Forum - Tranche de vie.
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Celimbrimbor | 06/08/08 22:47
La feuille se détache de l'arbre, avec un bruit si déchirant que la nature s'en bouche les oreilles pour n'avoir pas à supporter telle horreur. Le vent la saisit, sans avertissement, et la chute qui aurait pu être douce comme une lente agonie se transforme soudain en une furieuse sarabande. Elle saute, volte, sursaute, virevolte, dessine mille et mille figures insensées et curieuses dans l'air du soir, sans pouvoir jamais avoir quelconque contrôle sur cette course immonde.
Vive alors que morte, elle s'effondre sans cesse, au ralenti, soumise aux caprices infâmes du vent, qui tantôt la porte d'un côté, tantôt l'amène ailleurs, fripant sa robe couleur d'automne qui un instant plus tôt était encore jolie et sans taches. Elle ne comprend pas, pourquoi, d'ailleurs, elle s'est ainsi détachée de sa précieuse branche où elle était si bien. Pendant l'éternité que dure sa chute, elle ne pense qu'à cela. Pourquoi ? Comment ?
Evidemment, seule la solitude lui répond, et malgré le froid de la mort qui l'engourdit, le rugissement inamical du vent, qui déchire ses pauvres tympans. Elle n'est qu'une feuille, une simple feuille, une pauvre feuille parmi tant et tant d'autres, elle ne saurait attendre, vraiment, de réponse. En aurait-elle, même, qu'elle ne la comprendrait sans doute pas à vrai dire. Alors, elle cesse de lutter, et avant que son dos ne touche brutalement le sol, elle meurt sans un soupire.
Cependant, une main ramasse la feuille du grand chêne fraîchement tombée. Elle est encore chaude de couleurs délicates. Morte déjà, mais encore vivante, peut-être, d'une certaine façon. Les feuilles sont nées pour tomber. En un seul moment, toute la poésie du monde se concentre dans leur vol plané délicieux et dans les acrobaties élégantes qu'elles s'amusent à jouer avec le vent comme partenaire. Il a toujours apprécié la chute. La clôture. La conclusion. La fin. Certes, il n'est pas de ceux qui supposent que dans un dernier geste se niche toute une vie, mais il aime cette ultime élégance, cette finale pirouette qui transmute un moment si dur en une chose si belle.
Une deuxième main vient caresser la feuille, doucement, regarder ses nervures, les graver, peut-être, dans une paume à peine ridée et pourtant bien trop vieille. Un sourire éclaire un visage d'une compréhension nouvelle, un changement d'échelle s'opère.
La feuille est de nouveau lâchée, elle chute encore une fois, mais cette fois-ci, elle ne ressent rien.
La pousse de chêne qui s'enfonce dans le sol sous l'effet de sa propre inertie développe des racines à une vitesse impressionnante, et le vent n'a pas le temps de souffler une seconde bise pour embrasser la feuille qui tombait à l'instant qu'un arbre vénérable, au plus fort et plus beau de son âge, se dresse à côté d'une silhouette obscure.
L'air du soir vient balayer les cheveux de l'elfe fatigué qui s'assoit sur une souche opportune. Même ce petit miracle ne l'a pas divertit.
Un temps, il aurait invité Cerbère à venir, à chercher à comprendre, à apprendre, à parler de tout et de rien.
Un temps, il aurait forcé Kinsley à le suivre, pour l'entendre se railler, se moquer, vivre à ses côtés simplement.
Mais Cerbère est mort, et Edward ne le sert plus qu'en titre. L'elfe préfère le laisser vivre son éternité aux bras de sa compagne.
Que reste-t-il du temps jadis ?
Qui reste-t-il du temps jadis ?
Lancwen, sur Certadhil, et ses plans obscurs, trop loin, trop lointaine.
Faerandel, retiré quelque part.
Morrdred, retiré ailleurs également.
Xüne, obligée un peu partout.
Althâr, rugissant à Avalon, aux côtés de Stormbringer, qui dort d'un repos que seul a mérité le dernier d'émeraude.
T.B.O., le stryge, disparut lui aussi.
Et Magnus avec lui.
Et tant d'autres encore que sa mémoire a estompé.
Trop de nouveau visage, et lui, trop vieux, trop pétri d'habitudes, est un vestige des temps anciens, un vestige inutile et bougon, une curiosité, plutôt, et désormais, il est bien tard, même pour les légendes.
Celimbrimbor secoue la tête.
« Je suis fatigué. » Murmure-t-il au néant.
Edité par Celimbrimbor le 06/08/08 à 22:52
Sombrebarbe | 07/08/08 09:55
Le talent est intact...et puis, nos destinées sont-elles si dissemblables que celle de cette pauvre feuille ? Plus ou moins de vacuité dans cette chute que dans nos gesticulations ?
Enfin, si la sagesse doit effleurer le vieux sage, elle lui soufflerait de se réjouir plutôt de la présence de visages neufs quand ceux des plus anciens s'estompent et ne vivent plus que dans les contes enchanteurs des exploits de jadis et dans les mémoires, fussent-elles attristées, de ceux qui ont eu l'honneur et le plaisir de les cotoyer ?
