Forum - La Coupe de Sang (Titanodhil)

Noir-feu | 18/12/09 19:36

Le sombre Aîné s'immobilisa. Autour de lui, la plaine sableuse était écarlate, jonchée de cadavres, certains dans un état de putréfaction avancée. Ses griffes ruisselaient d'ichor, ses écailles ternies par les entrailles séchées innombrables. Sa gueule fumante dégoulinait du sang des vaincus, ses yeux, semblables à deux brasiers infernaux, examinèrent froidement les alentours, à la recherche d'une proie à anéantir. Deux êtres encore se dressaient dans l'arène titanesque, prêts à en découdre, indifférents à toute autre chose que leur survie, comme tous en ce lieu de mort. Le Dragon serra ses mâchoires terrifiantes. Glacial, il examina ses chances. Nulles. De nombreuses plaies profondes le ralentissaient, son sang corrosif faisait fumer le sable, coulant en filets ininterrompus, il sentait ses forces le quitter, lentement, inéluctablement. Rugissant de rage, il maudit les cieux, leur crachant à la face une flamme d'un noir paradoxal, mat et lugubre. Puis il se dirigea vers les deux seuls survivants du carnage. L'heure était venue de mener un dernier combat, une boucherie sans espoir. Le Primotaure Izar était bien trop puissant, mais de cela, le Dragon Noir n'avait cure. Les hurlements écoeurants de la foule quémandaient d'autres morts, ils voulaient voir le sang gicler, ils voulaient entendre le craquement des os qui se brisent, affamés d'horreur, assoiffés de massacres, comme toujours. Noir-Feu jura sourdement, et les maudit entre ses dents. Mais l'heure des choix était passée, et par tous les damnés, il allait leur offrir un dernier combat dont ils se souviendraient.

Quelque part, un Dieu ricana, y perdant ça et là quelques infâmes chicots. D'un orteil malveillant, il bouscula l'Ordre qui régissait l'abattoir de Titanodhil. Et parce que son Nom était Grull, ce fut le Chaos. Ce fut le Bordel. Les trois survivants se figèrent, abasourdis. Ils se regardèrent, hagards, épuisés, ils ne comprenaient pas. Obscurément, ils sentaient que le combat était terminé, contre toute logique. La foule fit silence. Un Dieu Majeur s'exclama sans doute: oups! Un Roi se pencha sur son arène, sans doute furibond. Mais Grull se fichait bien de tout ça. Il avait gagné! Les vaincus allaient jacasser, jaloux et pitoyables, justifiant sans fin leur défaite, harcelant les vainqueurs de leurs moqueries bafouillantes. Les vainqueurs eux-mêmes se déchireraient, pour savoir qui emporterait l'unique récompense de ce charnier, et l'idée que ce soit une simple coupe fit redoubler les ricanements baveux de Grull. Les temps à venir allaient être délicieusement insensés, savoureusement dépravés et dénués de sens, il en salivait de joie. Ne souhaitant pas manquer une goutte du précieux nectar répandu, il se pencha pour observer les insectes parader, se glorifier, s'insulter.

Déjà, son plan, ou plutôt son absence de plan se mettait en branle. Le comte de Nékrosia, qui aurait dû hurler sa joie d'avoir survécu, lui qui avait été contraint de se terrer dans son royaume en attendant sa perte certaine, s'en prenait à Izar, le défiant en duel. Sigurvegari, l'orc incapable de confiance, maudissait ce même Izar, lui promettant mille morts douloureuses. Izar proposa de se transformer en concombre masqué, ce qui fit hurler de rire le Dieu malveillant. Le Rat, le Pépé et le Kad Havre s'en donnaient à coeur joie, eux qui avaient été si facilement défaits se pavanaient et lancaient leurs piques aux vainqueurs, se sachant maintenant en sécurité. Oh les jolis radoteurs, se dit Grull, ils me plaisent bien, ces trois-là! J'en ferais des adeptes avant que la Lune ne soit haute! Le Dragon Noir semblait étrangement distant, sans doute tentait-il de démêler le vrai des vapeurs d'eucalyptus, ce qui, Grull s'en réjouissait, ne serait pas aisé. Et puis, il se souvenait de la fureur avec laquelle le reptile avait participé à l'anéantissement des ses adeptes sur Lacaleaupsypsdhil, il ne doutait pas que l'explosion soit proche, surtout si le Maître des rongeurs le titillait un peu. Et Grull ricana de plus belle.

Sur le sable, pourtant, tout ne se déroula pas forcément selon le plan de Grull. Peut-être parce que son plan n'en était pas un, allez savoir. Quoi qu'il en soit, le Dragon s'avança vers la tribune principale. Il avait hâte d'en finir, maintenant. Il n'avait pas souhaité venir se battre dans cette arène. Il n'avait pas souhaité emporter cette joute, et le fait que Grull lui offre cette victoire le mettait dans une rage sourde. Il se souvenait avoir exterminé sans remords ses adeptes, et voilà qu'il devenait aujourd'hui son débiteur! Il s'inclina devant le Roi Althâr.

-Seigneur, merci d'avoir organisé cette tuerie, croyez bien que je regrette de ne pas avoir été en mesure de faire plus ample carnage. Je reconnais Izar comme l'incontestable gagnant de cette joute, sa puissance est sans pareille, que la coupe lui soit remise, c'est mon souhait. Toutefois, je ne vous cache pas qu'être debout ici et maintenant me satisfait. J'aurai prouvé que les Dragons sont des puissances avec lesquelles compter, encore et toujours, et j'espère que nos pitreries vous auront diverti!

Se tournant vers ses deux comparses, le Dragon s'inclina. Ce qui devait être dit entre eux l'avait été. Puis il fit face à la foule, cherchant une personne en particulier. Il finit par la trouver. A vrai dire, il suffisait de suivre les regards masculins, plus attirés par une déesse des arènes que par un gros saurien empestant la mort, sans doute. D'une voix puissante il lança:

-Gladiatrice! Je te dois ces instants. Sans faille et sans répit tu as mené tes armées, sans peur tu as affronté les plus puissants des combattants de ce monde. Ton courage est grand, et ton sens stratégique aurait dû être mieux récompensé. Seule la trahison a permis ta chute, nul mâle n'a osé te défier de face. Quand à moi, tu sais que je n'ai jamais pu me résoudre à me battre avec une belle femme, tu en as usé et tu as bien fait. Puisque Grull me permet d'être parmi les vainqueurs, contre toute attente, je t'offre cette victoire!

Le noir cracheur de feu s'inclina avec respect devant la somptueuse gladiatrice. Enfin, il s'adressa à tous ceux qui avaient combattus:

-Mes Seigneurs, vous avez rendu cette bataille plaisante, et je suis fier d'avoir jouté avec ou contre vous. Merci à tous! Gloire aux Titans! Longue Vie au Roi!

Quelques battements d'ailes suffirent au Dragon pour rejoindre les nuées, dans lesquelles il disparut en quelques instants.

Edité par Noir-feu le 18/12/09 à 19:41

Noir-feu | 18/12/09 22:14

Boarf... je vous ai connu plus en forme.

Ursula La Gladiatrice | 19/12/09 14:05

Encore de cette nuit aveugle au sang des combats où la mort s'en donne à coeur joie, arrive enfin le flambeau de ta victoire, Noir-feu. Je te remercie Noble dragon, pour cet hommage et ces instants valeureux passés à tes côtés.
Ces mots signant la fin des joutes témoignent encore une fois de ta grandeur, de tes exploits qui font de toi, un véritable titan.