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Fanfan | 29/09/08 12:16

Dans la mauvaise foi, on s'enfonce toujours trop. Il fallait bien sûr que je l'apprenne à mes dépens. C'est pas croyable d'être obligé de mentir pour s'échiner à faire semblant d'avoir raison. Mentir... Plus se mentir. Oui je me mens, ça doit être ça.

Je regarde par la fenêtre les ombres fugaces laissées par les oiseaux traînant dans le ciel. Des ombres pourpres qui s'arrachent sur le bleu du ciel, comme soulignées par le cosmos. Faut que je me fasse une raison, ça doit pas être pour moi.

J'observe encore la terre s'offrant à moi aux pieds des étages inférieurs de la tour. Pourquoi suis-je venu dans cette bibliothèque ? Quelles recherches dois-je y effectuer...

Aller on se concentre, je suis pas venu là pour rien bordel, c'est quoi cette mémoire de chacal... Ah oui, les annales.

Annales des temps passés - Tome 1

Dans les temps anciens j'ai servit sous les ordres d'un capitaine. C'était pas seulement un capitaine, c'était le capitaine, le seul que j'ai connu qui connaissait ses hommes mieux que lui même. Il était toujours sombre, sa barbe noire mal taillée créant sur son visage des sillons de poils drus. Sa main gauche tremblait, je m'en souviens.

On était en campagne dans le nord. Un pays de vandales, on vivait tous dans la crainte des combats, car ils étaient pas comme les autres. De mémoire d'hommes, les vétérans me faisaient flipper en me disant qu'il n'avait jamais des ennemis pareils. Des sortes de fauves, extrêmement agiles, féroces et assoiffés de chairs, qui répondaient aux ordres d'un druide déchu, rongé par son mal, par sa fantaisie des ombres, perdu dans ses pensées morbides. Jamais il ne dormait paraît-il. Il avait les yeux rivés sur des grimoires tout au long des jours et des nuits. Ce qu'il voulait trouver on le cherchait aussi.

Enfin pour tout dire, les vétérans aussi chiaient dans leurs frocs. On faisait pas les fiers dans cette foutue neige. Seul le capitaine tenait bon, mais c'était pas un homme, c'était un bon dieu, une incarnation de la force morale, une boule de nerfs en acier trempé à toute épreuve. Lui non plus il ne dormait pas. Il était blessé, toujours blessé dans son âme, comme jamais j'n'ai vu personne.

On avançait la peur au ventre, on marchait un sacré paquet de bornes par jour. On s'arrêtait pour manger, et pour bivouaquer la nuit. Chaque jour on se faisait attaquer par ces fauves. On les appelait les « laineux en armure ». Ils avaient pas de poils mais de la laine dure comme de la pierre. Au coin du feu, on s'amusait à inventer des histoires pour les générations futures. Si on sortait de cet hiver bien sûr.

Au bout de huit lunes, on en pouvait plus, le froid nous rongeait jusqu'aux os, on avait plus vraiment la force de continuer, juste l'aura du capitaine, il nous poussait et ça marchait. Comme des zombis, on avançait, on cherchait refuges dans les crevasses à l'abri du vent et des laineux en armures. On savait rien de ce druide à part qu'il commandait les bêtes. Il devait être balaise, par ce qu'on a jamais su où il se cachait. Pas de châteaux, pas de bâtisses, juste des laineux qui sortaient tous les jours d'on ne sais où pour nous casser les pieds et emporter avec eux toujours un des gars.

On continuait à avancer et à chercher. On sentait plus vraiment le froid, et le capitaine était toujours obstiné. Il avait la foi, j'ai jamais su dans quoi mais une telle rage ça devait être de la foi. Le soir pendant qu'on dormait, toujours il était en éveil, dans un mutisme profond, les yeux grand ouverts. Il ne bougeait quasiment pas, seulement parfois pour prendre des notes. On a jamais su ce que c'était ces notes mais au moins ça nous donnait l'impression d'un plan.

On marchait toujours. Chacun maugréait de son côté, tout le monde en avait plein les bottes. Certains ne sentaient plus les extrémités de leurs doigts ou de leurs orteils, ça commençait à me faire flipper. Et si on restait dans cet enfer glacé, et que jamais je ne revois mes terres. Même quand on a soif d'aventure on rêve de son chez soi. L'humeur était sale, mauvaise, pleine de doute. Tous sauf le capitaine.

C'était la veille. La veille de la fin de ma mission. Personne ne pouvait s'en douter, même moi, même les vétérans savaient pas. On venait de s'écharper contre des laineux, les doigts gelés nos épées nous brûlaient les doigts. On avait continués à marcher pour trouver un abri, toujours guidé par la folie du capitaine. On à campés, mangés, la garde était en place. Le lendemain matin il avait disparu. Me demandez pas comment, j'en sais rien. Il a disparu comme ça, pas une trace de lui à part sa boussole.

