Forum - [Récits d'une dimension oubliée] - 8 -
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Zoltahn Kodaly | 20/08/07 16:07
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Olaus Wormius - Voyage en Illurie - 3
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« Comme les portes classiques, les passages qui permettent de traverser les plans creux pour passer d'une dimension à l'autre possèdent des clefs. Quand on ne possède pas la clef, ce qui est généralement le cas, on est obligé de s'y connaître un peu en serrurerie... C'est là tout l'art des arpenteurs : découvrir et localiser une dimension, trouver sa porte et la jauger, ensuite trouver le moyen de l'ouvrir et... savoir la refermer ! Or, dans le cas qui occupe mon esprit depuis des lunes, la formule de fermeture n'a pas voulu fonctionner. C'est une expérience unique et très déstabilisante, comme si une force à l'affût avait aussitôt placé son pied dans l'entrebâillement afin d'empêcher que le passage ne soit refermé. Après m'être épuisé contre ce maudit passage, j'ai senti le souffle tiède de la mort et de choses bien pires encore qui glissait vers moi. Je n'ai pas été très courageux, mais je pense avoir fait ce qu'il y avait de mieux : j'ai fui. J'ai aussitôt placé une Grande Rune de garde, comme on cloue des planches de bois pour condamner une fenêtre... Combien de temps tiendra-t-elle ? Combien de choses ont pu pénétrer dans notre monde pendant que je m'échinais à clouer mes planches ? »
Olaus Wormius, De Nocte Misteriis, édition incomplète restaurée à l'Académie théurgique de
Lacore.
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Olaus avait délimité un périmètre de pierres autour du chariot le plus éloigné de la lisière de la forêt. Il avait minutieusement déplacé tout le bois mort et les pommes de pin en dessous, puis transporté un par un les corps des quatorze saltimbanques. Azalée l'avait regardé faire sans émettre de commentaire. Elle respectait les coutumes mortuaires des humains et se sentait en communion avec leur façon de rendre hommage aux morts. Elle aurait volontiers aidé le mage, mais son pied avait enflé et elle aurait été incapable du moindre mouvement. Heureusement, en fouillant dans les roulottes, Olaus avait trouvé une paire de béquilles, sans doutes rattachées à un déguisement de mendiant... Pendant tout ce temps, le lutroll n'avait pas bougé. Il s'était assit sur une pierre plate à côté de l'elfe et avait observé d'un air triste le vieux mage composer le bûcher funèbre.
- Où vont les âmes des hommes après leur mort ? Demanda Azalée.
Le visage d'Olaus trahit sa surprise. Elle avait l'air sérieuse !
- Ça dépend... répondit-il, embarrassé. Certaines rejoignent leur Déesse ou Dieu, d'autres vont hanter les vivants, d'autres encore disparaissent ou se réincarnent...
Azalée parut songeuse. Elle resta silencieuse quelques instants. Derrière eux, la fumée noire montait en corolles au dessus des arbres. Devant eux, le chemin d'aiguilles de pins louvoyait entre de gros rochers et des arbres séculaires.
- Et la vôtre ? Où ira-t-elle ?
- C'est une question étrange, répondit le mage en haussant un sourcil. Je n'y ai jamais vraiment pensé, ou plutôt, je crois que toutes les hypothèses m'ont un jour traversé l'esprit !
- Cela veut dire que vous ne savez pas ?
- Non, avoua-t-il avec un regard amusé. Vous savez, vous ?
Elle sourit à cette évocation. Il la trouva belle dans la lumière du matin, son tricorne usé de guingois sur la tête et son sourire mystérieux flottant sur les lèvres. Il repensa à l'elfe qu'il avait aperçu dans ses souvenirs : cet homme avait bien de la chance d'avoir sa place dans les rêves de la belle Azalée, songea-t-il.
- Bien sûr, dit-elle enfin. Mon âme s'envolera rejoindre celles de mes ancêtres et celles des elfes à naître dans la grande forêt des Sages.
- J'aimerais que la mienne puisse accompagner la vôtre, fit le mage.
- Vous vous moquez ?
- Non, je suis sincère ! C'est une idée agréable... une grande forêt, le temps arrêté, du soleil...
Azalée secoua la tête en riant.
- Je suis étonnée que vous n'ayez pas ajouté des nymphes nues dans votre vision de la grande forêt des Sages ! Vous les hommes... incorrigibles...
