Forum - Le sixième conte.
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Celimbrimbor | 06/12/07 18:43
Il sera une fois, dans un pays pas si lointain, un enfant déjà grand, qui réussira de hauts faits, et dont le nom sera célébré dans tout le royaume. Un matin de printemps, avec le coeur lourd de laisser sa maison, il quittera ses parents, oh, pour peu de temps, pensera-t-il. Sur son dos, il n'aura rien que ses affaires du jour, et son sac léger, pour transporter de quoi manger le temps de son voyage. En outre, tout son courage il aura, toute sa fierté aussi.
Pourquoi partira-t-il, cet enfant plus si jeune ? Il faut savoir qu'en ce pays, il y'aura un monstre, dragon ou orge, vouivre ou sorcière, une princesse à sauver, un château à délivrer, des maléfices à lever, des méchants à punir. Qu'importe, en fait, ce qu'il y'aura, mais il y'aura quelque chose, car sinon l'enfant ne partira pas, et s'il ne partait pas, il ne sera pas une fois.
Il marchera dans ce pays enchanté tout le jour, se reposant souvent, admirant les eaux vives des torrents, les beautés de la nature. Un instant, même, lassé de son voyage, il s'arrêtera sous un arbre et profitera quelques heures de la quiétude du végétal vénérable. Sous les feuilles, il musera avec les écureuils, les oiseaux et le vent.
Et puis la nuit tombera, le saisissant marchant, et sur lui s'abattra la froide main de la peur. Il ne tremblera pas, cependant, et ira son chemin, sursautant au moindre bruit, mais courageux pourtant. Chaque ombre lui semblera une horrible bête, un piège terrifiant. Chaque son de la nuit fera flancher son coeur, mais après un recul, il se ressaisira, et encor avancera. La nuit, finalement, lui semblera amie. Sortie de la forêt -car forcément, il sera entré dans une forêt tard dans l'après-midi pour couper court à son long trajet- il trouvera sur lui la lueur scintillante des étoiles, et la lune lui murmurera des paroles rassurantes. Alors il sourira de tout son coeur d'enfant, et se mettra à courir vers la maison qu'il apercevra au loin.
Voilà l'étape de son voyage. Il fera grincer dans la nuit bienveillante les gonds du portillon léger lorsqu'il le passera. Les graviers du chemin craqueront sous ses pas, et le bois de la porte rendra un son sourd quand il frappera. Non, il ne saura pas ce qui l'attendra dans cette maison. Il connaîtra seulement ce qu'en disent les rumeurs. Il saura seulement qu'ici il doit dormir, s'il veut continuer son chemin le lendemain.
Une femme, magnifique, lui ouvrira la porte, lui sourira doucement, mais ne dira rien. Elle l'invitera à entrer en sa demeure, où l'attendra un plantureux repas, auquel, bien entendu, il fera plus qu'honneur. Ensuite, elle lui montrera le lit qu'elle lui aura préparé, et tandis qu'il se glissera sous les draps satinés, elle remettra du bois dans l'âtre de la cheminée et se préparer à le veiller. Tranquillement, il se passera la nuit, sans aucun incident, et au matin, l'enfant quittera la maison, plein de courage encore.
Il lui semblera avaler les lieues sous ses pas, et aller plus vite que le vent. Il lui semblera voler, presque, et il manquera de passer à côté du campement du roi. Car oui, rien moins que le roi et sa cour se seront déplacés pour attendre le héros qui chassera le monstre. L'enfant recoiffera sa tignasse en désordre, lissera ses vêtements, et plein d'humilité et de timidité entrera dans le camp.
Les chevaliers hautains ne le remarqueront pas, et manqueront plusieurs fois de l'écraser sous leurs chevaux. Les servants l'apercevront à peine, et le chasseront sans jamais rien lui dire. Les gamins seuls le verront vraiment, ainsi que son courage. Ils lui indiqueront la tente du roi, et quand il pourra être sûr que celui-ci l'écoute. L'enfant les remerciera, et ira trouver le roi, juste avant son repas.
L'endroit sera très beau, mais d'une beauté clinquante, complexe, trop belle pour être honnête. Le roi et ses hommes les plus proches seront attablés, et discuteront tête basse, plein de deuil. Ils pleureront leurs compagnons tombés contre le dragon -car, je ne l'avais pas dit, mais le monstre sera bien un dragon- et se lamenteront sur le sort du pays. L'enfant se montrera devant cette assemblée. Ils riront, tout d'abord, de voir ce moucheron sans épée prétendre les aider. Ils riront, mais bien vite les rires s'estomperont. Un enfant aussi sérieux, il faut le prendre en considération.
Ils protesteront, défendront, argueront, tenteront d'empêcher l'enfant d'aller chercher le montre. Ils lui diront, oh, plein de choses raisonnables et vraies. Mais jamais l'enfant ne perdra son courage. Jamais ses yeux ne perdront leur lueur. Il restera droit et humble devant le souverain, sa décision prise depuis longtemps.
