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Anastase De Mu | 27/10/14 21:51

Bijour. Voila, j'ai essayé d'écrire un texte dans un autre univers, pas du tout médiéval fantastique. Si vous avez un avis, je suis preneur. Ho, et bien sur, toute critique constructive sera pour moi intéressante. Désolé pour les fautes, par avance; il doit en y avoir, c'est un jet instantané, que j'ai rapidement (et trop légèrement) relu.

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L'alarme. Encore, et encore. Elle retentit, comme le cri strident d'une femme qu'on force, et qui, finalement, aime ça. Je me demande si ça existe, ça ? Encore un fantasme de machos pervers et malsains. J'en suis peut être, abonné à la classe des mecs qui rêveraient d'avoir une femme différente dans son lit chaque nuit, comme dans les films, mais qui n'a que sa fidèle main droite pour compagne.

Allongé sur une banquette sommaire, je lève les yeux vers l'écran cathodique devant lequel je passe le plus clair de mon temps. Un juron m'échappe, je monte le son. Toujours cette satanée alarme. La présentatrice m'excite un peu, avec son air guindé ; il me semblerait qu'elle me fixe, qu'elle fait son show juste pour moi. Je sens un sourire goguenard se dessiner sur mes lèvres ; je le réprime.

Il faut que je me lève. Joignant le geste à la pensée, je suis debout, toutes les articulations craquantes. Je m'étire, je m'efforce de faire craquer ma nuque. La planche qui me sert de matelas kingsize m'a démonté le dos, une fois de plus. Du regard, je fais le tour de ma minable cellule, cherchant un paquet de chips entamé la veille. Il traîne au milieu de mon linge sale, dans un coin, renversé. Ce soir, ça sera ramadan.

Je m'accroche, un peu comme une loque, aux barreaux de la porte ; Personne en vue. Je gueule, il faut bien le dire : la sirène me tape sur le système. Personne n'accourt, comme à l'accoutumée. Je peste contre les gardiens, contre moi même, contre le système, contre les communistes, contre l'internet qu'on me refuse depuis des mois, contre les femmes et contre ma mère. Ca ne change pas grand chose, mais ça me soulage, un temps.

L'étage est vide, depuis que Boris, ou quelque chose comme ça, c'est fait embarqué par les matons. Évacuation, qu'ils disaient. Mais ils m'ont laissé là, moi, donc je pense plutôt qu'ils lui ont réglé son compte. Depuis le temps qu'ils le cuisinaient, il a du lâcher ce qu'il savait. Je cogne la grille comme un dément, autant pour tester sa résistance que pour attirer l'attention. Je pourrais faire une crise cardiaque que personne ne s'en soucierait ; manque de bol, j'ai plutôt une bonne constitution.

La caméra du couloir reste immobile. J'agite mon bras pour essayer de capter un peu d'amour et d'attention. Elle ne bouge pas, la garce. Faudra bien que je mange, quand même. Je me rallonge sur ma paillasse, et m'absorbe dans la contemplation de TV Kremlin, où un truc comme ça.

Ils ne sont pas venus, depuis hier. J'ai terminé les miettes de toritos qui s'étaient disséminées dans mon linge. C'est un peu dégueu, je l'avoue. Mais je commence à paniquer : normalement, j'ai au moins droit à un repas chaud, et je n'ai toujours pas vu le moindre préposé de cantine. L'image de la TV saute de temps à autre, j'ai même du passer une heure à regarder des zébrures anarchiques la parcourir. Le lavabo qui me sert de machine à laver, évier et douche à cesser de fournir son quota d'eau claire ; j'ai maintenant le droit à un liquide marronnasse et pas franchement buvable. Y a un truc qui ne va pas.

Je gueule, depuis une plombe. Personne ne me répond. La lumière du couloir a clignoté, avant de rendre l'âme. Pareil pour mon poste. Je suis plongé dans le noir, et dans le silence. Je vais crever, comme ça, comme un con, en souffrant le martyr, de faim et de soif. Pas franchement sympa. Je m'endors, en boule. Je crois que je chiale.

Je ne sais pas combien de temps je suis resté comme ça, amorphe et résigné. En tout cas, m'a vue s'est peu à peu habituée à la noirceur ambiante. Pas de quoi m'éviter de me défoncer le tibia contre un meuble de mauvaise qualité, mais toujours est-il qu'en tâtonnant, j'arrive à me repérer dans mon petit cagibi. J'ai ouvert le robinet, ça me fait un bruit de fond, et un point de repère sonore. Je dois sortir. Je secoue cette foutue grille comme un forcené, mais rien ne bouge. Je retourne auprès du lavabo, et j'entreprends de désolidariser le pied de tout le reste ; ça pourrait servir de bélier improvisé. Le bac se pète la gueule du coup, et voilà que les tuyaux se tordent, s'arrachent du mur et répandent leur flot ordurier sur le sol. Prison en carton. Armé de mon socle de porcelaine, ou quoi que ce soit, je frappe au niveau de la serrure. La sécurité électrique n'étant qu'un lointain souvenir, je suis à un verrou d'une liberté approximative.

