Forum - [rp] Trois pendus, une frégate.

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Farang Brisevent | 14/06/07 20:08

Le soleil blafard se leva doucement, au dessus d'une mer d'huile. Dans le port silencieux, quelques navires mal entretenus grincèrent sous la poussée, molle et douce, d'une petite bise frivole. Trois mouettes criardes s'évertuaient à réveiller les ivrognes encore allongés le long des bouges des quais. Dans la brume matinale, deux silhouettes vaporeuses émergeaient, déambulant sur l'appontement moisi. La plus grande portait sur son épaule un petit animal de compagnie, tandis que la seconde, courbée et fléchie, la suivait avec impatience. L'homme au singe claqua des doigts, et son serviteur se pressa contre lui, manquant de trébucher.

« Fais attention Voralim, ou je dirais a mon mignon de t'arracher les yeux. Tu aimes ca, hein mon mignon ? C'est bon les globes, oui oui oui... »

Il caressa le pelage revêche du primate. Puis, de ses longs doigts fins, il gratta le crane de Voralim, qui émit un petit gémissement de plaisir. Il le regarda, d'un oeil bienveillant, attitude bien rare chez lui. Détournant les yeux, il poussa a son tour un petit soufflement de dépit, avant de reprendre.

« Vois-tu Voralim, Je sais bien que tu ne méritais sans doute pas ca. Mais j'avais besoin de toi. Arrête de m'en vouloir, tes pensées sont maintenant les miennes. Et ton corps, un prolongement de ma volonté. Je te délivrerais, quand notre affaire sera finie. »

Les deux êtres s'avancèrent sur une place déserte, où trois potences berçaient trois malheureux a la mine affreuse. L'un avait été pirate, la corde de ses gréements lui enserrait le cou, au point de rendre son visage boursouflé. Le second, un voleur, dont la main gauche avait été coupée une première fois. La récidive ne pardonne pas. Et le dernier... Sans doute un innocent.

« J'en conviens, laisser juste deux cadavres sur une place publique, c'est d'un mauvais gout ! Mais de suite, si l'on y ajoute un troisième, la scène est bien plus esthétique. Détache les moi, Voralim. »

L'homme se précipita, courant tantôt sur deux pattes, tantôt sur quatre, dans un râle rageur et essoufflé. Arrivé au pied des gibets, il se mit à frapper de son épaule contre la base, jusqu'à ce que l'ouvrage s'effondre dans un grand fracas.

« Maladroit ! Heureusement que la brume persiste, et qu'elle atténue les sons. Mon mignon, va ronger les cordes... Je crois que ces messieurs veulent nous rejoindre. »

Le singe se précipita sur les cadavres désarticulés, tandis que Voralim finissait de faire tomber le troisième. Il grignota rapidement les liens des condamnés, qui furent bientôt libres. Farang s'approcha alors. Il se pencha sur le premier, attrapant l'attache encore serrée au col des dépouilles. Agenouillé, il posa sa deuxième main sur la gorge du macchabé, a la recherche d'une veine surgonflée. D'un ongle aiguisé, il trancha cette dernière, tout en mordillant l'oreille de l'homme.

« Tu va venir a moi, n'est ce pas... tu le veux... tu veux vivre ? Alors, donne-moi ton âme... »

Un soupir s'échappa des lèvres du mort. Ses yeux se révulsèrent, avant de tourner follement dans leur orbite. Il toussa, cracha, avant de se redresser de moitié. Farang, qui était déjà au chevet du second, éleva la voix.

« Le pendu, comment t'appelles-tu ?
-Kof, kof... Argh ! Ariel...
-Et bien Ariel, bienvenu parmi les non-morts. Tu sais sans doute viscéralement, que ton existence et maintenant attachée a ma petite personne ? S'il m'arrive le moindre tracas, tu pourrais t'écrouler en miette. Vois, voila tes compères de calvaires qui ne vont pas tarder a s'éveiller.
-Pourquoi ?
-Oh ? Tu reprends vite tes esprits. C'est une bonne chose. J'ai besoin d'un bon navigateur. C'est pourquoi je t'ai laissé une partie de ton âme. Mais à tout moment, je peux la reprendre, tu sais. Tu verras, il y a des avantages à mener cette vie... Allez, maintenant, tout le monde debout. Ariel, je te présente Voralim, mon ange gardien. Voici donc, si j'ai bien entendu, Lad, et Zakat. En route messieurs. »

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Le vent dans les voiles, gonflées par les alizés, poussait enfin Farang Brisevent vers son destin. Son navire, un fier trois mats, disposant d'une quinzaine de pièces d'artillerie, a quoi l'on pouvait ajouter 30 fusiliers, et le même nombre de marins expérimentés. Plus, bien entendu, deux charpentiers, un cuisinier rondouillet, et un médecin de bord. Il voguait enfin, sur son navire, l'Orchidée Argentée, vers un avenir qu'il imaginait radieux.