- Loin de moi cette idée, s'indigna Olaus, mais un pagne très échancré serait des plus seyant sur l'âme d'une elfe !
- Oh ! Espèce de vieil iconoclaste sacrilège !
Olaus éclata d'un rire franc tandis qu'Azalée lui assénait un coup de béquille dans le dos.
Au fur et à mesure que la journée avançait, l'inquiétude recommençait à tarauder les deux voyageurs. La forêt semblait ne jamais vouloir finir. Azalée était épuisée. Elle avait trébuché deux fois et s'était abîmé un genou, ce qui l'avait mise dans une humeur massacrante. Le soleil s'était de nouveau caché sous une couche linéaire de nuages gris, puis le ciel avait complètement disparu à mesure qu'ils s'enfonçaient dans une partie de la forêt encore plus touffue. Le sentier finit par rétrécir et, au détour d'un virage, il disparut dans la masse végétale du sous-bois.
- Sommes-nous perdus ? Interrogea Olaus avec inquiétude.
- Non, mais cette forêt est une sacrée garce ! Nous allons devoir contourner en nous enfonçant dans le sous-bois. C'est fâcheux.
Olaus leva les yeux au ciel. Son coeur fit un bond dans sa poitrine. Au-delà de la cime des arbres, la silhouette cyclopéenne d'une créature au pelage roux masquait les nuages. Il ouvrit la bouche et la referma machinalement sans rien trouver à dire.
- Il y a un passage à travers les buissons, constata Azalée qui semblait concentrée sur l'itinéraire à suivre.
- Azalée !
Le mage la regardait avec un regard affolé. Elle prit peur et lâcha ses béquilles pour poser la main sur la garde de sa rapière.
- Non, là-haut !
Elle leva les yeux et scruta le ciel à travers la trouée qu'Olaus lui indiquait. Elle ne vit rien.
- C'était là il y a un instant, hurla le mage, je vous jure !
- Qu'est-ce qui était là ?
- Une chose de plusieurs centaines de pas de haut ! Un monstre indescriptible !
Il y eut un moment de silence pendant lequel l'elfe essaya de jauger le mage. Il finit par secouer la tête, dépité.
- C'était là !
- Hmm... eh bien ça n'y est plus. Tant mieux, dans un sens... Réjouissons-nous que le lutroll ne l'ait pas aperçu.
Elle lui fit un clin d'oeil.
- Voulez-vous passer devant et débroussailler avec ma rapière ? Fit-elle en lui tendant l'arme.
- Grands Dieux... je ne connais pas beaucoup de choses de cette taille qui puissent apparaître et disparaître comme ça.
- Oubliez le monstre et priez pour qu'il ne vous pisse pas dessus, coupez plutôt les ronces !
Il s'exécuta, le front plissé par l'inquiétude, le regard en mouvement, fouillant les bois à la recherche d'une nouvelle manifestation. Mais il ne vit rien. Il traversa le bosquet de ronces et de fougères et se retrouva au dessus d'un ruisseau qui serpentait entre de grosses touffes de plantes rouges. Le sentier réapparaissait un peu plus loin, montait à l'assaut d'une colline et passait derrière une proéminence rocheuse. Le mage resta tendu jusqu'à ce qu'ils arrivent au sommet de la colline. Azalée était essoufflée et semblait souffrir énormément. Mais ils avaient enfin une vue dégagée sur le massif forestier et ils furent soulagés de constater que l'orée n'était plus très loin. Accroché à flanc de coteaux, à deux lieues vers l'est, un ensemble de constructions charriait dans le ciel les volutes grises des fumées de ses cheminées.
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Zoltahn Kodaly - Dans le sillage du mage
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Note du compilateur : nous manquons d'éléments au sujet de Zoltahn Kodaly et des ses enfants. Les textes qui nous sont parvenus sont fragmentaires et semblent avoir été rédigés par l'un des fils de l'Envoyé du Millesprit. Nous pouvons deviner à travers ces fragments que le Millesprit et Dismei Greensmoke recherchaient activement le mage.
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Depuis le balcon, Zoltahn observait le soleil se coucher au loin derrière les collines du Croissant.
- Vous m'avez fait demander, père ?
Il reconnut la voix d'Ejer Kâ dans son dos.
- J'ai besoin que tu rassembles une petite unité parmi nos meilleurs chevaliers, les plus acharnés, dit-il en se retournant pour faire face à son fils.
