Forum - Mémoires et archives perdues [3].]

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Celimbrimbor | 04/04/25 18:19

Cette histoire se déroule dans la joie du monde, quand la magie se trouvait encore partout libre et chaleureuse. Les sept couronnes n'existaient pas encore et Jüdor ignorait tout de la catastrophe qui l'attendait. Les continents s'offraient à la découverte des passants et promettaient des merveilles au-delà de leurs monts ─ et tenaient leur promesse. Les dryades et les faunes, les kelpies et les selkies, les sylphides et les ifrits, les orcs et les gobelins, toute sorte de créature disparues erraient encore, seules ou en bandes, en villages, en pays. Celimbrimbor Elanden n'y était qu'un voyageur parmi d'autres, pas plus libre, pas plus aventureux, et qui comme eux se laissait guider par les vents. Il explorait, consignait, apprenait les vastes contrées qui s'étendaient au-delà de sa forêt avant d'y retourner pour repartir encore. Cette histoire se déroule dans la joie du monde.

Atlis était un jeune homme qui avait quitté la maison de ses parents beaucoup trop tôt et dans des circonstances beaucoup trop tragiques pour vouloir s'en souvenir tous les matins. Il avait, alors, vécu sur les chemins et les routes, au gré des sympathies et des antipathies. La légende qu'il construisait autour de lui dans le petit pays qu'il se connaissait voulait qu'il eût survécu en mangeant les glands des chênes à même la terre comme un sanglier vautré dans sa fange, ou bien qu'il bût l'eau des pluies qui glissait dans les feuilles des lierres qui poussaient ci et là. Ce mythe grandissant prétendait aussi qu'à cette époque il apprit les arts du combat. Peut-être est-ce la seule partie des rumeurs qui ne soit pas entièrement fausse. Il fallait bien qu'on lui enseignât quelque part. Gamin habile et leste déjà avant les drames, la survie lui avait inculqué la rouerie et quelqu'un, après, s'était chargé du reste.

Il savait tenir une épée, Atlis, et décocher un coup de poing ou un coup de pied, voire, quand les membres étaient un peu encombrés, un coup de tête. Mieux encore, il savait les placer. Que cela lui vînt d'exercices répétés jusqu'à la nausée ou d'échauffourées rageuses importait peu que la leçon finale : mieux valait ne pas se trouver en face de lui quand les coups pleuvaient. Atlis savait frapper, et bien. Sur ce point, sa légende ne mentait pas et tant mieux, d'une certaine façon, car c'était là qu'elle avait commencé.

On racontait aussi de par les terres qu'Atlis avait trouvé refuge, au mitan de l'adolescence, dans une bande de brigands du cru, des gars pas trop gaillards mais suffisamment pour faire la différence entre mourir comme des chiens et abattre d'autres gens comme des chiens. Nécessité faisait loi même s'ils prétendaient former une sorte de famille qui se serrait les coudes et qui cherchait d'abord noise aux riches et aux bourgeois. Des chroniqueurs ou chroniqueuses avides de succès expliqueraient sans doute que c'était assez faux, des mensonges pour se donner bonne conscience et que, si effectivement les conditions économiques de l'époque poussaient vers la brigande une partie des populations, il faut également considérer que les productions agricoles, sylvicoles ou piscicoles fournissaient des travails, certes difficiles mais réels, et demandaient une main d'œuvre constante. Jeter la pierre d'un côté comme de l'autre servirait à peu de choses. Toujours est-il que cette petite bande recueillit Atlis comme un des leurs.

Là aussi, il avait appris des choses. L'absence de pitié, la prise de décision rapide, une capacité pour la violence raisonnée et extrême dans un temps court, la détermination à mener un objectif à son terme. Au-delà de l'apprentissage plus ou moins forcé de qualités particulières, il avait surtout développé ce qui se trouvait déjà en germe chez lui et n'attendait plus qu'un environnement propice pour advenir. Il s'endurcit, gagna en maturité et, deux ans, trois ans après son arrivée dans la troupe, il s'imposa comme chef, dans la violence, bien entendu. S'en suivirent quatre mois terribles qui poussèrent le suzerain local à lever le ban et mener une longue battue de plusieurs jours dans les forêts, bois, campagnes et marécages pour faire cesser les rapines de plus en plus audacieuses. À savoir que, sous la tutelle de leur nouveau meneur, les brigands avaient bien entamé le capital des bourgeois des villes, délaissant les terres agricoles pour aller chercher l'argent là où il se trouvait en réalité. Or, et c'est une chose commune aux siècles des humains, quand l'argent est attaqué, la force répond. Dont acte. Et pendaisons.

Atlis était sorti des bois, littéralement aussi, au début printemps, non loin d'un village. Il avait atterri sur la place, épuisé et hagard, les vêtements en désordre et affamé. L'ancien le questionna et il lui fut répondu des mensonges assez vrais pour être crédibles et suffisants pour indiquer que le jeune homme qui épuisé se trouvait dans une situation épineuse qu'il valait mieux ignorer. Il avait au moins eu la politesse, ou l'élégance, ou l'intelligence, d'abandonner ailleurs les armes qui lui avaient permis de passer entre les mailles du filet. Il était redevenu innocent et propre, par cette seule prouesse.

