Forum - Première Partie.
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Maître Joueur | 18/05/09 19:55
Près de trois cents hommes avançaient sur la plaine, armés pour la guerre. Six cohortes, d'imposants carrés compacts, formaient une ligne étirée. Pour chacune une bannière flottait bien haut. A leur tête, les six comtes du Jhormark, tous à cheval, leurs couleurs bien en vue et la lance levée. Un comte et ses cinquante meilleurs chevaliers. La fine fleur du pays. La gloire à l'état pure. Le courage et l'audace à vif.
Le seul bruit des pas, des pas comme n'en ferait qu'un homme, rendait le spectacle grandiose. On n'avait pas vu les six comtés marcher côte à côte depuis plus de trente ans.
Quand la petite armée arriva à Nicéan, le village où tout avait commencé, il n'en restait rien ou presque. En fait, quelques briques indiquaient les vestiges de maisons, et une silhouette encapée, au milieu des décombres. Rien d'autre.
Ce fut Rodrik, le deuxième comte, qui s'approcha.
« Qui êtes vous ? »
L'encapé, qui s'amusait avec un petit objet serré dans son poing fermé, hocha paisiblement la tête.
« Maître Joueur. »
« Où sont les villageois, Maître Joueur ? »
« Ils jouent. »
« Où ? »
« Là, tout autour. »
Les paroles s'accompagnèrent de gestes vagues.
Rodrik, en se retournant, ne put apercevoir que la plaine clairsemée d'arbres. Il lui fallut quelques secondes pour comprendre. Les arbres portaient de drôles de fruits.
« Ils jouent au pendu. » Dit Maître Joueur.
Le page de Rodrik, à sa droite, se fendit d'une expression horrifiée et son écuyer, à gauche, dégaina la dague.
« Vous voulez jouer ? »
Rat De Labo | 18/05/09 20:07
la suite!!! une autre!!!! bis!!!!! 
Le Rat, démon clanique à petites bêtes, Futur-maître-incontesté-de-l'univers-visible,-des-125-plans-supérieurs-et-des-78-plans-inférieurs, gardiens des cauchemars et agitateur de son état.
Maître Joueur | 18/05/09 21:44
Le second comte de Jhormark arrêta son écuyer d'un geste, sans lâcher des yeux l'étranger et sa longue cape noire. Il sonna le cor et en quelques minutes de manoeuvres, ses cinquante champions formèrent le cercle autour de lui. Le page rejoignit les rangs, l'écuyer tendit une longue épée à son seigneur avant de faire un pas en arrière, l'air confiant.
« Coupez-le en tranche Monseigneur ! »
« A mort ! » Renchérit quelqu'un, quelque part dans le cercle.
Maître Joueur tendit le bras, le poing toujours fermé, la paume vers le haut.
« Alors vous jouez ? »
Rodrik enfila lentement ses gants d'escrime et releva la visière de son heaume.
« Avant de mourir, étranger, dis-moi ce qui est arrivé aux gens de Nicéan. Qui a fait ça ? »
« Le Jeu, voyons. »
« Trèves de sornettes, tu es fou à lier. »
La visière claqua, la garde fut levée.
L'encapé, de son côté, se contenta de relever sa manche droite, découvrant un bras maigrelet, pâlot, presque jaunit. Un bras humain couvert d'entailles plus ou moins récentes, de tatouages étranges et de morceaux de bois ou fer enfoncés ça et là.
Les doigts se décrispèrent lentement, très lentement. Puis ils révélèrent deux petits cubes. L'un était d'os, l'autre d'ébène. Un blanc, un noir. La main du Maître Joueur bascula. Les dés tombèrent au sol dans deux « poc » étrangement sonores pour la terre meuble du sol ravagé. Le regard du Joueur, dissimulé par sa large capuche, était rivé sur le résultat du lancé.
Quand il leva les yeux, ce fut pour voir le Sire Rodrik chargeant, l'épée haute. Une seconde plus tard et il ne serait plus Maître Joueur, mais Maître Perdant.
C'était sans compter le Jeu.
« Osselets ! » Couina Maître Joueur.
Rodrik n'arriverait jamais au niveau de l'étranger. Ses jambes ne lui obéissaient plus.
Car des bras étaient sortis de terre et les agrippaient fermement. Des bras dénudés de peaux. Des bras morts. Un noir. Un blanc.
Rat De Labo | 18/05/09 22:07
yeahhh, j'adore les histoires qui continuent si bien 
Le Rat, démon clanique à petites bêtes, Futur-maître-incontesté-de-l'univers-visible,-des-125-plans-supérieurs-et-des-78-plans-inférieurs, gardiens des cauchemars et agitateur de son état.
Baramir d'Eckmöl | 18/05/09 23:52
Une plume toujours aussi magnifique et affutée. Bravo !
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Baramir d'Eckmöl, Mister Daifen 2008.