- Je veux que tu mettes Io et Palys à leur tête, ajouta-t-il.
Ejer Kâ sourit.
- Wormius ? Souffla-t-il en serrant ses mains l'une contre l'autre.
- Oui. Les sbires de Dismei l'ont raté. Il devient trop dangereux. Elimine-le.
- Que dira Dismei ?
- Je ne sais pas. Elle a échoué, on ne peut plus attendre, le mage pourrait consolider sa Rune de Garde et nous causer beaucoup de tracas.
Zoltahn parut hésiter.
- Casmir est un bon allié, je ne voudrais pas le perdre : si vous pouvez capturer Wormius vivant, offrez-le à Casmir, mais s'il oppose trop de résistance, tuez-le. Le Millesprit hurle la nuit son désir de savoir Wormius hors d'état de nuire. Casmir devra promettre de le liquider dès que Dismei en aura fini avec lui.
- Où doivent-ils commencer leurs recherches ? Demanda Ejer Kâ.
- Suis-moi.
Zoltahn traversa la salle et s'avança jusqu'à une table de marbre sur laquelle était déroulée une grande carte en vélin. Au sud ouest, au milieu de nulle part, un point noir désigné sous le nom « Lacore » était entouré à la craie.
- Voilà où ils étaient avant-hier. Wormius a été aidé par une semi-elfe que nous connaissons bien... Si elle cherche ce que je pense, alors nous pourrons avoir le mage vivant. Elle nous le livrera sans faire de difficulté...
- La fille aux cheveux noirs ? Celle qui a fermé les escaliers d'Irkamankh ?
- Oui. Confie à Palys un des doigts de notre prisonnier. L'elfe ne sait peut-être pas que son ami est toujours en vie. Cela contribuera à la convaincre de coopérer si elle avait d'autres projets en tête.
Ejer Kâ fronça les sourcils et se pencha sur la carte.
- Mais où sont-ils partis ?
- Je ne vois que trois possibilités. Soit cet idiot de Wormius court essayer de se cacher à Dominaria où il espérera sans doute trouver de l'aide auprès de la sorcière blanche, soit il va chercher du soutien chez son ancien ami Alep Erzeroum, soit il poursuit sur son idée première : aller se cacher dans son repaire dans les montagnes, là où l'Esprit Frappeur a failli lui mettre le grappin dessus l'autre fois...
- Cela fait trois directions à explorer !
- Nous, deux... Tu vas te rendre à Dominaria et guêter sa venue. S'il va chez son ami Alep, il tombera sur Dismei. Il ne reste que les cavernes pour Io et Palys. Regarde la carte et dis-moi comment tu ferais pour y aller depuis Lacore ?
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Olaus Wormius - Voyage en Illurie - 4
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« Il existe des dimensions « tampon » par lesquelles les Arpenteurs ou les Oniros ont pris l'habitude de passer afin de brouiller leurs traces. Voyager entre les plans n'est pas sans danger. Il existe des choses tapies dans les angles qui attendent patiemment qu'une source d'énergie passe à leur portée. Dès qu'elles l'ont flairée, elles ne lâchent plus leur proie. C'est dans l'une de ces dimensions tampon que j'ai croisé Azalée pour la première fois. Je fuyais la dimension opaque et la première idée qui me soit passée par la tête fut la Tour Inversée. Je ne pensais pas trouver qui que ce soit à cet endroit et il me semblait judicieux d'y amener un éventuel poursuivant : la Tour Inversée est un labyrinthe dans lequel errent les pires abominations de la création. Mais mon poursuivant était malin. Il pénétra à ma suite dans le labyrinthe et il prit la peine de refermer le passage derrière-lui ! Je serais resté bloqué au pied des escaliers d'Irkamankh si Azalée n'avait rouvert le passage puis refermé derrière nous afin de bloquer l'esprit qui me pourchassait. »
Olaus Wormius, Commentaires apocryphes, Bibliothèque Théurgique de l'Académie de Lacore
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Olaus et Azalée venaient de quitter l'ombre de la forêt et avançaient lentement sur la route qui les menait à la ferme d'Igas Nyrla. Azalée paraissait fatiguée.
- Que vous est-il arrivé après votre fuite de la Tour Inversée ? Demanda le mage.
Azalée fit une grimace.
