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Eigoel Nahb | 30/10/08 00:57

Lune 783,
Quelque part aux abords d'un village.

Je les vois encore, ces cavaliers maudits... Montés sur de puissants étalons, le sol tremblait sous leurs sabots. De lourdes armes battaient leurs hanches cuirassées de noir sous le cahot de leurs bêtes au galop. Ils faisaient peur à voir. Les plus croyant les auraient cru sortis des enfers. A l'époque, je n'étais encore qu'une jeune hardie sans aucun entraînement physique. C'est pourquoi j'avais fuis, après m'être terrée sous un tas d'ordure pendant des heures, attendant que le calme revienne dans mon village. Une odeur de brûlé s'élevait, écoeurante, laissant deviner un bon nombre de cadavres calcinés, et des fétus de paille partis en cendre...
C'est cette même odeur qui me réveilla ce matin là. La nuit avait été paisible, aucun animal n'était venu renifler ma toile de tente, cette région m'avait plu au premier coup d'oeil. Et quand bien même je l'aurais détestée, j'étais fatiguée, la route avait été longue, et mes guibolles quémandaient ardemment un peu de repos avant de continuer le voyage. La veille, j'avais fais une halte dans un village étonnamment bien entretenu, comparé à tous ceux que j'avais pu croiser durant mon existence. C'était une petite bourgade, nichée au creux d'un vallon. Les habitants ne vivaient que d'élevage et d'agriculture. Ils suaient sang et eau pour nourrir leur famille, mais aussi pour agrandir leur maison, développer le commerce, et offrir à leurs générations futures un avenir brillant et plein de promesses. L'accroissement se faisait lentement, mais sûrement, les autochtones pensaient être à l'abri du monde intransigeant de Daifen. Mais ils se trompaient. Je les ai observés longuement. Chacun semblait prévoyant, soucieux, dévoué... Les caisses devaient être remplies d'or et de bijoux...
La gargote de la cité se trouvait sur la place principale. J'y rencontrai un vieil homme, sans doute un des sages buveurs de la communauté, qui me causa longuement de la future réussite de son bourg. Qu'il était bavard... Peut être trop. Je n'avais pas l'intention de les dépouiller, une chance pour lui, car quelqu'un de mal intentionné aurait remué ciel et terre pour trouver leurs richesses accumulées depuis tant de temps. Pour le vieillard, le village ne cessait de s'étendre, de s'enrichir, pour peut être devenir un jour une ville réputée pour son artisanat et ses nombreux échanges commerciaux. Je souriais, voilà bien longtemps que je n'avais vu un vieil homme avec les prunelles aussi pétillantes. D'habitude, plus ils ont de lunes, plus ils sont las et sans espoir...
Bref, une gentille petite commune dont je me détachai le soir venu, après quelques verres de leur liqueur d'aubergine dont le tavernier était fier. Spécial...
Le plateau qui surplombait le vallon était l'endroit rêvé pour passer une bonne nuit. Quelques buissons plantés ici et là, ainsi que quelques feuillus protégeaient du vent, et la hauteur du relief cachait la tente aux yeux des voyageurs empruntant la route en contrebas.