Les coups de boutoirs résonnent depuis 20 longues minutes. Je sue, J'ai les chaussettes trempes. Une flaque est en train de se former, inondant peu à peu le sol carrelé. C'est glissant, et je commence à fatiguer ; mes tentatives se font plus approximatives, moins puissantes. Il faut que je me repose, mon ventre gargouille, et j'ai les lèvres sèches. Merde, j'ai vraiment soif.

J'ai pris le parti de faire une pause, et de me fabriquer un filtre à eau avec une chaussette, un bout de drap déchiré pour l'occasion, et une bouteille en plastique coupé avec les moyens du bord, c'est à dire avec l'un des bouts pointus des tuyaux défoncés qui continuent de dégueuler de l'eau pas franchement propre dans ma piaule. Maintenant, j'ai un filtre plus ou moins potable, mais je me suis coupé l'avant bras en ripant, et je saigne ; j'espère que je chopperais pas le tétanos. Je souris de mes conneries : pas franchement le moment de me demander si mes vaccins sont à jour. Bon, une gorgée et je m'y remets. C'est infecte.

La grille a fini par céder, et, dans mon élan, je me suis retrouvé le nez sur le sol. Je crois que je pisse le sang, à moins que ça soit simplement de l'eau. Pas le temps de me refaire une beauté. Je me relève. Merde, ma cellule, elle est de quelle côté ? Je trouve un mur, le pas de porte, je récupère un sweat à capuche qui a échappé au naufrage, et ma gourde magique. Je bois une gorgée de plus, va falloir que j'y aille. En tout cas, je suis bel et bien seul : personne n'est venu voir pourquoi je faisais autant de boucan. Les connards m'ont abandonné.

Je longe le corridor sans tomber, en m'accrochant tant bien que mal aux barreaux des autres cachots. Je suis trempé, j'ai faim, et je commence sérieusement à avoir froid. J'arrive au bout du couloir, et si je me rappelle bien, il y avait trois marches, puis une porte. Un sas de sécurité. Bien entendu, il a l'air fermé. Celui là, impossible de le forcer. Tant d'efforts pour me retrouver dans un putain de couloir sans issu. Je tambourine dessus, autant par désespoir que pour attirer l'improbable attention d'un gonze. C'est un verre teinté, genre incassable, mais j'aperçois un luminaire rouge qui clignote, de l'autre côté. Et merde, pourtant. Je me laisse choir contre l'obstacle insurmontable. Cette fois, c'est sur, c'est fini.

Je crois que je me suis endormi, lassé, à bout de nerf. J'ai été réveillé par un grand BAAM assourdissant. Ca, et quelques morceaux de placo. La poussière me fait éternuer, je ne comprends rien, d'abord. J'imagine que le plafond a cédé. En tout cas, y a quelques câbles électriques qui font des étincelles dans la mare que j'ai « involontairement » créée. Je bénis le ciel d'être resté sur les marches du sas, avant de me raviser. C'est quand même un peu de sa faute, tout ce bordel, qui va, tôt ou tard, me coûter la vie. Je ne suis pas très optimiste.

J'essaye de voir comment ma situation pourrait empirer. En cherchant, je vois l'onctueuse et agressive lumière rouge de la lampe d'à côté se refléter sur ce qui me reste de plafond ; y a une conduit d'aération. Comme dans les films d'espionnage. A croire que tous les communistes ont besoin de laisser une sortie bidon à leurs prisonniers en mal d'aventure. Bon. Il faut juste que j'arrive à grimper là haut.

Je me redresse et je saute. J'atteins facilement le boyau, je m'y accroche à pleines mains. Bon à savoir : l'aluminium, ça coupe. Ho, j'aurais peut être pas du sécher les cours de gym. Je suis incapable de me hisser. Je me laisse retomber. Deux solutions, où je me laisse maigrir pendant deux trois bons jours, ou je me sors les doigts. A la réflexion, je pense que je n'ai pas le temps de traîner dans le coin. Reste que mes mains ne sont pas dans un bel état. Je déchire ma tunique de taulard pour me faire des guêtres improvisées, et me voilà paré à affronter les affres d'un expédition acrobatique. Je souffle.

