Forum - [rp spé: Le riredudragondhil] Le Croc du Dragon
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Dame Auklèce | 26/05/08 13:29
C'est un matin froid au brouillard et à la bruine perpétuels qui noie l'atmosphère du port dans une lueur lugubre. Les relents de poisson fraîchement pêchés se mélangent aux odeurs des épices rapportées par les navires marchands. Entres les curieux, les marins, et les pêcheurs, des silhouettes attendent l'opportunité d'embarquer afin de trouver un peu de travail en s'engageant en tant que mousse. Une femme foule les pavés humides du quai, lentement, elle s'arrête au niveau de quelques bateaux et se mélange aux citadins qui observent l'activité des hommes de la mer. Elle n'a rien de particulier, sinon que l'étoffe de sa mante la protégeant de la pluie est plus soyeuse que la plupart des femmes. Des complexes de broderies d'argent ornent les ourlets et se marient parfaitement aux reflets du vêtement qui luit sous ses mouvements. Le large capuchon noir encadre son visage et sa chevelure blonde qui tombe en boucles légères. Une fine chaîne est fixée dans ses cheveux, elle soutient un petit visage argenté au milieu de son front. Finalement, elle se dirige vers quatre hommes aux allures de mercenaires, leurs traits durs forgent leurs apparences de façon guerrière, la rapière accrochée à leur hanche n'est qu'un détail de plus pour ne pas se tromper sur l'évidence de leur mode de vie. La pluie ne semble pas les gêner, ils ne rentrent pas les épaules comme la majorité des passants qui pressent le pas pour trouver un abri.
- Un temps détestable !
Derrière eux, la voix de cette femme, mélodieuse malgré des échos de dégoût, attire leurs attentions. Ils se tordent le cou afin de découvrir cette inconnue. Ils la dévisagent avec stupeur, une Dame du monde vient à leur rencontre... Le spectacle est en effet assez singulier et déjà des regards croisés les observent discrètement. Un des gaillards lui répond d'une voix rauque :
-En effet ! Ce n'est guère un endroit pour vous !
La femme arrive à leur niveau et sourit avec charme :
-Bien au contraire, je viens louer vos services.
Elle s'arrête et observe leur réaction. Ils se redressent tous, l'étonnement se mélange à l'amusement. Mais rapidement ses sentiments disparaissent car il y a une maturité dans ses grands yeux clairs, une suggestion d'expérience qu'aucune dame de la haute société ne cherchant que la jouissance ne peut avoir. Pendant un instant, ils pensent que ses yeux sont des nappes d'eau profonde qui vont les engloutir. L'image d'une Dame sortie d'un conte de ménestrel s'impose à leur esprit.
-J'ai besoin de vous comme garde rapprochée pour aborder une terre à conquérir.
Sa voix n'est pas forte, mais elle domine tous les autres sons, elle a un maintient plein de grâce et d'autorité qui fait qu'ils se sentent gauche et mal assuré sur leurs jambes. Le mercenaire à la peau brûlée par le soleil se racle la gorge pour déloger le malaise anormal qu'ils ressentent sans se l'expliquer :
- Vous voulez conquérir une terre avec nous quatre?
Ils se tournent vers ses comparses, l'air plus détendu avec un sourire moqueur qui lui fend le visage jusqu'aux oreilles. La Femme répond sans se décontenancer avec un naturel affligeant :
-Je ne pense pas avoir exactement dit cela. Je vous paierai suffisamment et très honnêtement.
Ses yeux vont lentement des pieds à la tête de celui qui a pris la parole, il a le sentiment désagréable qu'elle voit d'une certaine façon au-delà de lui et qu'elle peut définir tout ce qui l'entoure. Elle lui arrive au niveau des épaules, mais cette femme possède une telle présence qu'elle semble avoir la stature normale alors qu'il a le sentiment d'être gêné par sa grande taille. Elle sort de sa large manche une bourse qui sonne de façon tentante, elle lui remet sans ciller. Un silence pesant s'installe dans cette négociation hors du commun brisée sans harmonie :
- Très bien ! Nous allons avec vous, si ce n'est qu'une terre à aborder, votre paiement semble être généreux. Quel est votre nom ?
Son sourire, à peine une courbe au coin des lèvres est à présent du genre de ceux qui gardent quelques secrets :
- Je serai pour vous juste une Dame, nous partons ce soir quand la lune sera à son zénith.