On est repartis chez nous. Ca a pas été évident, on était diminués, démoralisés, personnes n'était vraiment à la tête du convois et les querelles étaient monnaie courante. Ce que je sais c'est que je suis rentré, sauf, mais que le pauvre diable que j'étais voulais en savoir plus. J'ai continué seul à chercher des indices. Il ne pouvait pas être loin, j'avais la boussole, elle indiquait l'est...

Edité par Fanfan le 29/09/08 à 22:24

Fanfan | 29/09/08 12:17

Tome 2

J'ai décidé d'aller voir plus loin. J'ai pris mon sac et mon épée, rien de valeur, que mes pieds pour me trimballer. Après la rigueur militaire et la roublardise de la compagnie, ce départ en solo avait l'air bien tranquille. J'ai regardé la boussole, elle indiquait l'est. Je me suis mis en route.

A travers champs dans les contrées méridionales il fait bien meilleur que dans les froides steppes du nord. Je cherchais le capitaine. Ca me paraissait fou et j'allais au hasard, de ville en ville, de tavernes en tavernes. Je cherchais sa trace en demandant aux habitués s'il n'avait pas vu un homme de son signalement dans les jours précédents. Peu de réponses claires, je devais me débrouiller par moi-même. A chaque tavernes je finissait rond comme un cul de pelle, pas facile de faire des recherches et de trouver des renseignements sans avancer quelques bibines. J'avançais donc au petit bonheur la chance. La guigne plutôt.

Je marchais longtemps chaque jour en me ressassant les souvenirs de la compagnie. Pas évident de se couper de ses racines comme ça. La nuit je rêvais des « laineux » derniers adversaires que j'avais eu à combattre avec la bande. Je revoyais le capitaine dans mon sommeil, j'entendais sa voix. Il m'obsédait, il fallait que je le retrouve.

Un matin je me suis réveillé avec un atroce mal de bide. Mes cauchemars avaient été tortueux, j'y voyais clair comme dans le fond d'une bière brune. Rien à faire, ça allait pas du tout. Je me suis traîné jusqu'à l'auberge la plus proche, plié en deux comme un pauvre hère. J'ai loué une chambre et me suis mis au lit en commençant à délirer.
Je l'ai vu. Dans ma fièvre je l'ai vu. Le capitaine, sa barbe était bien plus longue que pendant son service, il avait un tricorne sur la tête et ses yeux gris étaient apaisés. Il avait toujours cette foi dans son regard. J'ai essayé de l'attraper et de lui parler. Impossible. Je me suis laissé emporter par le délire.

Je ne sais pas combien de temps j'ai dormis. Des épisodes fugaces me revenaient en tête. Les vétérans morts de trouille, moi mort de trouille, le capitaine et son aura, le tavernier qui me demandes si je veux garder la chambre. Mes dernières pièces allèrent à encore deux jours dans un lit et une bouteille de rhum. La fièvre m'emportait fugace, présente, brûlante, agréable comme les bras d'une femme, violente comme les mâchoires des laineux, flippante comme ma première bataille.

J'ai bu le rhum. J'ai vomi le rhum et ma bile. J'ai regardé la boussole, l'aiguille était toujours figée sur l'est. Capitaine où êtes-vous. ? Il faut que je sache.

Le tavernier m'a foutu dehors avant la fin de mon délire. J'ai avancé. Je me suis arrêté que quand mes jambes n'avançaient plus et que la fièvre était plus forte que l'est. L'est...

Je ne sais pas combien de jours je suis resté dans cet état. J'en suis sorti un matin. J'étais sale et puant, j'aurais donné bien des choses pour un bain chaud et des vêtements propres. Mais sans finances pas de bain. J'ai repris la route, toujours l'est...

J'ai commencé à reprendre des forces. Il fallait absolument que j'ai un indice bientôt sinon mon moral allait chuter. Je me devais des résultats. Mon quotidien était rude, mais l'importance de ma tache me tenait en forme. J'ai commencé à écrire, à essayer de raisonner. Les villes se ressemblent toutes, j'ai décidé de changer de méthode. Que pouvait vouloir le capitaine. Un job ? J'allais voir où il avait bien pu s'engager. Si seulement il eut envie de le faire. Mais sans piste j'avançais pas et il fallait que j'avance. C'est là que j'ai retrouvé sa trace...

Il s'était engagé dans une compagnie de mercenaire en route vers l'est, pour une guerre fratricide. Je suppose que peu lui en importe, du moment que le convoi allait vers l'est. JE me suis enrôlé aussi, pour le prochain départ. Dans la compagnie, il y avait de tout. Des costauds, des roublards, des maigrichons, des aventuriers, des paumés, et moi. Moi qui m'engageais dans ma folie pour continuer mes recherches.

