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Loxias The Dark Lord | 10/04/08 06:56
La forêt désenchantée
Chapitre premier-Le Druide
Brave et bravant vent et marée, le seigneur Loxias avait parcouru terre austère et mer déchaînée afin d'atteindre le joyau isolé de la forêt enchantée. Le chant cristallin du large fleuve s'harmonisait intimement avec celui des vénérables virtuoses volatiles perchés aux branches florissantes des arbres bordant le majestueux et scintillant cours d'eau. Le ciel d'un bleu pur exemptait à d'éventuels nuages une présence contraignante qui aurait inexorablement terni l'agrégat mémorable des conjonctures particulières de cette aube baignée des splendeurs lumineuses. Le cavalier solitaire revenait alors des contrées méconnues où le déluge du Mal menaçait constamment l'intégrité du Bien.
Le soleil enthousiaste se levait sur un matin chaleureux et accueillant. L'astre étincellant dardait la forêt de mille feux. À l'instar d'une période saisonnière pourtant tardive, la température clémente agrémentait cette journée flamboyante du rayonnant empire elfique. La végétation infiniment colorée répondait gaiement à la générosité de Dame Nature en arborant avec frivolité une beauté aveuglante. Partiellement dénudées, les silhouettes sylvestres frémissaient délicatement sous la brise automnale. Au moindre caprice du vent malicieux, une pluie de feuilles aux pigments aussi hétérogènes qu'éclatants s'abattait avec légèreté et grâce sur le couvert forestier.
Bercé par la splendeur de la pureté même, le jeune soldat de Dieu se laissait porter par l'aubade matinale des fidèles suppôts de la forêt. Il chevauchait vaillamment sur le chemin tortueux qui s'enfonçait toujours davantage dans la végétation accueillante. La Rivière du Loup venait vigoureusement se jeter dans le principal cours d'eau de l'empire elfique alors que le grondement torrentiel d'une cascade timidement lovée dans les profondeurs de l'inconnu se faisait entendre. La voie dallée s'en approchait inexorablement alors que soudainement le chevalier de la lumière se mettait à respirer fébrilement.
En effet, il regagnait enfin la source fondamentale de sa ferveur nationaliste. Il retrouvait ses enracinements profondément enfoncées dans cette terre qui avait toujours été la sienne. Non loin de là se trouvait son village natal qu'il avait jadis délaissé pour accomplir sa quête idéaliste, soit celle visant à assurer le triomphe des valeurs méritoires. Arborant fièrement la bannière du fleurdelisé, il avait chevauché sans relâche sur ce continent impie pour terrasser les forces maléfiques qui compromettait constamment sa patrie. Au sein de cette croisade noble, il s'était consacré pleinement à parer les noirs desseins des lords déloyaux et fourbes qui avaient toujours tenté d'assaillir les tenants lumineux du Bien, puis l'intégrité même du royaume ancestrale.
À mesure qu'il avançait sur le chemin longeant la dépression fluviale, les nuées s'accumulaient dans le ciel désormais assombri. La symphonie matinale des oiseaux perchés aux arbres environnants céda graduellement la place à un silence lourd et pesant. Effectivement, l'intensité de cette aubade brillamment interprétée en l'honneur de la Reine mère s'estompait à mesure que le chevalier progressait dans le labyrinthe arborisé, tel un aliéné s'enfonçant dans un véritable dédale encéphalique. Les murs vivants de la prison de verdure se serraient comme pour étouffer l'esprit du sain d'esprit, désormais perdu dans cet asile sylvestre. À la furie funeste, les fugaces figures fauniques et florales de la forêt florissante fulminaient. Autant la douceur sensuelle du matin frivole avait pu charmer les sens, autant la brutalité sidérante pouvait s'inscrire dans la douleur incommensurable. En effet, habituellement de nature si accueillante, la nature dénaturée semblait avoir été profondément troublée par une force extérieure malsaine. En effet, le monde impénétrable de l'empire elfique avait été assailli par un fléau impardonnable.
