Forum - [RP Serviettsechdhil] Transaction
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Ul'eequuth | 19/03/07 11:57
Le vent claquait sur le port de Serviettsechdhil et dans les cheveux grisâtres d'Ompu le marchand, qui, debout sur un ponton, les yeux plissés vers l'horizon et les bras croisés sur son ventre flasque, se disait que s'il avait su que son client arriverait tellement en retard, il aurait prévu un manteau un peu plus épais.
Cela dit, vu le pétrin dont le tirait celui qu'il attendait, Ompu pouvait bien tolérer ceci. L'acheteur traversait les mers pour un lopin de terre et une entreprise moribonde. Ompu avait attendu un peu trop longtemps pour vendre, et il avait longtemps craint de ne pas trouver preneur pour son commerce ; la crise économique que connaissaient actuellement Serviettsechdhil et Serviettmouillédhil ne tentait pas grand monde, sinon quelques fous qui n'avaient plus rien à perdre, et les commerces de ceux qui avaient abandonné la partie se vendaient moins cher qu'une breloque à un nain après deux heures de marchandage... Pourtant, Ompu avait fini par trouver un acheteur, et, surprise, qui l'avait payé grassement, bien plus en tout cas que ce que ne méritait la propriété dans l'état où elle se trouvait actuellement. Bien sûr, en bon marchand, Ompu n'avait pas protesté, tant pis si l'autre était un pigeon : qu'il vienne se coltiner ce commerce que son actuel propriétaire se traînait comme un boulet depuis quelque temps. Le marchand, lui, prendrait enfin ses cliques, ses claques et ses bénéfices soigneusement engrangés au fil des transactions avec son partenaire sur Serviettsechdhil, et il irait voir ailleurs.
Pendant qu'il songeait à ceci, la silhouette d'un navire s'était profilée sur la mer nerveuse, et, toutes voiles dehors malgré la violence du vent, cinglait droit vers Ompu, manifestement menée d'une main de maître, vu la difficulté que cela devait représenter sur des flots où grondait la tempête. Le marchand la considéra un instant. Son client lui avait décrit le pavillon qu'il devrait guetter ; Ompu s'acharna donc à distinguer les couleurs que battait le navire.
« C'est bien lui, » murmura-t-il.
Le pavillon arborait un bleu marine profond sur lequel s'étalait une forme noire disposant de cinq appendices allongés, rappelant une main ou peut-être une pieuvre ou une araignée torturée, le tout rehaussé de fils d'argent visibles de loin. Pas le genre d'armoiries rouge et or affichant lions et dragons qu'on trouvait chez les familles de guerriers... Celles-ci évoquaient plutôt à Ompu le prêtre de quelque culte souterrain, le mage aux expériences inavouables, mais ce n'était pas ses affaires. Tant qu'il payait...
Il resta là à frissonner dans le vent jusqu'à ce que le bateau accoste le port. Le vent dans les voiles, il filait tout droit vers la côte, et Ompu se demanda un instant s'il s'arrêterait à temps ; mais l'équipage, qui parvenait déjà à le contrôler malgré la violence du vent, semblait expert. Le bateau mouilla pile devant le marchand, sans la moindre casse, et une passerelle jaillit de son flanc pour venir claquer sur le ponton aux pieds d'Ompu.
Son appréhension passée, ce dernier salua poliment les membres d'équipage qui s'affairaient sur le pont. Aucun ne daigna lui répondre, ni même tourner la tête vers lui. La politesse laissait à désirer. Ompu eut un reniflement de dédain, puis se désintéressa de ces sous-fifres. Il attendit sagement que son client vienne à sa rencontre.
Ce ne fut pas long. Bientôt, une silhouette massive descendit le long de la passerelle. Elle n'était guère engageante : haute de plus de deux mètres et large d'au moins un mètre cinquante, elle était entièrement vêtue de cuir noir, tête et visage y compris : pas la moindre fente pour les yeux ou le nez. Une cape également noire flottait derrière l'individu, et pas un centimètre carré de sa peau n'était visible, à la notable exception de sa main droite. Celle-ci était nue et maigre, et sa peau parcheminée semblait bleuâtre et plissée, comme celle d'un cadavre oublié dans l'eau. A son annulaire brillait une lourde chevalière en or reproduisant les armoiries du pavillon et sertie sur son anneau de petites pierres rouges aux reflets noirs. L'oeil d'Ompu fut instantanément attiré par cette main plutôt que par le corps intégralement noir, et il remarqua qu'elle semblait bien menue par rapport à ce dernier. Globalement, l'effet provoqué était plutôt malsain. Ompu sentit deux ou trois gouttes de sueur perler à son front, et il tenta de dissiper sa gêne en prenant la parole, s'adressant à l'étrange géant qui le toisait :
« Seigneur Ul'Eequuth ? »
Un instant de battement ; puis, avec lenteur, l'homme en noir hocha la tête, une seule et unique fois. Sans rien dire. Ompu considéra donc qu'il s'agissait d'une réponse en bonne et due forme et reprit :
« Je suis Ompu Heltibel, le marchand avec lequel vous avez échangé des pigeons. Tout est prêt pour la transaction. Je vous invite à venir avec moi dans cette taverne, là-bas. J'ai réservé l'arrière-salle pour que nous concluions cette affaire dans le calme. »
Nouveau hochement de tête. Le seigneur Ul'Eequuth semblait plutôt avare de paroles. Bon, au moins ce serait vite terminé.
