Forum - Mémoires d'une pirate.

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Sowé Lisander | 11/10/08 17:45


Les torches se rapprochent dans la marée de haine, ses vagues lèchent l'esprit de Sowé Lisander pour l'emporter dans un tourbillon de peur. La Garde Publique se rapproche du haut de ses chevaux qui avancent au petit trot, les visages s'ombrent de masques grimaçants sous la lumière vacillante des feux ravageurs. Les curieux s'agglutinent derrière cette procession majestueuse de la force seigneuriale. Peu à peu l'escorte prend des allures de cortège, et les cris d'excitations nourrissent cette nuit froide d'une passion vengeresse qui brûle les esprits dans la folie.

Dans l'unique petite pièce exigüe de la maison de fortune, les peaux de bêtes sont vite repoussées pour passer un oeil inquiet à travers les persiennes. La bouche à demie ouverte laisse échapper un souffle vaporeux rythmé par la respiration de Sowé qui s'accélère. A demie nue, elle enfile rapidement une tunique élimée et hurle sur le corps endormis :

- Peter ! Dégage de là, si tu tiens à ta vie !

Les brides de sommeil disparaissent quand les yeux tentent de percer l'obscurité en s'écarquillant un peu plus sous le coup de la terreur. Le jeune homme se presse contre la fenêtre, le serpent de feu se rapproche dangereusement en créant une aura orangée éclairant les bois qui ne dévoilent pas encore la puissance déployée par l'autorité de la ville.

- Bande d'enfoirés ! Qui t'a balancé !?

Lisander ne répond pas et rassemble ses effets qui tiennent dans un simple baluchon qu'elle noue énergiquement avant de se retourner vers Peter qui lui tend la main.

-Sowé, viens !
-Je te rejoins Peter!

Elle l'encourage avec un sourire et un léger clin d'oeil arrachés à ses talents de comédienne masquant son mensonge d'une façon rassurante. Elle regarde filer le roublard qui la rejoint de temps à autres sous ses draps, comme cette nuit. Sowé s'assure que ce dernier soit loin et se jette sur une planche en bois qu'elle arrache avec énergie. Une petite caissette et un parchemin jaunit, enveloppés d'un morceau de lin, se dévoilent à son regard sombre.

- LISANDER !

Son coeur s'arrête de battre, ses gestes restent en suspend, elle se précipite vers la fenêtre. Le spectacle la cloue sur place.

-Pourritures ! vous êtes venu à combien ?!

La rangée des gardes s'étalent tel un mur devant la petite maison. Prise d'un sursaut de lucidité, elle replace la planche en bois masquant la caissette et le parchemin.

-Lisander, vous êtes une plaie pour notre ville, nous venons sous l'autorisation de notre seigneur vous arrêter pour dégradation de la paix publique.

Les chevaux piaffent et les jurons des citadins commencent à fuser encourageant le supplice de la hors la loi.

-Va te faire voir !

Ses mâchoires sont crispées, elle est faite comme un rat ! Et l'odeur de brûlé ne présage rien de bon. Les flammes lèchent sa maisonnette sans avarice, la fumée commence déjà à s'infiltrer dans les lieux.

-Soyez raisonnable Lisander, si vous vous rendez, votre mort sera rapide sans supplice pour purifier votre âme cupide.

Sowé apparait dans l'encadrement de la porte, étrange apparition que cette femme à demie nue, aux cheveux noués à la va-vite et qui dévisage les gardes avec un sourire endiablé. Du bout des doigts, elle leur adresse un baiser qu'emporte le vent embrasé de brandons, avant de courir à vive allure vers les bois. Les ordres fusent quand elle détale, les chevaux goûtent aux éperons tandis que le dos de Sowé accueille douloureusement le plat d'une botte. Elle tombe face contre terre, et essuie d'un geste rageur le sang qui coule de non nez. Son sabre est au clair, elle attend telle une furie ce cavalier qui fonce sur elle et la vise de sa lance. Son coup est précis et vif le destrier s'effondre à terre en roulant des yeux terrifiés sous l'agonie. Lisander court vers le cavalier pour planter d'une main sûre sa lame ensanglantée dans le coeur de l'homme. Elle se redresse avec un sourire indéfinissable aux lèvres quand elle se voit encerclée pour de bon. Les arcs sont bandés, une flèche se fiche dans son épaule, elle vacille mais puise dans sa volonté pour ne pas ployer les genoux devant eux.

