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Carlyle | 26/03/08 14:47

C'était la nuit, une nuit pareille à toutes les autres, quand Carmickaël subit le coup de poing rageur qu'une mythologie qu'il avait toujours cru légendaire lui assena en venant à sa rencontre.

Le vent balayait paisiblement les feuilles, les soulevant du sol pour les faire danser d'étranges ballets aériens, élégants, fugaces et beaux, avant de les reposer, dans un ultime souffle, sur le sol moussu et humide de la prairie. Elles gisaient là, se décomposant longuement, et ajoutant leurs propres senteurs aux effluves fauves et enivrants de la terre, pourrissant en silence au clair d'étoiles.
C'était la nuit, et Carmickaël profitait de la paisible et rassurante quiétude du lieu, ses lourdes épées plantées dans l'herbe drue, et son armure abandonnée contre une souche. Assis en tailleur, il respirait calmement dans la fraîcheur nocturne tempérée par son feu. La situation lui avait échappé, cela était clair, du moins. Tout s'était enchaîné trop vite, et la lettre cachée dans une de ses poches en était la preuve. La mort de Ser Richar aussi.
Que faire, maintenant ? Une bourrasque fait jouer une symphonie harmonieuse aux branches des arbres, et dépoussière un peu les antiques pierres du temple ruiné. Les vieux autels brillent sous la lune d'un éclat paisible, magnifiant quelque peu les restes des statues qui veillent sur la prairie comme elles veillaient jadis sur les croyants du lieu.
Il ne reste presque plus rien du vénérable sanctuaire, presque plus rien non plus des espoirs de Carmickaël. Ceux qui collaborent avec le démon enverront à ses trousses des hommes qui ne broncheront pas à l'idée de trancher celui qui fut leur modèle. De braves soldats, sans tête, exécutants imbéciles d'un ordre qu'ils ne comprendront qu'à moitié. De braves soldats, auxquels, sans Richar, il aurait bien ressemblé... Etrange comme les choses se sont si vite passées, et lui se retrouve là, seul et armé, parangon de chevalerie, l'homme le plus valeureux que la Confrérie compta, en guerre contre ses frères, dans ce sanctuaire connu de peu, abandonné, où seul le vent soulève la poussière des antiques pierres.

C'était la nuit, une nuit pareille à toutes les autres, quand Carmickaël de front subit le coup de poing rageur qu'une mythologie lui assena en venant à sa rencontre.

Le feu tremble, projette des ombres qui n'ont rien d'enchanteresses ou d'étranges. Il n'y a rien des histoires dans les veillées solitaires. L'esprit n'a pas de nourriture pour se garder du pragmatisme. Pas de compagnons pour partager des délires, des fantasmes. Pas d'égal pour comprendre que tout est perdu. Et Carmickaël le comprend bien, seul, au milieu des vénérables pierres poussiéreuses battues au vent qui fait jouer les feuilles.
L'harmonie calme qui règne céans ne dissipe en rien les lourds nuages qui obscurcissent sa pensée, et il en serait presque reconnaissant. La vie, après tout, suit son court, même s'il est seul et armée en guerre contre ses frères, et que ses espoirs sont à l'image de ce temple obscur et abandonné : en lambeaux. La vie continue, et il lui faut vivre pour célébrer Richar, père maître, mentor et ami, pour ne pas que sa mémoire demeure comme celle d'un traître.
Mais pour cela, il faudrait partir de ce temple décatis, et laisser en arrière les murmures apaisants des feuilles secouées par le vent ; il faudrait rendosser le harnachement guerrier, reprendre l'armure sur le dos et les armes dans les mains, et pareil à une tour, s'attaquer à une forteresse entière pour châtier les mauvais et prouver à tous que jamais, jamais Richar n'a trahis, mais que c'est lui, l'autre, qui manigance tout depuis l'ombre, lui, Carlyle, qui tire les ficelles sans jamais être inquiété, qui nourrit au sein même du plus pur des endroits une pourriture infâme qui finalement vient de prendre le contrôle de tout ce en quoi Richar croyait. Mais lui demeure devant son feu, perdu, les épées plantées dans le sol, l'armure contre une souche, posée, et les vents n'en peuvent plus de gésir et de mourir sous son regard plein de vacuité.

