Forum - [Baal neuve] De l'utilité des ramasseurs de balles.
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Althâr Anthâar | 05/10/08 22:46
Rétroaction : n. f. 1) Didact . Effet rétroactif.
Rétroactif : adj. Qui exerce une action sur ce qui est antérieur, sur le passé.
Il n'est plus de minute, il n'est plus de seconde. L'éternité règne. Une éternité de lassitudes.
Ainsi pense la Mort, seul dans l'immensité des sphères, désertée par les vivants. Le froid stellaire ne le touche pas, le silence ne l'atteint pas. Il est assis, seul, démesurément seul, sans plus personne aux côtés de qui marcher, sans plus aucun démon pour le divertir, sans aucune âme à faucher, ni qui que ce soit pour avérer son sourire immémorial.
Non pas qu'il cherche quelqu'un avec qui discuter. Après tout, il ne parle pas. Il n'en a pas le droit. C'est dans les règles du multivers. Règles qu'il a lui-même édictées un jour, voilà une éternité plus tôt.
Il porte son regard tout autour de lui et ne contemple plus aucune étoile, plus aucun trou noir, plus aucune trace de matière. Tout a disparu. Oh, pas d'un seul coup, bien évidemment, cela n'aurait pas été normal, mais lentement, seconde après seconde, milliard d'années après milliard d'années. Le lent processus du temps a fait son oeuvre et l'entropie a finalement bien gagné ce combat. De toute façon, cette victoire était inéluctable. Et la Mort connaissait le fin mot de l'Histoire.
Les alentours ne sont même plus, qu'il contemple pourtant. La scène semble si vieille... Il flotte comme une odeur rance de création morte, non pas ratée, mais disparue, tout simplement partie. Comme une mélancolie universelle partagée par un seul être, le seul être qui soit encore, au temps et à l'espace, suffisamment présent pour contempler la fin.
La Mort se plaît à regarder tout ce vide à ce moment. Pas par plaisir, ce qui serait pervers et mesquin, ni encore par sentiment du devoir accompli. Car, après tout, il est la Mort, et la Mort se doit de faire mourir tout ce qui a été, est et sera. Non, c'est, tout au contraire, un plaisir triste, mélancolique, comme celui que ressent quelqu'un à la fin ou au début d'une oeuvre, quand tout se confond et que les possibilités semblent infiniment vastes, infiniment belles, infiniment possibles. Ce même plaisir étrange qui fait dire que là, il y avait une planète entièrement recouverte d'eau dont les habitants étaient exclusivement des animaux sub-terrestres. Que là, il y'avait cette Taverne où tout a commencé pour Aman. Que dans cette direction s'élevaient les plus hautes et belles montagnes du multivers. Qu'un jour cette place avait été la plus belle du multivers. Et que tout cela n'est plus .
Dans ce vide absolu, la Mort se déplace vaguement, sans prêter attention à rien, son sourire inamovible ne reflétant plus grand-chose.
Il serait possible de gloser des heures sur le vide, sur ce concept assez effrayant pour la pensée humaine, presque insaisissable même, mais cela n'est pas le propos. Pourtant, à ce moment précis, l'odeur du vide change, si cela est possible. Du moins, la perception qu'en avait la Mort change.
Quelque chose de jeune, de neuf, flotte dans l'air. Comme si tout était encore possible, à venir, comme si quelque chose attendait une réponse. Comme si là sera une planète totalement recouverte d'eau aux habitants sub-terrestres. Comme si là il y aura une Taverne où tout commencera pour Aman. Comme si un jour cette place sera la plus belle du multivers.
Etrangement, le sourire de la Mort semble vrai. Et le voilà qui claque des doigts.
Une étincelle, aucun son, un peu d'énergie dans un volume pas plus grand qu'une tête d'épingle.
La Mort claque des doigts.
Bang.
Parmi les nombreux bonus qu'avait reçus Baal lorsque sa feuille de personnage lui était revenue se trouvait une très grosse bonification en intelligence. Pour les quelques fous qui auraient lu cette affligeante prose depuis le début, cela ne change en rien le fait qu'à l'origine Baal était supérieurement intelligent. Au contraire même.