Le jour était à peine levé lorsque l'immonde odeur de fange bouillie me vint aux narines. Les souvenirs m'envahirent l'esprit, je ne supportais pas cela. Je sortis de mon abri de fortune, et me dirigeai d'un pas vif vers le bord du plateau, suivant cette odeur infecte. Je n'en cru pas mes yeux. La cité dans laquelle je me plaisais la veille n'était plus qu'un tas de braises mourantes. Les maisons s'étaient effondrées, la petite église au nord-ouest était en ruine, et les nombreuses granges avaient été ravagées... Au loin, à quelques centaines de mètres du feu village, je crus voir une masse... Un attroupement ? Mon sang ne fit qu'un tour. Je récupérai rapidement mes affaires, et descendis dans la vallée au pas de course. Les pierres roulaient sous mes pieds, je faillis perdre plusieurs fois l'équilibre. Une traînée de poussière me suivit jusqu'à ce que je pénètre dans le champ de foin flanquant le village au sud-est.
Je ralentis mon allure, et pris soin d'être discrète lorsque j'atteignis les premiers restes d'habitation. Les responsables de ce carnage ne devaient plus être là, l'incendie semblait remonter à quelques heures. Mais la prudence était de mise. Je me faufilai dans les ruelles. Le sol terreux s'était transformé en une espèce de boue sanglante et collante. De nombreux humains gisaient sur le sol, calcinés, égorgés, ou asphyxiés par les fumées. J'eus un haut le coeur. L'odeur de la mort me fit tourner la tête. Elle était partout, même le bétail n'avait pas été épargné. Je compris que les meurtriers devaient être des nomades, le genre de conquérants qui pillent et ravagent sans s'arrêter, ne s'encombrant pas inutilement, et ne possédant aucun port d'attache.
Je traversai la bourgade en m'arrêtant à chaque bicoque, espérant trouver des survivants. Ce fut vain.

Je décidai de monter sur le clocher de l'église. L'escalade n'était pas aisée, de nombreuses pierres manquaient, et d'autres menaçaient de s'écrouler à tout moment. J'arrivai dans l'alcôve ouverte qui abritait la cloche. Je baissai la tête, suivant des yeux la longue corde qui permettait au prêtre de sonner la messe. Je grimaçai. Le l'homme de foi pendait au bout de sa corde, inanimé, la tête ballotante sur sa poitrine. Ses poignets et ses chevilles avait été liés, signe d'un acte de barbarie, et non d'un suicide.

Une vue incroyable sur le vallon s'offrait à moi, les champs s'étendaient à perte de vue, quelques chantiers non terminés gisaient, à jamais inachevés. J'eus une meilleure vue de cet attroupement que j'avais cru voir en haut du plateau. Des nains... Un campement de nains avait été dressé. De nombreux abris en toile formaient un cercle, dessinant quelques allées courbes permettant la circulation au sein du camp. Les coupables étaient là, sous mes yeux, à savourer leur victoire autour de rôtis à la broche et de bouteilles de picrate. Un sourire en coin vint se dessiner sur mes lèvres. Ils avaient combattus toute la nuit afin de prendre les villageois par surprise, et devaient à présent être fatigués. Ils payeraient. On ne massacre pas ainsi une population impunément.

Je descendis du clocher avec agilité, gagnant de la vitesse. Je me concentrai. Ils avaient utilisé le feu, il se retournerait contre eux. Je sortis du village fumant, et me dirigeai vers le campement nain en marchant, ni trop vite, ni trop lentement, d'un pas souple et déterminé. Les braises accumulées dans les rues et sur les anciens toits de chaume reprirent de la vigueur, des flammes retrouvèrent vie, et une traînée de feu se fraya un chemin jusqu'à moi, brûlant les récoltes de blé au passage. Je sentis avec satisfaction la chaleur de ce que j'avais provoqué. Un nouveau sourire s'empara de mon visage. Je ne savais pas qui étaient mes adversaires, mais avec un peu de chance, aucun mage n'en faisait partie. Je balayais le campement du regard en m'approchant. Quelques baraques en bois avaient été construites, sans doute pour abriter les réserves d'armes ou de nourriture... Et les richesses volées, où étaient-elles cachées ? Peu importe, je brûlerai tout. La traînée de flamme continuait de me suivre. L'armée de nains avait allumé quelques feux pour faire cuire des livres de viande. Parfait. Je m'arrêtai, à quelques dizaines de mètres du bivouac. Le feu, lui, me dépassa. Je le laissai se ruer vers ces baraquements de bois, qui flambèrent instantanément. De nombreux cris de stupeur s'élevèrent du camp. L'élément ravageait, allant de baraque en baraque, détruisant les réserves de ces rustres sans ménagement.
Je contemplais mon oeuvre lorsqu'une flèche siffla à mon oreille, et vint se planter derrière moi dans le sol. Les soldats m'avaient repérée. Il faut dire que je n'avais en rien caché ma présence.
Des bruits de pas précipités résonnèrent faiblement, accompagnant le rugissement des flammes virulentes qui finissaient de brûler une éphémère salle d'arme. Une autre flèche tenta de me percer, je l'esquivai rapidement, tandis qu'un de leur feu de camp se mit à hurler, imploser, avant de se jeter sur la première tente venue. Les autres foyers firent de même. De nombreux soldats couraient en tout sens, avec l'espoir d'éteindre l'incendie qui ravageait leurs réserves, usant le peu d'eau restant.
Les flèches devinrent plus nombreuses. Bientôt, ce fut une pluie de pointes acérées qui fondirent sur moi. Je ne pus que battre en retraite. J'avais beau commander au feu de prendre d'assaut les archers, ils eurent tout de même le temps d'abattre un torrent de flèches et de javelots en ma direction. Le feu destructeur jaillit autour de moi, créant de petites explosions volantes, afin de réduire en cendre les dards les plus dangereux pour moi. J'aurais aimé rester jusqu'à la fin du spectacle, mais je récoltais le fruit de mon insouciance, à foncer tête baissée. Je préférais ne pas insister.

