Forum - 5 - Les Monstrures du Cauchemar
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Le Déchu | 23/11/07 21:54
Dans son état de grande fatigue psychologique, les récents évènements avaient quelque peu choqué le cerveau malade de Morrdred, et il ressentit pour la première fois depuis plusieurs mois le besoin de dormir. Au loin, il apercevait la ceinture montagneuse qui protégeait l'ancienne citadelle de Drazankhar, maudit parmi les maudits. Une journée de marche, estima-t-il.
Il s'allongea entre deux rochers et s'endormit la face sur le sac à dos. Dans sa tête, il se voyait chuter dans le vide alors qu'il pénétrait dans un sommeil profond.
Sa chute onirique s'acheva sans heurt dans un marécage vert, sombre et poisseux, qu'il avait souvent navigué, affamé, à la recherche des secrets de son cerveau. Souvent, aussi, il y avait coulé comme une pierre.
Autour de lui se dressaient des stalagmites vertigineuses, verdâtres elles aussi. Plus haut, le ciel était comme la voûte d'une caverne immense, parcourue d'ombres qui se faufilaient entre les concrétions, très loin.
Il baissa la tête : non plus le marais mais une mer de flammes furieuses à perte de vue. Une forme s'avançait vers lui, ignorant comme Morrdred la brûlure de ce feu de cauchemar. Son armure rougie et noircie était hérissée de quatre lames droites sur le côté de chaque genou, six lames courbées à chaque poignet, et trois pointes aux épaules. Ses cheveux noirs flottaient autour d'un visage d'Elfe à demi masqué de cuir.
Même en rêve, le Déchu ne craignait pas ce genre d'apparition. La partie nue du visage de l'étranger ressemblait trop au sien, et il approchait trop vite, mais Morrdred leva le bras pour l'arrêter.
« Halte, apparition ! Présente-toi au rêveur dont tu arpentes la cervelle sans permission!
-J'ai le nom que tu me donnes et puis je m'en vais. » Dit l'être en le traversant.
Dominé par la puissance de ses propres visions, le Déchu ne put le retenir.
Les flammes et leur mouvement devinrent des cristaux de glace qui s'élevaient, hauts comme des montagnes, la voûte obscure éclata, et au-delà une nuit noire s'ouvrit grand. La glace crissait en se propageant, miroirs sombres orientés dans mille directions, se renvoyant à l'infini l'image du Vampire. Il se voyait tel qu'il était, un vampire gris et osseux, oeil sauvage et rictus haineux. Son effrayant reflet lui jouait des scènes de sa vie. De sa vie de Mortel.
Se voir ainsi, dans sa propre enfance, avec les traits de l'abomination qu'il était devenu aujourd'hui, lui fit perdre pied. Pour beaucoup de Vampires le souvenir de l'époque précédant le Don, la Morsure, le Rituel ou peu importe quel nom, était ressenti comme une sensation frustrante, désagréable. Comme un amour perdu sans larme, qu'on peut regretter certaines nuits solitaires, très longtemps plus tard.
Il vomit, se vidant tout entier lui-même par sa propre bouche.
Comme digéré par son propre cauchemar, il eût la trompeuse impression de se réveiller, pendant un court instant, puis il replongea dans le décor halluciné de son royaume intérieur.
Chevauchant un majestueux griffon au-dessus d'une forêt nocturne, le Vampire avait à présent retrouvé sa noblesse et sa vitalité. Il riait aux éclats, grisé par la folle vitesse de sa monture. D'autres cavaliers volants planaient dans la nuit, trop loin pour qu'il puisse les reconnaître, mais possédant des silhouettes très familières. Morrdred tentait de percer le sens de ses visions mais ne maîtrisait que difficilement ses idées. Dans un élan de lucidité, il orienta le griffon vers le cavalier le plus proche, espérant parvenir à en distinguer les traits. Mais l'animal, buté, cherchait à plonger au coeur des arbres secoués par un vent démoniaque.