Son sourire s'efface lentement comme si quelque chose lui revient à l'esprit, pendant un instant, elle se contente de les dévisager puis se détourne d'eux sans un autre mot. Elle s'éloigne, semblant plutôt glisser sur le sol que marcher, sa mante déployée de chaque côté comme des ailes. Au moment, où elle part, un homme de haute taille que les mercenaires n'avaient pas remarqué quitte le pont d'un bateau et la suit, une main sur la garde de son épée de Capitaine. Il presse le pas pour la rattraper, puis ralentit pour rester côte à côte avec elle, se penchant pour lui parler. Elle s'arrête pour lui faire face et presse sa main entres les siennes pour lui remettre un présent qui suffit à le faire rebrousser chemin
**
Le ciel est chargé de lourds nuages qui s'enroulent lentement entres les différents sommets volcaniques, il fait encore nuit même si les cieux brumeux se parent de couleurs pourpres. Les odeurs de souffre sont portées par le vent humide et chaud qui joue avec la chevelure de la femme observant cet étrange paysage se dévoilant enfin à ses yeux avides de découvertes. Elle a troqué ses étoffes soyeuses pour des vêtements en cuir et comme unique bijou à part la chaîne qui ne quitte pas son front, elle porte une épée à la garde minutieusement travaillée dont la lame scintillante suit sa jambe fuselée.
L'enfer ! C'est le premier mot qui lui est venu à l'esprit. Son visage se pare d'un sourire sarcastique quand l'ancre du gréement se noie dans les ondes insondables de cette mer brumeuse.
-Bienvenue en enfer ! Allumez les torches, mouillez la chaloupe, une terre nous attend !
Au commandement de la Dame, des silhouettes sombres s'activent. Elle saisit un sac à dos tout comme les quatre mercenaires puis prend souplement place dans l'embarcation suivit de sa petite troupe rapprochée. Les flammes des torches jouent avec les visages en les sculptant sans cesse en d'étranges masques énigmatiques. Des marins déroulent le cordage petit à petit, l'embarcation s'enfonce lentement dans les ténèbres. La femme quitte le capitaine d'un signe de tête avant de lui lancer une bourse en cuir qui semble le satisfaire. Il lui renvoie son respect par un salut militaire et disparaît de sa vue quand les premiers coups de rames brisent les flots bouillonnant.
Le bois de la chaloupe lèche le sable en crissant sinistrement mais ce son est vite oublié quand la terre tremble avec le cri profond et grave d'une créature invisible. Rapidement, le bruit métallique de l'ancre du gréement résonne dans les ténèbres, il quitte son mouillage à la manière d'un navire fantôme toutes voiles déployées au vent humide. Si cela ne perturbe pas la femme, les quatre hommes n'aiment pas la tournure des événements. Leurs regards tentent de percer l'obscurité ambiante à la recherche de l'éventuel danger qui plane au-dessus de leur tête. Au contraire, la Dame ne regarde pas le navire qui s'efface derrière le rideau nocturne, elle sourit, et répond intérieurement au salut de l'Ancêtre qui a senti des prétendants fouler sa terre aux milles trésors.
Elle dévisage les quatre mercenaires engagés au port afin de leur enlever toutes envies ridicules. Ils se raclent la gorge, tremblant sans vraiment le vouloir sous la volonté de cette étrange femme à qui ils emboîtent le pas en silence pour franchir la lisière d'une forêt.
L'humidité ambiante trempe rapidement les chemises des marcheurs qui avancent péniblement dans cette jungle dense de végétations mystérieuses. Elle relève ses cheveux en un précaire chignon afin de quérir le peu de brise qui la rafraîchirait. Malgré tout, elle ne ralentit pas l'allure et sabre l'air de sa lame pour se frayer un passage. Elle doit rejoindre un point stratégique qui sera sa place forte. L'aube se lève à peine quand elle arrive à son but. Le temps n'est pas au repos mais à la construction. Une ombre attire l'attention des quatre guerriers vers les cieux, un dragon plane au-dessus du camp de fortune, la peur sème une once de rébellion chez les mercenaires menaçant a Dame aux secrets. Elle ne s'offusque pas, elle esquisse un sourire qui suffit à nourrir son charme quand elle leur répond d'une voix envoûtante dans son attitude glacée :
-Vous êtes sur la Terre des Dragons en compagnie d'une ancienne Initiée. Qui serait assez fou pour me suivre sinon ceux qui n'ont pas la connaissance ?