L'avantage d'avoir réussi à grimper dans ce foutu caisson, c'est que je suis au sec, et que j'ai chaud. Je me contorsionne pour avancer en rampant. Si on m'avait dit que me taper l'intégrale des James Bond et consort me servirait... Je me prends au jeu, l'espoir renaît, on dirait. A vue de nez, je dois être en train de passer au dessus du sas. Premier objectif atteint. Il fait de plus en plus chaud, d'ailleurs : sans doute l'effort, et le regain d'intérêt pour ma survie. J'aperçois une bifurcation, je m'y attarde. D'un côté, c'est noir. En face, la lumière rouge qui clignote inlassablement. Je ne suis pas particulièrement claustro, mais faut rester pragmatique : je ne vais pas me fourrer dans un tunnel sombre qui mène peut-être nul part. J'allonge les bras pour atteindre l'ouverture de l'aération. La grille est tombée au sol, je la rejoins rapidement, plus ou moins académiquement. En gros, je me pète la gueule en avant, et me réceptionne assez mal.

La pièce est en désordre. C'est une salle moyenne, avec une guérite vitrée de garde-chiourme. Une table, deux chaises renversées, de la paperasses un peu partout. Des cartons de stockage, du genre où l'on laisse ses affaires avant de finir au trou. Je les fouille rapidement, me rappelant soudainement que j'ai faim, et soif. Et que ma précieuse bouteille-filtre est de l'autre côté. Je regarde la porte, espérant un moment pouvoir l'ouvrir d'ici. Peine perdue. Je passe derrière l'abri abandonné, visiblement précipitamment, d'un cerbère moustachu. Je l'imagine bien avec un gros balai brosse à la place de la lèvre supérieure. Oué, et la raie, sur le côté. Et un cheveux sur la langue. Je me marre, nerveusement.

Comme quoi, j'ai pas forcément que de la malchance, un demi sandwich m'attendait patiemment. Je ne prends pas la peine de l'inspecter, et je l'englouti goulûment. Je plonge la main dans un tiroir du petit bureau, j'en tire un paquet de clopes entamés, un briquet, une revue psychologique, et un tas de mouchoirs usagés. Je veux même pas savoir pourquoi. Je reviens sur mes pas, j'avise les deux portes qui me bloque le passage. La première, la plus imposante, est une double-porte qui est sensée donner sur une salle plus grande, avec un ascenseur ; c'est par là qu'on fait passer les prisonniers. Vu comment le courant passe bien dans le coin, je ne risque pas de trouver un groom de l'autre côté. D'ailleurs, elle semble avoir été barricadée. L'autre porte est plus petite, et surtout, pas sécurisée. Je ne suis pas croyant, mais quand je la pousse du pied et qu'elle s'ouvre, je me dis qu'il y a quelqu'un qui veille sur moi, là-haut. Je reste méfiant, il fait noir, là-dedans. J'attrape le briquet.

C'est, visiblement, la salle de pause des matons. Un jeu de cartes trône au milieu d'une tablée ronde, des posters bordent les murs, entre les deux ouvertures qui mènent à des vestiaires. Je jette un oeil rapide dans les casiers entrouverts. Pas grand chose, mais je trouve de quoi m'habiller correctement. Un jean, un marcel qui sent la soupline, et, comble du bonheur, des rangers presque à ma taille. Je trouve un miroir, et je contemple ma gueule un instant. J'ai changé ; j'ai le poil hirsute, les joues creuses, des cernes. Je suis sale, du sang barbouille mon visage. J'aurais peut-être du prendre une douche. Je me brûle le pouce avec le briquet. Merde.

J'ai trouvé une tasse à café dans la pièce, je m'en sers pour boire l'eau de la douche, qui semble potable. En tout cas, je l'espère, il ne me manquerait qu'une bonne chiasse. J'ai rempli un sac de sport d'affaires trouvés au gré des casiers : un manteau, des chaussettes, un smartphone déchargé, on ne sait jamais, du PQ, on n'y pense pas assez souvent, des boites d'aspirines, une bouteille d'eau pas ouverte, et une lampe matraque sans pile. Mais si j'en trouve, ça sera utile. Me voilà équipé.

La porte qui me fait face ressemble à ses semblables dans les bureaux, avec le carré de vitre en plein milieu de la partie supérieure. Elle n'est pas faite pour empêcher les gens de passer, mais pour délimiter simplement deux espaces. Un bon coup de talon la contraint à s'ouvrir, comme une coquine à écarter les cuisses. Où est-ce que j'ai choppé ces métaphores, moi ?

