Forum - Les héros et les autres.

Jethro Karovd | 22/10/08 17:32

- VALTRANN ! MON NOM EST VALTRANN !

Toutes ces stratégies inutiles. Tous ces hommes incompétents. Toute cette mascarade à en vomir. Je suis le seul guerrier méritant ce titre parmi ces lâches.
Un cri. Un écho. Et déjà nous courrons vers ces ennemis au même nombre que nous et pourtant si faible face à moi.
Même si je dois mourir; beaucoup périrons.
Déjà les premiers chocs s'entendent. L'impatience me ronge. Mais je vois le premier homme qui périra sous mon épée. Il s'écroule devant moi. Un sifflement à mon oreille. Je me retourne. Ma lame a été plus rapide. Le second d'une longue liste frappe le sol violemment. Je me redresse et cours parmi la foule. Difficile de reconnaître les alliés des ennemis.
Un hurlement. Un second. La foule s'écarte. Les premiers cavaliers ennemis fondent déjà sur nous.

Il y a des lâches partout.

Mes coudes m'offrent un passage parmi toute cette bataille. Mes pas s'accélèrent à nouveau. Un cavalier fonce sur moi. Je m'écarte au dernier moment. Me tasse. Je n'attends pas que sa lance m'atteigne et déjà ma lame transperce sa gorge juste au-dessous du casque, alors que je m'écroule au sol contre lui.
J'ouvre à nouveau les yeux et la bataille me prend au corps. Je me relève. Une douleur.

Il y a des lâches partout mais surtout sur un champ de bataille.

Déjà mes genoux cèdent. Je ne verrai même pas le visage de l'homme qui a tué Valtrann, le guerrier.

***

- Le 413ème est mort d'un coup d'épée dans le bas du dos, lança l'homme vêtu de blanc et aux yeux grossis par les binocles trônant au bout de son nez.
- Qui était-il ? Demanda le soldat à ses côtés.
- Sa médaille dit qu'il se nommait Valtrann, répondit le médecin binoclard. Je dois avouer que le coup a été porté avec une grande précision. Le foie n'a pas résisté.

Un sourire s'afficha sur le visage ridé du médecin, sourire que ne partageait pas le soldat immense, mince et sombre.

- Hum... Se reprit le médecin.
- Valtrann vous dites ? Commença le militaire alors qu'il jetait un coup d'oeil au parchemin qu'il tenait. Il était dans le bataillon 1 section infanterie.
- Quelles stratégies le patron a-t-il essayé cette fois-ci, lança ironiquement le binoclard.
- La Ligne d'Alaxis contre la défense des Orchidées. Répondit froidement le soldat recenseur.
- Je comprends pourquoi le bataillon 1 compte autant de pertes, sourit le vieux doc'. La défense des Orchidées partait perdante depuis le début. Décidément, le patron expérimente des couples de stratégies de plus en plus étranges. Je ne vois vraiment pas ce qu'il cherche. Ce Valtrann était une légende dit-on, pourquoi le mettre dans le bataillon 1 avec la défense des Orchidées et prendre le risque de le perdre.
- Cela ne nous regarde pas, c'est l'affaire du patron de penser. Rétorqua l'immense gradé.
- Je ne vois vraiment pas se qu'il cherche... répéta le vieux sceptique.
- Comme tout le monde, cher Doc', lança froidement le militaire. Et c'est pour cela qu'il est le patron.
- J'ajouterai, cher Listeur, que c'est également pour la supériorité numérique de ses pièces d'or par rapport aux nôtres, conclu en riant le médecin.

Le soldat roula ses parchemins, s'inclina devant le vieil homme et les morts qui les entouraient et sortit de la tente infirmerie.

***

En cette heure matinale, la ville était déjà bien éveillée. Le cheval s'arrêta dans une rue non loin du centre de la ville, devant un portail de bois sobre. Listeur descendit de l'hongre, posa sa main sur la poignée et bientôt il pénétra dans la cours du patron. Le portail se referma en silence. Listeur soupira brièvement tournant le dos à l'entrée.
Le patron était au milieu de la cours, devant sa modeste maison de deux étages qu'il partageait avec Doc et Listeur. Il marchait de son pas boitillant. Il tournait en rond, son esprit devait faire de même dans la réflexion. Listeur se surprenait toujours de ne jamais voir un seul garde rapproché pour un homme si important. Mais au fond, le docteur de la guerre, comme le patron aimait s'appeler, était connu pour ses idées et ses recherches, non pour sa personne. Et personne ne menaçait ses idées, elles étaient trop utiles et importantes à ce monde, aux hommes qui peuplaient ses terres et qui ne vivaient qu'aux travers leurs guerres, leurs défaites et leurs victoires.
Et puis, qui aurait pu reconnaitre en cet homme boitillant et pensif, l'homme dont la science était la guerre. Jethro Karovd était une personne simple, sobre, bien que classe. Il ne faisait pas attention à son image, il s'habillait souvent de la même façon, parfois gardant les mêmes vêtements plus qu'il ne le fallait, et pourtant, il dégageait un certain respect, une certaine classe, propre à lui, un classe effacée. Il faisait parti des gens pour qui leur métier était tout : leur loisir, leur vie, leur mort. Comment il en était arrivé là, personne ne le savait et lui devait l'avoir oublié.
Les gens connaissaient seulement ce qu'ils avaient besoin de connaitre ; Jethro Karovd était un expert en stratégie de guerre et il était le meilleur dans son domaine.

Listeur se rappela une parole du patron, une parole qui représentait ce mélange de modestie et de je m'en foutisme qui caractérisait bien Jethro. Il avait un jour dit au Doc et à Listeur, lors d'un repas :
- Dans le monde de la guerre, il y a deux catégories de gens : Les héros et les autres.
Il y a ceux qui inventent et innovent dans l'art de la stratégie, devant n'importe quelle situation et il y a les autres. Pour les autres, les stratégies, je les invente et les étudie à leur place.
Le Doc avait répondu avec ironie :
- La guerre à besoin de Héros et de vous.
Sur cela, Jethro avait sourit, ce qu'il faisait rarement et avait répondu :
- La guerre à besoin de trois choses : De haine, de héros et de manipulation.

Listeur revint à la réalité et fit un pas en avant afin de se faire voir du patron. Ce dernier s'arrêta, leva la tête et attendit.
- 413 morts patron, commença Listeur. 352 sur 500 pour le bataillon 1 avec la défense des Orchidées. 61 sur 400 pour le bataillon 2 avec la Ligne d'Alaxis. Victoire du bataillon 2.
Le héros Valtran est tombé.
- Comme beaucoup d'autre, répondit Jethro d'un ton détaché avant de reprendre sa marche et le cour de ses pensées.

Zoltahn Kodaly | 22/10/08 19:03

Bonne entrée en matière...

Vormonta | 23/10/08 20:43

J'aime bien également.