Bart Abba | 26/05/08 16:34
Toujours aussi bien ékrit, enkore bravo !
Noir-feu | 28/05/08 11:16
Le moins couard des guerriers s'apprête à répondre vertement à la dame, se fichant bien qu'elle soit noble ou simple roturière, mais les mots semblent mourir dans un borborygme tandis qu'il recule d'un pas, subitement livide. Il tend une main tremblante qui désigne un point situé derrière sa commanditaire.
-l..l..là...da...dame!
Une voix rauque mais puissante se fait entendre, prononçant un mot. Un seul et unique mot qui résonne, si lourd de sens que l'air semble soudain devenir plus chaud, plus lourd, dense, solide.
-Moi.
Tous se retournent vivement, surpris. Une silhouette noire massive et inquiétante apparaît entre quelques écharpes de brume. L'être semble tout droit issu des âges sombres de l'aube des temps, mi-homme mi-démon aux longues cornes recourbées, deux yeux rougeoyants évoquant sans conteste les feux de l'enfer. La créature mesure plus de deux mètres, elle se tient debout, appuyée sur une colossale épée à l'aspect glaçant, la lame à la pâleur de mort est parsemée de runes d'un noir mat, et luit d'une sinistre aura, mélange du souvenir d'innombrables trépas et vision de ceux à venir. Son visage est l'image même d'un dragon des Abysses, lugubre et démoniaque, tétanisant les plus endurcis de par sa seule expression de fureur haineuse.
Les vaillants gardes du corps reculent en trébuchant, ne tenant pas le moins du monde à risquer une confrontation avec cette apparition infernale, leur sang charrie des glaçons, et leurs muscles refusent de leur obéir. Un rire puissant provient de l'être, qui darde son regard sépulcral sur la Dame, tandis que les échos de son rire roulent encore dans les montagnes environnantes, délogeant ici et là quelques rochers instables.
Le soleil levant hausse son sommet pourpre au-dessus de l'horizon en projetant de longues ombres au-devant de Noir Feu et grandissant la sienne de façon irréaliste. Il souffle son haleine brûlante au travers de la brume qui enroule ses mains fantomatiques autour des chevilles de la femme qui s'avance vers lui. Elle pointe son épée vers la créature des enfers sans la quitter des yeux, sa main est sûre et ne tremble pas face à cette apparition infernale. Le Dragon se dresse au bord d'une nuée de fumée noire qui tourbillonne de plus en plus à mesure que la femme ose le défier. Ses yeux sont des cavernes sans fond, à l'intérieur desquelles un brasier illumine ce regard si peu humain qui la glace et pourtant l'attire.
Elle ne relève pas les objections effrayées des mercenaires qui la prennent pour une inconsciente, une folle qui ne craint pas pour sa vie. Elle s'arrête quand le bout de sa lame touche le coeur de la créature. Son visage est dur quand elle leur parle sans dévier son attention de celui qui la surplombe de toute sa force infernale :
-Ne vous avais-je pas dit que ce lieu était l'enfer ?
Le silence sera sa seule réponse, les hommes ont pris la fuite, refusant la confrontation pour choisir un abri derrière les racines gigantesques des arbres composant cette jungle. Le temps est suspendu à cette arme rivée vers le torse du Dragon qui dégage à son tour l'épée sur laquelle il s'appuyait. Les lèvres de la femme paraissent se courber en un léger sourire énigmatique alors que son expression reste figée dans de la glace. Elle met un peu de pression dans son poignet pour que la lame s'appuie davantage sur ce coeur qu'elle pourrait transpercer, et lui souffle en le défiant avec un air intrépide :
- Ne dit-on pas que l'attrait du danger est au fond de toutes les grandes passions?
L'être en armure complète ne bouge pas d'un pas, quand bien même l'épée acérée de la Dame vient se poser à l'emplacement de son coeur. D'un geste très lent et sans à coups, il relève la lame inquiétante de son arme, et vient en poser le tranchant tout contre le cou de Dame Auklèce. La voix du Dragon Noir laisse transparaître un amusement certain lorsqu'il répond à sa provocation.