J'inspecte. C'est une cage d'escalier, qui grimpe. Visiblement, on était au plus bas niveau. L'avantage, c'est que ça me laisse qu'une seule direction à prendre. L'inconvénient, c'est qu'il y a plus de chance que le chemin soit bouché. Je m'élance, tout fier de mes trouvailles, mon sac en bandouillère me battant le côté de la cuisse.

Jamais je n'aurais imaginé que j'étais si bas. Trois étages déjà. Un doute m'assaille. Comment m'assurer que je suis sous-terre, et non pas en train de m'élever ? Pas de fenêtre, c'est un point pour moi. Du béton partout, ça ne veut pas dire grand chose. Pas d'écriteau, de plan d'évacuation, d'indications de niveau... Ca sent mauvais. Je continue, sans m'arrêter devant les portes verrouillées. Elles ressemblent toutes à celle que j'ai du enfoncer pour arriver ici. Avec un peu de chance...

Chaque pas fait grincer un peu plus la structure métallique. Cinquième étage. Je suis obligé d'avancer au briquet, la rampe ayant disparu, pour laisser place à un gouffre qui m'aurait ramené au point de départ. Hors de question que je crève pour avoir été trop pressé. Bordel, qu'est ce qui s'est passé ?

Un lanterneau « EXIT » est en train de griller à l'étage supérieur. Je le fixe un instant. Il bourdonne désagréablement. J'ai plus qu'à l'atteindre, tiens.

A recop
Je me retrouve face à une porte coupe feu. Elle est belle, dans un rouge criard qui rappelle les camions de pompiers que j'aurais aimé avoir, gamin. Elle doit s'ouvrir vers moi, une bonne grosse poignée en plastique moulé m'aguiche d'ailleurs tendrement. Je la tourne, et tire. Le battant droit vient comme si de rien n'était. Je la maintiens un moment, restant comme un con, debout, à inspecter les lieux.

Ca ressemble à une clinique. Une lumière verte éclaire la pièce, comme si l'on avait planté là un cimetière pour croix de pharmacies. Les murs sont propres, blancs, juste violés par ce vert émeraude un peu envahissant. Le carrelage monte à hauteur de hanche, mais après, c'est de la peinture. J'avance doucement. Sur un chariot, dans le passage, je trouve un scalpel. A défaut de me défendre, ca peut être utile. Je le plie dans un bout de tissu, pour éviter de me planter dans les reins s'il transperce mon sac.

Merde, du mouvement. Je me suis accroupi, instantanément, comme l'aurait fait un lapin dans un pré d'herbes hautes, s'il était pourchassé par une vilaine buse. Donc, oué, comme un con, je me suis immobilisé à quatre pattes. Rien ne se passe. Un vilain plexiglas me sépare de l'individu qui zone dans le coin. Je ne vois que sa silhouette. Je me redresse. Après tout, il n'a pas l'air d'être un gardien. Je tente un « hello ? » un peu bravache. Pas de réponse. Ca me stresse, putain. J'essaye de mieux le voir. Bon, y a pas moyen, faut que je m'approche.

Je contourne la paroi démontable. Elle n'est pas très haute, hauteur d'homme, 1m 75, max. Je n'ai jamais été très grand. Derrière, c'est un bureau. Un de ceux des toubibs qui vous reçoivent « en urgence », stéthoscope sur l'épaule, en mangeant des nouilles à emporter et en reluquant le cul des infirmières qui passent. D'ailleurs, semblerait bien que le gars soit toujours là. Il est debout, contre la paroi, il regarde dans le vide. J'ai pensé un temps qu'il était mort, mais sa cage thoracique continue de se gonfler et de se dégonfler. Il frissonne de temps à autre. J'agite la main, à son intention.

« Dites moi, vous allez bien ? Vous pourriez m'expliquer ce qui se passe ? »

Il regarde dans le vide. Je suis en face de lui, et il fixe le mur derrière moi. Son épiderme se dresse, comme s'il crevait de froid, mais il transpire ; et il bave. Mon dieu qu'est ce qu'il bave. Des litres, au moins. Ca y est, mon cerveau d'abruti vient de comprendre : une épidémie. Je me couvre la bouche d'une main, reculant brusquement. Merde, merde, merde merde ca se trouve j'ai respiré les microbes de ce type ! Je vais clamser comme un pauvre zombi végétarien, pas foutu de faire gaffe ou je fous mes putains de pieds !

