Forum - La quête des Légendes : Le vent : Sommeil.
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Celimbrimbor | 18/12/09 02:11
Il n'y avait plus que le silence, pesant, étrange, malsain, d'une certaine façon. Edward contemplait la plaine sans vent, sans mage, et le manoir isolé, étrange plus que jamais. Au-delà du simple malaise de se trouver privé d'une partie de son être, quelque chose n'allait pas. Les indices qu'il avait pu lire au long de son chemin jusqu'ici lui avait crié. Ce qu'il voyait à présent le lui confirmait. Quelque chose n'allait pas. Celimbrimbor avançait dans une direction qui n'était pas normal. Peut-être même faisait il les pas de trop.
L'homme qui ne pouvait pas mourir pénétra dans la demeure de son maître pour la première fois de sa trop longue vie. Pas un son. Pas une lumière. Il produisit un briquet d'une des poches de sa veste et alluma une bougie que l'ouverture de la porte lui avait révélé. Les murs étaient sobres, couverts simplement d'un lambris au ton chaud. La lueur clapotante de la chandelle dans les ténèbres donnait des mouvements ombrés inquiétants à tous les objets. Edward se cogna par mégarde le tibia sur une table basse qui traîna par là. Il jura à voix basse. Pourtant, les échos de son cri muet se répercutèrent un peu partout dans la pièce, semblant même parcourir la maison entièrement, ne laissant aucun recoin inexploré par ce son détonnant dans le calme sépulcral. L'humain s'immobilisa.
Quelque chose n'allait pas.
Jamais quelqu'un de si précautionneux que le mage n'aurait laissé sa résidence sans surveillance, sans quelque sortilège vicieux pour protéger ses possessions. A moins qu'il ne jugeât que rien n'ici ne méritât la peine d'être conservé. Edward continua de laisser ses yeux s'habituer à l'obscurité, en profitant pour reconnaître un peu l'endroit à la lumière tremblotante de la flamme. Le hall était grand. A l'ancienne. Pas un de ses longs corridors un peu plus large que la normale que l'on nommait aujourd'hui pesamment « entrée » pour leur apporter une dignité qu'ils ne revêtaient pas. Un véritable hall, imposant, occupant, s'il ne se trompait pas, la quasi-totalité de la largeur de la maison. Sur un côté, un âtre gisait, silencieux et endormi, couvert de cendre, une réserve de bois entreposée non loin, dans une huche adéquate. Il nota son emplacement et parcourut du regard le chemin qui y menait. Un froid lourd régnait dans la demeure, en plus de l'obscurité. Un feu n'y ferait que du bien. Le mage avait décidé de ne pas trancher le problème qui consistait à délimiter l'espace de l'entrée et des autres pièces à vivre de la maison, notamment le salon ou la salle à manger, par exemple. La porte ouvrait directement sur ces deux dernières, confondues étrangement, à peine indiqué par la présence d'une table longue ou de canapé.
De l'autre côté tombait un escalier en bois finement ouvragé. Edward s'en désintéressa rapidement, comme il se contenta de relever les portes du mur du fond qui devaient donner sur une hypothétique cuisine ou des chambres. Il se dirigea, évitant les tables et chaises et autres choses qui jonchaient le sol, vers la cheminée pour allumer une bonne flambée. Cela lui prit un petit moment, n'ayant pas de petit bois sec sous la main, mais finalement il y parvint. Il se redressa et, l'espace d'un instant, son ombre dévora toutes les autres derrière lui, avant de revenir à ses pieds, malgré les flammes mouvantes qui la faisaient se mouvoir. Il se retourna lentement, reprenant la bougie avec lui pour la déposer sur une table allongée non loin.
La poussière le surprit. Le mage était quelqu'un de soigné. Même si lui arrivait d'apparaître un peu échevelé ou pressé, rarement il donnait une image de malpropreté ou de laisser aller. Ici, tout était à l'avenant, au contraire. La couche de poussière qui recouvrait les meubles, tant tables que chaises ou chandeliers, était semblable à un entassement de sédiment. Il aurait même pu juré voir un léger tapis gazonnant pousser sur une horloge, si la lumière ne lui avait pas joué des tours. Sur la table à manger, un couvert unique était éparpillé, les verres renversés, la carafe et les bouteilles rendues grises et éventées. Des livres, de précieux grimoires même, servaient par endroit de tapis au sol, à peine distinct.
Il n'y avait rien ici qui sentît la vie. A l'inverse, Edward avait l'impression d'explorer la demeure d'un mort que l'on n'aurait pas pris la peine d'arranger, que, plutôt, on aurait oublié aussi vite que possible, pour effacer son souvenir désagréable.
L'humain ouvrit la plus grandes des deux portes du fond et la referma aussitôt. L'odeur de putréfaction que dégageait la cuisine était affreuse. Cela constituait un miracle qu'elle n'eût pas affectée le reste de la maison. Il avait entrevu, véritablement cette fois-ci, des plantes, des algues et des choses étranges qui poussaient uniquement sur les charognes et les terrains maudits. Edward déglutit lentement. Quelque chose n'allait pas.
Il se dirigea vers l'escalier et en gravit les marches quatre à quatre, pressé d'arriver sur la galerie qui surplombait l'entrée, dont le mur était marqué par quelques portes et qui se terminait par une autre, massive, de sous laquelle pulsait, comme un battement de coeur régulier, des lumières tricolores qu'il ne saisissait pas bien. Mettant un frein à sa curiosité, il vérifia les trois portes latérales qui donnaient toutes sur des chambres dont le mobilier était recouvert par des draps blancs, rendus gris depuis longtemps.