-Je ne sais. Mais si cela est vrai, alors notre passion sera un brasier inextinguible, puisque il semble que vous vouliez percer mon coeur de vos armes comme de vos charmes. Prenez garde de ne pas perdre la tête, à susciter tel feu en moi, ma Reine.
Il retire son heaume d'une main, d'un geste sûr, sans reculer, la pointe de la lame de son aimée toujours contre sa poitrine, et la sienne contre sa gorge. Il tourne son regard vers les quatre couards, une lueur méprisante au fond des yeux.
-Je constate que vos preux mercenaires ne semblent pas vouloir justifier leur solde. Une chance que j'aie décider de m'assurer que vous étiez dignement accompagnée, ma Reine, ces gueux ne lèveront pas le petit doigt pour vous protéger, ils sont trop occupés à trembler...
Il sourit un peu ironiquement, défiant les gardes de le contredire. Mais ces derniers ne semblent pas décidés à quitter l'abri dérisoire de leurs racines, et font mine de ne rien avoir entendu. Tout comme Auklèce qui dégage finalement sa lame pour la rengainer dans son fourreau, elle ne répond rien, offrant sa gorge à cette lame affûtée en patientant que son seigneur daigne enfin la saluer comme il se doit.
Dame Auklèce | 02/06/08 13:25
Loin de ce couple qui se retrouve, traversant en direction du nord, les flottes ennemies franchissent l'immense delta des Griffes du Dragon, ce labyrinthe sinueux de chemins d'eau larges où les herbes jonchant les rives sont aussi coupantes que des lames de couteau...Pourtant, une chose ne se coupe pas à ses roseaux, elle glisse sur ses terres en donnant au vent une mélodie inquiétante. Elle a vu chacun des seigneurs prétendant au trône arriver de façons toutes différentes, cependant elle s'en contre-fiche, ils ne sont qu'un mince obstacle à ses projets de gloire. Elle sait que ces terres dragonniques peuvent lui appartenir avec tout l'or protégé par les dragons et surtout, elle pourra s'emparer de leur magie.
Elle glisse le long des eaux bouillonnantes qui se couvrent d'une fine couche de glace et caresse sans douleur les coulées de lave qui se durcissent à son passage. Elle est la mort désincarnée qui glace ce qu'elle frôle de sa main invisible. Les ténèbres sont son royaume où sa toute puissance peut se déployer, elle ira chercher vos pires craintes jusqu'à les matérialiser.
Pour le moment, elle cherche celui qui a dispersé les douze dragons aux capacités extraordinaires, l'Ombre veut les leur voler et s'incarner dans un être qu'elle aura façonné de sa folie. Elle s'enroule autour des racines et glisse le long du sol poussiéreux pour se faufiler sous l'huis de cette chaumine se trouvant au coeur de ce modeste village.
C'est un homme qui a atteint l'âge de la raison aux tempes grisonnantes qui se retourne avec effroi, ses cheveux se blanchissent totalement tandis que des ridules creusent sa peau lisse. La Mort le visite. Il l'a senti. Cette chose est en face de lui. La bure qui la couvre n'est que vapeur infernale, la voix qu'il entend dans son esprit est une ondulation de crissements stridents qui forment les mots dans la douleur.
- Où sssont les dragons ? Dis-le moi misérable insssecte ou tu périras.
La langue de l'homme est du cuir rêche, sa gorge est en feu sous les doigts griffus qui l'enserrent. Cette vision n'est qu'irréelle, cette chose n'est qu'obscurité et vapeur, pourtant, elle l'étrangle et ses serres pénètrent dans ses chairs qui laissent échapper sa vie en de longs sillons rouges. Il fixe le visage absent dans l'ombre du capuchon. A force de volonté, il parvient à articuler sous sa terreur.
-Ils ...ne ...sont plus ici. Pitié !
-Où ?
Un brasier d'une force infernale accroche son âme quand la main vaporeuse plonge dans sa cage thoracique. L'homme ne peut qu'hurler comme toutes les âmes que l'Ombre a volé pour se nourrir. Il souffle plus qu'il ne répond dans l'espoir de sauver sa vie.
- Les douze dragons ...reviennent... aux douze dragons.
