Forum - La quête des légendes : La mer, 4/4, "Ftahgn?"

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Celimbrimbor | 05/12/08 23:37

Sous l'eau, mes oreilles se bouchent. La musique s'intensifie. L'océan est plus froid que je ne le pensais. J'ajuste ma température corporelle en fonction de celle qui m'entoure pour garder un niveau constant. Je préfère éviter de geler ou d'être trop chaud. Des prédateurs peuvent peut-être me repérer à cause de la chaleur, et je n'ai pas envie d'affronter qui que ce soit pour l'instant. Seule compte la quête.

Je plonge.

Je n'aurais pas assez d'oxygène pour atteindre le fond. Et j'ai l'impression que la crevasse est plus loin que je ne l'avais pensé. Je converti l'eau en air et envoie une onde sonore pour localiser ma destination. Comme de juste, la musique s'y adapte, se change en onde contraire, et je fais chou blanc. Je décide d'accélérer ma descente. La luminosité m'indique que je vais bientôt atteindre les cent mètres de profondeur.

Je plonge.

J'ai dépassé les mille mètres. Je prends un instant pour me repérer. Le haut et le bas vont bientôt devenir des concepts obscurs dans les ténèbres qui règnent ici. Je lance une sonde vers le haut. Elle me servira de point de référence et m'enverra des signaux pour que je ne perde pas le sens. Je me demande si je m'éclaire ou non. Encore une fois, la possibilité que des êtres des profondeurs m'assaillent me retient. Je n'ai pas envie de me battre.

Je plonge.

J'ai enfin atteint les lèvres de la crevasse. Je crois que je suis à deux mille mètres de profondeur. Deux mille sept cent huit, m'indique le dernier signal de ma sonde. Mes yeux n'arrivent plus à réunir suffisamment de lumière pour me donner une image claire de l'endroit. La pression commence à se faire sentir de façon lancinante. Je ne vais pas tarder à me protéger mieux que je ne le suis déjà, pour éviter de me faire broyer par les eaux. La chanson est maintenant omniprésente, et m'empêche de dessiner une carte sonore du promontoire sur lequel je me trouve. Utiliser les courants marins pour induire le décor serait trop aléatoire et peu fiable. Je ne veux pourtant pas encore éclairer.

Je m'installe sur la falaise surplombant la crevasse et prend mon temps. Les alentours doivent être sublimes, je le sais. Lentement la chaleur des éléments qui composent cette scène grandiose est recueillie par mes sens que j'ai lancés tout autour de moi. Mon esprit interprète ces données avec précaution et une carte de la place se dessine enfin pour moi.

Je ne m'étais pas trompé : la vue est fantastique. Au-dessus de moi, loin, la surface. Devant moi, à un pas, une profondeur glaciale. Sous mes pieds, les lèvres de la crevasse, des plantes étranges aux modes de survie intéressants. Autour : des poissons aux formes incongrues paissent paisiblement. La chaîne alimentaire n'a aucune pitié pour cette magie, et j'assiste à des repas peu sympathique. Plus éloignées, couchées sur le sol, des créatures trop grandes, aux corps mous, sans doute un moyen plus esthétique de résister à la force irrésistible qui a pouvoir ici. Je les observe longuement. J'adapte un filtre sur ma vision pour avoir un ersatz de couleur sur l'image, mais le résultat me semble si peu conforme à la réalité que je supprime derechef le filtre. Je diminue la quantité d'oxygène que j'ingère, pour ne pas sentir les premiers effets d'une éventuelle intoxication. Tout se déroule pour le mieux jusqu'à présent. Je me recouvre d'un bouclier contre la pression, et fais un pas en avant.

Je plonge.

La musique continue de m'empêcher de localiser au son. Le processus de reconnaissance par chaleur prendrait trop longtemps. Je n'avais déjà plus assez de lumière à amplifier tout à l'heure, alors tandis que je descends encore plus bas. J'abandonne la relative discrétion dont j'avais jusqu'à présent fait preuve. De toute manière, dans cette crevasse, les monstres devraient m'avaler sans faire attention, autant que je les évite. Une puissante lumière déchire l'obscurité, m'englobant totalement, rayonnant comme un petit soleil. Je ne parviens pas à voir le fond, mais je devine la paroi du gouffre qui fait face à celle depuis laquelle j'ai plongé. Déjà plus de quatre mille mètres de profondeur. Et toujours rien en vue.

Je plonge.