A plat ventre au milieu des épis de blé, évitant ainsi de me mettre à découvert, je progressais rapidement, espérant rejoindre le village au plus vite et m'enfuir. Les flèches se plantaient dans la terre, tout autour de moi. J'entendis des hurlements de douleur. Le feu attaquait les archers. Enfin. Je me relevai, prête à courir de toutes mes forces pour leur échapper. Je sentis une douleur intense dans mon épaule. Mes genoux fléchirent, je me rattrapai de mes mains sur le sol poisseux. La douleur me paralysa quelques secondes. J'entendis des voix. Les survivants qui n'avaient pas succombés dans les flammes me coursaient, haches et marteaux au clair. Je me relevai péniblement et courus aussi vite que je le pus. Un mur en ruine me servit de planque alors que je me concentrai. Les braises agonisantes du village crépitèrent, et un brasier naquit. Je me concentrai encore, et le sinistre se propagea, le ronflement s'étendit jusqu'aux traqueurs qui écarquillèrent de grands yeux ahuris en voyant une vague de feu fondre sur eux. Je ne sais pas s'ils ont tous péri...

Je n'attendis pas un instant de plus. Je repris ma route. Mon épaule me torturait. Je savais qu'une forêt siégeait non loin. Une fois sous le couvert des arbres, je serais en sécurité. Le chemin me parut long, très long. Enfin, après de nombreux efforts, je pénétrai dans les bois et m'enfonçai jusqu'à ce que mes jambes cèdent. Assise sur l'herbe recouverte de feuilles mortes, je repris mon souffle. D'une main, je vins tâter ce qui était venu se loger dans mon épaule droite. Comme je l'avais deviné, une flèche s'était nichée entre mon omoplate et ma colonne vertébrale. J'avais eus de la chance, car l'espace entre les deux était mince, seul le muscle avait dégusté. D'un geste sec, je retirai le nuisible, retenant avec peine un cri qui aurait pu trahir ma position. Quelle idée... En y repensant, je me trouve stupide. Peut être n'aurais-je pas dû m'en mêler, mais ces pauvres paysans si prometteurs devaient être vengés. J'étais contente d'avoir fait pas mal de dégâts chez leurs assaillants.
Un bout de tissu suffit à m'offrir un pansement de fortune. Je m'appliquerai plus tard. Pour l'instant, j'écris ces quelques lignes, espérant en tirer une leçon lorsque j'aurai les idées plus claires. J'ai de la route à faire. Voilà quelques jours que je n'ai pas vu la cité intercontinentale de Daifen, enfin surtout sa bonne taverne !

Geno | 30/10/08 01:11

Attention mam'zelle, évitez de jouer avec le feu... :o

*Le petit pantin de bois s'éloigna aussitôt, faisant grincer ses articulations dans la crainte d'y passer aussi*

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