De nouveau, il fut accueilli. Et de nouveau, il fit ses preuves, mais cette fois-ci sans violence. Au contraire, il intégra la cohorte des hommes des champs et apprit à cultiver la terre comme le bétail, à agir avec la nature et plus contre elle, à suivre le rythme qu'elle dictait plutôt que chercher à en imposer un. Son corps, déjà éprouvé par la vie au grand air des forêts, s'affermit encore, perdit en sécheresse au profit d'un peu de profondeur et d'endurance. Il apprit la patience, à ne pas se laisser emporter par ses envies parce qu'il le pouvait et, finalement, jour après jour, mois après mois, se laissa prendre à aimer sa petite vie dans ce petit village.

Il dut néanmoins le quitter quand des hommes du suzerain passèrent et le virent et crurent reconnaître dans le presque adulte qui s'abritait sous un pommier la silhouette d'un animal pire qu'un homme qu'ils avaient échoué à abattre, deux hivers de cela. Ils n'en étaient pas sûr, mais le doute les prit et Atlis s'enfuit plutôt que de les laisser confirmer leurs soupçons. Et plutôt que de retourner survivre de vols et de canailleries, il décida de se faire mercenaire particulier. Lui, plutôt, pensait en termes de héros.

Atlis se nomma Atlis à cette occasion et se présenta ainsi, de ville en village, de bourg en capitale, dans les auberges et les relais, épée et force à louer, pour aider quiconque dans le besoin et qui pourrait payer. Il se tailla une solide réputation au fil des ans, sans jamais réellement faire des coups d'éclats. Cela lui suffisait et, d'une certaine manière, il se préoccupait peu de savoir s'il allait devoir récupérer un chat égaré ou aller affronter une petite bande d'orcs en maraude loin de leurs terres. Cette vie, pour tout erratique qu'elle était, lui paraissait synonyme de liberté. Et puis, s'il lui restait encore des crimes à payer, chaque fois qu'il aidait ou sauvait quelqu'un ou quelqu'une, il lui en semblait rester moins.
Ce matin-là, il avait poussé la porte d'un relai de poste et s'y était installé pour la journée et la nuit à venir. C'était les premiers jours de repos qu'il s'accordait depuis trois semaines et, à dire vrai, la fatigue le tenait tout de même. Il n'avait plus vingt ans, ni trente d'ailleurs, et traquer une ondine dans un pays de rivière ne lui était plus aussi facile qu'avant.

Atlis donnait une image étonnante, assis sur sa chaise dans un coin de l'auberge, le dos au mur et le regard tourné à la fois vers l'entrée et les portes des cuisines et de l'arrière salle. Toujours grand, toujours musclé, ses longs cheveux blonds cascadaient en désordre autour de lui et lui faisait une auréole à laquelle on aurait presque cru. Il avait les yeux verts sertis dans un visage sec mais souriant. Il avait vécu mais la bonne humeur lui était resté malgré les tragédies et les meurtres. Il ne portait pas la barbe, mais ce n'était pas faute d'essayer. La dernière fois qu'il l'avait laissée pousser, priant des dieux inconnus même de lui, il avait entendu les murmures des enfants comme des femmes qui se moquaient des touffes de mauvais poils qui venaient lui gâcher la face et le menton. Depuis, il rasait, scrupuleusement.

À un moment, il avait appris à lire, aussi. Et dans les romances qu'il dénichait ici et là revenait souvent l'histoire d'une jolie chatelaine ou d'une bourgeoise ou d'une femme qui tombait éperdument amoureuse du héros qui venait la sauver ou l'aider ou peu importe. Atlis avait droit à ses rêves, quand bien même ils mentaient. N'empêche, il était beau, de cette beauté franche qui ne s'ignorait pas mais ne savait pas trop quoi faire d'elle-même. Dans n'importe quel autre métier, il se serait déjà trouvé quelqu'un ou quelqu'une pour partager ses jours. Il se disait souvent qu'il faudrait qu'il arrête de courir la campagne et les montagnes pour se trouver un emploi plus simple et qu'il l'obligerait à avoir un chez lui. Et puis le vent soufflait dans les feuilles et il ne savait plus pourquoi il voulait s'arrêter.

Ce jour-là, dans l'auberge du Lion Vert, deux voyageurs du Sud étaient de passage. Ils arrivèrent un peu après midi, fatigué de leur trajet, juste après un autre client de l'auberge qu'Atlis avait noté parce qu'il avait gardé son capuchon et s'était placé dans un recoin, déployant toutes les habitudes que lui-même appliquait sans y prendre garde. Les plaintes des deux hommes l'avaient cependant diverti et il s'était levé quand ils s'étaient assis.