Au même moment, une vague de silhouettes engloutit le village qui se transforme en un véritable enfer. Les feux sont allumés pour une danse macabre dont la mélodie sera celle des hurlements et de la mort. L'ombre exulte et grandit en force quand elle arrache encore une âme, quand elle goûte aux peurs de chaque villageois. Sa folie destructrice va insuffler la guerre sur ses terres, déjà le vent funeste gonfle les voiles des derniers prétendants au trône. Elle rit de puissance, elle veut le faire entendre aux misérables qui pensent pouvoir lui enlever son royaume, son rire est celui du tonnerre qui gronde sans que pluie diluvienne vienne éteindre ses feux destructeurs.
Le tonnerre gronde sourdement dans le ciel de cette matinée sombre comme de l'ardoise. La terre tremble quelques fois depuis le départ de leur campement et rende leur avancée pénible. Il serait tellement facile pour le Dragon Noir d'emprunter les airs, mais Auklèce n'y tient pas, cette sortie lui permet de cerner la rudesse de cette terre qu'elle doit conquérir, les avantages et les inconvénients se profilent déjà dans son esprit.
Noir Feu s'était réveillé brusquement oubliant rapidement la volupté qui l'avait porté doucement sur les berges du sommeil aux côtés de sa compagne. Il avait senti cette chose... Son intuition de dragon l'a poussé hors de la couche précaire mais pourtant symbolisant le plus grand havre de paix. Auklèce y était paisible, il ne pouvait la réveiller pour la guider vers la désolation. Cependant, quand il a rabattu le pan de la tente, il a su qu'elle ne le laisserait pas partir une nouvelle fois sans qu'elle soit à ses côtés. Elle s'habillait déjà et les éclairs volontaires qui éclairaient de temps à autre son regard, étaient prêts à le foudroyer s'il s'opposait à sa volonté de le suivre.
La dernière senteur de sel a disparu dans ce village qui s'est logé dangereusement à la naissance des flancs d'un volcan sommeillant. Il n'est que trop silencieux en ce matin chaud et humide. Comme si les gens s'étaient prudemment terrés dans leur propres murs la nuit passée, secoués de frisson en dépit de la chaleur quand le vent balayait leurs toits à la manière de milles pleurs secoués par des voix qui se lamentaient. Seulement, ils ne pouvaient se douter que bientôt les leurs allaient les remplacer pour ne devenir que trop réelles.
Noir Feu ne prête pas attention à l'odeur des maisons qui brûlent ni aux cadavres gisant sur la terre battue. Il savait à quoi s'attendre, porté par son instinct, il cherche autre chose, mais Auklèce ne le remarque pas. La Dame déambule dans cet environnement chaotique, des colonnes de fumées sortent des habitations, elle arrive finalement devant l'auberge, encore debout, elle s'apprête à pousser la porte en s'attendant au pire, mais près du puits du village autre chose l'arrache à son projet. Un long gibet, construit rapidement, soutient ses tristes trophées, une vingtaine de cadavres dont les vêtements en lambeaux s'agitent sous la brise. Des petits corps sont aussi pendus parmi leurs aînés. L'incrédulité se mélange à son horreur quand elle fixe leurs yeux exorbités d'un blanc livide. Elle a l'impression qu'il leur manque quelque chose, malgré sa révulsion, elle s'approche un peu plus pour finalement trouver le malaise qui la secoue. Le visage de la fillette qu'elle fixe est sculpté dans l'effroi, mais surtout ses yeux n'ont plus d'iris, ses cheveux sont blancs comme neige, et malgré son jeune âge, sa peau est ridée comme l'oeuvre d'une vie s'étant écoulée au fil d'un temps qu'elle n'a pu connaître. Elle cherche du regard le Dragon Noir afin de lui faire part de sa macabre trouvaille. Mais elle se retourne brusquement vers le cadavre quand une voix grinçante s'immisce dans sa tête et que la bouche de la fillette morte bouge sous la force d'une magie démoniaque en la fixant de son regard vide :
- Je te volerai aussssi ton âme et ton dragon ssssera mien !
Dame Auklèce | 02/06/08 13:31
Mieux vaut deux fois qu'une
Edit Celim : corrigé. 