Pendants, pliés et penchés sur le chemin dallé, les arbres rongés par la curiosité formaient une arche de végétation dense au-dessus de l'elfe, comme pour mieux le toiser. De façon semblable et d'une manière à peine plus subtile, perchés à leur monture mouvante, puis perclus par le passage du cavalier déterminé, les oiseaux guettaient chacun des pas du rôdeur. Loxias s'était absenté longtemps mais à ce moment précis, il ne se sentait vraiment plus le bienvenu sur les terres de son enfance lointaine. Outre le chant joyeux du cours d'eau s'écoulant perpétuellement vers le fleuve longé par le chemin immémorial, le voyageur solitaire n'entendait désormais plus un seul bruit, plus un son, pourtant, dans ce lieu d'habituel état de festivité forestière.
Le ciel s'obscurcit encore davantage puis le vent puissant fit tourbillonner les feuilles mortes parsemant le sol forestier en plusieurs colonnes tentant d'atteindre les nuages alors apparus depuis peu. Les arbres imposants craquaient discrètement puis les branches désormais vidées de toute vie suite aux dernières rafales violentes tendaient leurs longs doigts pointus et dénudés en direction de l'elfe progressant prudemment. Dans ce véritable océan sylvestre, les vagues silencieuses prêtes à engloutir le guerrier à tout instant l'encerclaient telles des lances brandies de toutes parts. En s'animant avec une vigueur renouvelée, les feuillus tentèrent d'abord timidement de happer l'archer elfique au passage, mais rapidement, les coups devinrent précis et vifs. Loxias avait de plus en plus de mal a progresser.
Alors qu'il atteignit enfin le croisement entre la rivière grondante puis le fleuve obstinément nonchalant, le robuste et éternel pont de pierre menant à la bourgade pittoresque se dessina devant lui. À cet instant, des éclairs tonitruants déchirèrent les cieux baignés des sombres amas nuageux. Lorsqu'il se pressa à s'engager sur cette jetée enjambant l'affluent en rapides, la noirceur ambiante atteignit soudain son paroxysme. Un épais voile maléfique s'abattit sur les environs tel un brouillard épais engloutissant l'environnement environnant l'elfe méfiant. Mystérieusement, une aura inquiétante entourait la région puis Loxias peinait de plus en plus à supporter l'ambiance féroce et glauque de cette conjoncture de terreur astreignante.
Éperonnant alors furieusement son destrier, il fonça fébrilement sur la route s'allongeant devant lui. La tempête troublait ses sens comme un sortilège déroutait une victime vouée au trépas. Indubitablement, cette turbulence meurtrière émanait de l'esprit vilain d'un illustre magicien noir, convint-t-il, selon toute vraisemblance. Sans sourciller, le soldat saint savait sévir en s'évitant de s'embourber dans la souricière singulière. Malgré la précarité significative de sa situation suave, en tant que guerrier sans vices et au service de sa Sainteté, il devrait tôt ou tard terrasser ce sorcier vicié au service du vice. Encore et encore les gourdins animés brandis par les arbres bordant la route tentaient de le désarçonner.
La force du fléau gagna encore en puissance. Les débris volaient sur son passage effréné mais la colère du seigneur de ces lieux surpassait sa vigueur chevaleresque. Les tourbillons continuait de s'élever toujours plus haut et ceux-ci venait violemment percuter le coursier. Les gardiens de la voie dallée tentaient toujours d'abattre leurs membres costauds sur le chevalier. Le vacarme devenait terrible, le vent soufflait sans relâche puis les arbres furieux persistaient à brandir une multitude de branches cinglantes en tous sens tel des arriérés inconscients de leur folie dévastatrice!
Soudain, une silhouette encapuchonnée apparut sur la route. Dans un état de panique extrême, pour l'éviter de justesse, il cabra sont élégante monture mais comme il tentait d'effectuer la manoeuvre impossible, il perdit des mains les rênes, ses pieds glissèrent des étriers et il vola par derrière avant de s'écrouler lourdement sur le sol avec un bruit sourd. À cet instant, le corps défait, Loxias perdit conscience, ou du moins, lui sembla-t-il. Telles les portes du paradis sauvagement enfoncées, son esprit assailli accueillit l'intrus inquiétant. Le cauchemar d'une transe ténébreuse s'amorça alors pour l'âme dénudée du rôdeur elfique...