« Et si vous me racontiez vos tourments, messieurs. Un sourire franc. Peut-être serai-je en mesure de vous aider.
Deux regards méfiants.
─ Atlis, mercenaire particulier.
─ Atlis ? Un sourcil levé. Ce nom me dit quelque chose. André ?
─ Ouais, on en a entendu parler à Cerno.
─ C'est tout à fait possible, messieurs. Toujours sourire. J'y ai passé un peu de temps au service de Monsieur Bocage.
─ Le marchand de grain ? Roué.
─ Quand j'étais son employé, il négociait des poissons.
─ Ah, oui ! Pardon, ma mémoire me joue des tours.
─ N'est-ce pas ?
─ Oui, oui. Un rire. C'est donc vous ce fameux Atlis. Une pause. Peut-être pourrez-vous nous aider, alors.
─ Je serai ravi d'en savoir plus. S'installer à la table. Racontez-moi ?
─ Eh bien, c'est assez simple, en vérité. Comme vous vous en doutez sans doute, nous sommes deux négociants et nous faisons généralement affaires sur la plaine du Cern, en le suivant avec les caravanes de l'amont vers l'aval et réciproquement. Une pause. Là, nous avons pris du temps pour reconnaître les environs, pour augmenter notre rayon d'action autour du Cern, parce que l'amont devient problématique.
─ Comment cela, vous n'y remontez plus ?
─ Les caravanes refusent d'aller jusque Toën.
─ C'est la dernière ville de la vallée, avant les forêts de montagne, c'est ça ?
─ Exactement ! Eh bien Toën ne nous est plus accessible et vous vous doutez bien que c'était un point d'ancrage assez important pour nous.
─ Comment cela ?
─ Eh bien, c'est le dernier centre de commerce sur la route. C'est là que nous finissions de vider nos balles et c'est là que nous commencions à les remplir. Agacé. Et tous les villages des montagnes descendaient échanger. Maintenant, nous ne pouvons plus atteindre leur marchandise.
─ Ou leur monnaie.
─ Oui ! Et eux n'ont plus accès à ce que nous leur proposons. C'est inadmissible.
─ Je veux bien l'entendre, messieurs, mais il va falloir m'expliquer en quoi je pourrais vous aider.
─ Ah, oui. Évidemment. Ce changement n'est pas accidentel. Un regard autour d'eux. La ville est fermée mais une toënienne a réussi à sortir.
─ Un instant s'il vous plaît. Un temps. Comment ça, la ville est fermée ?
─ Eh bien, c'est simple. L'enceinte et les portes sont closes.
─ Depuis quand ?
─ Aucune idée, ça. Nous, tout ce qu'on sait, c'est que le mois passé, quand nous avons voulu entrer avec la caravane Scopage, on nous a dit que la ville était fermée et que plus personne n'entrait ou sortait sans raison valable.
─ C'est tout ?
─ Ah ça, non ! Quand le vieux Scopage, qui a autant besoin de ce débouché que nous, a commencé à argumenter pour qu'on ouvra à sa caravane, un des gardes sur les murailles lui a décoché une flèche devant le bec.
─ Il l'a tué ?
─ Non, non. Juste, tiré devant lui, à une distance respectable mais qui indiquait clairement que la prochaine lui rentrerait dans la couenne.
─ Et vous êtes partis.
─ Que vouliez-vous qu'on fasse ? Scopage a bien pesé le pour et le contre, il a estimé les chances que sa petite bande de gardes avait d'enfoncer les portes, puis on a fait demi-tour et voilà.
─ Et la femme dont vous m'avez parlé ?
─ Elle a rejoint la caravane un peu en aval. Une pensée. Deux, trois kilomètres plus loin.
─ Que vous a-t-elle raconté ?
─ Pas grand-chose. En tout cas, pas tout de suite. Elle était hébétée. Scopage l'a placée dans une des caravanes, sous la responsabilité de sa fille, pour qu'elle la requinque un peu, et le médecin de la troupe lui rendait visite de loin en loin. C'est seulement quand on a atteint Joliage-sur-Cern qu'elle a pu parler.
─ Et donc ?
─ Ben...
─ Ouais.
─ C'est-à-dire que...
─ Messieurs ? Un sourire affable. Il sera peut-être en mes capacités d'ouvrir Toën, mais j'aimerais bien en savoir un peu plus sur ce qui m'attend là-bas.
─ Ah. Un regard échangé. Vous ne vous moquerez pas, hein ? Une pause. Bah, de toute façon, vous avez dû en voir des belles, vous, pas vrai ? Bon. Alors. Ce qu'elle nous a dit est un peu invraisemblable. Bon.
─ Ce que Jacques cherche à dire, c'est que cette femme s'est mise à raconter une histoire assez folle. Un homme, un sorcier dit-elle, serait arrivé à Toën vers le milieu de l'été et se serait petit à petit emparé de la ville. Elle dit qu'il aurait manipulé les pensées des gens, dévoré certains d'entre eux pour augmenter son pouvoir. Elle a même raconté qu'il aurait fait se lever les morts pour lui et que, elle-même, aurait été sous son influence jusqu'à ce qu'on arrive à Joliage.
Un hochement de tête.
─ Vous y croyez, vous ?
─ Que j'y croie ou non, messieurs, n'a pas vraiment d'importance. Un temps. Vous croyez que les caravaniers et vos confrères marchands seraient prêts à payer pour l'ouverture de ces portes ?
Un conciliabule rapide. Oui. Indubitablement. L'axe Toën-Cerno est trop important pour qu'on se débarrasse sans peine d'un des bouts et il faudrait reconstruire des routes. Tout le monde en profiterait, oui.
─ Et ce paiement ? »