Je cours dans l'alvéole suivante, je fouille, je cherche, je renverse tout ce que je trouve. Y avait sans doute des bons médocs à récupérer, mais pour le moment, je suis terrifié. Enfin, je mets la main sur un tas de « bec de canards », ces masques sensés réduire les risques de propagation aériennes des épidémies et autres saloperies invisibles. L'élastique est serré, je respire mal, mais ça me rassure un peu. J'avise du matériel de premiers soins. Allez va, on verra à quoi ça sert une fois sorti de cet enfer. Tout dans la besace. Tiens, une boite à gants stérilisés. Bon à prendre, j'en enfile une pair, et je fous le reste dans mon sac, qui s'alourdit un peu plus.

Je me retourne, pour voir où est l'autre neuneu. Il a pas bougé d'un poil, pas le moins du monde dérangé par mon vacarme. Au moins, on est pas dans un de ces films d'horreur ou une morsure vous transforme en excité du bulbe qui veut de la cervelle fraiche au p'tit dej'. Bon je fais quoi moi maintenant ? Je le laisse là ? Je l'achève ? Ca serait plus humain, après tout. Mais j'ai pas envie de tester si c'est le sang qui est contaminé. Il n'a qu'à se débrouiller pour... Oué, enfin, bref.

Je pousse une autre porte coupe-feu, blanche cette fois. Elle donne sur un couloir. De chaque côté, deux baies vitrées, dont une, pour me rassurer, tachée de sang. Un truc bien noirâtre, avec des glaires, ou quelque chose qui s'en rapproche. Je scrute dans la pénombre. Il me semble discerner un corps, allongé, le crane explosé. Ceci expliquerait cela. J'avance, angoissé. J'atteins le bout du couloir, quasiment au pas de course, je pousse la porte.

Un grand hall. Quelques lumières blanches, des veilleuses de sécurité, inondent la pièce d'un ton blafard. Mais on y voit assez bien. A ma gauche, Une jolie menuiserie de porte, avec au dessus, bien en évidence un panneau « Офисы ». Je fais quelques pas en avant, regarde l'écriteau sur le fronton de porte au dessus de moi, et lis à voix haute ; « лазар&#1 077;т ». Plutôt logique. En face, deux portes, « ресто&#1 088;ан » et « резер&#1 074; ». Il va falloir que j'y aille. Enfin, à droite : un grand sas d'accès, qui donne sur un nouvel ascenseur. Je suis donc encore sous terre. Malheureusement, on dirait que la moitié du bâtiment s'est pétée la gueule à de ce côté, condamnant le seul retour rapide vers la surface. Les gravas monte jusqu'à mi porte, et des poutres métalliques s'enchevêtrent par dessus à la mode mikado instable. C'est bien ma veine.

Mon ventre commande, et je me retrouve sans m'en rendre compte à pousser la porte de la cantine classieuse. Pas de lumière ici, mais ça devient une habitude. Je sors ma lampe-matraque, au cas où, et je brandis bien haut mon briquet. C'est le foutoir. Les tables sont renversées. Ca pue la mort, et pour cause, il y a des macchabées dans tous les sens. On dirait que quelqu'un a fait le ménage. Je me glisse au milieu de ce bordel, chacun de mes pas faisant crisser des miettes d'assiettes et de verreries en tout genre. Ils n'y sont pas venus pour se promener, hein.

Il y a encore de la bouffe dans les gamelles. J'y plonge un doigt : froide. Au moins, je ne risque pas de tomber sur un fada à la gâchette facile. Je longe un bar en acajou. Derrière, l'alcool s'écoule lentement des étagères, où agonisent les cadavres de bouteilles sans doute explosées par une rafale d'automatique. Y a vraiment du verre partout, le comptoir scintille, le sol est parsemé de minuscules étoiles. Ça serait presque poétique, si ça puait pas autant.

Une ouverture au charnière arrachée m'indique qu'il y a eut sans doute un peu de résistance. De celle qui vous fait vous blottir derrière une porte, tandis qu'une bande de mafieux essayent de l'enfoncer pour vous éviscérer. Je pénètre dans la pièce en enjambant le corps gisant de l'infortuné héros. Il est criblé de balles, et son sang s'est répandu tout le long. Faudra que je fasse gaffe en retirant mes godasses, de pas m'en coller partout. Je suis dans une cuisine, fonctionnelle et bien équipée, s'y on fait abstraction des monticules de vaisselles renversées. Je me dirige naturellement vers les frigos.

Je suis con, des fois : pas d'électricité, mis à part les générateurs de secours. L'odeur nauséabonde m'apprend, avant même d'avoir pu regarder le contenu du cube réfrigéré, que je n'y trouverais rien de mangeable. Tout a pourri, ici. Je claque un peu fort la porte, je pose mon sac sur un plan de travail. La lanière de la bandouillère me rentre dans l'épaule. Pas pratique, ça. Je la change de côté. La flamme de mon briquet vacille. Va falloir que j'en trouve un autre, avant de me retrouver aveugle. Je regarde autour de moi, histoire de faire une razzia sur ce qui pourrait avoir de la valeur.