On est parti deux jours après mon enrôlement, pas de marche forcée, sous les ordres d'un braillard sans aucune rigueur militaire. On a traversé des plaines et des villages, les gens avaient l'air de nous craindre. La méfiance au sein du groupe était partout, et je ne me livrais à personne. Je commençais à écrire ce qui se passait, un peu la base de ces annales. Je regardais souvent la boussole. On allait là où il fallait.

Après cinq jours de marche forcée on est arrivés à destination. La moitié des larrons étaient sur les rotules, moi ça va je me contentais de suivre le mouvement. On a pas trop eu le temps de comprendre ce qui nous arrivait. Il fallait qu'on bataille dès le lendemain un peu plus au sud pour le compte d'un seigneur en guerre contre son frère et vassal.

On a mené bataille dans le plus grand désordre, troupe d'appoint d'une armée régulière, fourmis désordonnés au milieu de grands tamanoirs. C'était la boucherie et l'incompétence du capitaine de compagnie était mortelle. Je combattais pour quelque chose qui ne me concernait pas, mais je le sentais. Il était là, au-dessus de moi, proche. J'étais près du but, j'en étais sûr. Je sentais son aura, je voyais sa foi dans ses yeux sombres...

La bataille terminée, le groupe de mercenaire et une partie de l'armée régulière pris la route du sud, continuer l'offensive. J'avais quelques entailles mais je ne m'en était pas trop mal sorti par rapport à certains des pauvres bougres. Ce soir-là, je me suis saoulé comme il faut. Je le sentait...

Edité par Fanfan le 29/09/08 à 12:19

Jarx le Vieux Loup de Mer | 30/09/08 06:10

Hoaa! Très bon, j'adore!! La suite, vite!

Larme De Fée | 30/09/08 10:14

J'aime beaucoup aussi!:)

Duc De L'uto | 30/09/08 12:15

Pareil, continue !

Sowé Lisander | 30/09/08 12:33

* clap clap clap * ;)

Fanfan | 30/09/08 13:36

Tome 3

On a continué à marche forcée vers le sud. Sur la route c'était un pays désolé par la guerre, pas vraiment âmes qui vivent, des pécores mendiant un peu de nourriture sur le bord des routes ou essayant de sauver ce qui pouvait rester de leurs récoltes. Ca ne me remontais pas vraiment le moral.

Dans la compagnie je m'étais fais ami avec un vieux briscard couvert de diverses cicatrices. Je lui parlais du capitaine, comme pour me souvenir à travers mes propres mots de ce que je cherchais. Il me parlait lui aussi, mais peu importe ce qu'il disait, il était rongé par sa vie de combat. Il ne parlait que d'armes et des filles de l'armée comme si sa vie n'avait d'autres importances que ceci. J'avais une quête moi bordel, je ne pouvais pas me contenter de ça.

On a marché deux jours. Au crépuscule du deuxième jour je me retrouvais autour du feu avec d'autres mercenaires. Chacun allait de ses anecdotes et des rumeurs qui courraient sur le combat qu'on ne manquerait pas de mener d'ici quelques jours. L'armée régulière, elle, nous méprisait. Mais on s'en foutait.

Ce soir-là, j'ai regardé longtemps la boussole. Elle tournait sans cesse, comme folle. J'essayais de marquer sur mon cahier ses mouvements, mais peines perdus, s'il y avait un message c'est au-delà de mes capacités cosmiques. J'ai terminé ma soirée en relisant mes notes. Rien de bien palpitant.

Le lendemain on a continué vers le Sud. On marchait depuis cinq heures, il devait être presque treize heure, lorsqu'une longue colonne passa en sens inverse du nôtre, remontant du front. Je regardais les faces burinées et meurtris de tous ces gars. Je les regardais un à un, et là, je l'ai vu. Ouais, le capitaine. Il avait une barbe de trois jour, son regard était vague, perdu dans le lointain, il n'y avait plus cette fois qui l'animait autrefois. Quand il me passa à côté, je lui saisis le bras et le regardais. J'ai l'impression qu'il ne m'a pas reconnu. Je ne pouvais pas encore lui courir après, sortir de la file pour rebrousser chemin aurait été une aubaine pour les gars de l'armée régulière de me passer sévèrement à tabac.

Le soir, à la faveur de l'obscurité, j'ai tenté de ma faire la belle pour lui courir après. J'ai ceint mon épée, pris mon sac sur le dos, et louvoyé entre les tentes pour tenter de sortir de l'enceinte du campement. Même si j'étais svelte, la discrétion n'a pas toujours été mon fort. Je me suis fait pincer par les gardes de la régulière. Ca a pas été une partie de plaisir. Ils m'ont accusé de traîtrise et d'espionnage. Que pouvais-je leur répondre ? Je me suis fait passer à sac cette nuit-là. Ma quête ma tout de suite semblée beaucoup plus dure.