C'était la nuit.

Puis ce fut le jour, pareil à un midi, puis ce fut la nuit, encore, et Carmickaël était sourd et aveugle, le grand bruit, le grand flash l'ayant privé de ses sens.
En un instant pourtant, il est debout, et armé, et terrible, immobile, aussi grand qu'une citadelle, aussi beau qu'un dieu de colère surpris dans son trop rare moment de repos.
Les ombres, maintenant, sont inquiétantes, parce qu'il ne les voit plus, parce qu'il ne les entend plus jouer tranquillement sur le sol, il n'entend même plus les feuilles mourir dans ce vieux temples aux ruines calme et paisibles.

Les secondes défilent, peu à peu, et rien ne bouge, ou ne semble bouger dans ce décor aveugle qu'il distingue à nouveau à présent. Rien de bien neuf autour de lui, rien qui menace de le tuer, et cela lui suffit. Rien de bien neuf contre la souche où est son armure. Rien de bien neuf autour du feu, sinon trois hommes installés à présent comme s'ils étaient chez eux, trois hommes aux vêtements couverts de neige, de neige qui ne tombera pas pourtant avant trois mois au plus tôt, aux vêtements à la coupe étranges, aux vêtements aux tissus inconnus, au sourire incongru.

« A l'endroit dit, à l'heure dite. Enchanté, Ser Carmickaël » fait celui qui ressemble à si méprendre à une statue qui trône dans toutes les chapelles de la Confrérie Blanche. « Ravi de vous rencontrer. Vous êtes... parfait. »

Le son est revenu à son niveau correct aussi, et un grognement inquiète Carmickaël, pour ne pas s'interrompre, pour résonner toujours, trop près, beaucoup trop près, provenant de trop près du feu, comme s'il était émis par cette rangée de dents incroyablement blanches arborée par celui à droite, aux membres aux dimensions floues, changeantes, comme si son allonge pouvait, à sa convenance, se modifier, comme s'il n'était pas ce qu'il montre et paraît être.

« Si notre voyage ne fut pas fatiguant à proprement parler, nous avons besoin quand même d'un peu de repos, nous nous mettrons en route d'ici une heure. »

Continue l'autre sans prendre garde aux yeux trop ouverts de son compagnon de gauche qui n'examine pas, non, le vieux temple, mais semble l'avaler, le dévorer proprement du regard, mais sans le refléter, comme si toute la nature silencieuse disparaissait dans ses pupilles trop grandes, comme si son esprit n'était pas un miroir, mais un puit insondable, incroyable.

« Evidemment, vous êtes surpris, c'est normal. Je suis Scyld, celui qui grogne est Hrothgar, et ce dernier est Haraldr. Nous venons des Terres Perdues. »

C'était la nuit, une nuit pareille à toutes les autres, quand des légendes mythiques surgirent pour assener à Carmickaël tout le poids de leur inexistence dans un seul coup rageur.

« Effectivement, tout ceci est réel. Et croyez bien que nous ne sommes là que pour vous aider. Carlyle - une lueur étrange brille un instant dans ses yeux, comme de la sauvagerie et de la convoitise - doit être abattu. »

