Forum - Juste un regard
Index des forums > Rôle Play > Juste un regard
Neolide | 16/01/09 15:19
La pluie tombait depuis plusieurs jours, larmes des Dieux attristés par ses actions.
Au milieu de la rue, elle était couchée sous la pluie les yeux fermés, on pourrait croire qu'elle dormait.
Du sang suintait de ses tempe. Elle ne dormait pas.
Il faisait nuit.
...
Le soleil était haut dans le ciel, dardant ses rayons propices à la paresse, dessinant de magnifiques arc-en-ciel en se mêlant à la pluie.
Neolide avançait dans la rue.
Penser qu'il lui était alors possible d'avoir un but, un objectif, même à court terme alors qu'il ferait ce qu'il a fait, rien que cette constatation le dégouttait de sa personne.
Mais avait-il le choix ? Pourquoi l'aurait-il fait ? Cela ne le concernait pas, jamais, en aucun cas !
Pourtant, il souffrait. Il souffrait sans doute plus en son coeur qu'il n'aurait jamais souffert en s'interposant...
Il ne connaissait même pas son nom.
...
Il avait un but, un objectif. Projetait-il un allez à la bibliothèque ou au marché du coin ? Il ne saurait le dire à présent.
Neolide avançait dans la rue.
Ses pensées du moment étaient sans importance, tout comme son humeur ou les rues qu'il traversait. Le seul évènement digne d'être décrit était...
Elle
Elle avançait cette silhouette, face à lui. Ils étaient seuls, sous la pluie et le soleil, sous les larmes des Dieux et la joie du ciel. La foule autour d'eux ne comptait pas. Seul comptait cet instant, cette fraction de seconde qui dura des siècles, lorsque leurs yeux se croisèrent.
Les yeux bleus de Neolide croisant ceux gris pâles de... Elle.
Inutiles de décrire davantage ce qu'en ressentit le jeune homme, outre de remplir des centaines de pages, vous ne comprendriez pas.
Quand leurs yeux se quittèrent, chacun continua son chemin. Nul ne se parla.
Neolide savait que la réciprocité de ses sentiments était au rendez-vous, il le fallait.
Après tout, elle aussi planta ses yeux splendides dans les siens.
...
Le soleil n'était plus à présent.
Neolide vaqua toute la journée à ses préoccupations futiles. Présent physiquement mais toujours en train de croiser Son regard en pensée.
Il marchait, perdu dans ces dernières. Ces pas le conduisirent à la fameuse ruelle où il l'avait rencontrée.
Elle était là.
Neolide était à couvert, tapi dans l'ombre, assistant à la scène invisible et silencieux.
Éclairés par les étoiles, trempés par la pluie, trois individus l'entouraient.
Seul un ignorant n'aurait put déceler les intentions des trois menaçantes brutes qui l'encerclaient. Neolide aurait tout donné à cet instant pour être un ignorant, il aurait eu l'âme en paix.
Qu'aurait-il dû faire ? Risquer sa vie ? Se sacrifier pour elle ? Se battre ? Au nom de quoi ? De l'amour ?
Balivernes ineptes !
La vie a davantage de valeur que l'amour. La logique le dit.
L'honneur et les sentiments le disent ; L'amour vaut la peine de se sacrifier.
Pourquoi aller contre la logique ?
Simplement pour suivre ce que dit son coeur, car le coeur seul connait la voie du bonheur.
Mais, ça, Neolide ne le découvrirait que bien plus tard.
Alors il suivit la logique.
...
Ses larmes se mêlèrent à celles des Dieux, à son sang.
Il aurait juré lire dans ses yeux de la supplication à son égard tandis que la lame s'abattait.
Ces yeux qu'il avait aimés.
...
Maudissant sa lâcheté, il reprit son chemin.
Un poids de plus sur les épaules.
Celimbrimbor | 18/01/09 13:38
J'attends une suite avec la dernière impatience.
Neolide | 04/02/09 16:15
Son récit terminé, Neolide eut l'impression d'avoir soulagé son âme d'un poids gigantesque ; c'était la première fois qu'il se confiait, qu'il racontait cet évènement à quelqu'un d'autre que lui-même.