J'ai été remis dans ma tente, couvert de sang, pour le reste de la nuit. J'ai demandé de l'alcool pour me soulager, et je me suis endormi.
Le lendemain, c'était pas la même. On me tenait à l'oeil, de toute façon j'étais trop amoché pour essayer à nouveau de le suivre. J'avais même du mal à garder le rythme. Heureusement, le briscard me soutenait comme il pouvait. Cette journée fût violente, le soir j'ai pas fait long feu, je me suis saoulé pour camoufler la douleur et me suis endormis. Demain, on était au front, je ne savais même pas si j'étais capable d'assurer ma survie.

Voilà, j'y étais. C'était la guerre, encore. Des corps d'hommes, d'elfs, d'orcs, jonchaient le sol, les combats étaient sporadiques et toujours alimentés par la folie des généraux envoyant tel ou tel corps d'armée narguer tel ou tel point ennemis. Les forces étaient équivalentes. Les miennes par contre étaient au plus bas.

On nous à demander de charger. J'ai couru un peu et me suis effondré. Peu m'importe, j'avais trop mal, je n'étais pas en état d'accomplir quoi que ce soit. Je me mêlais à la douceur de la terre et la mollesse des corps, je m'endormis dans les bruits de bataille. Je me suis fait réveiller par la retraite, piétiné comme il se doit. L'amour-propre en prend un coup, mais c'était le cadet de mes soucis. J'étais en vie. Et je continuerais ma quête.

La nuit tombée, j'ai essayé de marcher le plus loin possible de ce bourbier qui ne me concernait pas. J'évitais les sentinelles des deux camps comme je pouvais, et m'endormis à nouveau, dans des fourrés au bas d'une gorge. Je me sentais en sécurité, même si c'était illusoire. Ma nuit fût longue et je ne suis réveillé que bien après le levé du soleil. J'ai commencé à marcher plus au nord comme un déserteur amoché cherchant le chemin des enfers. J'essayais de me ménager au maximum, en évitant comme je le pouvais les convois militaires. Après quatre jours de marche, mes plaies avaient bien cicatrisé, et mes forces revenaient peu à peu. J'étais quasiment tiré d'affaire. Je me suis promis de ne plus jamais être mercenaire...

Fanfan | 01/10/08 09:28

Tome 4

Je commençais à regagner des forces. Je me nourrissais au petit bonheur la chance, des légumes, quelques fruits, de la viande que je piquais à droite à gauche. C'était pas la grande vie mais je n'avais pas d'autres solutions. J'avançais vers le nord est un peu au hasard. La boussole était toujours au point mort. Je n'avais aucune trace du capitaine. Mais je ne pouvais pas rester végétatif.

J'ai suivi une longue forêt pendant deux jours. Je m'absorbais dans la grandeur des cimes. Vache, je ressentais quelque chose. Un aura mystique sortis des arbres. Ca ne me rassurait pas forcément, mais d'un autre côté ça m'apaisait et m'enlevait le doute. Au matin je m'enfonçais un peu dans les bois pour trouver quelque chose à me mettre sous la dent et remplir mes deux gourdes d'eau fraîche. Je ne savais pas que ça pouvait s'avérer aussi dangereux. A peine le temps de me baisser sur le ruisseau, qu'un jeune elf s'éleva de derrière un large buisson m'affichant un arc bandé orné d'un flèche en guise de bonjour.

Il n'avait pas l'air foncièrement mauvais pour les deux mots que j'ai pu lui arracher. C'était un guetteur d'une tribu sylvestre. Ils devaient êtres assez chatouilleux sur leur notion de frontière pour m'escorter ainsi jusqu'à leur campement. Je me retrouvais donc assis dans une clairière ceinturée de tentes, devant un vieux sage me questionnant. Il me demandait ce que je faisais ici, ce que je voulais à leur forêt, de quel côté j'étais. J'avais pas grand-chose à leur répondre. J'échappais à la guerre, je venais chercher de l'eau, et j'étais du côté où sa m'arrangeais le mieux. Ca a eu l'air de satisfaire ce vieux barbu facétieux. Il m'offrit l'hospitalité pour la nuit, je ne devais pas représenter une menace.

Le lendemain, j'allais le voir, savoir si je pouvais partir. Il me dit que j'étais libre de mes gestes, mais m'invita quand même à visiter sa tente, pour m'offrir un dernier breuvage avant mon départ. J'en avais spécifiquement rien à faire de son breuvage, mais je préférais ne pas offenser mes ôtes avant d'être en dehors de leur aire d'influence. Ce qui me frappa en entrant dans cette tente, c'était tous les livres qui y traînaient.