Ils entamèrent des négociations mais il fut rapidement convenu que les deux marchands ne pouvaient pas se prononcer pour la partie de la guilde concernée et qu'ils devaient en référer aux autres. Atlis, habitué, fixa un prix en-dessous duquel il n'interviendrait pas, tout en sachant qu'on lui répondrait qu'une ristourne serait la bienvenue. Il préciserait qu'il allait à pieds d'habitude, mais que la distance imposait un cheval. On lui opposerait qu'une place dans une caravane était possible, il arguerait du délai, et ainsi de suite. C'était le jeu, il acceptait d'y jouer selon les règles. Il demanda tout de même si la toënienne était encore en vie et s'il pouvait lui rendre visite. Une fois l'adresse connue, les trois convinrent de se retrouver une semaine plus tard à l'auberge.

Atlis profita du repas que les marchands lui offrirent et d'une nuit de sommeil dans un lit presque propre avant de se mettre en chemin. La femme, ils l'avaient appelée Antéa, avait trouvé du travail comme fille de ferme dans une exploitation à un jour de marche en aval du fleuve, il aurait le temps d'y aller et de rentrer pour être à l'heure au rendez-vous.
Il aimait bien marcher.

Celimbrimbor | 20/04/25 14:10

Antéa n'avait pas trouvé emploi comme fille de ferme à la ferme Dheram à un jour de marche en aval du fleuve. Sur place, un contremaître affable lui dit qu'elle n'était pas restée plus d'une semaine et avait quitté la ferme pour le village plus au Nord, où des positions de couturières existaient. Qu'elle eût préféré la saleté morbide d'une minuscule cité à la fraîcheur un peu rude d'une ferme le dépassait mais, eh, qui était-il pour juger, pas vrai ? Atlis sourit poliment en hochant la tête. La fraîcheur de la ferme le laissait aussi rêveur mais il préféra n'en rien dire. Une demi-journée de marche vers le Nord, très bien. Dont acte.

Les plaines autour du Cern ne l'avaient jamais fait rêver, il ne s'y rendait que quand il voulait de l'ennui, de la monotonie et de l'identique sans identité. La ferme Dheram, par exemple, n'était qu'une itération parmi d'innombrables autres aux noms qui étaient autant de variation sur le thème de la ferme, du champ, de l'huis, de la villa, et ainsi de suite jusqu'à la place. Un corps de ferme longiligne et bas, percé de meurtrières que ces gens osaient parfois appeler fenêtres, qui ne laissaient pas plus enter le regard que la lumière et défendaient à quiconque de percer les secrets des lieux, secrets qui se limitaient souvent à des tomettes rougeâtres et propres, toujours, une table en bois massif et lourde, des chaises qu'on rempaillait encore et encore jusqu'à la mort des barreaux et une cheminée et un poêle qui donnaient, plus que le temps dehors, le rythme des saisons. L'hiver, la fumée sortait du tuyau de cheminée pendant qu'elle chauffait et cuisait et brûlait à sans arrêt, engloutissant du bois plus vite que certains garçons leur mauvaise bière, et l'été le poêle qui faisait office de four la remplaçait et rendait, par son rayonnement, la pièce invivable et la cuisine brûlée.

Dans ces premières années de vagabondage héroïque, quand il n'était encore qu'un morveux dégrossi et violent pas si différent des vagabonds mal dégrossis, morveux et violents, qu'il amenait plus ou moins vivants aux autorités, avant que la carrière ne fût vraiment une carrière, il s'était demandé si s'installer dans une de ces routines miteuses mais nécessaires et respectables n'aurait pas été une bonne idée. Puis la fortune avait tourné et héros était devenu un vrai adjectif dont il pouvait se prévaloir et certaines femmes des villes, les vraies, lui avaient soudain fait autant d'œil que les petites mains des fermes mais avec un sourire pas édenté. La vie était allée.

Souvent, la première vision de ces lourdes demeures basses était leurs murs, assez hauts pour tenir les bandits au loin, et leurs portails à double ventaux qu'on ne fermait qu'à la nuit, soit souvent aux alentours de vingt heures. Ils longeaient des chemins, parfois carrossables, plus souvent deux longues ornières creusées par les roues des chariots qui encadraient une bande de terre et d'herbe folle où poussaient parfois des fleurs sauvages et qui débouchaient sur les champs, les bois exploitables, les champs, les lacs ou les étangs à poissons, les champs, la route qui menait à la grande route, les champs, et ainsi de suite jusqu'à un enfer quelconque. Quand il n'avait que cela à faire, les parcourir et s'abriter sous un arbre, un bosquet, dans un fossé sec, faisait parti des plaisirs qu'il s'accordait. La vie était moins rude sous un chêne à écouter des fermiers chanter plus ou moins faux pour rythmer leur fauchage que caché dans un tronc vide sous la pluie pour atteindre une proie. Ou dans une ruelle à courir pour échapper à une autre, plus vivace.