Il soupira profondément en prononçant le dernier mot, soulagé d'avoir put se confier, même si ce soulagement risquait par la suite d'avoir un prix relativement élevé.
Il garda la tête baissée devant son interlocuteur, n'osant croiser son regard, presque honteux. Il regrettait ce qu'il avait fait, mais pourtant savait qu'il avait fait le seul choix envisageable : celui où ses chances de survie étaient les plus élevées.
Et pourtant... en se remémorant son regard, il...
« Quel est ton tourment ? »
Neolide leva le regard, surpris par la brutale irruption de la question dans le silence du petit monastère. Surpris surtout par son caractère hors de propos ; il ne s'attendait à ce que son interlocuteur aille droit au but à ce point.
« Je vous demande pardon ? »
« Quelle est ton tourment ? »
Il avait répété sa question de la même voix blanche, gardant sur son visage une impassibilité déroutante, terrifiante. Comment le vieil homme pouvait-il conserver un pareil calme tandis que Neolide, qui se considérait comme particulièrement posé, était pourtant incapable de réfléchir à cette nuit sans éprouver une boule à l'estomac ?
Le plus horrible était ce visage impénétrable face à lui. Sans la moindre expression. Neolide aurait tout donné pour que l'aïeul se mette à l'insulter, à pleurer, à hurler, à le frapper même... mais qu'il réagisse à ce que lui-même ne pouvait supporter.
Bien que dérouté, il tâcha de garder sa contenance et répondit à la question sans se demander où cette dernière les mènerait.
« Je n'ai aucun tourment. »
Il mentait bien sûr, mais Neolide espérait encore ne pas avoir sombré dans la faiblesse universelle.
« Pourquoi es-tu ici dans ce cas ? »
« Je souhaite savoir pourquoi je n'ai pas sauvé cette jeune femme. »
« ...tu es tourmenté. »
« Je ne suis pas tourmenté ! Je n'éprouve rien ! »
Neolide avait craché ces deux phrases à la face du sage, toujours impassible malgré ce soudain accès de colère. Plus qu'au sage, c'était à lui-même qu'il les avait hurlées dans le temple qui les lui renvoyait en écho.
Que savait-il de ce qu'il ressentait ? Rien. Absolument rien.
Neolide n'avait jamais rien éprouvé, et ce n'est pas la mort d'une parfaite inconnue qui y changera quoi que ce soit !
Devant la réaction du jeune homme, le sage sembla changer d'approche : choisissant de répondre à sa première question, il se mit à parler.
« Tu sais pourquoi tu n'as pas sauvé cette âme en danger. Ce que tu ne sais pas, c'est si ce que tu as gagné en accomplissant cette action égalait vraiment ce que tu y as perdu. »
Sang noir ! Ce fossile imbécile rongeait sa maigre réserve de patience comme un insecte rongerait une charogne ! Pourquoi les sages parlaient-ils toujours pas énigme... ?
Il se leva sans un mot, et se dirigea vers la sortie, estimant avoir perdu suffisamment de temps.
« Qu'est ce qui m'empêcherait de dénoncer ton inaction ? »
La voix chevrotante mais toujours sans le moindre timbre de l'ancêtre résonna dans la grande salle.
Neolide fit volte face, les yeux fous.
Il avait sous estimé la perversité du sage en espérant son silence. Qu'importe, ça ne sera pas la première vie qu'il ôtera d'un corps.
Il s'approcha lentement du vieil homme, la main sur la garde de son poignard. Sa mort serait une grande perte pour le petit village qui ne vivait que de son savoir, mais il n'avait pas le choix. Le meurtre de la jeune fille avait fait couler beaucoup d'encre, de nombreux appels à témoins avaient été lancés pour mettre la main sur les coupables, sans succès. Si on apprenait qu'il avait gardé le silence aussi longtemps, il porterait à coup sûr le chapeau, et les nombreux mois qui se sont depuis écoulés n'y changeront rien...
Ayant pourtant compris son intention, le visage ridé resta malgré tout fermé quand le poignard se posa sur sa gorge.
Neolide ne s'en formalisa pas.