Les lueurs l'attirèrent finalement. Il posa sa main sur la poignée de l'huis et le poussa lentement.
Il révéla ce qui devait être le bureau du mage. La lourde bibliothèque aux rayonnages trop petits pour contenir autant de livres sans que quelqu'un ne trichât avec l'espace était un premier indice. Le lourd bureau d'ébène un second. De même que l'immense fenêtre qui donnait sur une pleine lune perpétuelle. Ce qui parlait vraiment, cependant, c'étaient les trois sphères qui flottait à mi hauteur, tournoyant lentement, scintillant dans un rythme entêtant. Edward fut saisit à leur vue. Son instinct, terrifié, murmurait qu'ici se trouvaient des forces primordiales qui jamais n'auraient dû être enfermées. Que ceci ne pouvait être que l'oeuvre d'un fou, dangereux de surcroît, qui ne cherchait que la puissance ou la destruction. Edward savait que tout ceci était vrai. Il connaissait suffisamment Celimbrimbor pour s'en douter. Mais il savait aussi que cela était beau.
Terrifiant, mais tellement beau en même temps. Chaque sphère, laiteuse et d'une couleur différente, semblait contenir une éternité en elle-même. Des brumes profondes y révolutionnaient avec une infinie lenteur et une vitesse inimaginable. Il y noya ses sens pendant de longues minutes. La seule proximité avec ces boules opalescentes et opaques suffisait à le remplir de joie et de puissance. Il avait l'impression de comprendre l'univers sous un nouveau jour. Il arrivait même, chose étrange, à comprendre la malédiction qui le tenait en vie.
Suffoquant de terreur, il écarta les yeux.
Ses genoux tremblaient de frayeur, son esprit était comme stupéfié. Quel doux et dangereux pouvoir. Cela ne faisait que renforcer ses craintes au sujet de son maître et de ses desseins. Pourtant... Pourtant il ne pouvait que se montrer admiratif. Il reconnaissait ses sphères pour ce qu'elles étaient : les pouvoirs primordiaux des éléments, terre, feu et eau. Quelle folie avait-il fallu pour les aller arracher à leur possesseur respectif ? Combien d'années passées en recherches infructueuses, dans les bibliothèques ou sur les terrains ? Combien de fausses pistes ? De faux espoirs ? C'était une folie, mais à la démesure de celui qui l'avait conçu. Edward ne pouvait imaginer but plus inaccessible que celui de la création. Il comprenait pourquoi son maître s'était lancé à corps perdu dans ce dernier. Tous les deux, après tout, cherchait la même chose : le repos ou l'anéantissement. Lui, l'humain, le maudit, avait trouvé le repos. L'elfe l'avait cherché en se confrontant au défi dernier.
Il faudrait bien pourtant détruire ce rêve.
Edward reporta ses yeux sur les sphères, sachant qu'il les lui fallait détruire. Il se révoltait à l'idée qu'un être faillible pût posséder un pouvoir aussi crucial. Personne d'autre que le Tout. Surtout pas un fou. Les sphères l'appelaient. Elles voulaient être détruites par lui. Voilà pourquoi il s'était levé et avait quitté son repos un matin. Voilà pourquoi il était ici.
Il n'ignorait pas que la déflagration d'énergie le tuerait sur le coup. S'il était suffisamment rapide, il pourrait peut-être en détruire deux en même temps. S'il était suffisamment malin, il pourrait peut-être trouver une manière de les défaire toutes ensembles. Il secoua la tête doucement.
Il n'était déjà pas certain de pouvoir en détruire une. D'avoir la simple capacité de la briser. Il lui faudrait prendre le long chemin. Avec la résignation de l'être qui se prépare à la mort, Kinsley s'approcha de la sphère bleu et avança la main vers elle...
« Ne touchez pas à ces sphères, fou que vous êtes ! »
L'homme sursauta et recula d'un bond. En face de lui, la sphère manquante sous le bras, Celimbrimbor venait d'apparaître.
« Éloignez-vous. Partez. Disparaissez ! »
Edward cligna des yeux et les rouvrit sur la maison dans les arbres. Par une fenêtre ouverte, il devinait le courant d'air qui rafraîchissait Elenna endormie.
Il repensa à ce qu'il venait de voir.
Le mage, hagard, ensanglanté, portant les stigmates d'un combat fou, les vêtements déchirés en maints endroits, un oeil crevé et un bras en moins. Il secoua la tête. Était-ce possible ? Ce teint livide avait-il toujours été le sien ? Pourtant, il ne s'en préoccupa pas une seconde. Quelque chose allait mieux.
Le vent était revenu.
Un sourire aux lèvres, Edward se laissa porter par une douce brise vers la chambre de sa bien aimée. Il ôta ses habits sans en bruit et vint se glisser sous les draps.
Tout allait mieux.
Le vent était revenu.
Ilinx | 18/12/09 15:59
Voilà pourquoi Daifen est interessant !
Ilinx,
Chevalier de la Lumière.
Qui toujours regarde le soleil, jamais n'aperçois la vérité...
Bart Abba | 18/12/09 22:20
Je dirais même, voilà pourkoi Daifen est Daifen ! Chapeau bas l'artiste !