J'ai bien fait d'allumer la lumière. Malgré la sphère d'en théorie trois kilomètres de rayon qu'elle éclaire, j'ai failli me faire happer par un gigantesque... machin ? Je l'examinerai plus tard, quand je reviendrai à la surface. S'il y arrive. Je crains qu'il ne soit dévoré par quelque autre chose avant de l'atteindre. Moi, je m'en fiche. Cette musique commence à m'agacer, mais je ne peux même pas m'y rendre sourd, c'est elle qui me guide.

Je plonge.

Huit mille mètres de profondeur. Enfin une première trace de chaleur. Je ne dois plus être très éloigné de l'origine magmatique de la faille. J'espère qu'il ne me faudra pas descendre plus bas, je n'ai pas vraiment envie de m'embourber dans du magma. Je ne sais pas depuis combien de temps je suis dans l'eau. Ma sonde, toujours à ma verticale, ne m'envoie pas cette information. Et je n'ai pas pris la peine de noter l'heure au moment de plonger. J'interromps ma descente pour ce motif puéril. Trop d'oxygène pur. Mon organisme n'y est pas assez habitué. Diminuer la quantité pourtant ne serait pas prudent. Cessez. Comptez. Petite question à l'horloge interne. Une heure de plongée. Je pensais descendre plus vite. Respirer doucement. Purifier le sang des toxines. Attendre. Sort rapide. Continuer.

Je plonge.

Beaucoup plus vite cette fois-ci. Je n'ai pas envie d'avoir à dépenser de l'énergie pour des erreurs qu'un débutant n'aurait pas faites. Je suis excessivement en colère contre moi-même pour m'être joué ainsi. Je ne suis plus discret du tout. Je crois même avoir traversé un léviathan sous marin voilà un instant. Si jusqu'à tout à l'heure je ressemblais à une feuille morte glissant sur les vents, me voilà plus rapide qu'un carreau d'arbalète. La musique m'oppresse à présent, mais cela n'a pas d'importance, je pense n'être plus très loin du but. J'ai coupé ma source lumineuse pour pouvoir détecter le magma dès que possible. Et voici que je l'aperçois.

Je ne plonge plus.

Douze mille cinq cent soixante sept mètres de profondeur et quelques chiffres après la virgule m'indique ma sonde. Je suis arrivé presque à destination. La crevasse rayonne à cause de la lave. Et le couloir étroit qui s'ouvre dans la paroi du gouffre n'en ressort que plus.

Je m'y engage en nageant après avoir bien pris soin de l'examiner au préalable. Pas de pièges a priori, mais il ne faut jurer de loin.

Dix minutes que je suis engagé dans ce corridor étroit et obscur et la musique qui y résonne paraît irréelle. Je n'en vois pas le bout, mais la fin est là, je le sais.

Une heure. Je m'arrête. Purge mon sang. Corrige la quantité d'oxygène. Me calme. Il ne faut pas défier les puissances du monde quand il n'y a pas grand-chose à gagner. En l'occurrence, ce n'est pas dans mon intérêt. Calme.

La musique s'interrompt. Une force coupe ma source de lumière. Je souris. Enfin.

« Nous vous attendions, elfe. »

La voix résonne dans l'eau et je suis forcé de me planter au sol pour ne pas être chassé. L'obscurité est totale. Les températures sont partout égales. Et j'ai dans l'idée que si j'essayais de me situer grâce à l'écho, je n'y arriverais pas. Peut-être même... Je ferme les yeux. Je ne suis plus dans la même dimension que tout à l'heure.

« Le vent murmure votre folie depuis que vous avez été trouvé les dragons, elfe. »

Nous sommes dans une autre dimension. Non, plutôt, dans une sorte de faille dimensionnelle. Le fait que je ne reçoive plus de signal de ma sonde en est une preuve assez forte.

« Que voulez-vous ? »

Comme pour les dragons, je ne cherche pas à m'expliquer par des mots. Je n'y arriverai pas. Et ces êtres me prendraient pour bien plus fou que je ne suis. Je leur montre les sphères. Je leur montre le feu des dragons. Je leur montre mes échecs. Je leur montre mes tentatives. Je leur montre mon désespoir. Je leur montre ma quête. Je leur montre mon opiniâtreté. Je leur montre mon être.

« Assez ! »

La voix me brinquebale de droite et de gauche. Le cri venait du plus profond de l'âme de mon interlocuteur. L'Ancien tremble. Je le sens. Il sait ma démesure. Ma puissance. Mon orgueil. Ma nature.

