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Guerre | 23/01/07 18:42

Seigneur dieu, que la nuit tombe vite en ces contrées, et que le jour sera long à revenir après la dernière lueur.

Elle s'attarde sur la statue devant moi, irisée de reflets tantôt bleus, tantôt orangés, tantôt d'un jaune splendide ou d'un blanc cru quand elle ne passe pas à travers le portrait de plein pied de Saint Archibald aux gants purs, son visage, altier ainsi que sa personne et pareillement sacré, magnifiquement saisi par l'artiste verrier qui a exécuté le travail ayant donné pour résultat les superbes vitraux aux regards orgueilleux ornant de leur chatoiement fantasque chacune des fenêtres de l'église de Térésia, vide à cette heure, évidemment, la prochaine cérémonie ne se déroulant qu'au lever de l'astre lunaire, qui prendra, selon l'orientation, l'inclinaison, la place d'ycelui-ci, la réverbération des rayons lumineux sur l'air, la pureté de ce dernier, sa densité aussi je crois, mais je ne me suis jamais vraiment penché sur la question lors de ma précédente existence, une teinte rousse, rose, ou véritablement rouge sang, ou bien plus simplement, l'ocre admirable, ou la blancheur laiteuse que nous lui connaissons le plus souvent, et ces variations, mêlées aux phénomènes des jeux des atomes de lumières dans les nuages, trouveront leurs répercussions dans l'esprit des paysans qui parieront leur récolte de l'an, leurs maigres biens au tripot local, leur vie, leur descendance, sur une croyance accréditant à la lune de telle ou telle coloration le pouvoir de leur donner un héritier mâle, un remède contre une maladie, contre la stérilité, voire, se réfugieront dans leur cahute de torchis, de pierres et de planches pourries, et pour peu qu'elle soit pleine en plus d'être rousse, se serreront les uns contre les autres dans une étreinte animale, hantés tous par la peur primaire du noir, de l'obscurité, de la nuit où se meuvent tant et trop de créatures fabuleuses, loups-garous et vampires, s'ébattant en une sarabande macabre aux mortels funeste, mais pas aussi réelle pour eux que les guerres, les famines, les maladies, les pluies diluviennes, les morts impromptues, les caprices du seigneur, et ainsi sont-ils heureux de pouvoir lutter ensemble, se rassurer les uns les autres, se sentir unis conte une menace contre envers laquelle il peuvent agir, dont ils peuvent se prémunir, et par là même, se sentiront humains, et non déchets rebus, plèbe glébeuse et sans savoir ni compétence autre que celle de chair à canon, de fourmis dociles, serviles, esclaves de la nécessité et donc du suzerain féodal, sans utilité, enfin, que celle d'être vivants, main d'oeuvre assoiffée de vivre et ainsi reproductible à l'infini, troupeau lent et stupide se conduisant lui-même à l'abattoir, sans la plus petite lueur d'espoir, sans le moindre incident sur la vie rêvée de leurs seigneurs et maîtres, hauts et nobles dans leurs demeures magistrales de pierres grises et précieuses, froides et accueillantes, mille fois plus que les cabanes survivant à peine à une simple bise, menant grand train dans des tours inexpugnables, prenant plaisir à regarder leurs gens se briser en vagues insensées contre celles de leurs voisins, s'amusant à signer des pactes qui ne leur coûtent rien, même à les rompre, puisqu'encore une fois, ce sont les incultes qui porteront le poids de leurs actes, tandis qu'eux, les puissants, iront tranquillement dans cette même église où je suis en recueillement, pour se faire absoudre contre quelque don, quelque pot de vin, que l'Eglise ne verra jamais passer entre les mains de l'officiant, et leur bonne conscience récupérée, retourneront festoyer dans la joie et la bonne humeur, sans ce soucier de la vie, la leur, et celle des autres, jouissant de chaque moment sans penser qu'il pourrait être le dernier, mais seulement parce qu'ils ne sauraient vivre autrement, si peu au fait qu'ils sont des souffrances d'autrui, tout simplement parce qu'ils ne souffrent jamais, pas physiquement, en tout cas, tant que l'on ne les confronte pas directement à la souffrance, d'un bon coup d'épée en travers du ventre, faisant gicler sang, chair, muscles et boyaux un peu partout sur leur précieuse tapisserie, dans leurs yeux un sentiment d'horreur absolue si délectable que je ne m'en passe que rarement, même si cela n'est ni une excuse valable, ni une excuse tout simplement, et Saint Archibald, dont le regard pèse lourdement sur moi tandis que je suis agenouillé sur le sol de ce lieu sacré, les deux mains gantées posées sur la large garde de ma lourde épée, ne renierai pas ce raisonnement, lui aussi ayant pillé, tué, massacré sans vergogne, sans jamais avoir de remords, toujours marchant dans la droite ligne de notre dieu.

Je me suis suffisamment recueilli pour l'heure. Je me redresse, jetant un dernier regard sur la statue de sans visage qui me fait face, embrasse la lame glacée de mon épée, et remet mon heaume. Parfaitement huilée, mon armure ne grince pas, ou presque, lorsque que je m'avance dans la nef. Je pousse les deux battants de l'huis de chêne massif, et examine la nuit. Elle est sombre, sans lune, constellée. Parfaite pour les paladins, en somme. Mon palefroi m'attend, fièrement campé à droite de l'entrée, sa robe rubis étincelante dans le décor, rehaussée par ses naseaux de feu et ses yeux d'éclairs. Il est temps de me livrer au meurtre, au viol, aux actions les plus viles. La Guerre est sur le monde.

Tremblez devant le second Cavalier.

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