Chez un crétin congénital résultat de générations de consanguinité, dont l'éducation se serait limitée à regarder une latrine plusieurs heures par jour, tous les jours de l'année, chaque année, un bonus en intelligence se fait immédiatement sentir. En effet, le bonus appliqué à une telle personne lui permet de comprendre subitement que deux multipliés par deux font quatre, et d'en saisir les conséquences.
Chez un être tel que Baal, le problème est tout autre. Il faut un réagencement complet de la structure cérébrale du démon. Il est nécessaire d'opérer une destruction/reconstruction des schémas de pensée, des habitudes qui se sont installées là depuis des siècles. Autant dire, pour donner un exemple parlant, qu'il faut réussir à faire comprendre, appliquer, démontrer et utiliser la théorie des quantas (toute la théorie des quantas, des cordes au mistigri) à Isaac Newton ou Sharon Stone. Un joli grand écart à accomplir. [Hum...]
Et un saut pareil ne se fait pas en un jour. Enfin, pas tout à fait. Pendant tout son périple, les synapses de Baal ont opéré leur bizarre alchimie, ses neurones ont changé, muté, son esprit aussi, et à l'instant où il pénètre dans le bureau, ce savant changement est terminé, et d'un seul coup, Baal comprend. Aussi n'a-t-il pas vraiment le temps d'être surpris.
Rétroaction .
Astaroth est un prince démon. Il s'est autoproclamé tel voilà si longtemps qu'il ne doit plus rester grand monde d'assez vieux pour s'en souvenir.
A l'époque, il avait eu les moyens de sa politique : puissance, volonté, brutalité, mais aussi ironie, délicatesse, tact et style approprié à une carrière pareille. Aussi avait-il bien vite rajouté à la liste de ses titres qu'il était le bras droit du patron. Un des, plus précisément, parce qu'il n'avait pas envie de se coltiner deux ou trois brutes épaisses qui possédaient également cette distinction sur leur curriculum vitae.
De cette façon, Astaroth a pu observer depuis des siècles le mécanisme de reproduction, ou plutôt de rajeunissement, des élites : un démon un peu plus puissant que la masse normale se lève et massacre joyeusement un des bras droits du chef pour prendre sa place. Jamais lui, évidemment : très tôt, il a saisi le grand intérêt de la communication et de l'entretien d'une image effrayante et susceptible de dissuader des morveux de venir lui chercher querelle. Et puis, aussi, plutôt que de rester à dormir sur sa couronne, il a continué à rire un peu partout, à semer la mort et la destruction où il le pouvait, parce que, au final, c'est assez marrant.
Pourtant cette fois-ci, tout a été différent. Bien trop différent et Astaroth est par trop intelligent pour sortir de son trou au moment où Baal passe, porteur de malemort et de violence, la Mort ricanant à ses côtés, tandis que l'orchestre de Jéricho trompette un peu en arrière. Astaroth a laissé passé l'orage, comme il l'a souvent fait au fil des éons, et finalement, ne s'extirpe de sa cachette que maintenant, pour contempler les ruines de ce qui, quelques instants plus tôt, était son monde.
« On continue de suivre les traces ?
- Ca a quand même l'air beaucoup plus marrant par là.
- J'sais pas, je n'ai pas envie de perdre mon temps ici, tu vois. J'ai des responsabilités moi, tu sais, Celim, je ne suis pas oisif, j'ai une fille, des choses à faire...
- C'est bon, c'est bon, on suit les traces alors. Abdique Celimbrimbor avant même de combattre.
- Et puis, tu ne t'es pas assez amusé dans les jardins ? Qu'est-ce que t'as mis à ce pauvre chien tricéphale.
- Bof.
- Je ne te savais pas si cruel.
- Bof.
- Bon, on continue ?
- Ouais. » Soupire le mage.
Il commence à marcher un peu en avant d'Althâr, fatigué de ses soliloques sur ses responsabilités à la Chimère. Depuis qu'ils ont quitté les jardins, il s'ennuie, aussi s'abime-t-il dans ses pensées.
