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Larme De Fée | 21/09/08 14:19

Je m'appelle Larme de Fée. Je suis né en la lune 772 des Terres de Daifen. Viviane m'a raconté qu'il faisait nuit, et qu'une lune voilée se mirait dans les étangs de la forêt entourant Astria.

Astria...c'est là que je suis né. Il paraît que j'ai eu de la chance. J'aimerais bien comprendre. Ma mère est dans un cercueil de Crystal. Les Astrians vont tous les jours s'incliner devant elle, ils m'ont dit qu'elle avait été une grande reine. Ils m'ont raconté aussi qu'elle était morte avant ma naissance. Quand j'ai demandé à Viviane si c'était vrai, ses yeux sont devenus tous noirs, je crois qu'elle était en colère. Je ne le lui redemanderais jamais.

Mais vous devez vous dire que quelque chose de colle pas, et vous aurez sacrément raison ! Je suis âgé de trois jours. Je mesure un mètre septante, je pèse soixante kilos et j'ai la tête qui va exploser. Les Astrians voulaient me confier aux nourrices, mais elles sont parties en hurlant au bout de quelques heures. Hier, ils ont dressé dans la cour des cérémonies une statue. Ils l'ont mise juste à côté de l'entrée du Dédale. Ils m'ont dit que c'était mon père. La statue représente un Dragon, elle est taillée dans de la roche volcanique, ses traits ne sont qu'esquissés. Elle me fait peur. J'ai toujours l'impression qu'il me regarde, mais qu'il ne me voit pas. Les Tailleurs de Pierre m'ont dit que même Kalog avait tremblé devant lui. Ils m'ont dit aussi qu'il était parti en enfer. Je leur ai dit que ce n'était pas vrai. Si ça avait été vrai, je le saurais. C'est ici, l'enfer.

Une chose est sûre, mes parents devaient être bien atteints. J'ai six jours, je mesure un mètre huitante, je pèse huitante kilos, et j'ai des souvenirs de trois vies. Je crois bien que je suis fou. Viviane dit que non, mais je suis sûr qu'elle dit ça pour que je ne m'inquiète pas, parce qu'elle semble un peu nerveuse. Vous me direz, c'est peut-être normal. Hier, en toussant, j'ai mis le feu à son fauteuil préféré. Ne me demandez pas comment j'ai fait ça, je n'en sais rien. La Fée a soupiré que je tenais ça de mon père. Elle m'a demandé de ne pas éternuer du côté de sa garde-robe ou de son cheval. J'aimerais bien apprendre à monter à cheval. J'ai été voir aux écuries, les palefreniers m'ont mis dehors quand ils ont réalisé que la panique des bêtes venait de moi. Je crois que je ne monterais pas à cheval.

J'ai neuf jours. Je mesure près de deux mètres. Hier, Viviane a éclaté de rire en apprenant que les serviteurs sursautaient à mon passage. Elle m'a dit que j'avais les yeux de ma mère, et que c'était une chance, que mon père avait un drôle de regard. J'aime beaucoup Viviane, même si elle ne répond pas à toutes mes questions. Les Astrians m'ont dit que c'était une Fée, et que c'est elle qui m'avait fait naître du Crystal. Mon nom, c'est le vieux Neckiël qui me l'a donné. Tu parles d'un nom. Larme de Fée...

Hier, Viviane a voulu que je commence à apprendre le maniement du bâton. J'ai des bleus partout. J'étais bien content qu'elle n'ait pas voulu m'apprendre le sabre. Elle a dit que j'étais doué. Je lui ai dit que si je ne l'avais pas été je serais mort, vous savez ce qu'elle m'a répondu ? Aujourd'hui ou demain... Vous trouvez que c'est une réponse, ça ? Ce matin, dans la salle d'armes, j'ai trouvé deux haches, plantées dans le marbre du sol. J'ai essayé de les prendre, elles sont sorties de la pierre sans peine. Viviane a haussé les épaules en soupirant bien fort. Je n'ai pas compris pourquoi. Elle n'a pas voulu que je m'entraîne avec. Elle est dure, Viviane, des fois. Je suis sûr que c'est plus facile avec deux haches qu'avec un bâton de noisetier. Quand elle a vu que je n'étais pas content, elle m'a dit : « Bien, va prendre ces haches. » Il y avait quelque chose dans ses yeux, quelque chose de vraiment très froid. Je me suis tu et j'ai repris mon bâton.

