Forum - Des soudards en ville
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Pourpre | 02/02/09 20:52
-Pourpre. Tu t'appelleras Pourpre.
-Mon nom c'est...
-Ecoute, petit, ton nom, je m'en fous. Autrefois, je les retenais tous, c'était une perte de temps. La plupart d'entre vous crèvent dans les dix premières minutes de combat. Alors quand tu auras survécu à une dizaine de batailles, peut-être que je ferais l'effort de te demander ton nom. En attendant, tu t'appelleras Pourpre.
-Pourquoi Pourpre ? Je suis rattaché à la garde du Roi ?
Le capitaine hurle de rire, se tapant frénétiquement une cuisse grasse recouverte d'une cotte de mailles sale.
-Tu crois qu'on choisit n'importe quelle vermine pour protéger le roi? Le pourpre, c'est la couleur qui vous recouvre quand on vous ramène, sur une civière. Maintenant, assez causé, tu vas te présenter au maître d'armes, et vite. Et un conseil, petit : Quand il te donne un ordre, tu exécutes, et tu te tais.
Le gros homme replonge dans ses interminables listes, signifiant sans autre forme de procès que l'affaire est close pour lui. Celui qu'il a nommé Pourpre sort de la tente enfumée d'un pas incertain, ne sachant trop où il doit se rendre. A vrai dire, il ne sait pas grand-chose, à commencer par l'endroit où il se trouve. Il se souvient d'un mal de crâne lancinant, terrible, il se souvient que deux solides gaillards l'ont chargé comme un sac de pommes de terre sur un chariot brinquebalant, qui a roulé plusieurs heures, sans doute. Puis un froid glacial, délicate attention des deux soldats chargés de réveiller tous ceux qu'ils ont récupérés dans leur tournée de recrutement forcé. Sa première réaction a été de leur bondir à la gorge, mais une lame affutée comme un rasoir est venue se poser contre sa gorge, entaillant légèrement la peau. De quoi calmer le plus excité. Depuis, il observe, le regard encore vitreux, frigorifié. Il se trouve dans un camp militaire, les hautes tours de garde semblent plus faites pour empêcher une tentative d'évasion que pour dissuader quiconque d'entrer, les sentinelles sont nombreuses, vêtues d'un uniforme couleur de suie, au blason représentant une gargouille éventrant un lion.
De hautes palissades de pieux pointus entourent le misérable amas de tentes trempées, qui elles-mêmes encadrent ce qui doit tenir lieu de place d'armes. Un espace rectangulaire, boueux et parsemé de quelques traînées rougeâtres. Puis les deux armoires à glace l'ont emporté dans une tente un peu moins délabrée que les autres, la « demeure » du capitaine de cette troupe minable, celui qui l'a appelé Pourpre. A peine sorti, les deux soldats l'attrapent chacun par une épaule, et l'entraînent vers le champ de boue central.
Une dizaine de nouvelles « recrues » se tiennent côte à côte, pareillement avachis. La plupart montrent des signes évidents de malnutrition, leur air hagard laisse penser que la bouteille doit être leur plus fréquente compagne, pitoyable ramassis d'ivrognes qui attend, morne, sous le crachin glacial d'un hiver qui refuse de finir. Un officier qui semble tout droit sorti d'une réception de la haute société fait son apparition, encadré de deux subalternes costauds qui tiennent chacun un fouet. D'un air méprisant, il se campe face à la vermine, une grimace de dégoût envahissant ses traits brutaux. Il prend la parole d'une voix toute martiale, hautaine :
-Ecoutez-moi bien, bande de chiens. Je suis chargé de faire de vous des soldats. Des soldats ! Laissez-moi rire ! Votre boulot, c'est de crever sous les flèches de nos ennemis, en lieu et place de l'armée régulière. Seulement, il va falloir que vous teniez assez longtemps pour que ces bâtards épuisent leurs munitions, parce que des VRAIS soldats, ça coûte cher, et ça ne court pas les rues. Alors vous allez cracher vos tripes pour être en mesure de remplir votre rôle le moment venu. Le premier qui fait un pas de travers, il recevra vingt coups de fouet. Récidivez et ce sera cinquante. Récidivez encore, et votre carcasse nourrira les chiens qui rôdent autour de ce camp. C'est clair ?
Un vague murmure émane de la masse informe de loques, l'officier fait un signe à ses deux sbires, qui offrent avec générosité quelques coups de fouet à la bande.
-Quand je pose une question, vous répondez comme un seul. Vous vous tenez droits et vous finissez votre phrase par chef. Le premier qui oublie connaîtra la morsure de ces joujoux. C'est clair ?
-OUI, CHEF !
-Bien. Maintenant, quand je vous désigne, vous allez dans la grande tente grise, au trot, et vous revenez fissa vous équiper.
Les uns après les autres, les hommes vont chercher leur paquetage, une charge assez lourde pour faire renâcler un boeuf. Quelques-uns trébuchent, s'étalent de tout leur long dans la fange qui recouvre tout d'une gangue visqueuse, vite relevés par quelques coups de fouet bien sentis. Maladroitement, ils tentent de revêtir les lourdes jaques matelassées, puis les cottes de mailles rouillées, rafistolées. L'officier regarde la scène d'un air écoeuré, une vague lueur d'intérêt le traverse quand il constate que le dénommé Pourpre a fixé correctement son bardas, lueur vite assombrie quand il croise le regard méprisant de ce dernier. D'un pas rapide, il vient se planter devant lui, lui soufflant une haleine fétide au visage.
-Toi ! Tu veux faire le malin, hein ! Bien. Tu seras responsable de ces minables. Chaque fois que je trouverais quelque chose à redire, tu partageras leur punition. J'en ai maté des plus coriaces, tu peux me croire ! Maintenant, tu as dix minutes pour que ces vers soient équipés. Puis vous courrez jusqu'au sommet de la colline que tu vois derrière moi. Vous avez une heure pour faire l'aller-retour. Si vous êtes en retard, vous vous passerez de manger ce soir, et toi tu prendras vingt coups de fouet. Exécution !!!
Les jours, puis les semaines ont passé. Sur les dix de départ, seuls six ont survécus. Ils n'ont plus de volonté propre, ils sont devenus des outils bien huilés, qui exécutent parfaitement les ordres. Le premier combat est pour dans quelques jours, et pour la première fois depuis qu'ils ont été ramassés dans le caniveau, ils sortent du camp. Ils sont près de deux cents, tous identiques dans leurs uniformes mal taillés, usés jusque à la trame. Ils arrivent après bien des heures de marche en vue d'une cité, où ils doivent embarquer sous peu pour se rendre sur le lieu des combats. Après avoir déposé leurs paquetages, ils reçoivent l'autorisation de se rendre en ville, ce qui n'est pas sans provoquer une certaine agitation dans les rangs, voilà bien longtemps que les hommes n'ont vu une taverne. Les marchands s'empressent de fermer boutique lorsque la horde de soldats envahit la ville, les mères rentrent leurs filles en vitesse, les taverniers se frottent les mains.
Bart Abba | 03/02/09 12:59