Il me dit qu'il aimait voir les voyageurs qui traversaient son domaine. Il voulait savoir ce qui se passait en dehors de son village autarcique. Je lui racontais les brèves choses que j'avais pu voir, avant de lui demander si je pouvais consulter ses ouvrages avant de partir. J'ai passé quatre jours entiers à lire une dizaine de bouquins qui m'intriguaient. Je quittais les elfs sous escorte. Je repris la route aussitôt. Les livres m'avaient donné un but. Le capitaine se trouverait sûrement dans cette ville portuaire, Kaer Sidhi.

Une fois de plus je me meurtrissais les pieds à marcher à l'aveuglette. Le fait d'avoir un nom de ville en tête donne de l'espoir quant à son but. Le temps commençait à refroidir. Il faudrait bientôt que je me trouve un manteau, et pourquoi pas une monture pour aller plus vite. Je décidais de passer de suite à l'action pas la peine de réfléchir trois jours aux méfais que j'allais accomplir, ça ne me rendais pas spécialement heureux. Mais quand les temps sont durs et qu'on se convainc que la tâche à accomplir vaut plus que sa beauté morale, ça passe toujours mieux. Je cherchais donc la première ferme isolée que je pouvais trouver.

J'en ai trouvé une qui me convenait quelques kilomètres plus loin. Une petite fermette, avec un champs de céréales à ses pieds et une petite écurie à son flanc. Je m'avançais le long du chemin, écoutais brièvement à la porte. Les crépitements d'un feu, le bruit des assiettes qui s'entrechoquent. J'espérais que le bonhomme était pas trop balaise. Je sortis mon épée de son fourreau et ouvrit la porte du pied, épée au clair. Je pris mon air menaçant d'ancien soldat en vadrouille.

Le bonhomme n'était pas du tout balaise, et je me trouvais presque honteux de mon geste devant une si petite chose. Un vieillard rongé par le temps, faisant tranquillement sa vaisselle quotidienne dans un large bac à eau. Quand il me vit, il eu l'air à peine surpris. Je le regardais bêtement. Il me demanda ce que je venais faire ici. Je lui cachais mes premières intentions en lui disant que je cherchais la route de Kaer Sidhi. Il me regarda profondément. Ce genre de regards que vous voyez rarement et qui vous marque. Pas comme ceux des femmes que j'avais connues, ni des roublards de l'armée. Non, un regard qui vous sonde au plus profond de votre âme.

J'en suis arrivé à lui déballer mon histoire complète. Le capitaine, la boussole, le mercenariat, le livre des elfs, et enfin le fait de vouloir le voler. De lui raconter tout ça, à ce vieillard que je ne connaissais pas, ça m'as fait un bien fou. J'ai refait le point sur ce qui m'avait amené ici. Il me regarda gentiment, et me proposa le manteau et le cheval de son fils mort dans l'hiver dernier si je l'aidais à terminer ses moissons. J'ai accepté sans rechigner.

Je l'ai aidé pendant trois jour le temps de terminer toutes ses moissons avant le début de l'hiver. Chaque soir il me racontait un peu de sa vie, et il m'écoutait quand j'avais besoin de parler de mes inquiétudes vis à vis de ma quête. Je le quittais presque à regret. Il m'indiqua avant de partir que Kaer Sidhi se trouvait au nord est. Je repris la route avec ma monture. Je devrais y arriver en deux jours...

Duc De L'uto | 01/10/08 11:58

... *se tait pour laisser le conteur continuer*

Eigoel Nahb | 01/10/08 14:17

Très agréable à lire. Je comprends vos longues heures passées à la bibliothèque. :) :b

Prince Loken | 01/10/08 16:02

Ouais, super sympa!

Fanfan | 02/10/08 12:52

Tome 5

Ma guigne c'était changée en chance. Je chevauchais tranquillement vers le nord est. Sacré coup de bol ce vieillard. J'ai jamais vraiment été un soudard en campagne. Ca m'aurais quand même un peu manié de le détrousser comme ça. Je repensais à tous les bouquins que j'avais pu lire chez ce vieil elf. Kaer Sidhi devait être une cité portuaire, grande, marchande et prospère. Je commençais à en rêver pendant que mon cheval suivait le chemin. Je me perdais dans mes pensées.

J'y vis pas mal de choses. Des tours, du sang, des visages, moi-même au milieu d'un tourbillon d'émotions. C'était pas forcément désagréable de se souvenir de toute ce qui c'était passé depuis que j'avais quitté ma forêt natale. En ce moment précis j'avais l'impression de vivre pleinement, d'être une existence enrobée dans une enveloppe charnelle de vécu. Je revoyais les femmes que j'ai connues, mes amis, mes « frères » d'armes. Je revoyais mes blessures, mes entailles et mes entrailles. Dans une balance entre le bonheur et la guigne je ne sais pas trop de quel côté faire pencher.