« Cap'tain. »

La voix l'avait tirée des songes grandioses et aventureux auxquels il s'adonnait des la moindre minute disponible pour rêvasser. Il regarda un instant le second, un solide gaillard a la peau basanée et a la barbe poivre et sel.

« Quoi donc ?
- On n'est pas bien loin des coordonnées, Cap'tain. C'est que vous aviez dit. De vous avertir.
- Bien. Je vais dans ma cabine. Donne le repos aux hommes, mais qu'ils veillent tout de même. On n'est jamais trop prudent. »

Le second haussa les épaules. Avec un temps pareil, un soleil radieux, et suffisamment de vent pour filer en cas de rencontre désagréable, il n'y avait pas a s'inquiéter. Mais les ordres restent des ordres.

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Le trois mats tanguait paresseusement le long de la jetée. Les cordes d'amarrage se tendaient momentanément, sous la poussée molle des vaguelettes écumeuses. Non loin se tenait, emmitouflé sous des capes et autres tissus miteux, une bande de mendiants éclopés, devant lesquels un singe famélique tendait une petite gamelle de ferraille, ou tintaient quelques piécettes. Une mouette se posa non loin de l'animal, devant esquiver un galet lancé par l'un des hommes allongés.

« Je hais ces animaux. Ca piaille toute la journée, ca vous bouffe votre pèche, et sa piaille encore toute la soirée...
-Attends qu'on embarque, et tu pourras en faire des brochettes si ca te chante. Mais en attendant... Ne nous fait pas remarquer.
-Qui pourrait bien nous chercher des noises, a cette heure ? Les matelots sont en train de courir la ribaude, ou de dépenser leur paye en alcool frelaté. »

D'un signe de main, le plus mince des individus, mais aussi le plus grand, fit taire le bavard. La douleur envahissait le visage de ce dernier.

« N'oublie jamais. Je commande, tu obéis. »

L'église de la cité sonna les 11 coups dans la pénombre lointaine. Les compagnons des deux miséreux se redressèrent, aux aguets. Farang siffla une fois. Aussitôt, le singe courut vers le navire, grimpant le long d'un filin épais qui maintenait le navire a une bit. Il disparut rapidement par-dessus le bastingage. Un deuxième sifflement fit lever les trois pendus. Courbés, une lame rouillée a la main, Ariel menait a l'abordage Lad et Zakat. Une vigie, qui marchait lentement sur le pont, aperçut les trois silhouettes suspectes, avant de les mettre en joug. Il s'apprêtait a les sommer de s'arrêter, lorsque le petit macaque lui sauta a la gorge, déchirant sa trachée d'un coup de dents expérimenté. Seul un souffle roc s'éleva du malheureux. Un troisième sifflement retentit. Deux grappins atteignirent la rambarde, furent testés avec vivacité, avant de se tendre sous le poids des morts vivants. Farang et Voralim arrivait alors au bas des cordes, se hissant a la suite des leurs.

Un cri d'alerte retentit. Un marin de quart avait vu la sentinelle s'écrouler, et n'avait hésité qu'un instant. Les pas de course retentirent sur le pont, faisant vibrer toute la coquille de bois. Mais la triste bande avait atteint le sommet. Quand Farang enjamba le dernier obstacle qui le séparait de ses hommes, il remarqua la présence d'une trentaine de gabiers, ainsi qu'un officier, menaçant. Le mort s'approcha lentement, levant bien les mains a hauteur de son visage, pour montrer qu'il était désarmé. A présent derrière lui, ses malandrins durcirent leur prise sur leur arme de fortune.

« Qui etes vous ? Que voulez vous ! interrogea subitement l'officier.
-Et bien, Mes Sieurs, répondit Farang, nous ne voudrions pas paraître offensant, mais ce navire nous appartient des lors. Monsieur Ariel, prenez la barre je vous prie, nous levons l'ancre.
-A vos ordres, Cap'tain !
-Vous comptez nous aborder, a cinq ? Nous sommes trente six ! Et nous sommes bien armés, contrairement a vos amis...
-Ho, ce n'est pas un problème. Voyez-vous, je gage que l'obscurité ne vous permet pas prendre conscience de votre situation déplorable. Tenez, nous allons faire ainsi ; Mettez moi donc en joug par vos hommes les plus habiles, puis, approchez donc votre lanterne de mon visage. Si je tente quoi que ce soit contre vous, abattez-moi. »

Quelque peu interloqué, toujours méfiant, l'officier de quart s'exécuta cependant. Arrivé a portée de Farang, il leva son lampion vers son inquiétant visiteur. Lorsqu'il vit le visage défiguré, la peau blanchâtre de ce dernier, il échappa un petit hoquet de surprise.

