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La Lune Pourpre | 22/11/06 11:37
Les arbres réduits à l'état de squelettes se faisaient le gardien d'un temple obscur et mystérieux. Rigides et noirs dans le faible clair de lune, ils tendaient leurs branches décharnées vers les cieux criblés d'étoiles pour se faire les prophètes d'une cérémonie silencieuse. Trois silhouettes s'approchaient de ce lieu ancestral. Leurs capes noires se mariaient parfaitement à l'obscurité, si bien que leurs capuchons rejetés en arrière laissaient flotter trois visages d'une pâleur extrême, qui disparurent bientôt dans les ténèbres projetées par le tissu. Pareilles à des ombres, elles avançaient lentement alors que le ciel se chargeait d'électricité. Elles avaient su que le moment était venu, que la toile du temps s'était tissée minutieusement pour accomplir le Nouveau Dessein.
Les nuages roulaient des yeux de fureur, sombres et menaçants. Le cri rocailleux et profond de la terre déclencha le signal, la nuit fut aveuglée et mourut à chaque éclair qui déchirait sa robe noire avec violence. Aucune larme de pluie ne s'échappa, ce n'était pas un jour de deuil, mais un jour de Renaissance. Oubliant toute pudeur, les ténèbres commandèrent au vent de lui ôter son linceul, sa tenue de veuve, elles avaient retrouvé leur Prince.
Les voix irréelles des trois vampires répétaient une litanie sans faille et hypnotique.
Un éclair dévoila une nouvelle et dernière fois leur présence avant qu'elles ne disparaissent totalement et sans un bruit. Seule, une crypte majestueuse se dressait, le temps l'avait sculptée et n'avait que magnifié les pierres en renforçant une légende, un mythe qui allait de nouveau s'éveiller.
La poussière recouvrait toutes les surfaces accessibles de la pièce. Son uniformité figée estompait la marche du temps. Pourtant, quelque chose frémit dans l'atmosphère épaisse et renfermée. Un craquement retentit soudain au plus profond de l'obscurité, chassant des volutes de débris infimes de la surface du cercueil. Le temps retint sa respiration. Les arbres autour du donjon cessèrent de frémir sous la brise nocturne. Les animaux se terrèrent au plus profond de leur trou et les quelques humains proches de cet endroit maléfique entrèrent dans une phase cauchemardesque de leur sommeil le plus profond.
Le message était lancinant, il tournait et retournait sans cesse, l'arrachant à sa torpeur salvatrice qui durait depuis des millénaires. Lui, l'Aïeul qui avait arpenté ces territoires sauvages avait pourtant dit qu'il ne fallait plus compter sur lui. Ecoeuré par le comportement de ses frères de Race, il avait préféré l'oubli plutôt que de servir de ciment à un regroupement illusoire. Ennuyé et las, il s'était endormi sans regret, sûr de son choix. Et voilà qu'on le rappelait ! Qui osait ? !
Elles étaient trois. Tourbillonnantes, exaltées et sauvages, des femmes comme il les aimait du temps de son hégémonie. Intrépides, elles osaient venir le tirer de son silence. Auraient-elles la force de lui redonner goût à la vie ? Etaient-elles prêtes à se sacrifier pour lui ? Rosacée, orchidacée, liliacée, subtile combinaison pour un parfum funèbre. Cet extrait pastel et immaculé vint folâtrer autour de lui, s'amusant à se glisser dans son corps, à jouer avec des envies qu'il croyait avoir oubliées. Un désir soudain de les prendre et de les faire siennes, de les soumettre à son fluide, lui arracha un cri d'extase qui vint mourir sur ses lèvres exsangues. L'idée d'une Race Vampirique indestructible flirta à la limite de sa conscience.
Un arôme vint se mêler au bouquet, une essence connue et pourtant si lointaine, la sève de la vie lui caressa les papilles, exalta ses sens jusqu'alors apathiques.
D'un geste vif et décidé, il repoussa le lourd panneau de chêne qui masquait sa couche. Il s'assit, hébété, les yeux gourmands. Il s'épousseta et enjamba habilement le cercueil. Ses pas laissèrent des traces dans les strates de poussière, ses pouvoirs étant limités en l'instant. Il débloqua sans peine la serrure rouillée et sortit dans la nuit noire. Il respira l'air humide puis se dirigea sans effort vers le bâtiment sombre et trapu qui se dressait à la lisière des bois. Il avait soif, très soif.
Haut dans le ciel, la lune avait des teintes pourpres qui lui plaisaient bien.
Ses vêtements étaient à la dernière mode et n'auraient suscité aucun commentaire dans les cours. Mais la façon dont il les portait, comme il se tenait : de la tête au pied, l'allure royale se lisait dans chacun de ses gestes. Des clameurs montaient, ce n'était pas des voix humaines qui l'accueillaient mais une mer de damnés ayant senti son réveil, l'appel des femmes vampires, elle inondait le domaine de ses vagues d'excitation remplissant le Prince de Non-Vie. Il était très droit, tête haute, et balayait la foule qui lui faisait honneur, partout où son regard passait, un silence de mort s'installait, les damnés le dévisageaient avec une crainte révérencielle. Quand enfin, ils s'échappaient du piège de ce regard glacial, ils criaient avec une fureur redoublée. Son observation mourut sur les créatures de la nuit qui se courbèrent dans une profonde révérence, inclinant simultanément le buste en déployant leur jupe comme les ailes d'un ange déchu. L'orage avait cédé sa place au battement des tambours qui martelaient l'air comme le tonnerre en le faisant vibrer tandis que le Prince souriait à la Lune teintée de sang.
Son Règne démarrait.
Edité par La Lune Pourpre le 22/11/06 à 11:45
Movézeuil | 22/11/06 13:16
J'adore !
Magnifique !
Bart Abba | 22/11/06 15:42
Absolument... Komment dire... Phagocytant !! 
Quetz Enki | 22/11/06 20:25
Très très agréable!