Edité par Celimbrimbor le 02/06/08 à 14:02
Noir-feu | 11/06/08 14:15
Le Dragon Noir parcourt lentement les ruines fumantes, plongé dans une profonde reflexion. Il y a en ce lieu un remugle pestilentiel de magie noire, démoniaque, il la sent, mais ne parvient pas à en définir la nature, et encore moins la source. Il connaît assez cette terre pour savoir que cette ombre est récemment arrivée, et se demande si l'ancêtre l'a perçue. Son regard est soudain attiré par une empreinte étrange, si peu marquée que par deux fois déjà il est passé à côté sans la distinguer. Il s'accroupit pour la discerner plus précisémment, en suit les contours indistincts du doigt. Son sang se glace, un frisson secoue son corps, son instinct dragonnique hurle devant cette impalpable menace.
L'empreinte de trois longs doigts griffus de la taille d'une longue dague chacun devrait être profondémment marquée, au vu de la taille probable de la créature, mais il n'en est rien, la terre semble avoir gelé puis dégelé autour de cette empreinte, inexplicable phénomène au vu de la chaleur torride de cette terre. Le Dragon Noir se relève, cherche alentour d'autres traces, mais n'en voit aucune. Il se dirige vers une maison effondrée, quelque chose lui dit qu'il trouvera dans ces ruines quelques indices quand à la nature de ce qui a ravagé ce paisible village. Il déplace quelques blocs de granit, soulevant un nuage de poussière, comme si la maison s'était effondrée des siècles auparavant, alors que l'état des cadavres affirme que cela remonte au plus à deux jours. Noir-Feu se recule soudainement, son coeur manquant un battement, le guerrier pâlit légèrement et porte la main à sa puissante épée runique tandis que son regard étréci tourne rapidement pour surveiller les environs. Il aperçoit sa Dame qui semble figée devant un gibet de grande taille, sent que quelque chose se passe là-bas, mais est encore trop ébranlé par ce qu'il vient de voir pour y accorder toute son attention.
Entre les deux blocs qu'il vient de remuer, un visage, encadré de longs cheveux plus proches d'une masse de serpents que d'une soyeuse chevelure. Les traits sont vraisemblablement âgés, bien que la taille de la tête fasse plutôt penser à un jeune enfant. Mais ce qui frappe dans cette vision, ce sont les lettres gravées à même la peau du mort, plaies d'où sortent de longs vers blanchâtres à la reptation écoeurante, malsaine. Chacun de ces vers semble avoir visage presque humain, un visage de jeune garçon... Noir-Feu rassemble toute sa volonté pour déchiffrer les mots si hideusement inscrits, puis crache une flamme d'un feu couleur de suie pour calciner cette horreur. Il se retourne pour s'assurer que sa bien-aimée n'a pas aperçu cette vision de cauchemar, et se rend compte qu'elle est toujours devant ce gibet aux macabres trophées. Soudainement inquiet par cette immobilité si peu habituelle de la part de la tornade Auklèce, le Dragon se dirige vers elle d'un pas rapide, arrivant quelques secondes plus tard à ses côtés. Il la regarde, se rend compte qu'elle fixe d'un air hagard le corps d'une fillette qui se balance dans les premières bourrasques d'un vent naissant. Il tourne son regard vers la maccabée, et frémit quand une voix semblable aux grincements d'une porte restée fermée pendant cinq siècles s'insinue dans son esprit.
-Ma vengeance est proche, sss...sale reptile! Je vais dévorer l'âme de ta chère compagne, puis sss...celle de tous les dragons que tu appelles frères et sss...soeurs. Et quand j'en aurais assez de les entendre hurler, je m'occuperais de toi, je ferais de toi un ver pleurant et gémisssss...ant, je veux t'entendre me ssss...supplier de t'accorder la mort! Mais ton tourment durera éternellement, pour avoir osé nous défier à Num, maudit lézard!
Suite à ces mots, le cadavre de la fillette se convulse, et sa bouche crache un long jet de sang mêlé de secrétions innommables qui vient éclabousser le Dragon Noir, qui prend le bras de sa compagne pour l'arracher à ce spectacle ignoble et lui épargner la souillure. Il répond d'une voix dure et glaciale comme la banquise, martelant ses mots comme une incantation ancestrale et oubliée des hommes.
- Tu n'es rien. Tu n'as aucun pouvoir en cette terre, nous t'avons brisé à Num, nous te briserons ici. Tous tes maléfices et tes démonstrations minables n'y changeront rien. Nous ne te craignons pas.