Pour autant, il ne souscrivait pas à l'idée qu'une tâche valait plus que l'autre. Ces fermiers, ces ouvriers, ces ouvrières, ces petites mains, étaient tout autant nécessaires que lui à un certain équilibre. S'il s'assurait que des détrousseurs ne détroussassent plus, eux s'assuraient qu'il pût manger. L'un dans l'autre, tout le monde s'y retrouvait. Voire, il avait la part belle. Jusqu'au jour où l'objet d'une de ses traques se révélerait fatal. Bah, d'ici là, il avait le temps d'y penser.

Il passa la nuit à la belle étoile, deux kilomètres après Derham. L'automne n'était encore qu'une traîne à un été qui rêvassait son passage sur les gens. Emmitouflé dans son manteau, le sac pour oreiller, il regarda les étoiles jusqu'à s'endormir avant d'en avoir compté cent. C'était un de ses regrets, ça : ne les connaître pas. Du reste, il y avait beaucoup de choses qu'il ignorait. Les mots, surtout. Pour lui, une fleur était une fleur et la différence entre une marguerite, un bleuet, une carotte sauvage ou des moutardes des champs et des coquelicots n'était que couleur. Les arbres ou les oiseaux subissaient le même sort. Alors, les étoiles ou le nom des champignons, pourquoi l'évoquer ? Il se disait, souvent justement quand il s'endormait, que cela lui manquait. Qu'un arbre pouvait ne pas être un simple arbre et dissimulait peut-être une identité plus secrète, plus terrible et plus belle. Que les mots pour dire les choses ne servaient pas seulement à les ordonner et les ranger, comme les magistrats des villes le prétendaient, mais aussi à les connaître et les aimer ? Sur ce point, souvent, il se laissait aller à ses songes, toujours moins compliqués. À tout prendre, sa vie était simple, tout héros qu'on le pensait être. Faite d'attente patiente et d'action déterminée et violente, il n'avait besoin de savoir que ce qui lui permettait de rester en vie. Il avait échangé son savoir, empirique, de l'élimination des gens, contre le nom des lettres et leur son et leurs combinaisons et depuis savait lire. Il avait voulu passer un contrat du même genre avec un étudiant pour apprendre à lire la musique mais on lui avait ri au nez. Sans doute que le type du premier échange était louche. Avec un peu de chance, il le retrouverait sur un contrat. Il faudrait qu'il repassât à Hazo, pour voir.

Le soleil le trouva humide de rosée au petit matin et la goutte au nez. Ça passerait avec la matinée et un peu d'exercice. Le fond de l'air était encore chaud. De sa gourde, il versa un peu d'eau dans la main et se rafraîchit la face joyeusement. Le soleil était encore bas à l'horizon, quelques nuages au ciel se coloraient de rose et d'orange fauves sur le fond bleu. Imperceptiblement, il sourit. Voilà aussi pourquoi les fermes, les hameaux, les villes et leurs murs ne lui plaisaient pas. De loin en loin, la vie était belle. Il s'attarda dans la gloire naissante et se remit en chemin. À midi, il atteignait Farge-Vive, un nom bien rutilant pour deux rues qui se croisaient avec une forge mugissante au milieu et qui annonçait l'endroit bien avant qu'on ne le vît.

Il compta cinq maisons dans le village, il en voyait une demi-douzaine de plus dans les champs alentours. Et c'était là qu'elle avait trouvé un emploi de couturière ? Bon. Il se porta à hauteur de la forge, dans le cahin-caha du marteau, des soufflets et de l'eau qui feulait dans des barriques. Combien y avait-il de gens là-dedans pour que le vacarme fut aussi insensé ? Au moins quatre et il en compta six, peut-être plus, il crut voir des petites silhouettes décamper quand il s'approcha et s'appuya contre un des piliers de l'avancée de toit qui abritait une partie de l'atelier. Des enfants, sans doute. Il fallait gagner sa croûte. Lui aussi l'avait fait. Différemment.

Le type qui tenait le marteau et frappait un morceau d'acier d'un empan de long finit ce qu'il estimait avoir à faire avant de se tourner vers lui, sans lâcher le marteau. La pique mal dégrossit, elle, avait fini dans de l'eau qui s'évaporait en hurlant. Ils se regardèrent avec attention l'un et l'autre. Il avait des épaules de forgeron et donc de titan, que le tablier de cuir bousillé de brûlures laissait bien apparaître. Poignets et bras respectaient le même travail et Atlis se dit, comme à chaque fois, qu'il ne devait pas être bon de se montrer maladroite auprès de ce maître. Il vagabonda des yeux pour chercher des traces de revers sur des visages visibles mais fit long feu. Peut-être n'était-il pas mauvais maître. Il paraît qu'il en existait.