J'ai mis la main sur un ouvre-boite. Ca, c'est comme le saint Graal. Plus un couteau de boucher affûté, et deux boites d'allumettes. Je réfléchis. On a quand même eu du bol, moi et ma bêtise : me trimbaler comme ça avec une flamme, c'est promettre un feu d'artifice à la première fuite de gaz. Il faut que je sois plus prudent. Je délaisse les chambres froides : même si il y avait un truc pas avarié, je pourrais certainement pas le garder avec moi plus d'une heure. Il me faut des conserves. Je pousse la porte du fond. Je suis pas très bon en orientation, surtout dans un bâtiment catastrophé. Mais j'imagine que là, j'ai rejoins, plus ou moins, les réserves.

Ici, c'est Noël. Byzance. Le coffre de l'oncle Picsou. Y a de tout. En veux tu, en voilà. Est-ce que je peux me faire des pâtes avec de l'eau froide ? J'ai un doute. Pareil, pour le riz. Bon, on va prendre de la semoule. Je crois que ça marche. Et des nouilles chinoises. Ca prendra le temps que ça faudra, mais ça gonflera. J'ouvre les placards à la volée ; ils mangeaient épicés, dans le coin. J'embarque deux conserves de lentilles, trois de « corned beef ». Y a un jambon suspendu dans un garde manger, mais ça fait lourd, et gros. Je m'en taille un morceau, que j'enroule dans un chiffon plus ou moins propre. Ho, du saucisson : moment gourmandise.

Y a des bouteilles d'eau de 5 litres. Je sais pas trop quoi en faire, ça serait utile, et j'aurais besoin de flotte, forcément. Mais à transporter... Je me pose un instant, pour imaginer quelques scénarii. Allez, au pire, je la balancerais. Faut juste que je trouve un moyen de l'attacher au sac. J'y vois pas grand chose, ça aide pas. Je décide de tout embarquer dans le hall, où y a un peu plus de lumière.

Y a encore une porte, je vais jeter un oeil. La réserve a été divisée en deux : ici, c'est pour le non-alimentaire. Je trouve des piles pour ma torche, j'en pleure presque. De la ficelle aussi, du gros scotch marron avec un nom que j'ai jamais réussi à prononcer correctement. Y a de tout, on dirait. Mais finalement, j'ai du mal à trouver quelque chose de réellement utile ; j'embarque un petit sac à dos et je ramène mon matos dans la grande salle.

Là, je fais le compte. J'ai de quoi tenir quelques jours. J'entreprends de bricoler avec les ficelles et du scotch un double sac à dos. Le petit se positionnera sur mon torse, le sac de sport fera contrepoids dans mon dos. J'essaye mon montage. Ca m'étrangle, pas cool. Va falloir que je le perfectionne.
Ca y est, j'ai trouvé la solution, j'ai des sangles qui me passent sous les bras. C'est pas le plus pratique des sacs de randos, mais ça me permet de pas abandonner tout ça sur place. J'ai du vider un peu de la grosse bonbonne de cristalline parce qu'elle me déséquilibrait, mais à présent, je ressemble à un apprenti campeur qui à peur de manquer. Sauf que là, je ne joue pas.

Bon, il va me falloir une sortie. La porte d'entrée : check. C'est juste un tas d'éboulis. J'en aurais pour des jours à me frayer un chemin. En dernier recours, donc. Je suis pas allé voir côté bureaux. Si ça se trouve, un de ces abrutis a laissé une fenêtre ouverte.

Ho, ho. C'est plutôt sécurisé, comme couloir. Des portiques, un scanner... Des fois que j'aurais mangé une grenade ? Bon, je passe sans encombre. J'entrouvre chaque porte latérale rapidement, jetant un oeil si y a pas une lucarne ou un puit de lumière exploitable. Je suis content d'avoir une torche qui fonctionne : apparemment, je suis dans le repère d'une bande de vampires marxistes. Plus ou moins.

J'ai croisé un autre baveux. Il marchait celui là. Enfin, il marchait face à un mur, ses pieds butaient contre la plainte. Il n'a pas daigné tourner la tête vers moi, malgré le faisceau lumineux de ma lampe. C'est tout de même intrigant, de voir un costume trois pièces aussi débile. J'espère que je chopperais pas son virus. Je m'essuie une perle de sueur au niveau de la tempe : allez, je m'enfile deux cachetons, en préventif.