Ompu et Ul'Eequuth se dirigèrent vers la taverne désignée, un établissement modeste coincée entre deux hangars, le genre de tripot dans lequel se rendent les marins pour boire leur paie en une nuit lors de leurs escales. Y pénétrant, ils traversèrent la salle à l'air vicié et, après avoir brièvement salué le patron, franchirent une porte étriquée qui força Ul'Eequuth à baisser la tête et à y entrer de côté. A l'intérieur les attendait une table, deux chaises, une pile de paperasses et deux encriers assortis de plumes. D'un geste, Ompu invita son client à prendre place, ce qu'il fit en arrachant un gémissement plaintif au siège choisi, puis l'imita. Le marchand se racla la gorge et commença :
« Hrm, bien... Seigneur Ul'Eequuth. Nous avons déjà convenu des modalités et du prix. Vous voyez, il ne vous reste qu'à lire ce contrat pour vous assurer que tout est en ordre, à le signer, à payer, et tout est à vous. »
Joignant le geste à la parole, il tendait à son vis-à-vis deux parchemins couverts d'une petite écriture soignée mais serrée. Ul'Eequuth les saisit lentement de la main gauche et, au grand étonnement du marchand, les glissa sous la droite, celle qui était bleue et fripée, sans même les lire. Deux secondes passèrent, puis la main gauche de l'homme, à gestes toujours aussi lents, passa derrière son dos et en ramena une, puis deux bourses rebondies. Ompu eut un sourire en les voyant. Il ramena son regard sur les contrats qu'avait toujours Ul'Eequuth, et son expression se mua instantanément en un masque d'effroi.
Les parchemins n'étaient plus sous sa main droite, ou plutôt, sa main droite n'était plus sur les parchemins - elle semblait avoir proprement disparu, tandis que le roc de cuir noir qu'était Ul'Eequuth n'avait pas bougé d'un poil. En proie à la panique, Ompu recula sa chaise d'un bon mètre, cherchant frénétiquement du regard la main baladeuse. Il l'aperçut près de la pile de documents, tirant une feuille vierge vers elle. Hypnotisé, le marchand la regarda ensuite avancer sur la table à la façon d'une araignée puis se saisir de la plume et s'en servir pour tracer quelques mots, avant de pousser la feuille vers Ompu. Il se pencha avec appréhension et lut :
Ompu ~ Heltibel, Savez ~ Vous ~ Ce ~ Qu'Est ~ Une ~ Liche ?
Le marchand reconnaissait la calligraphie particulière : il n'y avait pas à s'y tromper, la seule fois qu'il l'avait rencontrée, c'était sur les pigeons envoyés par Ul'Eequuth. C'était donc bien son client, cette... liche ? Il fouilla un instant dans ses souvenirs pour y chercher une mention de ce mot. S'il ne se trompait pas, ç'avait à voir avec la nécromancie, des morts-vivants avec des pouvoirs magiques... peut-être comme les vampires...
Il ne répondit pas. La main continuait à tracer soigneusement ses grandes lettres :
Je ~ Suis ~ Une ~ Liche, ~ Un ~ Mage ~ De ~ Grande ~ Puissance ~ Dont ~ L'Esprit ~ Fut Scellé ~ Dans ~ Une ~ Partie ~ De ~ Mon ~ Corps ~ Après ~ Ma ~ Mort. Je ~ Ne ~ Suis ~ Plus ~ Que ~ Cette ~ Main. Le ~ Corps ~ Assis ~ A ~ Cette ~ Table ~ N'Est ~ Pas ~ Le ~ Mien ; C'Est ~ Un ~ Zombie ~ Du ~ Nom ~ De ~ Soma ~ Qui ~ Me ~ Sert ~ A ~ Evoluer ~ En ~ Société. Si ~ Je ~ Vous ~ Raconte ~ Tout ~ Ceci, C'Est ~ Pour ~ Que ~ Vous ~ Compreniez ~ Bien ~ Que ~ Je ~ Maîtrise ~ De ~ Nombreux ~ Sortilèges ~ Dont ~ Le ~ Moins ~ Puissant ~ Pourrait ~ Vous ~ Réduire ~ En ~ Cendres ~ Sans ~ Le ~ Moindre ~ Effort ~ De ~ Ma ~ Part. Voilà ~ Ce ~ Que ~ J'Attends ~ De ~ Vous. Quand ~ Vous ~ Aurez ~ Signé ~ Et ~ Pris ~ L'Argent ~ Qui ~ Vous ~ Revient, Quittez ~ Serviettsechdhil ~ Et ~ Ne ~ Revenez ~ Pas. Effacez ~ Moi ~ De ~ Votre ~ Mémoire. Ne ~ Parlez ~ Jamais ~ De ~ Moi ; Dans ~ Le ~ Cas ~ Contraire, J'En ~ Serai ~ Immédiatement ~ Averti. ~ Est ~ Ce ~ Clair ?
