Forum - [rp]L'odyssée mortuaire, premier compagnon.
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Farang Brisevent | 22/04/07 21:19
Nuit noire sur les quais d'une cité comme tant d'autres. L'odeur du poisson avarié, mélangée a celle du goudron pour colmater les brèches et autres fissures des coques, s'insinue dans chaque recoin de la scène. Sur le ponton de bois grinçant, une lueur pâlotte se distingue pourtant, résistant aux ombres carnassières qui s'acharnent sur cette torche bien faible. Son porteur semble hésiter, claudiquant misérablement, une cape miteuse et humide sur les épaules. Son visage, bien que dissimulé partiellement par un capuchon sombre, parait figé dans un interminable rictus infernal. L'individu s'arrête, pose sa lanterne fatiguée sur une bite d'amarrage ; il soulage ses muscles endoloris, s'étire, fait craquer ses articulations. Joignant les deux mains et les portant a sa bouche trop grande, il émet un son strident, court et modulé.
Rien. Il récidive, par deux fois. Rien. Alors qu'il s'apprêtait a siffler une quatrième fois, un jappement retentit, étranglé, et étouffé par le tumulte des vagues. L'homme s'agenouille, tend une main osseuse, ouverte, entre deux barriques de détritus. Lentement, a tâtons d'abord, méfiant et craintif, un petit singe grimpe sur le membre tendu afin de venir s'installer, plus ou moins confortablement, sur l'épaule de l'inconnu.
« Ils ont cru qu'ils pourraient avoir le vieux Farang, mon mignon. Mais l'on ne vient pas aussi facilement a bout d'une carne comme la sienne, hein ? »
Pour unique réponse, le ouistiti passa l'une de ses pattes sous la toile morne, grattant affectueusement l'oreille de son patron, qui, d'un doigt longiligne, lui rendit la pareil.
« Non, ils l'ont pas eu. Ce n'est pas tout de vouloir découdre le vieux Farang. Regarde ce qu'ils ont fait a mon beau sourire d'antan. Coupé aux commissures des lèvres, histoire que je ne puisse plus jamais sourire autrement. Ce n'est pas bien beau, mais ils le payeront cher, mon mignon. Me foutre a la baille, un boulet au pied, histoire qu'j'discute avec les poissons. Mais je crois qu'ils n'ont pas exactement saisi a qui ils avaient affaire... On perd les bonnes habitudes, avec le temps. On est moins rigoureux, on croit pouvoir doubler un vieux singe -sans rancune mon mignon- aussi facilement. Je te parie qu'ils se vantent de leur exploit dans la première taverne mal famée, en dilapidant mon magot. Mais je vais les retrouver, et ils me serviront, pour toujours, comme des chiens d'esclaves qu'ils sont... »
S'en suivi un jet profond de sang noirâtre. La capuche retomba sur les épaules de l'homme, dévoilant entièrement sa tête. Outre ce sourire malsain, on lui avait percé l'oeil gauche, entaillé les oreilles pour lui supprimer le lobe, avec plus ou moins de succès. Quelques cheveux éparses, trempés, collaient a son crane rond. La peau tannée de Farang suggérait qu'il avait été marin ; Son passé était bien pire, en témoigne la balafre peu esthétique qui lui fendait le menton. Se relevant d'un petit bond, il reprit sa lanterne et sa marche, boitillant le long des quais. Sa main libre passa sous son veston, y dégotta un chique a mâcher, qu'il fourra d'un geste brusque dans sa gueule béante. Il en proposa un morceau au singe, qui, loin de faire son offusqué, s'en empara avec vivacité.
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Un homme jeune, et rayonnant, marchait avec conviction le long des docks. Tricorne de qualité enfoncé sur son crane, un pourpoint carmin bien ajusté, il avançait, tenant dans sa main droite un parchemin abimé, et dans l'autre, un sabre d'abordage encore dans son étui. Il s'arrêta sous une enseigne ballotée par les vents, A la tête du Sanglier. Soufflant un grand coup, il poussa fermement la porte, la faisant grincer dans ses gongs. Le battant s'ouvrit sur un escalier de pierre qui s'enfonçait dans l'obscurité. Hésitant, mais confiant en sa bonne étoile, le jeunot descendit, pas à pas dans les profondeurs de la bâtisse.