-Lisander...La raison est une chose que vous n'avez pas!

Le militaire en charge de la petite troupe met pied à terre et s'avance vers elle en tirant son épée du fourreau d'un geste sec. Sowé le regarde s'avancer, sans plus de force que celle de tenir sur ses jambes et de garder fermement son sabre au poing. La pointe de l'épée effleure sa gorge.

-Venez ou mourrez comme une chienne.
Pour toute réponse, elle crache son mépris à la figure du Général qui lui offre un violent coup porté avec la garde de son épée dans les tempes. Le monde tourne, le sol se dérobe. Elle voit des hommes se presser et la ligoter fermement. Mécaniquement et laborieusement, elle marche derrière ce canasson sous l'encouragement des paysans qui la maudissent de leurs fourches et de leurs poings. Elle repasse devant sa maisonnée qui s'est transformée en torche géante, dans sa lumière, elle éclaire un corps sans vie piqué de flèches. On dirait Peter...

Les râles composent une mélodie lassante et oppressante. Quand les pieds dansent ici, c'est pour bouger dans le vide, les corps ne sont que des marionnettes pendus au bout d'une corde. Sowé a retrouvé ses esprits avec la douleur qui la cloue contre le mur de son cachot. Elle n'est pas seule dans cette puanteur, les rats filent devant les prisonniers, les corps avachis sur eux-mêmes attendent leur sentence. Un homme pousse la porte du cachot, son visage est balafré, ses lèvres fines se relèvent en un étrange sourire alors que ses yeux d'un bleu pâle annonce une tempête à chacune de ses expressions. Son trousseau de clés se rapproche des fers de Sowé qui le dévisage avec mépris.

-Sowé Lisander, venez avec moi.
-Qui êtes-vous ?
-Ca n'a pas d'importance, vous préférez vivre ou finir au bout de la corde qui vous attend demain après-midi ?

Elle refuse la main qui lui tend pour se relever.

-je suis désolé !

Un violent coup de poing semble décrocher la mâchoire de Lisander qui retombe lourdement sur le sol. L'homme la tire par les bras puis saisit un seau de sang croupis pour le balancer sur sowé. La force de la nature charge sans difficulté ce bout femme sur une brouette puis recouvre à moitié son corps d'un vulgaire tissu. Il traverse le couloir avec son triste fardeau et se présente aux portes. Le garde le dévisage avec suspicion quand il voit son chargement :

-ils crèvent comme des mouches...

Du bout de sa lance, il soulève le tissu avant de porter rapidement sa gantelet devant son nez, pris d'une violente nausée suscitée par l'odeur qu'exhale le corps. D'un signe de tête, il lui dit de dégager la place :

-Mets la à la fosse ! Quelle puanteur !
-Vos désirs, Monsieur, sont des ordres...

Elle retrouve la réalité avec un seau d'eau froide, l'homme la dévisage avec un air satisfait, elle se redresse pour mieux s'appuyer contre le mur de pierre avec un écoeurement qui sculpte son visage de façon grimaçante. Le bruit d'un estaminet remonte vers la chambre composée d'une table, d'un baquet et d'un lit de paille. Des restes de bandages et une bouteille d'alcool à moitié vide sont les vestiges des soins rudimentaires qui lui ont été donnés.

- Qui êtes vous par tous les diables ?
- Je m'appelle Tomy, j'ai un bateau pour vous.
- Je navigue plus Tomy, vous êtes mal renseigné.
- Vous reprendrez la mer, j'en suis sûr.

