Forum - Troisième avancée
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Famine | 23/01/07 18:52
L'homme repose son outil et passe la main sur son front luisant de sueur. Il est fier de lui. Sous ses yeux s'étendent maints hectares de bonne terre, tout juste semée par ses soins. Il jette un regard à l'orbe orangé qui se dissimule poussivement derrière l'horizon. Le travail est fini et le repos l'attend enfin.
Certes, il y a de quoi s'enorgueillir de cette oeuvre. Il est fermier depuis vingt ans, et, chaque année, il a le sentiment qu'il se débrouille mieux que la précédente. Les sillons ont été tracés avec une régularité magnifique, les semis placés avec une précision chirurgicale : ce sera un beau champ. Il suffira que le soleil daigne dispenser quelques-uns de ses rayons aux blés naissants, et la récolte sera splendide. Ah, travailler vingt années pour en arriver à ça ! Le fermier n'a pas perdu son temps, au moins. Ni son père, et son père avant lui, qui ont sué la moindre gouttelette de leurs corps pour bâtir, lentement, patiemment, la propriété terrienne de taille honorable dont il a hérité et qu'il vient, une fois de plus, de féconder.
Il retire sa chemise, faisant jouer à la lumière faiblissante du crépuscule ses muscles, encore puissants malgré son âge, et ce grâce à ce travail acharné, ininterrompu. Une douce brise vient glisser sur son corps en sueur, apaisant quelque peu la chaleur. Il échange un sourire satisfait avec ses deux fils, debout à ses côtés, qui l'ont aidé à travailler la terre. Eux aussi, forts garçons de dix-neuf et seize ans, sont promis à une belle destinée d'agriculteurs. Ils partagent l'amour de leur père pour la terre, sont sains d'esprit et de corps et l'on peut déjà supposer qu'ils travailleront sans se plaindre, se marieront, auront des enfants et mourront en leur transmettant l'héritage familial.
Car la famille, c'est ce qu'il y a de plus important. C'est pour elle que le paysan, sans relâche, sème et moissonne. Pour ses deux fils, pour sa femme aimante, pour sa petite fille de quatre ans et pour le petit dernier, né il y a deux mois. Ils auront, encore une fois, à manger en abondance grâce à cette récolte et à l'argent que le fermier en tirera. Et l'année prochaine, encore une fois, il sera là avec ses deux fils, et il plantera la prochaine récolte...
Ah ! Les voilà qui remballent leur matériel, qui jettent un dernier regard satisfait à leurs champs, et qui s'en vont. Ils rentrent chez eux pour se reposer enfin, tandis que le soleil a quasiment disparu, plongeant la campagne dans la pénombre. Maintenant, c'est à mon tour de déposer mon empreinte sur la terre.
Agenouillé jusqu'alors, je me lève, dépliant lentement mon corps émacié. La brise a quelque peu forci, et elle s'insinue agressivement dans mon ample robe terne. Mais je n'en ai cure... Le vent ne m'empêchera pas d'accomplir ma tâche : la moisson n'attendra pas. Je glisse mes mains fines sous ma robe et en ressort deux longues lames, des serpes effilées, parfaites pour couper une gerbe ; ensuite seulement, je descends sur le champ.
A grandes enjambées souples, je parcours les sillons. Soigneusement dessinés, en effet. Du beau travail... Combien de gerbes en naîtront ? Qui sait, dirait le paysan ? Beaucoup ? Enormément ? Plus que ça ? Qui sait ?
Moi, je sais. En l'honneur de ce bon fermier, je ferai aussi mon travail avec application. Je n'en laisserai donc pas une. Je me baisse, et mes serpes trouvent les semis ; lourds et dorés, destinés à donner naissance à de puissants épis. Eh bien, non. La lame siffle sur la graine, et l'épi est fauché. Jamais il ne percera la terre. Je suis là pour l'en empêcher.
Posant mes serpes, je le ramasse, et de l'autre main, je saisis la balance que je porte sur mon dos. Faite de métal sombre, lourde et terrible, elle n'est pas comme les outils des mortels, destinés à trouver l'équilibre. Non. Celle-ci ignore jusqu'au sens de ce mot. Alors que rien ne la charge, ses plateaux ne sont aucunement au même niveau ; l'un penche vers la terre, comme supportant le poids d'une abondante récolte, et l'autre, léger, se hisse vers le ciel. Quant à l'épi fauché avant qu'il naisse, que je tiens au creux de ma main, je le dépose sur le plateau. Celui du bas. Fi de l'équilibre. La moisson est mienne, et c'est sur ce plateau qu'elle ira.
Les serpes sont saisies de nouveau, la Balance me suit. Il en reste encore tant d'autres à m'approprier... Je ne traînerai pas. Tous ces semis seront détruits, l'un après l'autre, par mes serpes, et les pousses non-nées déposées sur la Balance. Lorsque l'aube se lèvera, j'aurai terminé.
Le fermier n'aura aucune récolte cette année. Il sera désespéré, probablement, d'être trahi par ses terres qui jamais n'avaient été stériles. Quant à sa famille, elle devra se passer du blé. Le petit dernier, probablement, ne supportera pas le manque de nourriture, et peut-être ne sera-t-il pas le seul. Mais ceci n'est plus de mon ressort.
Voilà, la Balance est pleine et l'aube est arrivée. Ce bruit de sabots derrière moi, je le reconnais, et je me tourne dans sa direction. Mon destrier, grande bête noire comme la nuit, maigre comme un cadavre, est venu me chercher, et je l'enfourche. Il m'emportera loin, vers d'autres moissons qui m'attendent. Il m'en reste encore tant à faire, mais ici, j'ai terminé mon travail. Et je l'ai bien fait, effectivement, je peux en être fier ; ici, la Famine est passée.
Les champs se referment sur le troisième Cavalier.
Baron Hector Iii | 24/01/07 01:21
(tout d'abord en tant que joueur je trouve votre rp trés prométeur et trés bien pensé.bravo.)
il me semble bien que sans le savoir vos buts éderont le miens; et de ceci je ne vous dit qu'une chose: continuez.
