Forum - Voyages, partie I

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Kaerloth | 11/12/08 23:42

Retour

Tandis que le monde s'illuminait autour de lui, ses sens s'éveillaient, il renaissait... Non pas qu'il revenait d'entre les morts, d'un quelconque paradis ou d'un enfer, miraculeusement ressucité; non, il revenait simplement d'un très long voyage, ce qui est bien plus dur.

En effet, alors qu'il pensait simplement parcourir le monde, il s'était longuement aventuré dans un lieu si lointain que peu s'y rendent... et encore moins en reviennent: soi-même.
Il a été dit un jour qu'on sait toujours où on part, mais jamais où on arrive... et encore moins quand on revient.
Mais revient-on vraiment jamais à l'endroit d'où on est parti... Est-il réellement possible de partir de là d'ou on vient et d'arriver là ou on va? Peut-être sommes nous tous condamnés à être d'éternels voyageurs, fuyant inlassablement un passé toujours plus lourd et plus tenace tout en poursuivant un futur toujours plus lointain et plus fugace?

Mais je m'égard, moi aussi, et mes auditeurs sont perdus... Voyez comme ils me regardent sans comprendre où je veux en venir. Allons donc de l'avant, sans quoi rien de bon ne sortira de tout ceci.

Notre homme, entre-temps, s'est déjà habitué à sa nouvelle condition... Ou ré-habitué... Quoi qu'il en soit il est prêt.
Sa main trouve la poignée de son épée sans la moindre difficulté, la lame glisse hors du fourreau, sans résistance, et l'arme redevient une extension de son propre corps. Son bras, déjà, s'est levé; son corps a retrouvé son équilibre, il attend. Il semble qu'il peut rester ainsi, immobile, des heures durant, sans efforts... Cependant, une certaine impatience se fait ressentir: Il attend la suite, il sait ce qui va arriver et se réjouit déja a l'idée de retrouver les gestes d'autrefois, de gouter à nouvau au plaisir de ce moment d'atemporalité et de paix, quand plus rien d'autre n'existe. Quand toutes ces années, ces pensées, ces actes; quand tout se fond un seul moment, si bref et pourtant éternel.
Ses hommes aussi sont prêts, eux aussi s'impatientent. Eux aussi savent ce qui va suivre, eux aussi se languissent de retrouver cet état de paix. Ils fixent le bras d'acier, attendent... Le soleil brille, un rayon filtre entre les feuilles, un homme cligne des yeux, un instant.

Le bras est retombé.

Une seconde, on entend plus que le bruit du vent dans les branches, comme une inspiration, lente et profonde. Une branche cache le soleil, un instant.

Le bras est retombé.

Une seconde plus tard, le bois entre en éruption. Les guerriers sortent en hurlant de leur cachette et se ruent sur le camp en contrebas. Certains trébuchent, tombent, sans jamais cesser de hurler. Les tambours battent au rythme du sang qui palpite aux tempes de notre homme. Il contemple son corps, qui déja a rejoint les autres soldats, n'attendant pas d'indications. Il n'en a plus besoin. Cette scène, il l'a déja vécu des centaines, des milliers de fois.
Et pourtant, la grimace est toujours la même, lorsque sa lame transperce le coeur de sa première victime, prenant sa vie. Quand à l'inconnu, il ne grimace pas, il sourit... il est heureux. Enfin libre, enfin son passé cessera de le poursuivre. Un corps sans vie tombe, lourdement, ajoutant son poids aux fardeau des années que notre homme traine déja derrière lui. Il soupire, dégage sa lame, lève le bras.
Un ennemi s'approche, regarde le bras, méfiant, se prépare à frapper. Son casque l'aveugle, un instant.

Le bras est retombé.

Une éternité s'écoule, une éternité d'instants fugaces... Une heure de combats qui prendra toutes les années d'une vie aux uns pour les ajouter à la conscience des autres.

Kaerloth nettoie son épée, contemple le champ de bataille, le passé qu'il fuit inlassablement. Et le futur qu'il poursuit? La paix... toujours plus lointaine et plus fugace. Maudite soit-elle, un court instant elle a été si proche, il pouvait presque la voir, la sentir.
Un vieil ami lui a un jour rapporté les propos d'un sage, au même endroit, il y a longtemps, sur un autre continent: « Si nous faisons à la guerre aux autres, c'est pour être en paix avec nous même. »

Kaerloth regarda d'un air absent le chaos ambiant. Si cher payé, pour si peu de paix? La paix vaut-être vraiment le prix que nous sommes prêt à payer pour elle? Une grimace amère tordait son visage, alors qu'il se détourna du spectable devenu trop insuportable.
L'homme souriait, lui, quand il est mort... il souriait comme seuls sourient ceux qui ont enfin trouvé la paix.

Il donna l'ordre à ses hommes de rentrer. Ils étaient des voyageurs, comme lui; des hommes usés par des années de vie et qui survivaient comme il pouvait en se livrant à la plus absurde et la plus glorieuse des entreprises humaines: la guerre. Ils survivaient car ils avaient sacrifié leur libre arbitre, laissant avec joie aux autres le soin de décider de leurs actes car cela leur permettait d'oublier leur conscience, du moins jusqu'à ce que qu'ils trouvent enfin la paix qu'ils cherchent depuis si longtemps.

Il se mirent en chemin, et Kaerloth frissonna à l'idée de ce qui l'attendait chez lui. De vieux amis, qui ne le reconaissaient plus... de vieilles habitudes, qui lui semblaient absurdes... d'anciens frères d'armes, qui avaient oublié comment lui faire confiance, une famille qui appréhendait l'idée de vivre avec un étranger. Les gémissements des mourants et les cris des oiseaux se mèlaient, au loin, en un désagréable rappel de ses actes.

Pas de doutes, il était bien rentré à la maison.

Edité par Kaerloth le 11/12/08 à 23:42

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