Un long sifflement suraigu se fait entendre, jaillissant des lèvres exangues de tous les cadavres suspendus au gibet qui s'agitent dans une parodie obscène de danse avant de soudainement se mettre à pourrir à une vitesse ahurissante. Quelques secondes s'écoulent avant que les corps ne tombent en lambeaux dégageant des odeurs méphitiques, quelques secondes encore et les cadavres ne sont plus que de petits tas de poussière qui se font sont lentement disperser par le vent, seule l'odeur tenace de pourriture demeure, ne semblant pas emportée par la brise qui fraîchit malgré la fournaise environnante.
Dame Auklèce | 18/06/08 18:46
Levant haut la lanterne aux parois de verre, Auklèce tente de percer l'obscurité avec cette pâle lumière. Des frissons dérangeants l'enveloppent dans un malaise qu'elle ne parvient pas à chasser. Le feuillage frissonne lui aussi, mais sous le coup du vent qui transporte avec son souffle l'odeur de souffre omniprésente sur cette terre. Elle ne voit rien, et pourtant...Cette impression ne la lâche pas, la vision de la fillette morte ressurgit dans son esprit en donnant aux ombres une vie malsaine. Elle cherche la clarté apaisante de la lune, mais son disque est voilé par les nappes de brume qui s'entrelacent parmi les cimes ancestrales des arbres. Ils tendent leurs branches vers les cieux comme pour implorer que les forces supérieures aient pitié de cette femme jouant de son éclairage pour trouver ce que son intuition lui crie.
- Votre éclaireur est arrivé, il vous fait savoir que les troupes astriannes arriveront dans deux... Auklèce que faites-vous ?!
Elle abaisse son bras et se tourne vers le Dragon Noir qui la dévisage avec un certain étonnement. La Dame se compose un sourire et répond sur un ton léger en chassant son trouble au fond d'elle-même :
- Je suis curieuse Mon Seigneur...je tentais de percevoir cet oiseau au cri si intrigant.
Elle s'avance vers lui et glisse sa main sous son bras pour le guider vers un autre endroit. Elle se retient de jeter un dernier regard par-dessus son épaule quand ses os semblent n'être que de la glace prête à s'émietter lorsqu'un son suraigu s'immisce dans son esprit :
-Auklèssssse.
L'ombre caresse de sa main vaporeuse le morceau de pierre qu'elle vient de façonner par sa magie ténébreuse. Cette figurine diffuse une douce chaleur, celle de la vie, son visage est fin et sa chevelure tombe en boucles légères entre quelques tresses qui la domptent pour ne pas gêner la femme guerrière posant sa main sur la garde d'une épée. Son maintien est fier et respire le défi par son allure provocante. Satisfaite, l'ombre éructe quelques sons privés d'harmonie, une pierre noire apparaît dans ce lieu habité par les vapeurs nauséabondes. Sa main inhumaine la polit alors que son esprit projette l'image de cet orgueilleux qui a osé la défier. L'Ombre rit de son inconscience, elle rit de haine. Il faut dire qu'elle est secouée par une idée d'un rare génie tandis que les traits, la physionomie, tout ce qui fait Noir Feu se grave dans la figurine qui prend place aux côtés de la première sur un autel de marbre noir.
La Chose des Enfers retourne son intention sur sa première oeuvre, elle la caresse et se penche pour sentir ce qu'est cette femme, un ongle démesurément long se matérialise et frôle la chaîne au médaillon qui pare son front. Un son pareil à celui d'un claquement de langue termine son observation, la pierre représentant Dame Auklèce flotte au creux de la main vaporeuse de l'Ombre. Un Vent Noir naît derrière la créature et transporte les paroles qu'elle souffle à la figurine avec une tendresse malsaine.
Sa lanterne éclaire suffisamment la piste qui se dérobe de temps à autre sous ses semelles. Tout en marchant, la Dame regarde avec malaise le sommet rougeoyant du volcan abritant celui que l'on nomme l'Ancêtre. La pente s'élève toujours et semble devoir monter sans fin. D'un côté de la piste, le terrain plonge de façon abrupte jusqu'à un torrent qui se précipite en écumant contre des rocs aigus. Auklèce n'a jamais vu pareil volcan, tout est étrange, et les pics qui agressent les cieux, les falaises déchiquetées pareilles à des cascades de roches figées ne lui inspirent guère confiance. D'ailleurs, ce vent chaud l'irrite, son souffle lui colle à la peau et la rend moite. Elle ne sait pas pourquoi, mais l'idée lui a pris de partir sans rien dire pour gravir le Croc du Dragon.
