Forum - Mémoires et archives perdues. [2]
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Celimbrimbor | 20/01/25 19:40
Cette histoire se déroule dans la joie du monde, quand la magie se trouvait encore partout libre et chaleureuse. Les sept couronnes n'existaient pas encore et Jüdor ignorait tout de la catastrophe qui l'attendait. Les continents s'offraient à la découverte des passants et promettaient des merveilles au-delà de leurs monts ─ et tenaient leur promesse. Les dryades et les faunes, les kelpies et les selkies, les sylphides et les ifrits, les orcs et les gobelins, toute sorte de créature disparues erraient encore, seules ou en bandes, en villages, en pays. Celimbrimbor Elanden n'y était qu'un voyageur parmi d'autres, pas plus libre, pas plus aventureux, et qui comme eux se laissait guider par les vents. Il explorait, consignait, apprenait les vastes contrées qui s'étendaient au-delà de sa forêt avant d'y retourner pour repartir encore. Cette histoire se déroule dans la joie du monde.
Il avait finalement atteint le bord d'un monde. Les pieds ballants, assis sur le rebord d'une falaise, il regardait les vagues peser sur les rochers. Le son lui était parvenu bien avant les images et il avait couru jusqu'à ce que la lèvre du précipice ne donnât plus sur la banalité bleue du ciel mais sur la verdure infinie de l'océan. Quand il était arrivé, le soleil jaillissait à sa droite. À présent, il s'affalait à sa gauche, brûlant les toits d'une cité. Il faudrait bouger. Les humains avaient l'habitude de fermer les portes de leurs murailles pendant les nuits, comme si le danger ne surgissait qu'à la faveur de l'obscurité. C'était une habitude comme une autre, sans doute. Lui voulait rentrer d'abord pour dormir au chaud. Ce n'était plus l'hiver mais le printemps charriait encore suffisamment de froid dans ses soirs et matins pour justifier la dépense d'une auberge. En pensant à la dépense, il fouilla dans la doublure de sa ceinture pour en tirer quelques pièces. Tantôt elles arboraient une face, tantôt des symboles, prenaient des formes différentes voire se trouaient au milieu. Peut-être se trouvait-il dans ce fatras la monnaie en vigueur dans cette ville. Avec un peu de chance, les pièces triangulaires feraient l'affaire, il les avait ramassées dans un territoire pas très loin et, pour tout préoccupés de leur frontière qu'étaient ces humains, cette étanchéité s'effondrait assez vite face au commerce. Il en avait parlé à Dublis, d'ailleurs, en repassant par Jüdor. Il fallait être prudent dans les échanges avec ces gens et ne montrer ni trop, ni trop peu. Il y aurait du danger, là, un jour. Il lui avait aussi demandé s'il voulait l'accompagner et le militaire, toujours à sa charge, avait répondu non.
Il se leva et brossa l'arrière de son pantalon de toile. Il fallait bouger, et repenser à Jüdor ne le conduirait qu'à rester assis et regarder le vide jusqu'à se rendre compte que la nuit était très largement passée. Debout, dans cette zone limite où l'herbe le cédait à la roche, la tentation de plonger le saisir. Tomber vers les eaux bouillonnantes mais froides pour s'enfouir dans la mer, aller toucher le fond, en ramener une pierre. Droit, il obliqua vers l'avant, le corps gainé, les orteils dans les bottes recroquevillés comme plantés dans le vide. Une pierre, lisse et polie, témoin du temps, un objet inutile mais magnifique, qui lui rappellerait que tout passait autour alors qu'il demeurait. Le vent remontait des profondeurs et l'attirait à lui. Il pourrait le faire, cela ne lui coûterait pas grand-chose, un peu d'énergie pour briser l'eau avant sa chute, un peu d'air à emporter avec lui et un dernier effort pour remonter et fulgurer jusqu'au sec. Dans l'angle aigu qu'il formait avec la falaise, il hésita. Malgré l'écume, il était persuadé de pouvoir discerner, après les rochers saillants, le fond et les cailloux pas encore changés en sable. En levant le pied, il se redressa un peu, esquissa un pas
cessa de regarder les flots pour ne plus que les entendre. Combien de promesses de liberté trompeuses nichaient dans l'écume. Il sourit. Devant lui, la plaine s'étendait jusqu'à la petite forêt où des filets de brumes naissaient doucement. Il était temps de partir, effectivement, l'humidité l'assaillirait bientôt par les deux bords. L'elfe ramassa le long manteau de laine qu'il avait acquis dans un village en amont et qu'il revendra en bas, passa la courroie de sa sacoche au-dessus de la tête puis se mit en train. La voie était facile, il suffisait de garder la falaise à main droite en espérant finir par trouver un chemin. Il n'avait pas envie de glisser vers la route qu'il voyait entrer en ville mais qui venait de beaucoup plus loin par rapport à la forêt dont il était sorti ce matin. Bah. Ça irait quand même. Ces landes jouaient souvent un rôle de pâturages pour du bétail, il finirait bien par tomber sur des bêtes quelque part, et des bêtes aux bergers il y avait rarement long. Au pire, des chiens de garde l'accueillerait et il avait toujours bien aimé les animaux. Y compris les loups qui l'avaient failli abattre des années de cela, à sa première sortie. Ils avaient eu l'avantage de lui apprendre quelque chose, ce qui les distinguait assez de beaucoup de ses rencontres.