Edité par Farang Brisevent le 22/04/07 à 21:23
Farang Brisevent | 22/04/07 21:20
Farang était parvenu devant une auberge encore animée, malgré l'heure tardive. La lumière filtrait légèrement a travers les carreaux crasseux. Interdit, sur le seuil, il écoutait les rires et chansons paillardes qui fusaient en cas de soirées bien arrosées, ce qui ne manquait jamais d'arriver dans les gargotes du vieux port. La sortie inattendue, par la fenêtre, d'un marin plus saoul que les autres, le surprit tout d'abord, avant de lui arracher un petit rire roque. Une toux violente le fit suffoquer, et expulser une glaire sanguinolente, qui manqua de peu la loque humaine bien trop imbibée. Il rabattit son capuchon, poussant la porte, dans l'indifférence générale. Un rapide coup d'oeil lui indiqua la place libérée par l'ivrogne, qu'il s'empressa d'occuper.
« Oui mon mignon, je vais te trouver de la bière. Oui, attends. Regarde moi donc cette petite. Crois tu qu'elle a assez de clients pour ce soir ?
-Vous désirez ? lança, d'un ton hargneux, le patron du bouge.
-Une choppe pour mon ami, et ce que vous avez de plus fort pour moi. »
Dans un grognement indistinct, le tenancier ventru s'éloigna, avant de revenir, avec, sur un plateau, les boissons commandées.
« Mon rhum le plus fort. On dit qu'certains s'en sont arraché la langue après en avoir bu une gorgée. Il décaperait la quille la plus abimée, j'vous dis !
-mmmh... On va voir ca. »
Farang porta le verre a portée de nez, la ou lui manquait pourtant son appendice nasale, ce qui obligea l'aubergiste a le suivre du regard, et ne put réprimer une mou de dégout.
« On vous a salement amoché, vous. Qu'est ce qui vous est arrivé ? »
Sans répondre, il sortit d'une poche de son veston une petite bourse, de laquelle il extirpa, méticuleusement, une pincée de poudre noire, qu'il lâcha dans le breuvage, sous l'oeil intrigué du cabaretier. Penchant la tête en arrière, de manière a laisser pendre dans le vide sa mâchoire inferieure, il renversa le contenu du récipient sale afin de boire une grande rasade. Satisfait, s'essuyant le contour de la bouche d'un revers de manche, il attrapa la main de son hôte.
« Je crains d'être bien plus abimée que la proue d'un navire échoué, l'ami. Et... Prends ca, c'est ce que je te dois ? »
Ayant glissé une pièce d'or dans la grosse patte de l'homme, il attendit que ce dernier marmonna un bref remerciement avant de ré-inspecter la salle commune.
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Le Jeune homme bien mis arriva finalement devant une grille de fer rouillée. Un mince filet d'eau coulait entre ses pieds. L'odeur nauséabonde ne laissait planer aucun doute sur la qualité d'égout de l'endroit. L'auberge n'était qu'une façade. Comme convenu, il agrippa a pleine mains les barreaux. Plus vite qu'il ne l'aurait pensé, un homme massif avait surgi de l'ombre, et lui maintenait les mains de l'autre coté de la herse de sa poigne formidable. Un qui vive ? Grave et lent se fit entendre, ce a quoi le gamin répondit d'un souffle court :
« Brisevent.
-De la part de qui ?
-En sa qualité de gentilhomme de la mer.
-Bien jeune. Qui t'envoie ? Ton père ?
-Que nenni. Moi donc, Seul et certain.
-Pour ?
-Affaires.
-Petit. Si j'étais toi, je ne cacherais pas mon jeu ainsi. »
L'étau qui l'enserrait se resserra avec brutalité, faisant craquer ses phalanges. La douleur fut si vive que le jeunot en échappa un petit cri.
« Tu n'es pas un habitué, encore moi un véritable gaillard des rues. Parle.
-Je... Je cherche un équipage compétant.
-Il y a des matelots dans toutes les tavernes de la ville qui ne demandent qu'à être engagés. Pourquoi ici ?
-On m'a conseillé l'adresse. »
Farang Brisevent | 22/04/07 21:21
L'endroit était un vulgaire taudis à marins, comme il en avait connu jadis. De ces lieux ou la bière coule un peu trop, ou la femme a la cuisse légère, ou les ragots vont bon train. Exactement ce qui lui fallait. Il frictionna les jointures de ses mains, et, s'étirant de tout son long, paru se démettre la nuque. D'un bâillement sonore, il attira l'attention d'un matelot fort grand et solidement bati. A en juger par son air antipathique, il n'avait pas toujours été dans le droit chemin. Il allait l'apprendre a ses dépens. Ce dernier regarda Farang, décidé, et posa ses lourdes paluches sur la table, grinçante.