« Tirez ! » Cria t il a ses hommes avant de se jeter en arrière, dégainant son coutela.

La détonation ne se fit pas attendre. Une dizaine de balles atteignirent Farang en plein coffre. Il tomba a genoux, crachant du sang, le visage baissé.

« C'est vrai que ca fait tout de même un peu mal... Mais je m'attendais a pire ! »

Il se releva, sautant sur le gradé, se servant de ses ongles comme d'une arme. Il cherchait a atteindre le visage de l'homme, le griffant soigneusement pour rendre son aspect un peu plus effrayant. Le malheureux lui asséna un coup d'estoc, cherchant a fuir une mort certaine.

« J'ai connu plus percutant. Vous manquez de punch, l'ami. Il faudra travailler ca, lorsque vous deviendrez mon jouet. »

Voralim, quand a lui, fonçait de toute sa masse contre le bataillon de fusiliers en train de recharger. Ceux qui avait prévu suffisamment de poudre cherchaient a l'atteindre, mais son corps pourrissant n'offrait qu'une cible sans intérêt. Sa mâchoire supérieure se planta dans la cuisse d'un marin, qui, hurlant de douleur, tenta de lui fracasser le crane avec la crosse de son fusil. Peine perdue, les dents aiguisées s'enfonçaient de plus en plus dans la chair tendre.

« Les pendus ! Coupez les amarres avec vos couteaux ! Dépêchez vous, je ne tiens pas a avoir toute une garnison sur le dos. »

Farang avait réussi a arracher de son pouce un oeil du lieutenant, qu'il jeta, amusé, a son singe. Ses ongles ressemblaient a des lames de rasoir, et il s'en servit pour achever le désespéré, avant de se tourner vers le reste de marins, que Voralim n'avait pas encore charcuté.

« Laisse leurs des membres Voralim ! Ils ne pourront jamais manoeuvrer correctement le vaisseau, sinon ! »

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La carte était étalée sur son bureau, un poignard pour caler un coin, une boite a tabac pour l'autre opposé, bien qu'il ne fumait pas. D'une main peu assurée, il suivait du doigt les coordonnées indiquées d'une couleur rouge pourpre. Peut être était-ce du sang, mais elles promettaient un fabuleux trésor. De quoi vivre plusieurs vies, ou armer une flottille entière.

« La ou la mer semble infinie,
Que les cieux reflètent les flots,
Pour peu que l'étoile se montre a midi,
Le vent te mènera jusqu'au magot. »

Le capitaine souffla. Pas bien inspiré pour la poésie, l'auteur. Un sourire se dessina sur ses lèvres. Il n'avait plus qu'à attendre.

Edité par Farang Brisevent le 14/06/07 à 20:10

Movézeuil | 14/06/07 20:48

J'adore !

Vivement la suite.

Pépénarvalho | 14/06/07 23:51

Toujours ce vocabulaire qui me ravit.
J'attends la suite.

Khorèn | 15/06/07 21:13

AAaaah! Que de bons souvenirs qui me reviennent...
Enfin, façon de parler bien sur.
J'adooooore!
Encore! Encore!

Ligue Des Cités Libres | 16/06/07 02:21

J'adoooooore les histoires de bateaux...
Tiens, d'ailleurs, 'y a Pirates des Caraïbes 3 qui est sorti..!
( complètement hors-sujet, et en plus, tout le monde le sait déjà, mais bon... Trop tentant de faire le rapprochement ! )

Edité par Ligue Des Cités Libres le 16/06/07 à 02:21

Farang Brisevent | 16/06/07 10:42

mirci ^^...

Bon bé, oui, ca va etre de l'histoire de bateau. Pas a 100%, mais bien 90%. Je surfe sur la vague pirate des caraibes

Orféor Le Noir | 16/06/07 18:21

C'est des histoires qui commencent en frégate et qui finissent en radeau, ça, non?

Crios | 17/06/07 17:40

J'adore cette histoire, j'ai vraiment aimé, on attend la suite

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