« Vous voulez quoi ?
Simple et direct. Je cherche une femme. Une certaine Antéa. Un temps. On m'a dit que je pourrais la trouver par ici.
─ Pourquoi ?
─ Je peser le pour et le contre voudrais lui poser quelques questions sur Toën.
─ Pourquoi ?
─ Parce que je compte ouvrir les portes de la ville. Assuré. Et que j'aimerais savoir dans quel antre je me jette avant d'y aller. Curiosité professionnelle.
─ Ah ouais ? Du doute ou du sarcasme. Et vous êtes quoi ?
─ Rien de plus que quelqu'un qui voudrait aider.
─ Ouais, hein ? Une délibération. Voyez la maison, là-bas ? Un geste d'un immense avant-bras. Ouais ? Ben allez-y. Vous dites que c'est Aymé qui vous envoie.
─ Merci. Sourire, repartir.
─ Eh !
─ Oui ?
─ Vous lui foutez la paix si elle veut pas vous voir. Mes gosses vous auront à l'œil, je saurais. Et mon marteau oublie peu. »

Le forgeron n'attendait pas de réponse, Atlis n'en donna pas. Il savait qu'il tiendrait parole, de surcroît. Sans doute pas un mauvais garçon, mais habitué à assurer une sorte d'ordre qui devait lui paraître normal. Souvent, dans ces villages, le plus costaud se faisait, par défaut, garant des sécurités. Parfois, ça tournait bien. Parfois, ça tournait mal. Souvent, un peu des deux. Les bandits débutants qui tombaient sur ce genre d'organisation rurale s'en souvenaient s'ils lui survivaient. Il frappa à la porte de la maison que le type lui avait indiquée et attendit avant de frapper encore. Une figure rougeaude lui ouvrit et le dévisagea par l'embrasure d'un air aimable.

« Aymé m'a dit que je pourrais trouver Antéa ici. Un beau sourire. Pourrais-je la rencontrer ?
─ C'pour quoi ? Soupçon.
─ Je voudrais lui parler.
─ Aymé a dit que vous pouviez ?
─ Oui.
Une hésitation. Bon. Attendez là. »

La figure lui referma la porte au nez, sans grande surprise. La méfiance était une bonne conseillère, quand bien même elle l'empêchait d'aller plus vite. Il avisa, un peu à sa gauche, un banc rudimentaire, rondin de bois coupé monté sur deux tronçons, et alla s'asseoir. L'organisation interne de ces villages n'étaient jamais aisée à percer à jour. La taille des maisons ne voulait rien dire à cause de leur âge, leur position non plus pour les mêmes raisons. Les dynamiques de pouvoir évoluaient tellement vite d'une récolte à l'autre dans ces hameaux que trouver la place du pouvoir demeurait une gabegie. Plutôt, il profita du zénith du soleil comme un lézard, les yeux mi-clos vagabondant de toit en toit et de champ en champ. Depuis ce matin, les couleurs avaient changé, ce qui n'était pas pour lui déplaire. Il entendit la porte s'ouvrit.

« Vous me cherchez ? Une voix assurée.
─ Oui, c'est exact. Se tourner et sourire. Je m'appelle
─ Vous voulez savoir quoi, sur Toën ?
─ La vérité, rien de plus. Un sourire. Tout ce dont vous vous souvenez et que vous serez capable de me raconter me sera utile.
─ Vous tenez vraiment à y aller ?
─ Oui. On m'a engagé pour ouvrir la ville. J'ouvrirai la ville.
─ Et vous sauverez les gens ?
─ Autant que possible, et plus j'en saurai mieux ce sera.
Une hésitation longue, quelques nuages dans le ciel, des oiseaux aussi. D'accord. Je vais choisir de vous croire. Un temps. Après tout, au pire la cité vous tuera et rien ne se produira.
─ Ah, mais non ! Un rire. C'est mon métier.
─ Peut-être reconsidérerez-vous l'idée après m'avoir écoutée. Enfin. Ne restons pas dehors, venez. Maître Wils est aux champs avec les métayers, Madame est alitée. Quant à Rébecca, elle est au ménage et nous laissera tranquille. Un appel, plus fort. Aymé ! Il entre avec moi, tout va bien, ne t'en fais pas !
Un clang plus déterminé vers la forge.
─ Voilà. Venez. »

Elle se leva et le précéda dans la maison. Il faisait moins chaud à l'intérieur et elle le mena jusqu'à la cuisine où elle lui montra une chaise devant une grosse table en bois.