« Nous vous avons attendu, elfe, et vous avez mis du temps à descendre jusqu'à nous. Peu sont ceux qui se souviennent de nous dans les légendes, plus personne ne sait où nous trouver. »

Ils n'ont pas la réponse à ma question.

« Nous avons vu le passé. Nous voyons le présent. Nous voyons l'avenir. »

Ces circonvolutions ne servent à rien.

« Avec les autres Anciens, nous avons énoncé nombre de prophéties. Toutes se sont réalisées. Nous avons prédit grandeur et décadence, ascension et chute. »

Où veulent-ils en venir ? Ils me font perdre mon temps.

« Votre quête est vouée à l'échec. »

Je hurle en silence.

« Les Anciens du feu, les Anciens de l'eau, les Anciens de la terre, les Anciens de l'air savent que vous n'atteindrez rien. »

Ma colère brûle.

« Cependant, elfe, les Anciens veulent croire en vous. »

Je cesse sur le champ.

« Une partie de nous a vu la création du multivers. Une partie de nous est l'accident premier, la cause de toutes les causes. »

Circonvolutions !

« Nous avons vu les temps se dérouler. Et nous avons vu des êtres réaliser l'impossible. »

Ils vont m'aider.

« Recevez notre don et tentez l'impossible, elfe. Nous vous savons et respectons votre folie. »

Je sens, plus que je ne vois, une sphère absolument noire et mouvante s'approcher de moi. Je n'ose la toucher. Leur pouvoir primordial, à l'image du feu des dragons. Le but se rapproche sans cesse un peu plus...

« A présent, partez, elfe, et ne revenez jamais. »

Revenir ? Pourquoi faire ? Les affronter, seulement, et mettre mes pouvoirs à l'épreuve. Mais pour l'instant, remonter ! Je dois ramener cette sphère chez moi !

Mon précieux chargement enroulé dans mes sorts de protections les plus puissants, je m'incline humblement et paisiblement devant les anciens, mon esprit leur transmettant mes remerciements les plus sincères. Je me détourne d'eux et me retrouve dans le couloir. Il est temps de partir.

Je parcours le corridor en sens inverse en moins de vingt secondes. Le contact avec ma sonde est rétabli. Je la déplace de dix mètres vers la droite par rapport à la situation supposée de la nef des nerlks, si elle est encore là, et entreprend de retourner à la surface.

Je remonte. Sans prendre de gant. A toute vitesse. L'affaire seulement de cinq, à peine. Je provoque une détonation quand je percute la surface en sens inverse, mais annule l'effet des vagues d'un sort rapide, comme j'annule ma vitesse immédiatement. Ma sonde me rejoint tandis que je stationne en l'air. Où est la nef ? Elle a dû dériver, je n'avais pas mouillé l'ancre flottante.

Qu'à cela ne tienne. Je recherche la longueur d'onde de pensées du capitaine, et me transporte à ses côtés. Ils sont tous en vie et intacts. Parfait.

J'hésite à les réveiller, mais je suis pressé. Autant faire au plus rapide.

Une pensée plus tard, le navire mouille au port du village. Je dissipe l'illusion du massacre et réinstalle les habitants de la ville à la place exacte dont je les avais tiré. Ils ont bien dormi, à l'abri dans une des caves de mon manoir.

Une vérification mentale m'indique que tout est au mieux. J'efface de la mémoire de tous les souvenirs des derniers événements. Parfait. Trois, deux, un, réveil.

Je disparais.

La vie reprend.

Ma quête aussi.

Baramir d'Eckmöl | 06/12/08 18:02

Les plus puissants esprits sont capables des pires choses... Comme des meilleures.
Votre quêtes n'aboutiras sans doute à rien, et cependant vous seul pouvez accomplir ce que vous comptez accomplir.

Mise à part mes quelques considérations dont vous n'avez que faire... J'aime autant le style. Quelques oublis de mots par-ci ou par-là, mais vraiment captivant. Bonne chance pour la suite ;).

Loxias The Dark Lord | 06/12/08 18:16

Intéressant.

Baramir d'Eckmöl | 06/12/08 18:57

Parce que Skippy sait tout :[Lien HTTP] :D.

Celimbrimbor | 06/12/08 20:00

Merci à Bara de tout compiler!

Baramir d'Eckmöl | 07/12/08 14:42

Mais de rien ;)

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