Archiviste occasionnel de la Skippypédia
Dixi le Sombre | 19/05/09 10:35
Fanfan | 19/05/09 12:45
Maître Joueur | 19/05/09 20:29
Il y avait comme une odeur de mort dans la taverne. Le cinquième comte du Jhormark ôta sa cape. Cet établissement ne lui plaisait guère, tout comme les contrées environnantes. Tout comme Daifen en général. Les vallées du Jhormark lui manquaient. Il s'installa à une table libre, de façon à se trouver le dos contre un mur.
Prudence.
« Un homme de mon âge, richement vêtu, a du passer par ici ces temps derniers. Un étranger. Du Jhormark. Rodrik. Un comte.
-Ce nom ne me dit rien messire. Désolée. »
La serveuse s'écarta. Rodrik était pourtant passé par ici, Floran Frenesis Jhormen en avait le sentiment profond. Un instinct inconscient. Il le sentait dans ses tripes. Depuis l'étrange disparition de Nicéan, depuis la disparition du second comte, depuis l'apparition de ce Maître Joueur...
A l'autre bout de la taverne, un homme enveloppé d'une longue cape noir dotée d'une capuche démesurée leva son verre en direction de Floran.
« Santé. »
La voix le frappa plus fort qu'une masse.
Il se leva. Rejoignit la table de l'encapuchonné. Il se planta devant lui, une main sur le manche de l'épée.
« Qui êtes vous ?
-Mais c'est moi, Floran, ne me reconnais-tu pas ? »
La capuche tomba.
C'était Rodrik.
Maître Joueur | 27/05/09 23:25
Maître Joueur retrouva sa cible dans son propre domaine.
Les hommes du Jhormark étaient rentrés chez eux. Daifen était désormais synonyme de dangers et de sorcellerie, ils y avaient perdus deux comtes. Il y avait eu le second, Rodrik, puis le cinquième, Floran.
La salle du banquet n'était pas très agitée. Toutes les torches n'avaient pas été allumées, et on avait interdit les bouffons. On servait le plat de volailles.
Le troisième comte du Jhormark siégeait en tête de table. Il mangeait machinalement, sans vraiment savourer son repas, se contentant d'absorber quelques petites portions des différents plats qui défilaient devant lui. Le poulet avait l'air bon, pourtant.
La pièce trempait dans une ambiance morbide. La joie et l'entrain n'arrivaient pas à percer le voile de morosité planant.
Kregoir Hanaïs Jhormatt planta sa petite fourche dans la cuisse de viande qu'on lui servait. Il en résulta un énorme son de métal, disproportionné. Un son clinquetant, qui résonna dans toute la pièce. On leva les yeux.
Ce n'était pas la fourchette, mais bien les quatre gardes de la porte d'entrée, qui avait produit le bruit métallique. Quatre hommes d'armes en armures s'écroulant pesamment, sous un poids de mort.
La porte s'ouvrit.
Le comte Kregoir n'était pas un homme stupide. Il vit Maître Joueur arriver de sa démarche tranquille avant même qu'il n'entre dans la grande salle. Depuis les entreprises malsaines de l'inconnu à capuche, Kregoir n'avait su que penser. L'homme était un fou. Un joueur fou.
Si c'était un homme.
Mais fallait-il entrer dans son jeu ?
« Que veux-tu, Maître Joueur ?
-Jouer, bien sûr.
-Soit. Jouons. Mais je ne suis pas sûr de connaître les règles. »
L'encapé se présenta devant l'imposante table. On s'écarta de terreur. Il fut présenté un sablier. Un petit sablier dans lequel s'accumulait du fin sable noir, lentement.
« C'est à ton tour de jouer, Kreg Hanaïs du Jhormark. »
Le comte hésita. Un homme, à sa droite, lui fit comprendre que ses hommes étaient prêts. Sur la balustrade des musiciens s'entassaient en effet une demi-douzaine d'arbalétriers braqués. C'était sa chance.
« Abattez moi cet ensorceleur ! »
Les carreaux partirent. Mais Maître Joueur n'était plus là. En réalité, il était juste derrière Kregoir, une main sur son épaule, et la capuche frôlant sa joue. Il put sentir un souffle glacial sur sa nuque.
Et puis Kregoir n'était plus là. En réalité, il était un peu plus haut, en train de s'échapper, en train de s'envoler. Sous lui, il pouvait voir son corps, tremblotant, et, derrière, une silhouette en longue cape noire. Son corps chuta et s'effrita en touchant le sol. Son âme continua de monter.
Au moment ou le dernier grain de sable noir tomba, il ne restait dans la salle du banquet que Maître Joueur.
Et son rire.
Fanfan | 28/05/09 12:54
Vicomte Büntorg | 29/05/09 13:54
J'ai beaucoup aimé : bravo !
Vivement la suite !
L'ombre naît de la lumière... de la lumière, les Ombres sont le soutien.
Se7 | 29/05/09 21:14