Edité par Sowé Lisander le 11/10/08 à 17:50

Eigoel Nahb | 11/10/08 19:25

Captivant ! :b

Sowé Lisander | 12/10/08 16:13

Prends garde que je fasse pas de toi une captive ;)

* courbette*

Merci :b

Horagorn | 12/10/08 17:40

Alala, la mer c'est une drogue, quand elle nous tient!
A demi nue c'est à dire, :o ;)

Angyo Onshi | 14/10/08 12:02

Très agréable à lire !

Sowé Lisander | 28/12/08 20:52

Il a un bateau pour moi !

Cette pensée tourne dans mon esprit sans discontinuer, même le rhum n'arrive pas à la faire taire ce soir. La tentation est grande, reprendre le large pour avoir comme unique frontière celle de l'horizon ! Se sentir plus vivante que jamais quand le froid et les embruns vous glacent ou la chaleur du Sud vous écrase. Par tous les diables ! Jamais je n'aurais pu penser que cette éventualité puisse raviver cette soif de liberté que seul l'océan a réussi à étancher. Je la pensais assouvi à jamais. Pourtant...Pourtant...Je ne pourrais jamais oublié ce qui m'a ramené à terre et à cette vie volage. Quel con ! Je ferais mieux de prendre l'air, ruminer cette histoire me rendra un peu plus folle pour ce soir.

Ca m'arrangerait que ce Tomy la Potence n'ouvre pas l'oeil, je n'ai pas envie de me perdre en explications. Il fait assez clair pour savoir où je pose le pied sans que je m'étale face contre terre. La nuit est belle, l'heure tardive, le moment idéal pour les âmes solitaires. Cette fichue épaule me fait un mal de chien alors que je me redresse en douceur pour ne pas perturber le sommeil de mon sauveur. Une chose est sûre, si je retrouve ce Général, je lui planterais une flèche au milieu des deux yeux !

J'attrape une besace qui trône sur la table crasseuse sans oublier la bouteille de rhum à moitié vide que je fourre à l'intérieur. L'établissement est calme mis à part les quelques bruits nocturnes des soulards qui cuvent leurs vins dans des ronflements tonitruants. La porte cède à ma poussée pour m'offrir au couloir meublé d'ombres et de lumière.

- Où allez-vous ?

A demi redressé, le gaillard me dévisage dans la pénombre avec un air que je devine suspicieux. J'avance d'un pas vers la sortie en me détachant de son observation :

-Je vais prendre l'air !
-Je viens avec vous.

Cette dernière phrase me fige, je tourne la tête en sa direction, mais pas assez pour le voir enfiler sa chemise. J'avais vraiment besoin de ça !

- Non, je n'ai pas besoin...je reviens dans une petite heure, j'ai mal au coeur...ça doit être la blessure qui me donne la nausée et puis, ça sent le rat crevé ici !
- Je viens avec vous.
- ...

Il semble plus borné que la route menant à la capitale et puis il ne perd pas le nord facilement. Il pense sans doute que je vais me carapater et courir au quatre vents, bizarrement je n'y ai même pas pensé. A croire que je me ramollis ! Je m'enfonce dans le couloir sans l'attendre, c'est seulement quand le vent nocturne caresse mes tempes que je sens de nouveau sa présence à mes côtés. Je n'ai pas l'intention de meubler le silence qui accompagne nos pas. Instinctivement, je prends la direction du Port, suivant la lumière répétitive de mon idée fixe. Ce bateau... Je meurs d'envie de le voir, de me perdre dans ses cordages et de fouler son pont. Bizarrement, je tourne à droite pour traverser le pont en bois et filer près des lavandières afin de rejoindre la sente qui conduit aux Bois Rouges.