Le torrent gronde, et la cascade projette ses infimes gouttes, Auklèce s'arrête quelques secondes pour reprendre son souffle et tenter de se rafraîchir par ce nuage d'eau porté par le vent. Ce dernier perd de sa chaleur et une brise glaciale caresse son cou, des milliers de voix plaintives s'unissent pour lui souffler à l'unisson :
- Nous volerons ton âme !
Auklèce lâche sa lanterne sous le coup de l'effroi, elle recule instinctivement n'ayant pour seule issue la paroi rugueuse que rencontre son dos. Soudain l'Ombre se dresse devant elle dans une brume naissante en écartant légèrement les bras pour l'accueillir. Rapidement, Auklèce dégage son épée, mais une main aérienne et invisible contrarie son projet en la plaquant violemment contre la roche qui écorche sa peau par la pression subie. La garde de son arme rougit en brûlant sa paume, elle lâche prise, son épée est projetée en contrebas dans le torrent écumant de rage. Le son de la cascade se transforme en un véritable tonnerre, soudainement ses perceptions changent, Auklèce a l'impression d'être au coeur d'un braiser infernal. Les gouttes d'eau ne sont plus que des brandons enflammés virevoltant dans l'air chargé pour mieux la brûler.
- Petite Poupée...je fais de toi ma marionnette !
L'Ombre s'est rapprochée et son visage absent hume le parfum de peur qui se dégage de la peau sucrée de la Dame. Ses mots s'immiscent dans ses pores, et l'imprègne avec horreur :
- Tu n'es rien...sssauf ssssi tu es à moi.
Auklèce veut répondre mais sa gorge n'est qu'un désert asséché par le sel de ses larmes coulant sous la douleur quand ses entrailles se tordent sous la pression d'une main cherchant à lui dérober des fibres de ce qu'elle est. Elle parvient à gainer sa volonté et à rejeter cette intrusion tout en envoyant un crachat vers ce visage invisible, une petite flamme naît dans l'ombre de cette capuche pour disparaître aussitôt ! Un rire infernal la porte dans un tourbillon diabolique :
-Tu vas d'abord me servir pour que je vois ta valeur...
Auklèce est libérée de sa prison aérienne pour être projetée vers le vide, toutes ses perceptions lui reviennent avec horreur, un réflexe la sauve d'une mort certaine quand elle agrippe la paroi coupante de la falaise, avec l'énergie du désespoir, elle se hisse en ahanant. Mais le Vent Noir ne l'oublie pas, il chahute avec affection sa chevelure blonde, et la colle comme de l'huile qui la fait glisser contre la roche qui s'effrite:
-Perssssonne ne viendra...Donne moi ton Dragon et je te sssauve...
-Jamais ! Plutôt mourir que trahir !
Les milliers de voix rient et tournoient encore dans ce vent soulevant les ondes du torrent qui ne demandent qu'à être la tombe de la Dame. Auklèce lève les yeux vers le rebord de la piste qui semble si loin, mais l'Ombre se matérialise de nouveau en la surplombant avec fatalité :
- La tombe n'est pas un obstacle à mon appel...Un autre rejoint ssselle qui fut ssson épouse.
Un rire ressemblant à un crissement secoue ses épaules vaporeuses tandis que sa main décharnée pointe les cieux pour montrer le vol d'un Dragon Noir filant à toute vitesse en dehors des Terres de Rireaudragondhil. L'ombre disparaît avec une dernière intention :
-Tu es ssseule et tu n'es rien, tousss t'abandonne, mais moi je sssuis là !
Auklèce pousse un cri lorsqu'elle sent percer son flanc par une lance invisible et brûlante comme un tisonnier chauffé à blanc. Le vide frémit quand elle semble basculer de nouveau vers lui mais elle s'accroche à ce qu'elle est, à cette paroi qui a retrouvé toute sa solidité. Elle parvient à se hisser sur la piste à bout de souffle.
De nouveau un autel de marbre noir accueille la figurine de la Dame en la laissant isolée dans des nuées vaporeuses où l'Ombre se tapit pour mieux régner...