Douze jours. Quelques souvenirs me sont revenus. Mes parents étaient tous deux des combattants expérimentés. Je me souviens de quelques-uns de leurs coups. Mais il y a un problème. Je n'ai pas vraiment envie de devenir un gros lézard cracheur de feu. Ni les....autres formes que ma mère devait pouvoir revêtir. Je ne sais même pas si je pourrais le faire. Je n'ai pas envie d'essayer. Enfin, j'ai réussi à toucher tous les gardes en premier, mais pas une seule fois Viviane. On dirait qu'elle danse. Elle m'a dit que je devrais regarder autre chose que son corps pendant les entraînements. Je peux vous dire que ce n'est pas facile. J'ai un drôle d'oeil au beurre noir, allez savoir pourquoi, je n'ai pas vu le coup arriver.

Je suis allé dans les appartements qu'occupaient mes parents. On aurait dit qu'ils allaient revenir demain. J'ai trouvé un livre sur la table. Comme j'aimais bien la vue sur Astria depuis là, je me suis installé et j'ai commencé à lire. Un vieux serviteur est entré. Quand il m'a vu, il est tombé par terre, inconscient. Les autres m'ont dit ensuite qu'il avait cru que Noir-Feu était revenu. Noir-Feu, c'était le nom de mon père. On n'a pas idée d'avoir un nom pareil. J'ai fait remarquer à Viviane que le feu n'était pas noir, elle m'a dit que je ne savais pas de quoi je parlais, qu'elle l'avait vu de ses yeux cracher du feu noir. N'empêche, on a des drôles de noms dans la famille.

Aujourd'hui, un voyageur est venu à Astria. Il paraît qu'il vient de Daifen. J'aimerais bien voir cet endroit. Quand j'en ai parlé à Viviane, elle a bien ri. Elle m'a dit que j'irais, un jour. En attendant, je m'ennuie un peu. J'ai lu plein de livres à la bibliothèque. J'ai envie de vivre des aventures comme dans les livres. Je veux voir de mes yeux une vraie bataille, je veux aller voir les grandes cités, les terres nouvelles, les créatures qui les peuplent. Et puis je veux aussi retrouver quelques amis de mes parents. Ils pourront peut-être me parler d'eux. Le vieux bibliothécaire a dit que je ferais mieux de chercher leurs ennemis, que ce serait plus facile. Mais je suis sûr qu'ils avaient quelques amis quand même.

Je les trouverais.