Carmickaël se rassoit péniblement à la place qui était sienne près de son feu tremblotant dont les ombres portées sont enfin redevenues normales au milieu de la vieille poussière qui recouvre les pierres, incapable de prendre une décision rapide. Face à des êtres sortis tout droit du folklore mythique, il tremble d'incertitude, et ne sait que faire. Confiance ? Ils luttent aussi contre l'ennemi, et leurs capacités, du moins en juge-t-il ainsi, semblent largement dépasser les siennes. Des guerriers arrivés. Une providence. Comme quoi les statues à demi brisées veillent peut-être encore sur quelque chose.
Mais le vent soulève un doucereux murmure au sein des ruines enfouies de ce temple antique, qui prétend qu'il ne faut pas le croire, surtout pas lui, l'étranger aux yeux jaunes, et ses comparses, qu'avancer avec eux, c'est la mort assurée, que rien ne le protégera d'eux, s'ils le veulent. La tête brinquebalante, le preux observe les secondes s'éloigner avec lenteur dans la nuit, et les trois autres ne décrochent pas leurs yeux de sa massive stature, le sondant jusque à l'âme, aussi désespérée que les vieilles pierres moussues gisant entre les feuilles.

C'était la nuit, une nuit pareille à toutes les autres, et Carmickaël se remettait lentement du coup de poing rageur qu'une mythologie qui n'était plus légendaire lui assena en venant à sa rencontre.

« Le temps qui nous était échût touche à son terme, Ser Carmickaël. » Fait l'étranger aux yeux jaunes en se levant, imité par ses deux compagnons. « Il faut y aller à présent, sans quoi nous serrions en retard pour notre autre rendez-vous. Bien entendu, vous êtes convié impérativement, chevalier. Votre puissance brute servira cette aventure. »

Carmickaël jette un regard vers son harnois, sans bouger, sans comprendre qu'il doit quitter ce temple obscur au sein d'une forêt sans âge qui dévore les statues et les pierres, qui recouvre les tombes et les âmes des hommes. Sans raisons vraiment alors il se lève et revêt son lourd costume de guerrier. La guerre continue, après tout, et il n'est plus vraiment seul dans l'enceinte de ce vieux temple n'agonisant plus depuis longtemps.
Hrothgar éteint le feu d'un pas distrait, et, reniflant étrangement, s'enfonce dans l'obscurité, comme s'il vivait en elle, comme s'il pouvait se fondre, prendre la forme de celle-ci, la plus adaptée à celle-ci, et bientôt les yeux perçants du chevalier ne distingue qu'une silhouette floue, trop grande, trop leste, trop rapide pour être réelle, courant entre les arbres.

Tous les trois progressent vite, ou alors le temps ne s'écoule plus autour d'eux, l'ancien disciple de Ser Richar n'arrive pas à trancher entre les deux possibilités. Naviguant à vue dans une légende en train de s'écrire, il avance, bête hallucinée, sans conscience de son but.

« Nous y sommes presque... L'étranger aux yeux jaunes se tourne vers lui. Conformément au plan. Une troupe, petite, un élémentaire de mort. Pas grand-chose d'autre. Ils vous aideront. Sauvez-les. »

Et soudain ils sortent de la forêt et de l'obscurité, la lune éclaire un champ de bataille, et Carmickaël fond, doublant même le lupin qui court à ses côtés, fond dans la guerre, dans son élément, dans son eau, trouble aussi, mais tellement plus réelle, plus rassurante que les trois silhouettes inquiétantes qui l'accompagnent désormais.

C'était la nuit quand les trois héros des Terres Perdues rejoignirent Carmickaël, Olaus Wormius et l'elfe qui l'accompagnait. C'était la Nuit de toutes les nuits, et nul n'aurait parié sur la survie du magicien. C'était la Nuit qui marqua le début de l'offensive contre les dimensions opaques. C'était la Nuit, et tout se déroula exactement comme je l'avais prévu, conformément au plan établi, voilà des éons et des éons entre moi et mon frère.

Le hasard n'existe pas.

Carlyle | 26/03/08 14:47

La suite n'arrive pas.

Noir-feu | 27/03/08 08:21

Comment ça la suite n'arrive pas? 8) Ce serait vraiment dommage...;)

Zoltahn Kodaly | 27/03/08 13:56

Pfff, il va finir par me fouetter ! :D Ok ok, je m'y mets !! ;)

Bart Abba | 27/03/08 17:26

Si il faut, je peux fouetter aussi !! ;)
Bravo pour le texte, komme d'hab ! :b :b :b

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