La colère de la bête sauvage au pelage hérissé se traduisait par une rage écumante. Fébriles à l'idée de se badiner du fluide rouge, les crocs jaunâtres se dressaient, terribles, dans la gueule affamée. Les griffes acérées s'enfonçaient dans le sol ou déchiraient l'air à l'attente interminable de bondir sur la proie condamnée. Les muscles bien dessinés de la créature se bandaient alors qu'impatiente, celle-ci s'apprêtait à foudroyé son adversaire en un seul assaut phénoménal, final et fatal. En effet, le trident s'était immiscé dans la chair et trois plaies distinctes avaient saigné le royaume terrassé. L'étau du surnombre de l'envahisseur malsain s'était cruellement refermé sur le dernier espoir de survivance collective. La puissance indomptée et indomptable de la bête féroce avait terrassé la nation nordique telle l'éclair céleste s'abattant impitoyablement sur l'humain pitoyable. L'étendard impérial flottait désormais sur un pays conquis et asservi. Le Lion impitoyable avait triomphé et la fleur s'était fanée. Unique comme les hordes démoniaques de loups sauvages, le fléau de Dieu avait dévasté les chaumières isolées des paysans anéantis.
Poussée à son comble, la fabulation continuait irrémédiablement alors que le guerrier de Dieu poursuivait fiévreusement sa route léthargique dans un état de confusion extrême. Ses visions atroces se multipliaient puis s'intensifiaient.
Les plantes aux épines proéminentes s'agrippaient intempestivement au tissu et à la chair. Les ronces tailladaient les vêtements et la peau délicate se déchirait. Les lianes s'allongeaient sournoisement pour happer d'éventuelles prises alors qu'aux branches des arbres malicieux pendaient d'étranges cordes avec à leur extrémité des cadavres en putréfaction. La brise joyeuse balançait ces décorations excentriques puis emplissait l'air ambiant d'une odeur de mort. Sous le manteau de feuilles abritant le sol forestier se terrait le Désespoir immuable d'une nation abandonnée et dominée. Derrières les troncs innombrables de ces millions de pieux sylvestres perforant le sol se cachaient la Nostalgie d'un peuple oublié et à la dérive. Dans le coeur des elfes déchus persistait pourtant encore l'infime espoir de retrouver la liberté, dans leur forêt enchantée...
Plongé dans les abysses infernaux, Loxias toucha enfin le fond des tréfonds de cet océan trouble des souffrances morales. Lentement, il revenait à lui et s'extirpait de la fureur des flots glaciaux de ce voyage spirituel houleux. Lorsque le rôdeur solitaire ouvrit les yeux, l'homme étrange qu'il avait évité sur la route se dressait désormais à ses côtés. Avant qu'il ait difficilement pu tenter de se relever, celui-ci pris la parole de sa voix grave.
-J'ai sondé votre âme, maître Loxias. Supposément, vous semblez digne que je vous laisse vivre finalement, commença abruptement le personnage excentrique dont les traits du visage restaient obstinément voilés par un large capuchon.
Supposément, les épreuves terribles qu'il venait de subir avaient été orchestrée par le puissant mage qui lui adressait maintenant la parole. L'elfe affalé réussi à se redresser avec douleur puis le gardien de la forêt enchaîna sur le même ton caverneux.
-Vous vous êtes absenté fort longtemps mon bon ami, continua t-il de manière plus accueillante. Bien des événements funestes se sont déroulés dans le royaume depuis votre départ, et je devais irrémédiablement déterminer si vous n'étiez pas l'une de ces immondes créatures qui ont investi le pays.