« Vous avez mangé ?
─ Non, mais ce n'est pas
─ Je peux vous offrir du pain et un peu de fromage. Un temps. De l'eau ? Ou vous voudriez du vin ?
─ De l'eau suffira et je vous remercie pour la nourriture. »

Elle lui tourna le dos et s'occupa de préparer ce qu'elle venait de lui promettre. Atlis l'observa avec attention. Ses sandales sans attache au talon claquaient sur les tomettes de la cuisine, tous ses gestes étaient pratiqués et habituels et rien dans son attitude ne trahissait de l'angoisse ou de la peur. Sans doute ne gagnait-elle pas de temps. Elle posa devant lui un cruchon et un pot, une tranche de pain et une tomme avec un couteau avant de s'asseoir à son tour.

« Servez-vous. Une attention. Bon. Vous comptez vraiment libérer Toën ?
Une gorgée d'eau. On va me payer pour ça.
─ Des marchands, je suppose ?
─ Oui.
─ Tsss. Un temps. On vous a dit que j'avais survécu, c'est ça ?
─ En gros.
─ C'est un mensonge. Une inspiration. Personne, là-bas, n'a survécu. Pas au sens où on l'entend. Des hésitations. C'était impossible. Des respirations hâtées. Impossible.
─ Je vous crois. Le ton serein. Racontez-moi.
─ Ah. Si vous y tenez. Une nouvelle inspiration, plus calme. Bien. Je m'appelle Antéa Durat et je suis médecin. C'est comme ça que j'ai réussi à échapper au sorcier quand il est venu. Enfin, quand je dis médecin. Médecin comme beaucoup de gens dans ces villes un peu isolées. Je sais réduire une fracture, calmer la plupart des fièvres et j'ai du temps pour écouter quand quelqu'un vient parler. Ça semble rien, mais à défaut de vrais médecins, c'est déjà pas mal. Ma spécialité, vous la devinez sans doute. Plusieurs enfants et adultes de Toën sont là grâce à moi. Quelques-uns, moins, j'en remercie les dieux, ont évité ce monde, tout autant par ma faute. Et puis, voilà. C'est tout. Le temps du souvenir. J'aimerais vous dire que je suis un peu sorcière moi aussi, que j'ai lutté pour ma survie et que je me suis enfuie mais non. Il avait juste besoin de moi.
« Toën est une vieille ville, construite sur ou proche de ruines plus vieilles encore. Il paraît que, plus vers les montagnes, à la lisière des forêts, demeurent les traces d'une tour aussi ancienne que les mers. Je n'en sais rien, je n'y suis jamais allée. En tout cas, l'histoire de la ville remonte, ça j'en suis sûr. André, mon beau-frère, était passionné de tout ça et, quand il n'était pas trop fatigué ou pris par le travail, il profitait des camps de bûcherons pour explorer et découvrir. S'il avait su écrire, il aurait couché tout ça dans un livre. Il m'avait même demandé de le faire. Un sourire. Il ne dira plus rien.
« La ville est vieille et sous des noms apparaît dans des légendes. C'est ça qui l'a attiré. Il est arrivé vers le milieu de l'été, quelques jours après le solstice et il avait l'air de rien. Un homme, décharné mais comme un voyageur qui aurait beaucoup marché, les habits négligés par la marche, les cheveux sombres et les yeux creux. Personne n'a fait attention à lui, surtout pas moi. Puis le maire de la ville nous a dit que nous devions lui prêter assistance, pour des raisons obscures, séance tenante. Beaucoup d'entre nous ont haussé les épaules et nous avons continué à vaquer à nos occupations.
« Ce sont les gardes qui sont venus nous réquisitionner. Sans discuter ou reconnaître quiconque. L'épicier, Antoine, a voulu débattre avec l'un d'entre eux, son cousin, Johan. Il l'a tué. Antoine refusait de venir alors Johan l'a tué. Ça, je l'ai su après. Et je l'ai vécu. Les gardes nous ont parqué, tout ceux qu'ils trouvaient, sur le parvis de la mairie, dans le silence de nos cris. Ils ne disaient rien. Simplement, quand quelqu'un n'obéissait pas, ils le tuaient. Le maire est sorti, l'homme le surplombait au balcon, et il nous a demandé de l'écouter.
« Ector, il a insisté sur l'absence de 'h', allez savoir pourquoi, nous a expliqué qu'il ne resterait pas longtemps, qu'il voulait trouver quelque chose dans les bois ou dans les contreforts ou en ville, peu importe, et que tout se passerait bien tant qu'on l'aidait. Il était inutile de nous rebeller, les gardes s'occuperaient de nous ou lui-même. Et pour joindre l'exemple à la parole, il tendit la main vers la foule et deux personnes tombèrent. Je me précipitai mais elles étaient déjà mortes.
« Nous avions trois choix. Ou nous le servions volontairement, la mort, ou il nous contraignait comme les gardes. Là encore, il tendit la main et je vis André s'arracher les yeux. À partir de là, je ne me souviens plus très bien de ce qu'il se passa. Je crois que je paniquai, et tout le monde en même temps.
« Je ne sais pas combien de temps cela dura. J'eus l'impression de me mouvoir dans une grisaille constante, qu'un clignement d'yeux me faisait voyager de la rivière jusqu'à la forêt ou dans une cantine improvisée. Il faisait jour ou nuit, parfois les deux en même temps. Je ne sais pas.
« Puis un moment, un après-midi d'orage, je me réveillai debout au milieu de l'entrée de la mairie, percluse de fatigue, affamée, assoiffée et plein de terreur. Je tombai, mais les deux gardes autour de moi me retinrent et me portèrent et traînèrent en haut des escaliers jusque dans une salle de réception. L'homme se tenait assis sur une chaise, seul.
'Ah ! Vous êtes la médecin du coin, on m'a dit' me dit-il d'un ton jovial. Puis soudain j'eus la sensation qu'une main froide me fouaillait le crâne. 'Répondez-moi quand je parle. Répondez vite.'
'Oui !' j'étais pleine de peur. 'Oui, oui, je oui c'est moi !'
'Parfait. Bonne nouvelle pour vous : je vais vous laisser libre. Vos concitoyens meurent beaucoup trop vite et sans avoir trouvé ce que je cherche. Vous allez vous occuper d'eux.'
'Pard─' de nouveau la sensation d'être ouverte de l'intérieur.
'La réponse était oui. Vous êtes épuisée, même moi je le vois. Un repas vous attendra en bas dans la cantine. Nous sommes au milieu de l'après-midi, même si vous n'en savez rien. Demain matin, vous vous occuperez des vôtres.'
« Quand j'eus de nouveau connaissance de moi-même, j'étais attablé devant un repas qui aurait nourri une caserne. Je dévorai tout. Il me fallut toutes mes forces pour réussir à rentrer chez moi et m'effondrer sur mon lit. Plus tard, le matin sans doute, je me réveillai devant une file de gens avec sa voix dans ma tête qui me disait de les soigner.
« C'est comme ça que je survécus. Il avait besoin de moi, et besoin de moi consciente, pour faire en sorte que les corps des habitants restent opérationnels. Quand je les voyais, dans leurs yeux, je lisais leur peur, leur détresse, et je ne pouvais rien faire.
« J'ai essayé de m'enfuir, plusieurs fois, mais je me retrouvais toujours devant lui ou la file d'habitants. Petit à petit, j'ai fini par comprendre que tant que j'étais à vue, il pouvait me contrôler comme eux.
« Alors, quand il a fait monter tous les gardes sur les murailles et masser les habitants devant les portes pour les défendre au besoin quand la caravane est passée, j'en ai profité. J'ai reculé doucement, et puis au bout d'un moment je me suis mise à courir jusqu'à la forêt et la rivière. Là, je l'ai suivie, d'abord en courant puis au pas, épuisée. J'ai rejoint la caravane trois ou quatre kilomètres après les portes, je ne sais plus. Voilà. C'est tout. »