- Vous n'allez pas retourner là-bas !
- Essayez de m'en empêcher pour voir.
- Ils ont certainement posté des gardes pour chopper les gars du Repère !
- Je sais, mais je veux voir quelque chose.
- Vous ne verrez que mieux la corde qui vous y attend !

Ca ne sert à rien de lui répondre, car il faut dire qu'il n'a pas tord. Et puis, les gars du Repère, je me demande si ça ne serait pas mieux de me faire passer pour morte, et de saisir la nouvelle vie que Tomy m'offre, celle pour laquelle je suis taillée.

L'odeur est encore forte, elle soulève en moi des réminiscences de colère. Le bois brûlé imprègne encore les lieux, je foncerais volontiers remuer les cendres à la recherche de quelques braises qui raviveraient un feu dangereux pour mes adversaires. Au lieu de ça, la poigne ferme de Tomy me stoppe, son index se pose sur sa bouche pour m'imposer le silence. Son menton carré m'indique sèchement les trois gardes. Fais chier ! J'ai horreur de ces situations qui prouvent que mon entêtement est stupide, surtout quand la vérité s'impose à moi.

Ma voix s'échappe en un chuchotement :
- Tomy, je dois y aller, il faut que je récupère quelque chose de très important.
- Très bien...
- Quoi !

Il s'éloigne en courbant l'échine, me laissant à mon sort. Je me mords la joue jusqu'au sang pour retenir le juron qui me brûle les lèvres. Mon épaule me lance de trop, je n'ai que mon poignard, une besace et du rhum ! J'avoue que je me débine en regardant les trois hommes en armure jouer les tours de guets devant les ruines de mon repère. J'espère seulement une chose, que les flammes n'ont pas grignoté la caissette et le parchemin que j'ai mis tant de soin à protéger ! Je me dis finalement, que j'attendais cette opportunité pour reprendre la mer, sinon pourquoi j'aurais risqué plusieurs fois ma peau pour ces objets !

J'accélère le pas pour rejoindre Tomy la Potence qui ne ralentis pas l'allure. Arrivée à son niveau, mon ton est quelque peu mordant :
- Vous pouvez me dire quelle mouche vous a piqué ?
- Aucune, c'est vous le Capitaine.
- Je...
- Si vous voulez vraiment vous tuer, allez-y, je trouverais une autre personne pour le navire qui n'est rien d'autre que le vôtre.

Son sourire est ironique quand ses yeux perçants me clouent sur place.
- Vous ne l'avez pas retrouvé...C'est impossible!
- Il n'attend que vous, venez le voir par vous-même. Laissez moi cinq jours de marche en votre compagnie, pour vous dévoiler la baie qui protège votre bijou.
- P..pourquoi faites-vous cela ? Vous voulez quelque chose ! Quel est votre prix ?
- Chaque chose en son temps, chaque chose en son temps, Capitaine...Lisander.

Tout vient à point à qui sait attendre! Ca n'a jamais été mon fort, mais j'attendrais que ces gardes quittent les lieux pour récupérer le parchemin et la caissette, et surtout, je me servirais du temps si précieux au Tomy pour retrouver le Tentation. En attendant, je préfère le noyer avec la chaleur du rhum en écoutant le vent qui se perd dans les cordages des gréements amarrés au port de la ville.

Loxias The Dark Lord | 30/12/08 03:50

Jolie! :) J'aime bien vos écrits, mademoiselle Lisander. ;)

Edité par Loxias The Dark Lord le 30/12/08 à 03:50

Strahd Von Zarovich | 30/12/08 09:45

Très fort...!

Lancwen de Sigil | 30/12/08 10:56

Joliment écrit, j'attends la suite!

Loken Nifelheltyr | 30/12/08 19:27

Ouais, vachement bien!

Neige II | 31/12/08 12:06

oui c'est super bien.a quand la suite?

Lludd | 31/12/08 15:30

On se demande qui peut bien tirer les ficelles de votre destin ?

On en redemande :b

Sowé Lisander | 01/01/09 16:42

* courbette* merci ;)

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