runes !, s'exclama l'Orc tandis qu'il ramassait les cailloux gravés de symboles. Hum, voyons voir...
Après une demi-heure de « vision », l'Orc décida qu'il réfléchirait plus tard au mystère recelé par ces pierres. Ils continuèrent donc à marcher, jusqu'à ce que le gobelin s'écroule, ivre de fatigue.
« Seigneur... Hhhh hhhh... Je ne puis plus avancer, arrêtons-nous ici, s'il vous plaît... Hhhh hhhh... Juste dormir quelque temps...
-On poursuit.
-Mais Seigneur, je ne peux plus vous suivre, et donc vous guider... Vous allez vous perdre dans ce dédale sans moi...
Devant l'absurdité de la réplique du gobelin, l'Orc fut pris de spasmes hilarants incontrôlables.
« Me perdre ? Me perdre ! Comme si ce n'était déjà fait !
-Mais Seigneur...
-En fait, à bien y réfléchir, tu ne m'es d'aucune aide...
-Seigneur ?!
-Tu ne soutiens pas mon rythme, tu te nourris de mes provisions, je suis responsable de ta sécurité et pire que tout, tu ne remplis pas la mission que je t'avais donnée : me faire atteindre l'autre extrémité de ce labyrinthe.
-Pardon, puissant sire..., implora le gobelin en se jetant à genoux.
-En fait, tu es plus un fardeau qu'un avantage dans cette bataille qui m'oppose à cet endroit, poursuivit l'Orc, imperturbable.
-Fardeau ? Seigneur, pitié !
-Pitié ? Pourquoi devrais-je te prendre en compassion ? Tu me freines dans ma quête, quelle qu'elle soit. D'ailleurs, le panneau à l'entrée était clair : « Entre ici pour trouver la voie te menant vers la paix intérieure, ou reste dehors à jamais tourmenté par le remords ». Rien ne m'oblige à te garder en vie, puisque selon cette indication il s'agit d'un voyage vers sa paix personnelle.
-Non, Maître, non !
-Tu dois donc mourir, car c'est ce qu'il m'a été murmuré à maintes reprises dans ces couloirs brumeux.
-Murmuré ? Mais demandez-vous par qui, Maître, qui vous a parlé ? Demandez-vous avant de...
TCHAC !
...
... ...
... ... ...
Ragzâkor se réveilla en sursaut dans son lit. Le lit, les gardes dehors, la ourte au milieu du campement, Cosmopolitadhil. Encore ces images qui le hantaient, même après tant de temps écoulé. En sueur, il se leva et se servit un verre de kvahl de la fiole qui trainait près de son arme. Cette violence dans ses dernières paroles à ce gobelin, cette sensation d'exaltation au moment où sa puissante Lochabre avait décapité la créature, le goût du sang léché sur ses mains... Et surtout, ce sentiment de ne plus s'appartenir, d'avoir été manipulé par quelque force obscure dans le seul but de lui faire commettre cette ignominie : détruire l'être protégé, faillir à son honneur en brisant un serment, tuer celui qui n'est pas armé... Et surtout... Ses tripes se révulsèrent sous l'effet de l'alcool et de ces pensées qui le torturaient et il rendit un crachat fumant de bile. Il se dégoûtait, persuadé de n'avoir pas été lui-même dans cette brume malsaine et pourtant... Il avait aimé ça... Il avait aimé boire le sang du gobelin jusqu'à la dernière goutte...
