Forum - La quête des légendes : les Dragons 3/3.

Celimbrimbor | 23/08/08 22:19

Le druide ne dormait pas. Ne dormait plus. La lueur des étoiles l'avait réveillée quand il l'avait souhaité. Il était libre. Le lien qui le maintenait attaché à l'elfe gisant à ses côtés ne l'empêcherait pas de faire ce qu'il voulait faire. Il se leva avec milles précautions, tâchant de ne faire aucun bruit. Un charme et le vent se fit son allié. Un mot, et les herbes feulèrent sans prendre garde à son pas. Une feuille morte, plutôt que de craquer sous lui, s'effaça, alla plus loin rejoindre les bois du concert nocturne. Le druide était debout, la nature le couvrait, les sons étaient normaux. Rien n'avait transparu de sa manoeuvre, et rien ne transparu encore quand il dégaina son long coutelas.

La lune rayonnait sereinement dans la scène, donnant à tous les objets et acteurs une couleur de cristal. Les ombres s'agitaient en de sombres ténèbres dans une obscurité en demie teinte. Le druide leva sa dague et l'abattit dans un mouvement fluide, aérien et précieux. Juste entre les deux yeux. Le corps était vivant, mais le cerveau mort. Il releva son arme, et frappa en plein coeur, avant de déchirer la gorge avec lenteur pour finir. L'elfe n'avait pas eu un sursaut, ni un murmure.

Jan se permit un sourire. Il s'était vengé, il avait vengé sa famille. La nature apaisait son âme. Tout était rentré dans l'ordre des choses, et il n'aurait plus à continuer ce voyage inepte vers les dragons. L'autre était simplement fou, fou de vouloir déranger ces puissantes créatures.

Il mit un coup de pied dans la tête détachée du reste du corps. Elle chuta dans le ravin qu'ils longeaient depuis trois jours quelques mètres plus loin.

Par superstition, Jan décida que jeter le reste du corps avec la tête n'était peut-être pas une bonne idée. Il n'ignorait pas que les elfes étaient de puissants sorciers, comme l'autre le lui avait prouvé. Inutile de tenter le sort.

Le vent souffla des montagnes. Il n'était plus très loin, finalement, du but du fou. Les dragons étaient endormis, et même réveillés, ils le toléraient. Tant qu'il ne faisait rien d'inquiétant. Voilà trop longtemps qu'il n'avait pas contemplé leur vol. Il récupéra son bâton, et se mit à marcher.

Il arriva à l'aire des dragons quand le soleil se levait, et le spectacle, comme toujours, le laissa sans voix. Les pics découpaient des morceaux de ciel avec vigueur, tandis que les plus jeunes monstres prenaient un envol matinal pour se dégourdir les ailes sous le regard de leurs parents. Les figures qu'ils faisaient vol l'hallucinaient, et comme toujours, il les enviait.

« Je comprends pourquoi tu aimes cet endroit, Jan. »

La voix était neutre, calme, sans intonation d'aucune sorte. Elle énonçait seulement quelque chose avec honnêteté. Pourtant, elle était terrifiante. Le druide n'osa pas se retourner. Il savait qui était derrière lui.

« Il est d'un calme étrange. C'est rare. Je n'en connais que peu des pareils. »

Une main se posa dans le dos de Jan. Il sut qu'il allait mourir.

« Je ne suis pas un sorcier, Jan. Je suis un mage. »

Le corps du druide tomba au sol dans un bruit mat, sans vie.

Celimbrimbor avait posé sa main juste pour ne pas rendre sa mort trop impersonnelle. Il n'aimait pas cette façon de tuer, mais il visait à l'efficacité. Le druide l'avait mené où il désirait aller. Le reste importait peu.

Il resta immobile, rayonnant simplement de puissance, attendant qu'un des dragons viennent à lui. Ce qui ne tarda pas. Rarement les gens sentant la magie l'ignoraient.

Le dragon ne parla pas. Il regarda le corps de Jan, et noya l'elfe sous un jet de flamme qui cuisit les pierres. Il le fit durer plus longtemps qu'à l'accoutumée, plus fort, plus grand. Le grand dragon était inquiet.

« Il suffit. »

La voix était calme, sans heurts. Elle énonçait calmement quelque chose, alors le dragon fit cesser son jet, et observa l'être étrange et intact qui flottait à présent jusqu'à lui. Dans un langage qui se passait de mot, il projeta vers lui un semblant de « pourquoi ? ». Le sourire triste qu'arbora l'être en réponse l'inquiéta encore plus.

Des images, soudain, pénétrèrent son esprit. Sans violence. Simplement elles passèrent toutes ses défenses et s'imposèrent à lui sans lui laisser le choix. Il vit une boule en cristal, centre d'un pouvoir incroyable, il vit des brumes mouvantes et rapides, il vit des sursauts, des tentatives, des essais. Il vit une étoile parmi les milliards de milliard de milliard qu'en contenait la sphère, une étoile prendre vie, puis s'éteindre. Il vit la sphère s'écraser au sol et se briser. Il en vit des centaines, des milliers d'autres.

Puis il vit un elfe fatigué le regarder doucement.

« Comment ? Comment créer la vie ? Comment ont fait les dieux ? Quel feu ? »

Le dragon cligna très lentement des paupières. L'être était en face de lui. Sans réponse. Le dragon secoua la tête, sans rien faire d'autre.

Il n'y avait pas de réponse. Les dragons n'avaient pas la réponse. Ils avaient le feu. Mais pas la vie.

L'être sourit tristement, plus encore, si cela lui était possible, et ses yeux luisirent d'un éclat amer. Le grand dragon alors concentra son être, son âme et sa puissance en une unique flamme. Il ne connaissait pas l'elfe, il ne savait rien de lui, mais il lui faisait le plus grand don des dragons, le don de leur feu. Il ne savait rien de l'être en face de lui, mais sa démesure, son projet, qu'il avait aperçu, l'avait fait gagner son respect, non, son admiration.

Il ouvrit grand la gueule. Une unique et simple boule de feu en sortit, avec lenteur, que Celimbrimbor reçu.

Il avait compris. C'était sa seule réponse.

Il sourit étrangement, et la terre sembla de réchauffer au plus profond de la tanière des dragons, où dormaient d'anciens oeufs que personne n'aurait jamais pensé voir éclore.

Celimbrimbor disparut sans un bruit, laissant là le vénérable dragon, et sa race à renaître.

Le mage donnait la mort, mais il donnait la vie. Bienheureux soient les dragons.

Charengo | 24/08/08 09:03

Bis repetitas ....la suite ? !