Avec terreur, Loxias craignit viscéralement que les atroces visions qu'y avaient assaillies son esprit plus tôt ne représentent la réalité, la véritable vérité. Constatant son état de détresse palpable et perceptible, le sorcier parut compatir en acquiesçant légèrement la tête pour souligner leur tristesse commune.
-Certes, ce que j'ai partagé avec vous s'est bel et bien déroulé et le deuil national continu toujours de hanter puis de désillusionné notre peuple. Maintenant que vous avez regagné la forêt enchantée, j'ai certaines choses à vous montrer, venez, suivez-moi maintenant, souffla-t-il en prenant la direction du village natal de Loxias.
Ayant récupéré le cheval fier qui ne s'était guère éloigné d'eux durant l'entretien, ils allaient entamer la courte distance qui les séparait désormais de la bourgade. À cet instant, le vieux druide se retourna soudainement en pestant contre sa distraction habituelle.
-Ah Oui! J'allais oublier. Je me nomme Beleg, Beleg à l'arc de fer.
Edité par Loxias The Dark Lord le 10/04/08 à 06:57
Celimbrimbor | 10/04/08 11:23
Un exercice de style intéressant, quoiqu'un peu difficile à lire par moment.
Une suite est à attendre, n'est-ce pas?
Eigoel Nahb | 10/04/08 16:45
C'est très frais, très poétique. 
Je soutient Sieur Celimbrimbor dans l'attente d'une suite! ^^
Vormonta | 10/04/08 23:27
Très beau en effet 
Rat De Labo | 11/04/08 07:50
Bravo, j'applaudis!!!! *sifflet de plaisir excité* Super!!!
Ouhahou!!! 





La suite, la suite, la suite!
Le Rat, Cerberus exaltus
Loxias The Dark Lord | 05/05/08 20:06
La forêt désenchantée
Chapitre deuxième-Elvenwolf
Plongés dans un silence persistant, les deux elfes continuèrent côte à côte sur le chemin forestier conduisant à Elvenwolf. D'une part, l'étrange Beleg n'avait jamais été vraiment d'une personnalité très loquace alors que le jeune Loxias était cruellement rongé par l'inquiétude qui l'ébranlait davantage à chaque pas qui le rapprochait de son hameau natal. Il brûlait de questionner intensément le vieux druide sur la signification des ses dires mystérieux mais savait qu'il n'en tirerait rien, pour le moment, du moins. Dans la solitude de ses quêtes antérieures, l'idéaliste soldat de Dieu avait sensiblement atteint une certaine maturité malgré son isolement avec le reste du monde. En effet, en ayant seulement constaté le caractère austère ainsi que la puissance morale et magique de l'excentricité qui incarnait désormais son guide, Loxias avait alors compris la futilité de le presser de paroles inutiles. Dans ce contexte particulier, il valait donc mieux laisser les choses aller et plutôt tenter de déceler avec un oeil averti de quelconques sentiments ou expressions subtils sur le visage obstinément impassible du terrible sorcier, d'ailleurs partiellement encapuchonné.
Alors que le magicien sylvestre avait calmé la forêt déchaînée, les voyageurs avaient pu parcourir sans difficultés les quelques lieux restant qui menaient au village bordé par le fleuve majestueux. Se toisant toujours avec autant de méfiance, ils atteignirent enfin les deux immenses chênes immémoriaux marquant l'entrée du village elfique. Tenant son élégante monture par les rênes, incrédule, Loxias devança alors Beleg pour franchir le portail naturel. Il fut alors confronté à un genre de désolation qu'il n'aurait jamais pu s'imaginer par lui-même, pas même dans ses pires fabulations. En ce jour de révélation funeste et fatidique, l'horreur avait revêtu une image toutefois bien réelle. Le jeune elfe terrorisé senti ses jambes prêtes à défaillir à tout instant.