- J'ai été rattrapée par un esprit opaque, je ne sais pas lequel. Il était non seulement habile mais aussi terriblement acharné.
- Vous l'avez vaincu ?
- Pas vraiment. Je n'étais pas seule. Tout notre clan s'est dressé contre la... chose. Le combat a été féroce. Elle a frappé une nuit après une veillée traditionnelle. Personne ne s'y attendait, personne n'était armé pour faire face à une telle horreur...
Elle interrompit son discours et glissa un regard en coin à Olaus. Il vit qu'elle pleurait.
- Je me suis exilée après le massacre. Je ne vous en veux pas Olaus. Peu importe ce qui a permis à ces choses de quitter leur tombeau. Nous devons les y renvoyer pour l'éternité. Il n'y a que cela qui compte.
Le mage était ému. Il savait que sa bêtise allait entraîner des conséquences néfastes, et pas seulement pour lui-même, mais jusqu'ici il n'en avait pas encore eu la preuve. La détermination de l'elfe le renforça dans sa volonté de lutter. Déjà des plans lui venaient à l'esprit. L'espoir revenait.
- Je suis désolé, répondit-il avec sincérité. Je vous jure que ce maudit passage finira scellé pour l'éternité, dussé-je pour cela arpenter mille dimensions et trouver l'entrée des plans creux.
- Belle tirade... Elle eut un sourire ironique. On verra. Gardez la tête sur les épaules et avancez, jusqu'ici nous avons eu de la chance...
La nuit était déjà tombée quand ils commencèrent l'ascension du coteau menant à la ferme fortifiée. Après un ultime effort ils se présentèrent enfin devant les grandes portes de bois de l'enceinte. Olaus frappa. Un homme tira un judas et les toisa de ses yeux gris.
- Qui vous êtes ? Demanda la voix égrillarde de la sentinelle.
- Deux voyageurs à bout de force qui cherchent le gîte et le couvert, répondit Olaus.
- Il est tard ! Qui me dit que ce n'est pas une ruse d'Ourgh le pirate ?
- Il y a des pirates ici ? S'étonna Azalée.
- Ah faites pas les ingénus, on m'la fait pas à moi !
- Ecoutez, nous ne sommes ni des pirates, ni des brigands, ni des voleurs : nous sommes inoffensifs et nous avons fait une longue route, nous sommes fatigués et affamés. Nous avons de quoi payer, reprit le mage.
Azalée lui jeta un regard appuyé. Olaus songea que leur bourse ne tarderait pas à être vide, l'elfe avait une fois de plus eu raison. Il allait devoir trouver une solution.
A ces mots, la sentinelle plissa les yeux et renifla bruyamment.
- Oui, faites voir un peu !
- Combien coûte le droit d'entrée ?
- C'est quoi cet animal sur votre épaule là ? Les animaux sont interdits dans l'enceinte !
- Quoi ? Vous n'avez pas d'animaux là-dedans ?
- Juste ceux autorisés !
- Et lesquels sont autorisés ?
- Pas le vôtre en tout cas !
Olaus jura entre ses dents.
- Combien pour notre animal ?
- 1 pièce d'argent en plus du droit d'entrée.
- Et combien pour l'entrée ?
- Oh, mais votre amie à l'air souffreteuse ! Elle est malade ?
- Mais non !
- Oh, vous essayez de faire entrer quelqu'un de contagieux sans respecter les mesures de quarantaine ?
- Puisque je vous dis qu'elle n'est pas malade ! Elle s'est fait mal à la jambe !
- La dérogation pour la quarantaine c'est 1 pièce d'argent supplémentaire !
Olaus faillit s'étrangler de rage. Il sortit sa bourse et compta les pièces : 4 pièces d'argent, une pièce d'or et 18 pièces de cuivre. Il allait falloir payer l'hébergement et acheter des chevaux. Une pièce d'or devrait suffire pour un cheval, mais le second ? Il leur faudrait se contenter d'une mule...
- Bon, voici deux pièces d'argent et deux pièces de cuivre pour vous, pour vous remercier de votre amabilité, susurra Olaus sur un ton mielleux.
La vigie fronça les sourcils.
- Vous oubliez le droit d'entrée !
Olaus serra les dents et les poings. Il vit Azalée compter ses pièces dans sa bourse.
- Mais c'est combien ce satané droit d'entrée ? S'emporta-t-il.
