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Destinée | 08/08/07 18:52
Destinée s'éveilla. Sa conscience remonta d'abord, comme un bouchon remontant à la surface d'une mare obscure. Elle fit le tour de ses sens un par un : elle n'entendait rien, un léger bruissement tout au plus. Ses yeux étaient fermés, et d'après la sensation de pesanteur poussiéreuse qui enveloppait son corps, elle n'y verrait rien de plus en les ouvrant. Son nez et sa bouche étaient emplis d'un goût et une odeur désagréables, sécheresse, poussière, mort. Elle était enfouie dans une terre sableuse, complètement recouverte, de sorte qu'elle ne savait même pas de quel coté se trouvait le haut et le bas. Ça commençait à devenir lassant.
Petit à petit, elle remua ses différents muscles, étirant ses membres d'un coté et de l'autre, travaillant les murs de sa prison terreuse qui cédaient petit à petit. Soudain, la pointe de son pied trouva le vide, et elle poussa de toutes ses forces dans cette direction. Si elle avait été humaine, elle aurait inspiré profondément à ce moment là, cherchant son souffle, pantelante, à quatre pattes sur la terre sèche de Bugdhil2. Mais elle n'avait rien d'humain, en dehors de son apparence.
Elle se leva, droite sur ses jambes amaigries, à peine chancelante, sa silhouette quasi-squelettique debout sur la tombe peu profonde qu'on lui avait donnée. Autour d'elle, des dizaines d'autres bosses sableuses indiquaient qu'elle n'avait pas été la seule victime. Elle ne savait pas depuis combien de temps elle était là dessous, le soleil était près de l'horizon, la lune n'était pas apparente, elle n'avait aucune idée de quel jour venait d'expirer, elle aurait pu être inconsciente quelques heures ou quelques mois, tout ce qu'elle savait, la seule chose qui importait était la faim qui la dévorait littéralement. La sensation brûlait au fond d'elle comme une braise, elle n'avait plus qu'un désir, plus qu'un instinct, plus que la faim.
Elle s'avança d'un pas traînant mais décidé vers l'unique traînée de fumée à l'horizon.
Destinée | 08/08/07 18:52
Léchant les dernières traces de sang de ses doigts désormais boudinés, Destinée s'assit et regarda les flammes du feu de camp, la peau de son ventre tendue comme celle d'une tique, ses membres enflés étaient marqués de veines bien visibles à travers sa peau laiteuse et quasi-translucide. Elle repensa aux dernières paroles du chef du petit campement, les noms de ceux qui l'avaient ainsi contrariée, et elle les grava dans sa mémoire, avec celles de ses précédents candidats à la vengeance. Il y a quelques mois auparavant, la vengeance était un concept qui lui était étranger, lié à des émotions qu'elle ne connaissait pas. Elle avait beaucoup appris depuis,
Tirant ses pensées de leur contemplation vengeresse, et son esprit enfin libéré de la brume de la faim, elle se mit à examiner l'état de son corps. La boursouflure de son ventre s'estompait petit à petit au fur et à mesure qu'elle digérait son gueuleton. Ses cheveux étaient sales, pleins de terre et de sang séché et poisseux. Elle tâta la peau de son crane et trouva quelques éraflures profondes sous les cheveux. Elle avait aussi des griffures sur le visage et ses pieds nus avaient soufferts de sa marche dans le désert. Le peu qu'il restait de ses vêtements pendait lamentablement, laissant apparaître sa peau encore tendue.
Elle se leva, difficilement, se dandinant comme si elle eut été enceinte d'une étrange progéniture, et se dirigea vers l'une des tentes du campement. Elle y trouva quelques vêtements d'homme qui devraient lui aller convenablement, du moins le temps de trouver mieux. Elle les traîna dehors, avec quelques couvertures. Puis elle trouva une grande bassine, la remplit avec l'eau qu'elle puisa dans un grand tonneau, arracha ses derniers haillons et entreprit de s'en asperger en utilisant une gamelle propre. Elle se doucha ainsi, frottant sa peau énergiquement pour en décoller la crasse et le sang. Elle passa à ses cheveux, les arrosant de bière d'abord, à défaut d'avoir trouvé du savon, puis les rinçant à plusieurs reprises. Enfin satisfaite, elle releva sa tête d'un coup, rejetant ses cheveux en arrière et se tint debout, nue sous la lumière du feu et des derniers rayons du coucher de soleil, l'eau ruisselant sur sa peau, au milieu des corps tordus et desséchés des militaires qui gisaient ça et là.
Elle se rapprocha du feu, où elle avait étendu les couvertures, s'allongea, et s'endormit paisiblement.
Destinée | 08/08/07 18:52
Lorsque le froid du petit matin, l'humidité de la rosée réveillèrent Destinée, elle était enroulée dans les couvertures, au bord du feu dont il ne restait que quelques braises. Elle se leva, laissant tomber les couvertures à ses pieds, et se vêtit des vêtements qu'elle avait trouvé la veille. Sa silhouette était redevenue normale, et à la voir ainsi nue et insouciante au milieu de leur campement, il n'y a pas de doute que les militaires l'auraient trouvée tout autant à leur goût qu'elle ne les avait trouvés au sien le soir précédent. Enfin, façon de parler.
Une fois habillée, elle quitta le campement qui, après quelques heures, n'était plus qu'un tas de cendres. Elle se dirigea vers la mer, cherchant la baie où, d'après le militaire, un petit navire était à l'ancre. Au moins, pour ce voyage, elle n'aurait pas à fréquenter les fonds marins. Elle avait leurs noms, elle connaissait leurs visages, et surtout, elle avait l'éternité devant elle. Il ne lui restait qu'à les retrouver et leur faire payer.
Lancwen la Pourpre | 09/08/07 19:53
Je ne peux que vous souhaitez une longue mort pleine d'histoires bien ecrites comme celle ci 