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Lancwen de Sigil | 09/01/08 18:16
De lourds nuages sombres annonciateurs de pluie s'amoncelaient au dessus de la citadelle. Allongé dans son lit, Gaerdem ne pouvait que voir la lumière qui faiblissait, la rendant encore plus terne qu'a l'habitude sur ces terres dévastées. La douleur l'avait une nouvelle fois contraint au repos, cette douleur lancinante qui parfois se réveillait aussi soudaine qu'un orage d'été. Depuis sa blessure sur Squiggodhil, l'elfe n'avait jamais complètement récupéré, il sentait encore le froid de la larme pénétrer ses chairs, la chaleur de son sang se rependant sur son ventre.
Pendant ces moments ou il lui était difficilement possible de se déplacer, le vieil elfe laissait son esprit vagabonder. Il se rappelait les retrouvailles entre Nhaundar Syphonn et son père, le futur roi de Cephalopodhil, Mordrred, 'Futur' car il ne doutait pas que le vampire reprendrait le contrôle de l'île des mains du régent. Cette rencontre entre un père et son fils, longtemps séparés, aurait été presque émouvante si les deux elfes n'étaient pas des adorateurs de Yog. Néanmoins, cela eut le mérite de faire remonter des souvenirs que Gaerdem croyait perdus a jamais ou du moins qu'il avait enfouis profondément dans sa mémoire.
Il se revoyait faire les cent pas dans le couloir devant la porte de sa chambre a coucher sur Cephalopodhil, dans sa demeure donnant sur la mer a flanc de montagne.
A l'époque, il était encore noble, personnage doté d'une certaine influence dans les hautes sphères, ses vêtements brodés d'or marquaient son appartenance a une famille riche.
Ses bottes foulaient les pavés de marbre blanc et bleu, l'impatience et l'inquiétude pouvait se lire sur son visage. Bientôt, il rentrerait dans la pièce pour retrouver sa femme des que la sage-femme lui permettrait. Lorsque un messager l'avait informé, il était revenu en catastrophe d'une partie de chasse. Comment faire autrement? Il attendait tant son premier héritier! Même une audience auprès du roi ne l'aurait pas distrait de son rôle de futur père.
Voilà le moment, la porte s'ouvrit devant lui, laissant apparaître ses appartements, sa femme en sueur dans son lit a baldaquin, la sage femme, petite dame au visage fripé par l'age, accoucheuse expérimentée, se tenait a ses cotes, l'encourageant pendant son travail, lui prodiguant des conseils.
Il s'approcha doucement, sans bruit de peur de troubler la scène. Il s'agenouilla au bord du lit prenant la main tendue de sa femme. Elle avait les traits tendus par la fatigue, le visage déformé par la douleur des contractions de plus en plus rapprochées. Chaque poussée se soldait par une forte pression sur sa main, mais peu lui importait, sa femme pouvait lui briser chaque doigt, chaque os un par un, il était prêt a souffrir pour aider celle qu'il aimait plus que tout car rien n'égalerait la douleur de l'accouchement.
Il avait renvoyé tous les augures qui avait voulu lui indiquer le sexe de l'enfant, chez lui une fille serait aussi bien accueillie qu'un garçon car c'était le fruit de l'amour non un enfant héritier.
Il jetait des regards inquiets alternativement vers la sage femme puis vers son épouse ne sachant pas vraiment ce qui se déroulait devant lui. Il avait l'impression que cela durait depuis des heures, il ne pouvait rien faire de plus que d'attendre.
La sage femme donna encore un encouragement, un dernier, sa femme émit un ultime cri de douleur avant qu'un autre cri ne retentisse dans la pièce, un cri de petit enfant aigu mais puissant, signe annonciateur d'une nouvelle vie dans ce monde.
Un sourire s'échangea entre les deux amoureux, cette lueur de bonheur dans leur yeux incomparable.
La sage femme montrant elle aussi sa mâchoire édentée s'approcha lentement tenant le bébé dans un linge avant de le déposer dans les bras de la mère et répondit aux regards inquisiteurs des parents.
« C'est une fille. »
Les larmes au bord des yeux, Gaerdem était heureux, fixé sur l'instant présent, sur le bonheur simple de tenir dans ses bras sa propre fille.
Si seulement a l'époque il avait su que cet enfant chéri le trahirait et causerait sa perte.....