Rat De Labo | 22/09/08 15:44

Je crois être un de ceux dont le vieux bibliothèquaire parle

Viviane la fée | 22/09/08 19:50

- Madame, ça ne peut pas durer, il met la Citadelle sans dessus-dessous, les serviteurs en ont une peur bleue, les chevaux deviennent fous lorsqu'il s'approche, il n'obéit qu'à vous, non, ça ne peut plus durer, les cuisiniers et les servantes vont partir et si ça continue nous n'aurons plus d'intendant. Figurez-vous qu'il a failli mettre le feu au registre des comptes et que si je n'étais pas intervenu, il aurait sans aucun doute provoqué un incendie à la bibliothèque, tout ça parce qu'il n'a pas mis sa main devant sa bouche quand il a éternué... Madame, faites quelque chose, je vous en prie...
Viviane soupire et repousse les documents qu'elle est en train de consulter. Elle se redresse dans son fauteuil, se cambre en arrière sous les yeux écarquillés de Qaoyef, son Xcribe, arrivé depuis quatre lunes à Astria, et s'étire, lasse de se concentrer sur ces liasses de papier quand elle n'a qu'une seule envie, prendre son cheval et partir se ressourcer dans sa forêt. Mais ça, c'est pas encore pour aujourd'hui, surtout avec les nouvelles que vient de lui rapporter le petit homme qui n'a pas changé : dès qu'une paire de seins se met à s'agiter sous son nez, le pauvre perd tous ses moyens. Tout au fond d'elle même, elle sait pourtant que le petit Xcribe a raison : Larme de fée devient de plus en plus incontrôlable et malheureusement, il n'y a qu'une seule solution pour que tout cela ne cesse, mais elle a encore des scrupules...
Viviane soupire de nouveau et demande à Qaoyef :
- Comment voyez-vous les choses, mon ami ?
Le coeur du petit homme bondit dans sa poitrine :
- Mon Dieu, se dit-il, elle m'a appelé mon Ami !! Se pourrait-il enfin qu'elle m'aime un peu ?
Il l'a trouvée changée depuis qu'il est Astria. Ça faisait un bail qu'il ne l'avait pas revue, au moins une centaine de lunes... Elle est, comment dire, plus réfléchie, plus marquée par les évènements, moins exubérante, plus calme. Il a entendu parler de la mort de Dame Auklèce, comme bon nombre de guerriers qui se posent des questions jusqu'à lors sans réponse. Il est persuadé que la disparition de son amie lui a porté un coup, c'est évident, mais la présence de Larme de Fée a fait que la douleur est moins présente, c'est qu'il faut bien s'en occuper de ce chenapan ! Par contre elle est toujours aussi belle, ou alors il est toujours aussi amoureux d'elle, ça se pourrait bien !
- Heu.... Je ne sais pas, Madame, je crois qu'il faut l'occuper, il passe son temps à se battre ou à lire, il n'aime que le bruit des armes ou l'odeur des vieux ouvrages... Peut-être.....
Viviane redresse la tête, encourageant son Xcribe d'un seul regard de ses yeux bleus...
- Peut-être pourriez-vous l'accompagner en campagne ....
La Fée hoche la tête, perdue dans ses pensées :
- Oui, j'y ai pensé, mais cela m'effraie, il est si impétueux, je ne voudrais pas qu'il lui arrive quelque chose, sa mère me l'a confié...
Ses yeux s'embrument au souvenir de ces moments si intenses. Elle revoie son amie de toujours debout, face à elle, lui tendant ce petit paquet et lui enjoignant de s'enfuir au plus vite...
Qaoyef ne dit rien, respectant le silence de Viviane. Il a envie de se lever et de la serrer contre lui, mais il aurait sans doute l'air ridicule, lui, si petit, avec cette femme dans ses bras, le nez à la hauteur de ses seins... Et puis, se laisserait-elle faire ? Le Xcribe préfère ne pas tenter sa chance et rester stoïque, attentif aux cheminement des pensées de sa patronne...
Viviane repousse son siège en arrière et se lève, mettant fin à l'entretien. Elle sourit à Qaoyef et lui dit :
- Merci mon ami, je vais faire en sorte que tout cela cesse et que la vie redevienne normale...
Sans se faire prier, le Xcribe sort du bureau de la jeune femme et s'enfuit ruminer ses fantasmes à la bibliothèque. Viviane prend une autre direction. Ses pas l'amènent là où repose le corps de son amie. Le Crystal émet de petits scintillement bleus qui rappellent à tout visiteur sa nature elfique. La grande salle est déserte, et c'est tant mieux.
Elle s'approche du corps sans bruit et son regard se pose sur le visage pâle de Dame Auklèce. Les mots défilent dans son esprit comme si son amie était encore là et qu'elles étaient toutes les deux assises dans les fauteuils confortables du boudoir en train de deviser de tout et de rien, moments si agréables ensevelis à jamais dans les souvenirs des jours heureux...
- Je crois que je vais emmener ton fils au combat, DamO, il est temps. Il est impétueux et courageux comme toi, il est fort comme Noir Feu, je crois que ce sera un bon guerrier.. Ah si tu pouvais le voir avec son bâton essayer de me battre ! Tu serais fière de lui, j'en suis persuadée...
Elle laisse passer un moment, sa main se pose sur le Crystal comme si elle voulait lui transmettre l'intimité de ses pensées...
- Tu me manques DamO, tu me manques.... Ils vont payer pour ça, je te promets.
Ces quelques mots la rassurent : elle sait qui a trahi sa Reine, elle connaît le nom de l'infâme et déjà tous ses fidèles le traquent sans merci et espèrent être les premiers à lui rapporter sa tête, même s'il en change comme à l'accoutumée, grâce à sa magie et à son esprit tricheur...
Une larme coule sur sa joue mais elle s'en moque... Soudain un mouvement imperceptible la fait sursauter. Elle se retourne et se trouve face à face avec Larme de Fée :
- Tu tombes bien, jeune homme, lui dit-elle en s'essuyant machinalement ses yeux, nous partons demain en campagne. Tu m'accompagnes.
Le jeune homme toussote et dit :
- C'est une super bonne nouvelle, Viviane, je vais pouvoir me battre ! Mais vous... vous pleurez ?
Viviane tente de rire :
- Non, j'ai une poussière dans l'oeil ! Allez garnement, file préparer tes affaires, on se lève très tôt, la route est longue d'ici au port !
Larme de Fée bondit au cou de Viviane qui le repousse en riant franchement puis il décampe vers sa chambre...
Restée seule Viviane se tourne de nouveau vers le tombeau transparent et dit :
- Fais-moi confiance, on va leur rendre la vie impossible mon Amie.....

Edité par Viviane la fée le 22/09/08 à 19:55

Rat De Labo | 23/09/08 16:59

Reinmar> si vous saviez à quel point

Sowé Lisander | 24/09/08 19:36

Tant qu'il y a des fées, les quêtes sont toujours magiques
Joliment narré.