Je crois que ces quelques heures d'introspections rêveuses étaient nécessaires avant de le retrouver. J'avais la certitude qu'il serait là-bas. Je repensais aussi à pourquoi je cherchais l'homme. Je voulais savoir pourquoi et comment il avait disparu dans le nord, sans laisser de traces. Je savais que ça avait quelque chose à voir avec ce druide. C'était peut-être de la curiosité mal placée mais j'en avait rien à foutre. Je voulais qu'il m'apprenne sa vie. Je voulais connaître ses états d'âmes. Je voulais qu'il éclaire mon esprit sous un jour nouveau, il en était capable, il avait tant vécu.

Je savais qu'il pouvait m'enseigner des choses. Un tas de trucs. Depuis le début j'avais bien vu que c'était pas un simple capitaine de compagnie. Il était pas guerrier, il était mystique, il connaissait mieux les hommes que les armes. Il avait une sorte d'omniscience sur le monde. C'est comme ça que je le voyais, pas comme le guerrier, mais comme le maître.

Je m'arrêtais au bord de la route casser la graine. Le vieux bonhomme m'avait donné un peu de pain et de fromage pour mon voyage. Encore une fois je lui étais reconnaissant. J'attachais ma monture à un arbre et la laissais brouter un moment. Je commençais mon repas en continuant à ruminer mes pensées.

Le cheval commençait à piaffer, à hennir, à souffler. Il était apeuré. Je m'accroupis, la main sur la garde de mon épée, tout les sens aux aguets. J'attendais. J'essayais de percer le mystère à travers les frondaisons et les fourrés. Puis je la sentit. Une odeur, incroyable, une odeur de putréfaction comme jamais je n'en avais senti, et pourtant j'avais couru quelques champs de batailles. Ca semblait venir de sous les arbres. J'avançais prudemment, l'épée au clair, écartant les branches basses de ma lame.

Je suis tombé nez à nez avec un cadavre. Pas un cadavre standard, celui-là méritait plus que la fausse commune. Une sorte de gelée verte sortait des morsures faites sur son corps. Pas vraiment des morsures d'ailleurs. Plutôt des bouchées prises à même sa chair d'où suppurait ce liquide vert. Je me retournais, puis fis encore un quart de tour et un autre demi tour pour regarder tout les environs. Mes sens étaient à l'affût. Je ne savais pas ce qui avait fait ça, mais je ne préférais pas trop tomber nez à nez avec.

Je détaillais le cadavre. C'était un homme de taille moyenne, en légère cuirasse de cuir. Une dague traînait un peu plus loin. Je la pris et la passais à ma ceinture. Il avait de lourdes bottes cloutées de garde de ville. J'inspectais un peu les alentours, toujours en alerte. Des traces de sang sur les bas feuillages et les hautes herbes. Un très rouge et l'autre, presque noir. J'allais rebrousser chemin, reprendre la route pour m'éloigner de ma macabre découverte quand le l'ai vu.

Vache c'était un sacré machin. Une fois et demi la taille d'un homme, des pattes arrière musclées plus que de rigueur, des mâchoires effrayantes. Je ne m'étonnais plus des morsures de l'homme. Cet animal était recouvert de chatoyantes plumes fauves. On aurait pu apparenter ça à un lion. Mais ça devait être un bâtard maléfique sortit de l'esprit tordu d'un sorcier en fin de lucidité. La bête vivait encore. Elle était clouée à un arbre avec de grosses et larges pointes de forgeron. Elle soufflait péniblement. Ses blessures suintaient encore de sang noirâtre à travers celui qui avait réussi à coaguler.

Elle leva ses yeux vers moi. Comme cet animal semblait intelligent. Ses yeux étaient d'un mauve profond, son regard était lourd et chargé d'émotions. Elle me regardait intensément, comme par défis, ou par dérision. Je lui passais mon épée au travers de la gorge pour ne plus avoir à supporter ce regard vivant. Et moi, étais-je vivant ?

J'étais remué. Je suis allé chercher mon cheval et mis les bouts vite fait. Ca m'avais fait quelque chose de voir cet homme et ce si bel animal. Surtout l'animal. Il ne me restait plus qu'une grosse journée de route. Demain soir je serais arrivé à bon port. J'ai continué en ne parvenant pas à contrôler mes frissons...

Vormonta | 02/10/08 17:33

Toujours aussi sympa à lire.:)

Jarx le Vieux Loup de Mer | 02/10/08 18:14

Pareil! :)

Bart Abba | 02/10/08 22:54

Superbe !! J'applaudis des katre mains ! klap klap klap !!