Je suis arrivé devant une belle grande porte. Les poignets on l'air d'être en or : en tout cas, c'est jaune, et ça brille. Le battant est lourd.

Je suis dans le bureau de la Kommandantur, je crois. Un putain de meuble massif trône au milieu, avec l'une de ces petites lampes de bibliothèque old school vert anisé. Il y a même un porte crayon, et un sous-main en cuir. Il a l'air épais, je pourrais peut être m'en faire une protection ? Je l'attrape, teste la souplesse du machin. Plus de galère qu'autre chose. Je le laisse tomber sur le sol. Les murs sont remplis d'étagères, avec une masse de bouquins dessus et un tableau surplombe la pièce. Y a du plafond, on dirait une église, tiens.

Je m'attarde sur le gonze représenté. Il a la mâchoire carrée, un menton marqué ; l'arrête du nez est droite, les lèvres pincées, le regard perçant et bleu-vert. On dirait qu'il a les arcades un peu avancées, mais en tout cas, il a un grand front. Et ça n'aide pas, d'avoir la raie de côté, les cheveux -brun foncé- plaqués dans un unique sens latéral. Erf, il lui manque quand même une petite moustache. Le cadre porte un nom. LYSSENKO. Cool. Ca m'en fait une belle paire, de savoir ça. Je le salue de la tête, un brin moqueur.

« T'avais prévu que ça serait la merde comme ça, camarade ? »

Je ris. La solitude commence à me peser.

« Bon. Et tu voudrais pas me dire par ou je me barre de ce trou à rats ? Non, tu ne veux pas, on dirait. Tu as pensé à te laisser pousser la barbe ? Oué, tu t'en fous, j'imagine. Toi, tu dois être dehors, ou mort, et dans les deux cas, ça te fait bien marrer que je tourne en rond. »

Ma voix est déformée par mon masque sanitaire. Pas pratique, ce machin, je vais garder mon souffle, tiens, pour un truc plus utile que de parler à une croûte. Visiblement, je suis bon pour faire quelques jours de terrassement.

Je suis revenu dans le grand hall. Je suis pas trop mal, je me suis mis à l'aise, je bouffe bien, vu que les réserves sont à proximité. J'ai passé quelques temps à inspecter l'éboulis de la porte d'entrée, et j'ai remarqué une petite porte sur le côté. C'est peut être un accès privé pour les employés, et y aura toujours moins de taf que de tout charrier. Je m'y mets énergiquement.

J'ai réussi à découvrir la moitié de la porte. Un panneau indique « обслу&#1 078;ивани& #1077; ». Mon russe est rouillé. Je crois que ça veut dire Service. Je continue mes excavations. Ca remue pas mal de poussière, mais en même temps... j'ai bien que ça à faire.

J'ai réussi à dégager entièrement la porte. Bon, j'ai aussi provoqué un petit éboulement, qui a failli me coûter une jambe. J'ai un bleu de la taille d'une pastèque sur la cuisse. J'espère que ça valait le coup. Je continue mon exploration.

C'est un couloir, encore. Y a une sorte de guitoune pour un contrôle d'identité, avec badge, contrôle rétinien, dans les deux sens. Ce qui veut dire que mon aventure s'arrête là. Dans un renfoncement, j'ai quand même trouvé la porte des chiottes. J'allais finir par croire qu'ils ne se soulageaient jamais, ces gus. J'y fais un tour histoire de.Y en a un qui devait avoir une sacré courante. Tout a pété. Oué, mais ça ne change rien à mon affaire ça. Je vais pas me glisser dans un tuyau rempli de merde, quand même.

Bon, finalement, j'ai cogité. L'idée a fait du chemin. Il doit y avoir des égouts, pour drainer toutes les eaux usées et les tampons des secrétaires. Faut juste que j'y trouve un accès. Et c'est hors de question que je retourne tout en bas. Il me reste pas mal d'étages à parcourir, plus ou moins. Ca fait chier.

J'ai commencé à prendre le pli. Je fais des expéditions légères, je fouille prestement et efficacement, j'évalue les possibilités de fuite, je remonte au Hall. Ca fait deux jours que je fais ça. Je prends le temps. J'ai eu droit à un niveau spécial bidasse, mais pas une trace de matos militaire. Ca m'aurait bien aidé, pourtant. Un autre de cachots en tout genre, bien plus grand et large que mon étage. J'ai aperçu à travers le sas quelques gars encore enfermés. Ils ont mal tourné, le virus a du les avoir. Je ne comprends pas pourquoi il m'a épargné. Sans doute le masque respiratoire.