Baramir d'Eckmöl | 07/08/08 10:53
Un jour, un ami m'a dit de ne pas penser au passé, que l'on ne peut le changer et en ramener les vestiges que l'on chérie tant.
Si tu es si fatigué mon ami, si tes vieux compagnons te manque tant, va-t-en les retrouver dans leur retraite et leur solitude ! N'as-tu plus de forces ? Plus d'espoir ? Plus rien à attendre ? Alors si tel est le cas, oui, pars les rejoindre.
Les temps passe et meurtri nos coeur et nos amis, c'est ainsi la vie. Mais n'oublie surtout pas que parmi les jeunes de nouveaux compagnons peuvent surgir.
Balain | 07/08/08 10:55
Malgré sa bonne humeur habituelle, la complainte de ce seigneur attrista fortement le jeune maître-nain Balain.
Par mesure de bonté il pensa inviter ce « Grand Escogriffe » à partager l'une de ses boissons favorites.
Mais il retint son geste et le laissa plongé dans sa mélancolie.
Magister Impedimento | 07/08/08 11:08
N'est pas mort ce qui à jamais dort... 
Dame Auklèce | 07/08/08 11:20
A l'automne des saisons, ce sont les feuilles qui meurent.
A l'automne de la vie, ce sont nos souvenirs.
Charengo | 07/08/08 12:17
Je partage tout à fait l'avis de sire Baramir:
"Mais n'oublie surtout pas que parmi les jeunes de nouveaux compagnons peuvent surgir".
Puisque depuis mon arrivée (en avril dernier), ce sont les "anciens" qui me racontent les grandes et petites histoires de Daifen et m'ont fait découvrir une multitude de récits et de sites passionnants issus des joueurs passés... mais les joueurs de "maintenant" sont tout aussi passionnants, même s'ils ne souhaitent pas forcément revenir sur des heures qu'ils n'ont pas connu.
De plus le jeu ne serait pas ce qu'il est et n'attirerait pas autant de joueurs sans tout ce passé auquel vous avez contribué. Et comme Balain, messire Celimbrindor, je vous inviterai plus tôt à noyer votre mélancolie dans quelques bouteilles d'eau de feu en se moquant des nouveaux et de leurs questions et des anciens et de leurs regrets...
On fait un continent ensemble ? 
je sais !!! effrontée.... mais pas très jeune.. 
Rat De Labo | 07/08/08 12:23
Mon cher Celim, reposez vous dans la nostalgie mais ne vous y enterrez pas définitivement...
Les pousses d'aujourd'hui sont déjà en train d'écrire la légende de demain...
Ce n'est pas une période de décadence, loin de là, c'est seulement le début d'une toute nouvelle histoire et elle reste légère pour le moment pour ne pas effrayer les spectateurs...après tout c'est grâce à eux que vivent les héros...si personne ne les voit, ils n'ont plus de raison d'être...
Alors ne laissons pas le spectateur avoir peur des futurs faits de gloire...surprenons-le...étonnons-le...Les meilleurs contes sont faits de moments forts comme ceux que vous regrettez et de moments plus doux où se découvrent nos nouveaux ensorceleurs...rions d'un rien, d'une feuille au vent d'abord puis créons l'émotion, inventons la forêt et ses êtres enchantés!
Vous le faites si bien Celim, n'oubliez pas cela...
Le Rat, Clanicus modestum spectatus
Edité par Rat De Labo le 07/08/08 à 12:27
Duc De L'uto | 07/08/08 13:19
Cela tient de l'épidémie...
Rat De Labo | 07/08/08 14:31
Parait que les rats sont propagateurs dans les cas d'épidémie... 
Faerandel | 07/08/08 16:23
Viens donc aux Chimères : c'est un club de vieux et quelques noms que tu mentionnes s'y réunissent souvent.

Charengo | 07/08/08 16:28
Tsssssssssss j'y crois pas !!!! 
Faerandel | 07/08/08 16:30
Ah mais si !!! Ils ont même un Magnus empaillé ! Ils le ressortent pour les grandes occasions. 
Jynx Torquilla | 07/08/08 16:59
Très joli.
Même si cela brise un peu un mythe : le célèbre Celimbrimbor serait-il du genre à subir l'ennui, la nostalgie, les railleries de ces jeunes éffrontés?
Il y a tellement de possibilités, et certes, ne rien changer au cour des choses en est une, peut-être même la plus sage; mais il en existe d'autre.
Allez mettre des coups de pieds au derrière à ces vieux compagnons, pour les remettre en selle, les appâter dans ce qu'ils aiment, les provoquer.
Ou prendre une retraite pour tout oublier.
Nous savons tous que le grand Celimbrimbor y a déjà pensé. Mais pour l'instant, tous, avons une préférence dans la voie qu'il peut emprunter; et lui seul saura s'il préfère penser à lui, aux autres, ou même encore s'amuser à jouer avec l'avis de la plèbe 