Ompu lut soigneusement ces mots en s'efforçant en vain de ne pas trembler. Quand il fut certain d'avoir compris, il hocha frénétiquement la tête.
« Bien sûr, seigneur Ul'Eequuth, tout ce que vous voudrez, je ne suis là que pour faire cet échange et ensuite je pars, loin, très loin, vous n'aurez pas à vous plaindre de moi. »
Bien. Je ~ Suis ~ Heureux ~ De ~ Constater ~ Que ~ Vous ~ Êtes ~ Raisonnable.
Après avoir tracé ces mots, Ul'Eequuth se redressa, étira ses jointures puis retourna sur les contrats, près desquels Soma, le corps vêtu de noir, était resté parfaitement immobile tout le long de l'atypique échange. La liche apposa une signature complexe sur un parchemin puis l'envoya d'une pichenette à Ompu, qui l'imita d'une main tremblante. Ils firent de même pour le deuxième. Après quoi, tout en gardant un oeil sur Ul'Eequuth, le marchand prit les deux bourses et les empocha, sans précipitation, de sorte qu'il pouvait arrêter son geste à tout moment si la main diabolique montrait un quelconque signe de contrariété. Ul'Eequuth ne réagissant pas, Ompu prit également l'un des exemplaires du contrat et se leva.
« Eh bien, c'était un plaisir de faire des affaires avec vous, seigneur Ul'Eequuth, » chevrota-t-il mécaniquement.
Il n'attendit pas de réponse, ne guetta pas de réaction de la part de la liche, et se contenta de sortir en trombe de la petite pièce. Il s'extirpa de la taverne et, une fois dehors, respira plusieurs fois très profondément le vent violent qui rugissait sur le port. Comme souvent quand l'esprit étriqué de l'humain est confronté à une telle situation, le marchand se dit qu'il avait dû rêver, que l'apparence étrange de son client avait laissé libre cours à son imagination et qu'il lui faudrait arrêter de boire cette bière achetée au marché noir qu'un petit artisan produisait de l'autre côté du Doigt et lui passait en les dissimulant dans les cargaisons de serviettes... Ca ne lui réussissait pas. De toute façon, bientôt, il serait loin de ces continents en déclin et il ne goûterait plus à cette bière, de fort mauvaise qualité d'ailleurs. Mais comme prudence était mère de sûreté, il éviterait à l'avenir de prononcer le nom d'Ul'Eequuth...
Il tâta les bourses pleines et eut un pâle sourire soulagé. Son navire devait déjà l'attendre.
***
Ul'Eequuth, les doigts caressant doucement le bois noirci de la table, retourna auprès de Soma et se fixa confortablement à son poignet. Les pierreries de sa chevalière luirent intensément l'espace d'un instant, puis redevinrent ternes. Le contact était rétabli.
*Soma, que penses-tu de l'humain ?*
*Peur.*
*Oui. Je l'ai senti aussi. Pas d'inquiétude à avoir de ce côté-là, il est de la race des faibles facilement impressionnables... Je n'ai eu qu'à communiquer avec lui par écrit pour le faire fuir. Tant mieux, ç'aurait été dommage de gaspiller un sort sur lui.*
*Satisfait ?*
*Très. Retournons au navire chercher tes frères, maintenant. Nous avons un empire à établir.*
*Oui, Maître.*
Doob | 19/03/07 14:19
Belle entrée en matière !! Bravo ! 
Black Mamba | 21/03/07 18:14
Oui, joli ! ça donne envie de s'y mettre ....
Baramir d'Eckmöl | 29/03/07 13:40
Beurk beurk beurk...
Et voilà en plus un nécromancien... encore heureux qu'il ne soit pas tomber dans une fabrique de serviette mouillée