J'ai enfin trouvé ce que je cherchais. Un étage maintenance. En plus d'un mécano avec les veines tranchées, j'ai mis la main sur deux gros moteurs qui ne ronflent plus : ça devrait me permettre de me glisser sans trop de difficulté dans ces gigantesques boyaux de fer blanc. Et au sec, en plus. A vrai dire, je me demande d'où vient l'oxygène. J'aurais sans doute fini par m'asphyxier en solo. Allez va, c'est parti pour la gadoue. J'ai entrepris de me ménager un passage. Fait sombre, la-dedans, mais ça devient un peu une habitude.

Au début, je pensais que ça serait facile. J'étais un peu excité, faut dire, comme une pucelle de 45 ans qui voit enfin son premier phallus. Mais avec tout mon barda, à quatre pattes, je me rends compte qu'il y a peu d'air, et qu'il fait chaud. Putain de chaud oué. J'avance, mais va pas falloir que ce foutu tunnel m'amène sur un kilomètre comme ça, j'ai les genoux qui s'usent.

Bon bé voilà. Je suis arrivé au bout. J'entends de l'eau qui bouillonne, ce qui veut dire que mon conduit dégueu va déboucher sur un canal plus gros. Et sans doute plus puant. Je m'approche du cloaque, je balaie le vide d'un coup de lampe. Merde, il y a bien 5 bon mètres qui donne dans une bouillabaisse immonde de déchets et d'excréments. Il va falloir sauter ; je dois avoir un sacré mauvais karma. Je balance mon sac, qui s'enfonce dans la vase putride. Génial, faudra en plus que je face le sous-marin pour le retrouver. Au moins, y a l'air d'avoir du fond. Allez, j'y vais.

« Putain, je ne chérirai pas ton nom, Liberté. »

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Anastase de Mù, le marquis.

"Mon cher ami, ce crâne de gobelin siamois est magnifique ! Votre prix sera le mien."

Anastase De Mu | 27/10/14 21:53

Hum, les caractères cyrilliques ne sont visiblement pas pris en charge. Dommage. Dans l'ordre, je crois : ofisy, puis lazaret, restauran, puis reserve, et enfin obsluzhivaniye. Je crois. C'est une transposition en alphabet latin, rien ne dit que cela soit exactement cela.

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Anastase de Mù, le marquis.

"Mon cher ami, ce crâne de gobelin siamois est magnifique ! Votre prix sera le mien."

Tala | 28/10/14 06:00

J'aime beaucoup. Impressionnant comme le style est différent de celui du personnage Anastase. En tout cas, on s'y croit. Très bien écrit.

Tãla la louve,
Fille de Lune

Anastase De Mu | 10/11/14 21:34

Merci, au moins tu as eu le courage de lire ce vilain pavé ^^ ! C'est effectivement un univers un peu "sale" ou l'on peut croiser beaucoup d'horreurs, du coup, j'essaye de créer une ambiance un peu oppressante. C'est un coup d'essai. :)

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Anastase de Mù, le marquis.

"Mon cher ami, ce crâne de gobelin siamois est magnifique ! Votre prix sera le mien."

Bart Abba | 20/11/14 15:59

Excellent ! J'adore c't'ambiance bien pourrie !! :D Et le style ! Bravo ! :b :b :b

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Bart Of Ze Horde
Nul n'est censé ignorer la Horde.

Millepintes | 26/11/14 22:42

Belle plume, et chouette ambiance, glauque à souhait.

Hipollene | 14/07/15 20:38

Superbe! A suivre ?

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Hipollène La Découvreuse

Autour de la maison l'arbre sans fin dort encore.
Il n'a pas de début pas de fin.
Au bout d'une branche il y a toujours une autre branche. Et des feuilles. Beaucoup de feuilles.

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Anastase De Mu | 03/10/15 10:44

pour vous prevenir que fractal a repris (7eme version) apres un an et demi d'absence. vous demarrez dans les egouts, une carte un peu particuliere qui permet de regrouper les joueurs avant la sortie dans le desert, et aussi d'eliminer les zombis (les joueurs qui n'ont pas le courage de continuer et qui abandonnent leur perso).

la communauté est vivace. il y a pas mal de rp pour un debut de version. c'est un jeu bac a sable, du survival post apo, ou voys pouvez autant incarner un idealiste qui veut recreer une societe qu'un taré consanguin pillard et violeur. jeu adulte toutefois, on traite de torture, cannibalisme, sexe, drogue, meurtre, maladie...

n'hesitez pas a vous signaler si vous souhaitez que l'on y fasse un peu de rp !

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Anastase de Mù, le marquis.

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