Devant tant de valeur, le roi finira par céder. Il proposera à l'enfant de l'accompagner, de lui allouer l'aider de ses chevaliers, pour le protéger, pour l'assister au coeur du combat. L'enfant, toujours droit, toujours refusera. Il dira que les chevaliers effraieront le dragon, que le roi le mettrait en colère. Il dira cependant « Vous pouvez venir, mais restez bien derrière. »
Alors l'étrange troupe se mettra en marche vers la colline où demeurera le dragon. Ce ne sera pas un paysage ravagé, brûlé, un antre obscur dans le flan creusé. Cela ne sera pas un fort, ou un volcan où se retrancher. Mais une simple colline, comme il y'en a partout.
Non. Ce qui sera remarquable, ce sera le dragon. Il sera gigantesque, et son corps couvrira le dôme de la colline entier. Ces ailes légères reposeront le long de son torse, qui se soulèvera au rythme majestueux et lent de sa respiration. Sa gueule, bardée de crocs, laissera échapper des volutes de fumée blanche, et sera pareille à une oeuvre d'art qu'un forgeron aura passé des années à créer amoureusement. Ses yeux, mi-clos, laisseront voir de fines pupilles félines, et un ambre gracieux sous de lourdes paupières. Il sera beau, d'une beauté sans pareilles, et non pas rutilante. Il sera beau, beau et terrifiant.
Terrifiant, car dès qu'il aura aperçu l'équipage venir, il se sera courroucé, il aura fait voir des flammes, sortir ses griffes. Il rugira, et sa voix portera le tonnerre et charriera des éclairs. Il dardera sa langue avec une mimique gourmande. Et puis, ses yeux tomberont sur l'enfant. Aussitôt, sa colère s'estompera, comme chassée par le vent.
Sur la colline régnera le silence, et le temps semblera s'être arrêté. Entre l'enfant qui n'aura pas quinze ans et le dragon plusieurs fois millénaire s'engagera alors un silencieux dialogue, un échange muet, entre une conscience apurée d'avoir trop vécu, et une trop jeune pour être entachée. Et puis, alors que le vent miaulera timidement dans le silence, l'enfant s'avancera vers le dragon, à pas lents contournera le corps gigantesque. Le monstre bougera ave mille précautions, déplacera son poids pour révéler son ventre sans écraser l'enfant.
Devant les yeux ébahis des chevaliers et du roi, l'enfant se glissera sous le lourd animal. Là, tandis que le torse du dragon se soulèvera et s'abaissera comme un soufflet ; là, dans un bruit de forge ; là, l'enfant contemplera mille merveilles. Et puis, coincé sous une écaille, il trouvera ce qu'il sera venu chercher. Une pierre, une simple pierre pointue qui, alors que le dragon frôlait de trop près des montagnes, s'était logée au point faible de la bête, et le faisait souffrir à le rendre fou. De sa main habile, l'enfant ôtera la pierre, et l'immense soupire du dragon retentira sur la plaine.
L'enfant s'extirpera de sous le ventre du dragon, et se plantera devant lui. A nouveau régnera le silence, et le roi et les siens seront exclus encore de l'échange entre ces deux belles âmes.
Soudain, le dragon approchera sa gueule de l'enfant, et les hommes aussitôt trembleront et sortiront leurs armes. Sans rien dire, l'enfant s'approchera aussi, et s'aidant des écailles saillantes du dragon, grimpera sur sa tête, et se logera tranquille, à l'aise entre ses cornes.
Alors, dans un rugissement grandiose, le dragon étendra ses ailes qui recouvreront sa colline. D'un battement puissant, il s'élèvera dans les airs, puis de plus en plus haut, et son ombre planera sur la plaine sur les hommes effrayés. Il se mouvra dans le ciel avec grâce et beauté. Il portera l'enfant aux plus beaux points du monde. Il lui montrera les plus hautes montagnes, les plus glorieuses chutes d'eau, les plus belles forêts. Il lui fera respirer l'air des étoiles, et s'abreuver aux rivières de la lune.
Et quand le jour finira, quand la nuit étendra son ombre reposante sur les pays du monde, le gracieux dragon déposera l'enfant chez lui.
Là, avec ses affaires du jour, son sac plus léger encore, et les yeux pleins d'émerveillements et de fantaisie, il rentrera en sa maison, heureux, tout simplement.
Ainsi sera-t-il une fois, dans ce pays pas si lointain, un enfant jeune encore qui réussira de hauts faits, et dont le nom sera célébré dans tout le royaume.
Mais pour que cela soit, il te faut dormir mon enfant, car dans tes rêves que tu accompliras de plus grandes choses encore.
Black Mamba | 06/12/07 19:01
Original
J'aime bien.
Farang Brisevent | 06/12/07 19:12
Poétique. j'aurais bien relevé une ou deux lourdeur qui m'ont fait quitter l'instant de leur lecture ce conte merveilleux et émouvant, mais je prefere les oublier pour ne dire que, l'espace d'un temps, j'ai été cet enfant.
Pépé Narvalho | 07/12/07 17:50
Moi j'ai beaucoup aimé, a la fois l'histoire et le style (bel emploi du futur).
Ca donne envie d'aller se coucher pour vivre d'autres histoires en reve.
Loken Nifelheltyr | 18/12/07 21:22
moi j'me couche bourré, mais y m'arrive quedalle.
Movézeuil Kazdarüm | 19/12/07 13:12
J'adore.
A quand le 7ème ? 
Edité par Movézeuil Kazdarüm le 19/12/07 à 13:12
Baramir d'Eckmöl | 20/12/07 12:46
Et ou trouver les précédents ?