Atlis la laissa se lever et boire et reprendre ses esprits. C'était donc bien un sorcier, qui manipulait les gens, et une grande quantité, de manière plus ou moins précise, dont l'emprise passait par le regard. S'il avait bien suivi, il y avait des chances qu'il fût capable de voir ce que voyaient les gens sous son contrôle. Voilà qui n'allait pas rendre les choses faciles.

« Est-ce qu'il y eu d'autres moments où cet Ector rassembla les habitants en un seul point ?
─ En-dehors du massacre du premier jour. Assise de nouveau. Oui. À chaque fois que quelqu'un se présentait aux portes, peu importe le nombre. Un temps. C'est arrivé trois fois.
─ Vous avez une idée de pourquoi il ne se contente pas de contrôler les caravanes à partir des gardes ?
─ Aucune.
─ Ah. Un temps. Où sont les habitants en temps normal ?
─ Partout. Surpris. Je veux dire : il les fait travailler partout, tout le temps, jusqu'à épuisement. Et maintenant que je ne suis plus là pour les soigner ils vont
─ Il y a d'autres entrées ?
─ Hein ?
─ À part la porte principale. Existe-t-il d'autres entrées ?
─ Euh. Un temps. Oui. Celle par laquelle je suis sortie, une autre vers la forêt et une dernière directement sur le cimetière et la montagne.
─ Rien d'autre ? Des trous dans les murs, des passages par les arbres, quelque chose ?
─ Je n'en sais rien ! Un cri.
─ Je vous présente mes excuses. Un sourire. Et lui, il reste toujours dans la grande salle de la mairie ?
─ Oui. Je ne l'ai vu sortir que quatre ou cinq fois, pour examiner quelque chose.
─ Il quitte la ville, parfois ?
─ Je ne sais pas. Se prendre la tête dans les mains. Je ne sais pas !
─ Eh ! La tête rougeaude de tout à l'heure. Ça suffit ! vous voyez pas qu'elle en peut plus ? Dehors ! Déjà qu'Aymé a dû chasser le type qui vous accompagnait ! Et ne revenez plus ! »

Atlis se laissa doucement pousser vers la sortie de la cuisine dont la porte se referma sur son nez. Antéa n'avait plus rien à lui apprendre. Aymé, par contre. Il longea la maison pour retourner vers la forge.

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