Balayée, la frivolité champêtre de l'existence d'antan avait docilement laissé sa place au désespoir du déclin triomphant. La vie dérisoire avait faillit devant la mort terrible. Les ruines fades et insipides avaient succédé à l'éblouissante splendeur architecturale des temps anciens. La pierre était retournée à l'état de poussière. La nature avait déserté l'endroit maudit pour ne laisser qu'une large zone de verdure décrépie. En effet, les silhouettes desséchées d'Elvenwolf côtoyaient désormais la végétation luxuriante aux abords du lieu vaste et dévasté. Un cratère de misère occupait maintenant l'endroit jadis débordant d'effervescence telle les ruisseaux grondant avec tonitruance au printemps. La communauté avait chuté à l'état de solitude. Le rêve était devenu un cauchemar. Abandonné par tous, voire par les divinités sylvestres elles-mêmes, le village autrefois béni des dieux créateurs recelait à présent la force damnée des démons destructeurs...
Dans la bourgade ravagée, les arbres rabougris dénués de vie formaient un large cercle mortuaire. Déchirant le sol comme les crocs d'une bête trépassée, ils intimaient aux êtres vivants de se tenir à distance du territoire conquis par la Mort. Maintenant rendus infertiles, les jardins florissants d'autrefois étaient devenus l'espace propice à la prolifération des ronces, déchirantes tels les douloureux souvenirs de l'elfe dépossédé. La Peur s'était proclamée maîtresse de ces lieux. Indubitablement, la Désolation avait donné son nouveau nom à l'endroit délaissé. Irrémédiablement, la Crainte guettait quiconque s'approchait de ces terres maudites.
Auparavant d'une blancheur lumineuse, la route pavée qui bordait le village affichait étrangement une couleur cendrée. Les voyageurs et les marchands continuaient encore d'emprunter l'artère principale longeant le fleuve, se divisant en un réseau d'innombrables voies, mais selon toutes vraisemblances, les branches secondaires avaient été délaissées. Heureusement, pour les individus nécessitant irrémédiablement de passer par Elvenwolf afin d'atteindre leur destination, le Chemin du Roy longeait le fleuve et passait à une bonne distance da la principale partie du hameau, un peu plus reculé à l'intérieur des terres. D'ailleurs, le centre-ville vers lequel s'orientait cet embranchement propageait une force maléfique que les sens sensibles et sensiblement sensitifs de l'elfe pouvaient capter, avec une certaine appréhension. Pouvant ressentir les émotions à partir de la matière, Loxias percevait la grande frayeur des gens, profondément imprégnée dans la pierre de l'avenue noircie.
Le spectacle de désolation ne revêtait nullement son costume de festivité, en cette occasion funeste. Les bâtiments centenaires ayant glorifié la pierre s'étaient partiellement écroulés. Ils reposaient pour la plupart en amoncellements de roc disparate et éparse. Les rares façades encore intactes surplombaient ces tristes amas d'une splendeur malheureusement perdue à jamais. Le labyrinthe étendu du réseau routier d'Elvenwolf s'étalait sur plusieurs centaines de mètres de diamètre aux abords duquel les ruines des établissements ouvragés ne prêtaient plus qu'un caractère inquiétant aux ruelles désertes. L'architecture elfique témoignant d'un art sublime alors comparable à celui de la culture naine ne dépeignait plus que le néant suite à l'inexplicable chaos.
Des centaines de corneilles noires comme la nuit pendaient aux branches tordues des gardiens décharnés de ce territoire flétri. Les créatures de malheurs poussaient à l'occasion de cris stridents avant de s'envoler pour aller se poser de nouveau, non loin de là, à l'attente de la mort latente. Leur appétit insatiable pour la charogne pestilentielle les rendait souvent agressifs et imprévisibles. Partageant le royaume mortuaire avec leur congénère, plusieurs rapaces guettaient aussi les possibles traces d'un éventuel festin faisandé. Leurs yeux voraces scrutaient les alentours sans relâche à l'affût de chair frétillante et sanguinolente. La présence des deux étrangers engendra certes un certain émoi dans leurs rangs serrés. Éclairés par le soleil déjà bas, Loxias aperçut alors avec horreur d'innombrables ossements d'apparence elfique jonchant les ruelles s'enfonçant dans la noirceur sinistre du hameau sordide. L'elfe constata froidement qu'aussi loin qu'il pouvait porter son regard perçant, les dépouilles reposaient toujours aussi nombreuses. Le désespoir avait élu domicile dans cette morgue particulière. Perdus dans l'anonymat, les cadavres de ce charnier ne bénéficieraient jamais de digne sépulture. Cruellement condamné à contempler la calamité ayant compromis sa contrée et son comté conquis, le clairvoyant combattant convint de contrer ce chaos, Ô combien confronté à la clarté cruentée.