« Qu'est ce tu veux l'ancêtre ? J'te plais p't'être ? »
Deux de ses compagnons, pas plus finauds que lui, a l'apparence de brute épaisse et stupide, éclatèrent d'un rire gras, l'un d'eux postillonnant la gorgée de bière qu'il avait en bouche.
« Monsieur fait de l'esprit. Je vois. Et bien, jeune ami... Je te prends au bras de fer. »
Interloqué, et amusé, le géant flaira l'arnaque, comme l'habitué a les proposer. Pourtant, il se laissa prendre au piège, ne se doutant pas de ce que préparait la loque décharnée en face de lui.
« Bha s'tu veux, l'vieux crouton ; Mais qui dit duel, dit enjeux. J'gagne quoi si j'te réduis ton bras en bouilli ?
-J'y viens. Si tu perds... Tu me serviras pour l'éternité. Par contre, si tu gagnes... »
Farang jeta sa bourse sur la table. Elle tinta sur les planches vermoulues, s'affaissant, promettant une belle petite fortune. L'attention de la foule, un instant bruyante et mouvementée, s'était concentrée sur ce duo improvisé. La soirée ne serait pas perdue, et l'animation valait que l'on s'attarde encore un peu. Un cercle de tètes et d'oeil, plus ou moins en couple, se forma. Ravi de tout ce monde, le petit macaque agita sa chope déjà vide devant le nez des curieux, la secouant en tout sens, jusqu'à ce que l'un d'eux y jette une pièce de cuivre.
« Si tu veux, l'aïeul. L'jeu en vaut la chandelle. Qu'on apporte des bougies ! »
Aussitôt dit, aussitôt fait. Dans un silence quasi religieux, on fit parvenir à la table deux lumignons, que le Patron lui même alluma de ses pierres à feux. Dans l'assistance, on chuchotait, et chacun y allait de son pronostique sur la durée de l'affrontement. Les paris se lançaient a voix haute, jusqu'à ce que les deux acolytes du marin les fassent taire.
Le Tavernier ferait office d'arbitre. Le premier qui abandonnerait, ou qui aurait un bras démis, serait déclaré grand vaincu. Les deux adversaires s'empoignèrent, les doigts se crispant autour du membre de l'autre.
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« Conseillé... Qui donc ?
-Le gars qui m'a refilé pour trente doublons cette carte.
-Fais voir ?
-Non.
-Je pourrais te briser les mains d'une facilité surprenante, tu veux essayer ?
-Brise si tu veux, tu n'auras pas ma carte. »
Le gardien paru pensif. A vrai dire, dans la pénombre, on ne pouvait trop distinguer ses traits, mais un léger relâchement de la pression qu'il exerçait fit comprendre que Brisevent garderait ses dix doigts ce jour la.
« Entre. »
Une cliquetis qui augurait des ennuis a venir.
« Tu ne connais ni l'endroit, ni son existence. Nous ne nous sommes jamais vu. Avance. Continue au bout du couloir. Si tu n'y vois goutte, tâtonne. Il y a une porte au bout. Ouvre-la, tu es attendu. »
Edité par Farang Brisevent le 22/04/07 à 21:22
Farang Brisevent | 22/04/07 21:21
Cela faisait cinq minutes que le gros marin forçait sur le poignée de Farang. Ce dernier faiblissait, lentement. Petit a petit, le dos de sa main se rapprochait indubitablement de la flamme affamée de chair. La chose se fit, et le feu mordit Farang. Pourtant, il ne relâcha pas, ne montra aucun signe de douleur. L'assemblée commençait a se demandait d'où tenait ce prodige ; il leur en offrit un autre. Le rapport de force s'inversa, et, graduellement, il remonta. Ses phalanges s'enfonçaient dans la main de son rival.
« Comment t'appelles-tu ? »
Le tourmenté s'adressait a nouveau au loup de mer, qui suait a grosse goutte, tentant désespérément de contrecarrer la progression de l'homme décharné.