- Oooh, mais il faut rester calme là ! Vous tenez à passer la nuit dehors ou quoi ?
Azalée s'approcha.
- Laissez-moi faire...
Elle déposa ses béquilles contre la porte et se plaça sous le judas.
- Igas te fera fouetter si nous lui racontons le traitement et l'accueil qui nous ont été réservés. Je ne parle pas du châtiment qui t'attend lorsqu'il découvrira que les droits perçus à l'entrée sont dépensés à la taverne sans qu'il n'en voie jamais le moindre sou...
Le judas se referma. Les deux voyageurs attendirent en silence, angoissés à l'idée de dormir dehors. Au bout d'une minute, Olaus frappa de nouveau. Le judas s'ouvrit et la sentinelle reparut.
- Je peux vous faire entrer, mais ce sera en toute illégalité et je prends de gros risques en aidant deux inconnus qui pourraient m'attirer beaucoup d'ennuis. C'est uniquement par bonté que je le fais : jamais je ne laisserai deux personnes dans le besoin sans leur tendre la main. C'est ma nature. J'espère que vous vous en souviendrez !
- J'ai très bonne mémoire, répondit Azalée.
La porte s'ouvrit et les deux compagnons pénétrèrent dans l'enceinte de la ferme sous le regard acrimonieux de la sentinelle. Ils découvrirent un petit homme courbé qui n'arrivait à hauteur du judas qu'en se juchant sur un tabouret. Azalée lui tendit trois pièces de cuivre, que l'autre prit avec circonspection. Il bougonna un remerciement et referma la porte.
Les deux voyageurs traversèrent la cour et se dirigèrent vers le relais de poste. Un coup de tonnerre résonna dans le lointain, ce qui augmenta leur sentiment de plaisir à l'idée de se retrouver au chaud et au sec cette nuit. Il y avait deux ivrognes affalés près de la porte d'entrée du relais. De l'intérieur leur parvenait un vague bourdonnement de voix, l'atmosphère semblait calme et sereine. Ils entrèrent.
La salle était légèrement creusée dans la roche et il fallait descendre un escalier de pierre pour atteindre le rez-de-chaussée. Une longue rangée de barriques empilées couvrait le mur gauche. Un homme était occupé à remplir des pichets aux fûts et donnait en même temps des instructions à une serveuse pulpeuse au tablier moucheté. La salle était composée de trois grandes tables en longueur autour desquelles les gens s'installaient pour manger et boire. Il devait y avoir une vingtaine de clients ce soir. Principalement des métayers et des artisans. Au fond à droite, un escalier de bois montait jusqu'à une plateforme soutenue par deux gros madriers. On pouvait y deviner une ambiance plus tamisée et plus calme que dans la salle.
Azalée avisa l'homme qui servait les pichets et lui fit signe. Il termina ce qu'il était en train de faire puis vint les accueillir sans chaleur excessive.
- Combien pour deux chambres, deux bains, deux repas et la boisson ?
Le tenancier s'essuya les mains dans son tablier et plissa le front dans une attitude de concentration exagérée.
- Deux pièces d'argent et neuf de cuivre, je compte un supplément pour l'animal.
Olaus tiqua mais ne dit rien. Azalée poursuivit.
- Bien, pour ce prix là vous nous préparerez des vêtements propres et si la qualité n'est pas à la hauteur de vos tarifs exorbitants, nous saurons nous faire dédommager.
L'aubergiste fit une grimace, mais ne trouva rien à ajouter. Il pointa le doigt vers la rapière et secoua la tête.
- Pas d'armes dans la salle, ici il n'y a que des gens bien élevés et courtois.
- A part vous, objecta Olaus.
Le tenancier haussa les épaules.
- C'est pas Luxodhil ici. Les chambres sont à l'extérieur, dans le bâtiment à côté. Prenez les deux du fond. Pour vous laver descendez et traversez la cour. Ne laissez pas votre singe gambader n'importe où, ou il pourrait lui arriver malheur.
- Il me faut un herboriste aussi, ajouta Azalée.
Le patron se gratta le sommet du crâne et fouilla la salle du regard. Il tendit le doigt vers une petite femme au visage creusé qui lisait l'avenir à un gros homme aviné.
- Là-bas, c'est la rebouteuse, herboriste, dentiste, sage-femme, astrologue, sorcière et épicière du village. Bonne chance.
Il éclata de rire et s'éloigna.