Quelle sorte d'humains croiserait-il ? Sa curiosité, alors qu'il courait déjà à bonne allure, les yeux vagabondant ci et là pour éviter les ornières et les rochers traîtres, s'aiguisait déjà. Ces rencontres possédaient pour lui un aspect divertissant dont elles n'arrivaient pas à se départir quelles que fussent les conséquences. Rencontrer ces bêtes curieuses était une joie toujours renouvelée et il se demanda quelle forme d'asservissement ils allaient lui montrer cette fois-ci. C'était le point commun à toutes ses rencontres avec l'humanité. Peu importait l'endroit ou le temps, elle succombait toujours à une servitude ou une autre, et toujours de façon volontaire. La dernière grosse colonie qu'il avait croisée, plus tôt cette année, après un passage de col catastrophique, se vautrait dans une obéissance paresseuse et injuste à une caste de gens qui se prétendaient supérieurs. Ils arguaient d'un droit historique, d'une pureté de sang ou d'il ne se souvenait plus très bien quoi, et les autres semblaient d'accord. Un émerveillement sans fin.
Il sauta un petit ru qui formait un court fossé. Avec un peu de chance, et si sa vision de la ville là-bas ne le trompait pas, il serait confronté à une organisation différente, ne serait-ce qu'à cause de la population. Il avait estimé plus d'une deux-centaines de toits, avec des bâtiments visiblement prévus pour accueillir plus d'une seule personne voire famille, s'il en jugeait par les étages. Il avait déjà vu ça, ailleurs, dans une ville dont le nom ne lui revenait pas et ne lui reviendrait jamais sans doute. Des hauts immeubles en bois, plus rarement en pierre, qui se portaient eux-mêmes tant bien que mal. Des rumeurs lui étaient parvenues d'effondrement ou d'incendie et il présumait que peu de choses aussi catastrophiques pouvaient se produire.
Là, sous ses pieds, le paysage s'effondrait lentement en pente douce, vers sa gauche. Ce n'était pas la bonne direction, mais peut-être ? Oui, le plateau tombant dessinait les pentes d'un vallon dont il ne voyait pas le fond mais qui abritait sans doute un fleuve, sinon à quoi aurait-il servi ? Il obliqua malgré le recul mais au moins cela l'amènerait à la bonne hauteur. Au temps pour sa prédiction sur les bêtes néanmoins, ce qui l'attristait un peu, sans qu'il ne comprît pourquoi.
La déclivité était douce, le soleil continuait son chemin habituel, il fallait qu'il se pressât aussi accéléra-t-il le pas au point de se contraindre à respirer pour ne pas s'essouffler. Ah ! Dublis aurait pu courir ainsi sans effort. Mais Dublis était resté dans les forces militaires de Jüdor et s'entraînait plus que lui. Il ne l'avait jamais vraiment battu aux jeux athlétiques et cela l'agaçait terriblement. Qu'il essuyât quelques défaites ici ou là contre les autres, pourquoi pas. C'était acceptable et assez prévisible d'ailleurs, mais qu'il ne pût jamais marquer plus d'un point contre Lendlor l'ennuyait. Il avait passé cinq ans à lui courir après, à se hausser à son niveau martial sans jamais réellement l'atteindre, dans un effort qui avait payé tout en restant vain. Un sourire naquit sur son visage. Il continuerait de viser, cela finirait par payer. Déjà, d'ici deux ans, Dublis serait obligé de prendre congé de l'armée, il pourrait l'accompagner à l'aventure ! Combien de joies connaîtraient-ils ensemble. Là, dans les forêts et les landes du monde, ils verraient qui serait le plus apte des deux. Et que Celimbrimbor se sût déjà perdant ne gâchait en rien le plaisir anticipé, tant et si bien qu'il prenait à peine garde aux cahots de l'absence de chemin et esquivait pierre et chausse-trappe dans la force de l'habitude.