Perclus du décor pitoyable qui s'offrait impitoyablement à lui, puis profondément perdu dans ses pensées, Loxias n'avait pas entendu le vieux sage s'approcher derrière lui. Lorsque l'ancêtre posa maladroitement sa main ferme sur l'épaule frêle du jeune archer, d'une manière qu'il voulait pourtant amicale et rassurante, l'elfe désoeuvré sursauta brusquement. Il se retourna pour dignement faire face à l'inquiétant personnage en posant son regard glacial sur l'homme encapuchonné. Naturelle, cette fois, une brise légère s'éleva soudain pour faire danser les feuilles mortes parsemant le revêtement dallé. Captant l'évident désarroi de l'adolescent éprouvé, Beleg inclina doucement la tête en signe de compréhension avant de porter lentement ses mains à son capuchon. Il rabattit tranquillement la capuche sur ses solides épaules en dévoilant alors son visage austère.
À cet instant, de long cheveux argentés tombèrent en cascade sur son dos en coulant jusqu'à la hauteur des genoux. Le druide à l'âge vénérable présentait de longues oreilles pointues qui transperçaient sa tignasse scintillante comme les flèches acérées des elfes traversaient les armures de mithril éclatantes. Bleus troubles à l'instar d'un ciel orageux, ses yeux perçant sondaient sans aucun mal l'âme des gens tel la dague s'enfonçant dans la chair tendre. Son regard tranchant soumettait quiconque s'opposait à lui comme l'épée foudroyante s'abattait sur sa proie condamnée. Les traits durcis de la figure impassible du sorcier sylvestre s'apparentait à la pierre ridée et travaillée par les âges, par les innombrables années accumulées. Ses sourcils broussailleux reposaient sur l'arcade sourcilière à la manière d'une forêt vivante en perpétuel mouvement comme soumis aux émotions et à l'humeur de Gaïa elle-même. En effet, les expressions faciales de l'homme plusieurs fois centenaire se traduisaient la plupart du temps par la danse gracieuse de ces sourcils si expressifs. D'ailleurs, Loxias s'en aperçût assez tôt, ce qui fit même flotter durant quelques instants un léger sourire sur son visage triste.
-Vous savez, jeune louveteau, expliqua alors l'ancêtre, je partage votre peine incommensurable mais vous devez comprendre que le fléau qui a dévasté cette région vous étant si chère s'étendra éventuellement sur l'ensemble de notre monde féérique.
-Ce désert austère s'ingère dans nos terres et l'ornière m'atterre. Comme la mer de misère amère ne m'indiffère, je vous ai donc communiqué la volonté des Dieux déshonorés, la volonté de toute une communauté désoeuvrée. De cette manière, vous avez un rôle à accomplir dans cet univers précaire, mon cher.
La voix chantante de l'entité mystérieuse radoucit Loxias qui avait alors commencé à sérieusement regretté la rencontre fortuite l'ayant confronté à cette vérité exposée à sa vision tourmentée et imposée à sa sentimentalité ébranlée. D'un tempérament bouillant, il prit conscience des nouvelles responsabilités lui incombant. Il percevait ce qu'attendait de lui Beleg mais le manque de clarté sur ses attentes vagues l'agaçait terriblement. Il ne put cependant en connaître d'avantage quant aux recommandations du messager divin puisque ses sens l'avertirent soudain de la présence d'une étrange activité magique dans son environnement immédiat. Le ciel s'obscurcit de nouveau puis la brise s'intensifia. Le soleil se couchait doucement sur le lit de l'horizon. Elvenwolf parut plus inquiétant encore à l'elfe dressé aux abords de la bourgade ravagée.