Fanfan | 03/10/08 11:15

Tome 6

J'étais en vue de Kaer Sidhi. Le soleil commençait à décliner derrière les hautes tours de la ville. Le trafic était pourtant en plein battement. Des charrettes, des convois, des hommes et femmes à pied ou à cheval entraient et sortaient sans cesse de la ville comme milles fourmis s'égayant hors de leur fourmilière. Je me faufilais parmis cette masse humaine avec mon cheval et rentrais dans l'enceinte de la grande ville.

C'était une grande ville blanche en pierres de tailles. Toutes les maisons étaient en dur à par quelques granges en bois se tenant sur le flanc de leur foyer. Ca rendait cette ville vraiment lumineuse. Je regardais les alentours en passant dans les rues. La cité était vraisemblablement prospère. De riches échoppes de tissus ou d'épices, des ateliers de forgerons grande classe, des artisans s'octroyant le luxe d'ouvriers.

Je m'arrêtais à la première taverne qui croisait mon chemin. Au perroquet bourré. J'attachais solidement ma monture et entrais dans le gourbi. C'était assez propre et la clientèle n'avait pas l'air d'être de la viande trop saoule. Je m'installais seul à une table, commandais une chope et regardais autour de moi. Il y avait un peu de tout dans cette taverne. Des commerçants traitant leurs marchés autour d'alcool de qualité, des gardes de la ville venant picoler leur solde à la fin de leur service et parlant bruyamment, de jeunes gens venant boire de grandes rasades de bière en rigolant bêtement, et quelques voyageurs comme moi, venus se poser un moment.

Au bout d'un petit moment et ma deuxième bière finie, je suis allé voir le tenancier pour lui demander où se trouvait le port militaire. Il m'indiqua qu'il se trouvait au sud est de la ville, au-dessus du port marchand. Je le remerciais et lui demandais s'il avait une chambre pour la nuit. Il me répondit à l'affirmative. Je partis faire un petit tour sur le port.

Je commençais à me perdre dans des ruelles entre l'auberge et le port. J'essayais de me repérer aux grands mats de misaine quand je les apercevais. J'arrivais au port, et détaillais l'endroit. Ce port militaire était assez petit pour une ville de cette importance. Des matelots descendaient à quai, aller boire leur solde et terminer rond comme des tonneaux au bordel. Des dockers déchargeaient ou rechargeaient des vivres pour un nouveau voyage. Les capitaines parlaient avec les gardes-ports. Aucune trace du capitaine.

Je détaillais les navires un à un. Les bateaux m'ont toujours fasciné. Un m'attrapa l'oeil. Il était de taille moyenne, mais avec un pavillon que je ne reconnaissais pas. Il avait l'air robuste et rapide. Des lumières étaient allumées sur le pont des cabines supérieures. Il restait seulement quelques marins en surveillances, et quelques autres attelés aux tâches de nettoyage.

Je continuais à longer le port. J'aimais sentir cet air marin balayer mon visage. Des éclats de voix faisaient parfois leur apparition, mais s'estompaient bien vite. Je repris la route de l'auberge pour aller me jeter quelques bibines avant de me coucher. Je commandais un repas et un pichet de bière.

Mon repas terminé et quelques bières englouties, je pris mon carnet et commençais à écrire. Un type assez costaud vint s'asseoir à ma table. Il était assez jeune, roux, les yeux marron, pas l'air bien malin. Il me demandait ce que je faisais ici. Il ne m'avait jamais vu dans les parages. Je lui expliquais ma situation et en profitais pour lui demander s'il avait pas vu un autre étranger correspondant au signalement du capitaine. Il me dit que si. Un gars, qui devait être de la marine, qui finissait raide tous les soirs. Son terrain de jeu favori, c'était la cabane du pécheur, un peu au nord du port militaire. C'était une taverne bon marché faite pour ramasser le pognon des matelots. Je payais une mousse à ce brave gars et lui racontais quelques points de ma vie pour qu'il ne soit pas en reste puis parti voir cette cabane du pécheur.

Le quartier de cette taverne était assez glauque. Des tessons de bouteille traînaient au sol, des marins saouls cuvaient leur vin dehors, adossés au mur. La devanture de la taverne en elle-même était sordide. Toute déglinguée avec des taches de sang sur la porte. Le bruit qui en venait était fort, des éclats de rires avinés, des conversations de marins, des chuchotements de complots, tout ça mêlé à des chants de matelots éclatant sporadiquement à un bout ou l'autre de la salle.