« Une dernière volonté ? » murmura-t'il sans avoir l'intention de la lui accorder.
« Réponds à la question. »
Les yeux du jeune homme se plissèrent. Tandis que sa colère laissait la place à de l'interrogation ; ce n'est pas ce qu'un vieillard sur le point de trépasser exigerait.
La logique exigeait que sa gorge soit tranchée, que personne ne vit la pointe de son arme pointé sur l'un des hommes les plus vertueux qui soient, d'autant que n'importe qui pouvait à tous moments passer la porte du sanctuaire.
La logique lui soufflait que l'homme face à lui n'était non seulement d'aucune utilité, mais également dangereux.
Autrefois, elle disait que la vie a davantage de valeur que l'amour.
Le regard du vieillard croisa les prunelles du jeune homme.
Il rengaina son poignard, réfléchit à la question, analysa calmement les réponses possibles.
Avait-il un moyen de pression ? Aucun, son interlocuteur avait la réputation d'être aussi innocent qu'au premier jour.
Comptait-il sur sa confiance ? Non bien sûr, avant aujourd'hui ils ne s'étaient jamais rencontrés.
...
Neolide ferma les yeux... soupira. Comprenant où le vieil homme voulait en venir.
Il comptait sur sa pitié.
Avant même de soumettre sa réponse, Neolide sut ce qu'en dirait le vieil homme.
« Pourtant, tu comptes sur la pitié des autres en estimant ne pas en éprouver toi-même. »
Neolide eut un sourire en coin, épaté par la malice du sage. Celui-ci lui rendit son sourire, brisant le masque de cire de sa figure.
Le jeune homme avait compris ce que signifiait cette phrase. Mais il préférait entendre cette signification sortir de la bouche d'une tierce personne.
« Et qu'est-ce que ça indique ? »
Le vieil homme ne fut pas long à répondre.
« Ton espérance de voir de la pitié en moi envers toi pour un crime que tu as commis en sachant pourtant que je n'avais aucune raison d'en éprouver démontre une chose... »
« Laquelle ? » murmura Neolide, impatient d'entendre la preuve de sa méprise.
« Tu admets l'existence de la pitié chez autrui. Pour espérer chez les autres la pitié, tu te dois de la ressentir toi-même. »
C'étai bien ce qu'il pensait.
S'était-il vraiment trompé ? Était-il capable d'éprouver des sentiments ? Dans ce cas, pourquoi la logique primait-elle sur son jugement ?
« Tu penses ainsi parce que c'est le moyen le plus sûr de ne rien perdre. Malheureusement, c'est aussi le moyen le plus sûr de ne rien gagner. Ta conscience estime la logique davantage que les sentiments. Ces derniers sont certes capables de te faire perdre beaucoup en peu de temps, mais en apprenant à céder aux émotions adéquates, tu gagneras bien plus. »
Son subconscient tentait-donc de le faire céder à ses sentiments. Neolide tâcherait à l'avenir d'accorder davantage de crédit à sa conscience enfouie.
Le vieillard reprit.
« Je ne considère pas ton acte pour un crime. La loi le considère comme tel, mais mon point de vu est le suivant : tant que tu ne cherches pas à faire le mal, tu ne peux être considérer comme mauvais »
Par le feu blanc !
Le regard de Neolide oscilla imperceptiblement. Une oscillation qui n'échappa pas à l'oeil avertit du sage.
« Tu n'as jamais cherché le malheur de quelqu'un, n'est-ce pas ? »
Un frisson parcourut l'échine de Neolide.
Le jeune espoir qui venait de naître en lui s'effondra.
Je suis donc...mauvais ?
« Réponds-moi. »
N'était-il qu'une âme remplie de vices et de turpitudes... ?
« Réponds-moi ! »
Il mentait !
...
Neolide s'orienta vers la sortie.
Il n'éprouvait rien...
Laissant le sage flotter sur une mare de fluide vitale écarlate.
...mais il n'était pas mauvais !
Loin de se douter que le germe de la folie venait d'éclore en son âme.
-----------------------------------------------------------------------------------------
"La logique est l'honneur des sots"
-----------------------------------------------------------------------------------------