Une barre de métal d'environ un mètre cinquante d'épaisseur et de trente centimètres de large s'abat violemment sur sa figure et l'envoie voler paisiblement à quelques cent mètres plus loin.
Astaroth exulte.
Althâr pouffe doucement.
Celimbrimbor plane, plane, tombe.
Le temps recommence à s'écouler.
« Vous entrez sur les terres du prince démon Astaroth, serviteur du tout puissant Baal ! Même pour les princes démons le vent tourne, ne peut-il s'empêcher de penser. Trépassez, mortel !
- Hem... Alors, juste pour préciser, on n'est pas à proprement parler mortels, Asty, nous en veut pas. Explique Althâr. Ensuite, est-ce que tu peux me dire pourquoi t'as pas commencé à courir ?
- Comment ?
- Je t'explique. Le type que t'as envoyé là-bas, et je ne sais pas encore pourquoi il n'est pas revenu, ça ne va pas lui plaire, tout ça. En plus, c'est mon pote : donc, ça ne me plaît pas non plus. Capicce ?
- Pardon ? Astaroth, pour paraître plus impressionnant, prend son apparence de démon, s'enflammant littéralement de la tête aux pieds. Vous trépasserez si vous ne faites pas allégeance à Baal !
- Très bien, souffle très vite le nain en soupirant. T'es vraiment très mal barré Asty. »
Et le prince démon d'abattre de toutes ses forces son braquemart de métal sur la tête d'Althâr Anthaar qui, pour lui faire plaisir, hurle une petite seconde de frayeur, avant de saisir la poutre, de l'arracher à la poigne du terrifiant démon, et de la briser en deux.
La flamme qui recouvre Astaroth s'éteint.
Son teint devient blafard.
Althâr sourit.
Celimbrimbor aussi.
« Mais ? » Miaule le terrifié démon.
Un clignement d'yeux plus tard, Althâr et l'elfe reprennent leur chemin (tout droit) en discutant gaiement, laissant Astaroth à sa place.
Empalé sur la poutre, les bras écartés étrangement tandis que ses jambes sont tordues en plusieurs angles absolument pas naturels. L'autre morceau de la poutre empêche d'entendre les hurlements de douleur qu'il pousse sous l'effet du feu qui dévore ses entrailles qui se reconstituent au fur et à mesure qu'elles brûlent. Ses yeux crevés par ses deux propres cornes recourbées par une force insane jusqu'à ses globes oculaires laissent échapper des torrents d'un liquide noir comme les gouffres qui attaque sa chair dans un sifflement presque réjoui, tandis que sa peau se pèle doucement en lambeaux qui viennent se tresser en de fines cordelettes qui le fouettent avec violence, jusqu'à ce qu'il soit temps qu'elles deviennent corde pour le pendre, quand ses souffrances seront échues.
Pendant ce temps Baal est assis à son bureau dans la pièce qui lui sert depuis toute éternité de quartier général à l'Enfer, et d'un claquement de doigts presque distrait et dédaigneux déclenche l'incendie qui va ruiner la bibliothèque.
Qui va ruiner la bibliothèque dans le passé . Qui va provoquer son renvoi. Qui va l'inciter à récupérer sa feuille de perso et en cocher, enfin, les cases, toutes les cases, pour aller se venger du Boss. Qui va lui faire comprendre qu'en fait, le Boss, c'était lui. Depuis toujours. Qui va lui rappeler que si en cet instant précis il n'engendrait pas un feu à ce moment-là de son passé, il n'aurait d'ici à maintenant pas le pouvoir de créer, alors que ces lignes sont écrites, l'Enfer, il y a encore plus longtemps.
Edité par Althâr Anthâar le 05/10/08 à 22:52
Lancwen de Sigil | 06/10/08 09:18
Baramir d'Eckmöl | 06/10/08 09:51
C'est là ou je suis content de pas être votre ennemi.
Bon ben tachez de discutez un peu avec Baal, c'est plus drôle
.
Larme De Fée | 08/10/08 13:39
Un grand merci pour ces bons moments de rire!