Je regardais autour de moi tout en marchant un peu le long de l'établissement. Il y avait peu de passage devant le bar, seulement quelques marins regagnant leur navire ou allant au bordel, ou d'autres venant commencer leur beuverie. J'avais du mal à croire que le capitaine que je connaissais était allé s'enterrer là-dedans. Je ne passerais sûrement pas inaperçu en rentrant. Je regardais une dernière fois autour de moi, vérifiais que mon épée était à sa place au cas où. Dans ce genre d'établissement, la baston est monnaie courante. Je poussais la porte...

Fanfan | 04/10/08 17:35

Tome 7

Je poussais la porte. Le spectacle que j'y vis ne m'étonna pas trop, je connaissais ce genre de lieux. Des ivrognes et des comploteurs, rien de plus banal. A mon entrée la moitié de la salle jeta un coup d'oeil derrière son épaule pour scruter l'entrée du nouvel arrivant. L'autre moitié restait penché sur sa bière en palabrant fortement.

Je regardais autour de moi, regardant dans les recoins, cherchant la tronche du capitaine. J'allais au bar commander une bière tout en regardant encore aux alentours. Des marins, des ivrognes, quelques marchands de bas étages, des assassins, des voleurs et... Un homme portant un tricorne, assez sombre, caché dans le coin gauche de la pièce devant une bouteille de mauvais vin. Un long manteau gris le recouvrait. Ses mains étaient tremblantes.

Je pris ma bière et me suis dirigé vers lui. Je me suis assis en face de lui et ai essayé de regarder ses yeux. Il leva à peine la tête vers moi, le regard presque vitreux, bouffis par l'alcool. Il avait les yeux gris du capitaine. Il portait une barbe assez fournie d'un noir profond. Je le regardais avec insistance pour qu'il me remette dans sa mémoire. Capitaine, capitaine, où vous êtes vous perdus ?

Je sirotais ma bière patiemment en guettant le moindre de ses gestes. Il prit son verre et le porta à ses lèvres en grognant. Il était vraiment pas très beau à voir. Il m'a demandé ce que je voulais au bout d'un petit moment. Je lui rappelais l'épisode de notre campagne dans l'hiver et mon espoir de le retrouver. J'ai du m'y reprendre à plusieurs car son attention n'était pas vraiment captivée. Il baragouina quelques mots que je ne comprenais pas.

Au bout d'un moment je lui ai demandé s'il voulait que je le ramène avec moi jusqu'à mon auberge. J'ai pris son grognement comme une affirmation. Nous somme sortis, sous le regard lourd des clients avinés.

Je suis passé par les rues les moins coupes gorges de la ville. Avec cette viande saoule sur le dos je n'aurais pas vraiment pu nous défendre. J'amenais le capitaine jusqu'à l'auberge. Je demandais un bain à l'aubergiste, à l'eau froide. Je voulais absolument savoir, il fallait que je le dégrise. Il se déshabilla devant le bain sans rechigner, émettant quelques grognements pour la forme. Il ne compris pas tout de suite en entrant dans l'eau froide. Ses yeux commencèrent peu à peu à s'éveiller. Au bout de quelques minutes il sortit d'un coup du bain et se jeta sur la serviette qui traînait sur la table à côté. Il grelottait. L'alcool avait l'air d'avoir perdu de son emprise.

Il me demanda ce qu'il foutait là. Je lui ai raconté à nouveau mon histoire, il m'écouta en frissonnant de froid. Il m'a dit qu'on verrait demain et est parti ce coucher. J'ai dormi dans la même chambre que lui, je voulais pas le voir disparaître à nouveau.

Le matin je lui ai rendu sa boussole. Il la mis dans sa poche sans mot dire et me demanda à nouveau ce que je voulais. La mémoire courte le capitaine ? Il avait la gueule de bois et je lui racontais donc à nouveau. Il écouta sans siller. Après il me regarda, grave. Son regard avait regagné de l'énergie. Il me dit qu'il ne répondrait pas à mes questions, mais qu'il se faisait vieux, et qu'il avait besoin d'un analyste pour vider sa mémoire. Il m'a demandé si ça m'intéressait. Je lui ai dit que oui. En connaissant le capitaine je saurais ce que j'étais venu chercher.

On est partis au matin vers une autre cité, plus au nord, là où il avait grandit et avait une maison. Après trois jours de cheval sans encombre, on est arrivé aux portes de la cité. Il avait une petite baraque plutôt mignonne sur deux étages. Il ouvrit la porte et j'entrais à sa suite. C'était de la belle pierre, des armes étaient pendues aux murs, des livres partout grimpaient comme des lianes le long des meubles.

Il m'invita à m'asseoir à son bureau. Il voulait commencer tout de suite et me voir partir. Il commença son récit. Je prenais mes notes sur l'aube de sa vie. Peut être allais je savoir...

A venir : Les chroniques d'un capitaine.

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