Forum - Une plume sur les brins verts

Froidchapelle | 13/08/07 20:55

Grand était mon trouble en ce matin lointain. Je ne m'en rappelle plus guère, mais je me rappelle mes frissons. Avais-je jeté mon Etoile de Mithril? Oui... Oui cela me revient par bribes. Tant d'histoires, dieux! Tant d'histoires et d'ennemis depuis lors, d'amours et de haines. La gloire des temps jadis s'était muée en un désinteressement vaguement méprisant. Toutes ces lignes écrites, toutes ces lettres qui formèrent notre histoire furent en grande partie oubliées. Et alors me vint ce constat, au bout de toutes ces années: le temps qui passe est rigoureux et hivernal loin des félicités d'Amon Khazad. Ce sont les mêmes mots qui résonnèrent dans les grands halls de mon coeur lorsque je quittais la confrérie.

Il m'en a fallu de l'errance et de la déception pour en arriver à cet état d'esprit. A vrai dire, je n'avais même plus bataillé férocement. J'étais érodé, flétri. Mais qui étais-je au juste? Nanti de mes illusions, pourvu de sentiments, parvenu au bonheur? Rien de tout cela j'en ai bien peur. J'étais juste un voyageur et je fus atristé par toutes les contrées ou je foulais l'herbe de mon pied de plus en plus trainant. Leurs noms s'en sont allés comme autant de sentiments nouveaux et vite pourris. Ne reste que la grande citadelle magnifique qui orne le monde passé, présent et futur. Ne reste que des idées, des idéaux et moi, le prisonnier. Ne reste que l'intervalle de temps qui me sépare de la mort.

Et que faire de tout cela s'il vous plait? J'aimerais remonter la pente verdoyante, suant mes sanglots, évacuant mes oublis pour voir se dresser les tours de Khazad. Le froid a étreint la chapelle de mon coeur comme les putains d'autrefois. J'aimerais revenir aux histoires simples et anciennes. Assez de ces grandiloquentes tirades, assez. Assez de tous ces noms qui furent miens et qui sont morts. Quelle sera la réponse de l'ordalie? Si oui, nous ferons de grandes et violentes réalisations, vers la gloire et la restauration, si non, je ferai de violentes batailles dans la solitude de la transpiration mélangée au sang. Mon coeur s'allège, je sens mes muscles rouler encore un peu sous ma carcasse. Le blanc est dans ma barbe, mais le feu est partout sur mon visage. Plus encore, je souhaite raconter, étudier, enseigner, je souhaite redevenir l'artisan de la hache.

Tout recommencer n'est ce pas redevenir jeune? Car c'est la conscience qui m'a ruiné l'âme. Cette nouvelle exploration me verra libéré de la peur, cynique sans aucun doute, mais les plus beaux accomplissements ne doivent-ils pas leur grâce aux fous? Quand le prix à payer est inévitable et ne peut être contourné, c'est le destin qui nous sourit. Essayons pour voir, juste pour faire claquer sa langue comme une oriflamme au matin d'une bataille.

Alors c'est sans haine que je reviens, que j'ai repris la route, une route connue qui serpente dans les montagnes de mes peines. Je ne veux plus de récifs devant moi, je ne veux plus de malheur. Mais pourquoi l'affliction me gagnerait-elle alors que je reviens à Khazad? Il est certains rois qui jamais ne sont détrônés. C'est le jugement qui m'appelle. Et le passé.

Zoltahn Kodaly | 13/08/07 22:31

Très très belle prose : un délice.

Tagadatsointsoin | 14/08/07 08:14

Trés beau : fluide, profond, ... je ne trouve les mots.

Bravo.

Whispershill | 20/08/07 19:40

Hum ? Ah oui, Froidchapelle est un ancien ? J'imagine que ce Sir habitait les terres de Daifen sous un autre nom ?...Mais lequel ? Quelqu'un pour me le dire ?
D'ailleurs, il n'est pas le seul...Bon, c'est le mystère de Daifen...

Tornade | 21/08/07 12:01

très beau et surtout très bien écrit : un RP comme je les aime !