Forum - A chair de loup, sauce de chiens

Le Loup | 15/06/09 20:25

En cette chaude après-midi de Juin, nous étions réunis sur le toit de notre estaminet favoris. La Lune dans le Caniveau était un bon repli pour les heures stratégiques. Je regardais le coquard de Maléone d'un oeil morne. Nous étions à l'ombre sous notre parasol publicitaire, et c'est en silence que nous remuons le petit bout de bois dans de l'eau anisé, plongés dans une concentration extrême.
Autour de la table en bois patiné depuis des lustres par des coudes habitués à taper le carton, les joyeux drilles se concertaient. Animée par un esprit bien gaulois, la tablée conspirait à voix basse, plongée dans des réflexions laborieuses -sinon profondes- pour définir une stratégie pour sauver ma peau.

- Alors le Loup, tu te tires ou tu te pointes chez les Blaireaux?
- Je pense que je vais me pointer! Le Cochonnet est déjà lancé.

Les corps se détendirent sur le dossier des sièges, les bras s'allongèrent vers les verres à l'alcool anisé. Maléone fort avertit de ma condition se fendit d'un rire:

- Avec ce qu'il te reste mon gros loup, tu vas pouvoir faire que des carreaux avec tes harpies!

Le bras de Jazz, collaborateur du Prince Anaodot, abattit sur la table un avant-bras aussi gros qu'un jambon de Bayonne:

- Oh Julio! Il y a quelque chose que ne va pas dans ta caboche?! Il va pas crever comme ça not' loup!

- EXACT! Je ne vais pas attendre que le Durndil vienne chez moi avec le chef des Blaireaux.

Ce moine ayant des vus sur Amélie cherchait à venger la nonne en espérant s'attirer les faveurs de la vieille pie. Etant plus mal que mal et mise à nue, elle lui avait proposé de trouver consolation et paiement de son acte de façon la plus naturelle qui soit pour la gent féminine. Mais au fond d'elle, Amélie de Bois Doré n'osait avouer que cet état de faits lui enlevait une belle épine du pied. Elle ne savait comment repousser la générosité du Rat lui présentant une épaule consolatrice, en pure amitié bien sûr...Les potes sont toujours là pour consoler les ex et je ne lui en tenais pas rigueur. Bref, pour Amélie, c'était l'occasion rêvée pour s'en dépêtrer.

Maléone goba une olive, préférant mordiller son cure dent au lieu de s'en servir pour piquer la boule verdâtre:

- Mais tes blaireaux, il vont certainement vouloir jouer à la Pet Tank chez toi ! Ils vont te fumer comme personne!

- Je sais, je sais, c'est bien pour ça que Landien refuse de les trahir même s'il ne supporte plus les inconvénients à les côtoyer. Bof, vaincre un royaume par un cinquième assauts n'est pas une gloire, mais ils font ce qu'ils peuvent les p'tit pépés!
- Hmmm...

Un long silence suivit la diatribe à peine gêné par les stridulations diverses des cigales. Un sourire finaud éclaira mon visage, les mains de mes complices me saluèrent pour me souhaiter bon vent. Me voici déambulant donc sur les quais, arborant mon sobre mais néanmoins élégant chapeau de paille que mon petit Chaperon Rouge adoré m'avait offert en grande pompe, soucieuse de ma bonne santé. Ma petite Lancwen n'osait s'afficher à mes côtés, elle craignait se faire passer pour une véritable méchante si elle copinait aux yeux de tous avec le grand méchant loup. Elle allait me manquer la petite! J'aimais la voir gambader avec son panier en osier chargé de présents. Je n'ai pas eu le temps de lui dire au revoir, mais c'est beaucoup mieux comme ça, cela lui aurait brisé le coeur. J'en était là de mes réflexions sur la relativité - voire la volatilité- du pouvoir et de la réussite, lorsque j'arrivais à la hauteur de mon marin.

-Salut! On y retourne l'ami!

Il releva le buste et me considéra une seconde:
- Holà M'sieur le Loup...vous avez un bien beau chapeau aujourd'hui!
- " Eh oui...ce cagnard tape encore fort, tu devrais en porter un, demande au chaperon rouge de t'en faire un! » Répondis-je en considérant de ma position dominante la tonsure qui auréolait son crâne.
-  "Ne vous inquiétez pas, j'ai la peau dure, pas comme vous! Je prends le radeau de secours!" Reprit-il avec un sourire entendu.

Je laissais là ces quolibets. Oui, j'allais y passer, mais j'allais quand même un peu casser du moine, histoire de mettre ma griffe chez la Guilde. Un autre pigeon de Landien vint me sortir de mes réflexions. Quelle ne fut pas ma surprise de le voir intitulé « Gros Coquin » ! Les paroles de Baramir concernant ma vertu et mon sexe appeal me rappela combien mon arrière train pouvait être en danger! Un coup de sueur me prit au dépourvu en dégrafant le cachet de la lettre. Ses mots me firent sourire, il jouait le mystérieux et craignait le doute que j'avais distillé par quelques mots chuchotés dans les coins sombres. Il allait suivre le chef des blaireaux, Luchta, pour ce soir...

Je les attendais donc. Il faudrait que je force le moine à venir se joindre à nous. On ne peut pas louper une partie de pets Tank chez moi, au milieu des blés, rots et autres joyeusetés masculines. Enfin que le cochonnet d'Amélie soit là ou non, ce ne sera que partie remise les amis!

Edité par Le Loup le 15/06/09 à 20:31