Derrière lui, son ombre qui s'étendait pour rejoindre l'infini des ombres disparut tout à fait quand il toucha le chemin qui longeait la rivière. Le soleil ne rasait plus et la lumière, au fond du petit val, tenait de l'ambiance plutôt que de l'éclairage. Il s'arrêta un instant. Le chemin était plat, entretenu car les roues des chariots ne l'avaient pas défoncé, et assez droit. Bien. Combien de distance lui restait-il ? D'ailleurs, quelle mesure allait utiliser ces gens-là ? Une lieue quelconque, des stades, furlongs ou parasanges ? Il en avait tellement vu dans ses voyages et qui correspondaient toujours à peu près mais jamais correctement qu'il en fatiguait d'avance. Les peuplements humains étaient rarement d'accord sur quoi que ce soit, et leurs fantaisies dans la mesure des distances incarnait parfaitement cet état. Bon, il compterait en allant, pour peu qu'il trouvât un point de repère sur le chemin.
Il reprit la course, plus facile grâce au terrain dont il n'avait plus besoin de se préoccuper, même vaguement. Tant que les étoiles n'apparaissaient pas ou que la lune ne devenait pas la principale source de lumière, les portes ne seraient peut-être pas fermées. Il prépara quand même plusieurs arguments à soumettre à d'éventuels gardes qui le laisseraient entrer. Au pire, un peu de magie aiderait s'il n'arrivait pas à les convaincre. Sarsi et lui s'était longuement disputés à ce sujet avant qu'il ne partît pour la deuxième fois. Fort de sa première expérience avec les humains, il avait argué qu'ils étaient relativement stupides, en tout cas toujours plus que la plupart d'entre eux, et que, de ce point de vue, pouvaient, voire devaient être usés à loisir quand l'occasion se présentait. De son côté, et sans jamais les avoir côtoyés, elle soutenait l'idée que quand bien même ils paraissaient idiots, ce n'était qu'une illusion relative et que quand bien même elle s'avérerait dans les faits, eh bien ils existaient. De là, les utiliser était impensable. Une position simple mais qui avait le mérite d'être claire. Dommage qu'elle ne fût pas sortie avec lui pour vérifier, elle se serait rendue compte qu'elle avait en partie raison, et lui avec. À son retour, quand ils iraient se promener avec Dublis et Alme et les autres, il lui en parlerait.
Depuis combien de temps courait-il ? Depuis la falaise, pas loin de deux heures. Depuis le chemin, sans doute un gros quart d'heure. Ah ! Voilà ! Son horizon se déboucha quand la route obliqua. Les remparts de la ville n'étaient plus très loin, plutôt la palissade, c'était des troncs d'arbres ou des planches, il ne voyait pas encore très bien. Sans doute aussi l'explication des ruines de forêt qu'il avait vues ici et là. Il commença à ralentir l'allure, les portes étaient ouvertes, sans qu'aucun flot n'y passât. En pensant à ça. Le fleuve entrait en ville. Comment défendaient-ils cette entrée ? Par une grille, une porte, une écluse ? Il n'avait pas fait attention à la physionomie de la rivière. Peut-être était-il navigable ? Il verrait cela plus tard, quand il en aurait quelque chose à faire.
Les gardes l'avaient vu. Au pas, désormais, il épousseta ses vêtements distraitement et rabattit la capuche de son manteau pour masquer son crâne. Il pourrait, dans l'obscurité naissante, jouer avec les ombres et prétendre être un humain un peu grand. L'expérience lui avait prouvé, souvent, encore et toujours, qu'il valait mieux rester prudent avec ces gens-là. Ils avaient du mal avec l'extranéité, encore plus quand elle était étrange. Se rapprochant, il leva les mains, paumes ouvertes vers les gardes.
« Bonsoir ! Je cherche abri pour la nuit.
─ Vous en trouverez en ville. Un temps. Des marchandises à déclarer ?
─ Je suis un voyageur, pas un marchand.
─ L'octroi vous épargnera, alors. Un rire. Allez, entrez. La nuit tombe, nous allons fermer.
─ Merci ! »
Eh bien, voilà qui avait été facile. Il passa la porte et l'épais rempart, deux palissades remblayées et le bruit de la ville le frappa de plein fouet.
Celimbrimbor | 20/01/25 19:40
(Nous verrons où cela va, si cela va quelque part. Celim.)
Celimbrimbor | 24/01/25 21:30
Té, merci, c'est gentil ça !
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