« Je t'ai posé une question. Réponds. »
Le silence suffocant lui répondit. Seule la détresse, presque palpable, du marsouin se faisait sentir. Farang força un peu plus, amenant la patoche de l'autre a proximité de la cire brulante.
« C'est la que, normalement, tu vas sentir le feu te ronger, et que tu va devoir hurler, suppliant que je te relâche... »
Il écrasa la main de l'homme contre la flamme, lui brisant dans la foulée le poignet, dans un grand fracas accompagné des cris des spectateurs horrifiés.
« Tu es a moi maintenant. Et pour être sur que tu ne chercheras pas a t'enfuir, donne moi ton âme... »
Effrayant n'était pas le mot pour désigner Farang. Il s'était dressé de toute sa stature, tendant ses mains squelettiques vers le pauvre matelot. Un souffle glacé se répandit dans la pièce, le vent ouvrit a la volée la porte mal verrouillée. Son affreux rictus s'élargît, sa lèvre inferieure tombante dévoila une série de dents taillées en pointe. Le géant se jeta en arrière, sa chaise basculant sous son poids. Au sol, il se recroquevilla en gémissant, tandis que Farang faisait voler la table en éclat d'un de ces membres. Il s'avança, et surplombant l'armoire a glace, il le saisit au col, rapprochant son visage de sa gueule béante. La pourriture qui en émanait était si forte que l'homme hurla une dernière fois, avant que son tourmenteur ne l'embrasse dans une parodie de baiser grotesque, si ce n'est que la victime se vida de ses couleurs ; que ses yeux se révulsèrent ; que le sang coula en longs filets de sa mâchoire.
Quand il retomba sur le plancher souillé, évanoui, la moitié de son visage, sous le nez, manquait. Sa langue pourrait s'agiter désormais dans le vide, Farang lui avait dévoré le reste.
« Tu es as moi, Voralim. A moi pour l'éternité... »
Trainant la dépouille de son nouveau jouet jusqu'au dehors, Farang siffla son singe, réfugié jusqu'alors sur le lustre. Il lui sauta dessus, se rattrapant adroitement à la capuche de son maitre, et d'un balancement, se rétablit sur son épaule. Le curieux groupuscule se fondit dans la nuit, disparaissant aux yeux d'un public médusé, dont certains membres, reprenant leurs esprits, vomissaient déjà.
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Brisevent s'exécuta du plus rapidement qu'il put. En effet, le peu de lumiere qui arrivait dans son dos ne parvenait pas a lui indiquer ou poser ses pieds, et c'est bras tendus qu'il finit par heurter une nouvelle porte. Au contraire de la précédente grille, il avait affaire a un unique morceau de chêne peint et renforcé par des barres, volumineuses, de fer. Alors qu'il s'apprêtait a en pousser le battant, celui-ci s'ouvrit tout seul, silencieusement, libérant un halo diffus.
La pièce suivante était sobrement décorée. En son centre, sur un tréteau, une planche servait de bureau a un individu a la taille modeste et aux épaules voutées. Borgne, il ne leva qu'un oeil vers l'arrivant.
« Te voila enfin, Farang. Tu en as mis du temps, a convaincre Odengaz. Bien, commerçons donc, puisque tu es la pour ca.
-Oui, c'est cela monsieur.
-Bien, si je récapitule, tu veux un équipage. Ne fais pas cette tête, tout ce qui se dit dans le vieux port me revient aux oreilles. Donc une poignée de marins expérimentés, pour une carte au trésor, c'est bien cela ?
-Oui. Cela dit, les profits que je ferais de cette chasse me serviront a engager un bâtiment plus grand et mieux armé.
-Je n'en doute pas. Bien, voila ce que nous faisons. Je t'avance la première solde de tes hommes, et en échange, tu me donneras... disons 60% du butin. Si tu ne peux avoir un navire, et des provisions suffisantes, je te les fournis, mais ma part passe a 80%.
-Mais c'est du vol !
-Et ou te crois tu ? Dans un hospice de bonnes soeurs charitables ? »
Le renard tendit la main a son jeune obligé. Et, hésitant, Brisevent finit par y taper.
« Les Rieurs te remercient Farang. N'oublie pas ; Je sais tout, n' importe où. Alors, ne cherche pas a me doubler. »
Bart Abba | 22/04/07 22:12
J'aime bien l'ambiance glauke et le style ! Bravo !
Duc De L'uto | 22/04/07 22:55
J'apprécie aussi.