Des voix se faufilaient dans ses vêtements, la voix de son père le Roi, tandis qu'il se débattait avec ses rênes. Les mains du roi placèrent une couronne sur sa tête, une couronne d'ivoire. En y regardant de plus près, Morrdred découvrit qu'elle était faite de dents. Il comprit ce message, ayant enfin déchiffré un symbole de son rêve, comme l'on résout une équation. Victorieux, il appela les autres cavaliers :
« C'EST MON EMPIRE ! APPROCHEZ, CAVALIERS, JE VOUS L'ORDONNE ! »
Les formes obéissantes fendirent le ciel devenu apocalyptique, leurs griffons difformes hurlant de leurs mâchoires sépulcrales. Les nuages de feu dansaient sauvagement tout autour d'eux, la foudre déchirait l'éther, en aspirant la vie et l'essence. Les cavaliers noirs, leurs montures devenues monstrures, étaient beaux comme des Démons ! Les Vampires de Daifen étaient ces formes, il les reconnut presque tous, moulés dans le cuir ou nimbés de dentelles sombres, leurs orbites creuses abritant, comme l'huître une perle noire, des yeux brûlants de passion.
Mais la chevauchée à son tour s'effondra, tout l'univers sombrant vers les profondeurs d'immortelles Abysses. Il avait repris le contrôle de son Esprit, et s'était oniriquement enfermé à double tour dans son seul véritable royaume, le vide de son âme absente.
Enfin le calme.
Le Déchu | 24/11/07 13:57
Redevenu maître de son rêve, Morrdred laissa filtrer ses visions, au goutte à goutte. La première à se présenter dans son néant personnel fut l'image de sa fille Alauniira, son corps d'enfant piégé sous la forme d'une statue d'onyx. La jeune fille poussa un cri abominable, mettant à rude épreuve les défenses mentales du Vampire assoupi. Plus le hurlement durait, aussi strident que celui d'une Banshee, aussi effrayant que la menace d'un Démon, plus Morrdred devait lutter contre une nouvelle invasion de cauchemars. Sa fille le fixait avec haine et sa voix montait avec puissance dans les aigus, dans un crescendo déchaîné qui prit finalement le pas sur la volonté du Déchu.
Sa prison se brisa et il fut submergé par les morbides hallucinations qui hantaient son subconscient. Il vit son nom écrit en lettres de flammes dans les Limbes immobiles, et un serpent se déroulait vers lui à l'infini, sans pour autant se rapprocher. Le cri ne cessait pas, s'amplifiant encore. A la cacophonie se mêlèrent des trompettes solennelles qui elles aussi allaient crescendo. Morrdred était en équilibre sur le rebord du Monde, combattant l'emprise du cauchemar avec rage. Une tempête rouge bousculait l'Univers, le hurlement assourdissant semblait provenir de partout à la fois.
Il se jeta dans le vide, fuyant l'horreur de la seule façon qu'il ait pu trouver. Volant à une folle allure le long de la pierre froide, il savait qu'il n'y avait pas d'anciennes eaux pour le sauver, en bas. Il devait se sauver lui-même, et il chercha la beauté dans la douleur, la sérénité dans la furie des monstres, l'entité derrière la voix.
« Viens à moi ! »
Dans sa chute, il vit un navire qui volait dans l'espace. L'équipage mort lui tendait la main. Sans hésiter, il tendit la sienne en retour.
Il s'éveilla, tremblant.
Dès qu'il le put, il trempa une plume dans de l'encre et prit des notes, dans le but de comprendre ce que son cerveau avait tenté de lui dire. Frissonnant encore dans l'air pourtant très chaud de la mi-journée, il écrivit ceci :
« Flammes, mon double à moitié masqué de cuir. « J'ai le nom que tu me donnes »
4x2
6x2
3x2
Glace, mon image joue mon enfance de mortel.
Nuit, forêt, montures=griffons, les autres Vampires de Daifen.
Le roi, couronne de dents. Père est mort.
Alauniira hurle, tempête, serpent, mon nom en flammes.
Navire mort, fin du rêve. »
Il étudia ses notes un instant, puis se remit en route vers le Sud-Ouest, guère requinqué par sa mauvaise nuit. Le cri perçant semblait encore se faufiler autour de lui comme un brouillard invisible.
Behaine | 24/11/07 14:25
Enivrant !