Alors que le jour déchu allait se terrer dans les profondeurs de l'oublie, la nuit éclatante triomphait sombrement. Les papillons des ténèbres avaient vaillamment combattu puis les fées lumineuses étaient allées se réfugier au coeur des fleurs fermées, fermées à l'envahisseur, fermées pour la nuit. L'étoile étincelante s'éclipsait alors que l'astre d'une luminosité artificielle n'allait tarder à gravir les cieux pour inscrire sa pleine domination sur ce monde désormais plongé dans les ténèbres. Le vent du crépuscule refroidissait la forêt aux aguets. Le fleuve silencieux s'assoupissait. Le silence lourd prêtait au village fantôme un caractère d'autant plus malsain.
Rampantes, les créatures de la nuit se terraient dans les bois et les loups féroces hurlaient au sommet des collines avoisinantes, intimant bestialement à la lune éblouissante d'étendre sa prestance éblouissante sur la nuit sombre. Répondant à l'appel des serviteurs des noirceurs, elle s'éleva dans les hauteurs du ciel noir, dans les profondeurs de cette mer noire. Les arbres desséchés craquaient en entamant leur danse ténébreuse à son honneur. Le vent nocturne chantait une symphonie machiavélique, une aubade glorifiant le néant, en caressant sensuellement les silhouettes squelettiques de la forêt morte et mortelle. De la vapeur s'élevait du fleuve endormi puis s'étendait sinueusement sur le sol forestier ainsi que dans les ruelles décrépies de la ville elfique.
Impassible, Beleg observait nonchalamment le triomphe des ténèbres. Méfiant, Loxias tenait fermement son arc en bois de chêne, prêt à décocher à tout moment ses flèches lumineuses.
-Voici votre première épreuve, cher ami, souffla alors le vieil elfe, sans autre préambule. À chaque pleine lune, cet endroit devient fort particulier, vous le verrez bien vite, continua-t-il, sur le même ton mystérieux. De prime abord, vous semblez avoir un certain potentiel martial et moral. Bref, j'espère vous revoir vivant, et davantage aguerri encore afin de simplement espérer pouvoir réaliser la prophétie. Sur ce, bonne chance à vous, et au plaisir...
Les derniers mots du gardien sylvestre se perdirent dans le bruissement de sa cape qui l'enveloppa prestement comme le cocon de la chenille avant que toutes traces du sorcier ne s'évanouissent définitivement. Les étranges paroles du sage continuaient encore de résonner dans l'esprit du jeune paladin malgré que Beleg ait disparu depuis quelques instants déjà, en ne laissant que des volutes de fumée dans l'air âcre de la nuit froide. Le jeune elfe ne comprenait point ce que le vieil érudit attendait de lui, ni ce qui l'attendait, d'ailleurs.
Une clameur s'éleva soudain, en provenance même du coeur de ce triste hameau, tirant brusquement Loxias de sa rêverie et confirmant cruellement le fait inéluctable que ce qu'il vivait semblait de moins en moins être un rêve, pourtant si rassurant, pourtant si innocent. Selon ce qu'il put percevoir, ces chants indistincts et d'un dialecte lui étant inconnu provenaient du centre de la bourgade.
Contre toute attente, un faisceau de lumière verdâtre et glauque surgit alors de l'endroit d'où émanaient les incantations vraisemblablement nécromanciennes, pointant vers les cieux tissés des ténèbres puis perçant l'amas nuageux. Tenant toujours sa monture par la bride, en se frayant un passage parmi les dépouilles innombrables et les décombres immuables, Loxias se dirigea lentement en direction de l'ancien emplacement de la fontaine magique qui avait jadis tant embelli la paroisse d'Elvenwolf, aux abords de la modeste chapelle. La force maléfique, démoniaque, s'échappait de l'endroit autrefois saint, l'elfe n'en doutait plus...
Edité par Loxias The Dark Lord le 05/05/08 à 20:07
