Forum - [Récits d'une dimension oubliée] - 10 - fin de la compilation

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Zoltahn Kodaly | 22/08/07 15:00

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Olaus Wormius - Voyage en Illurie - 7
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Tout magicien possède sa quête de la pierre philosophale. Pourquoi m'étais-je lancé dans la nécromancie puis dans l'exploration des plans dimensionnels plutôt que dans la sorcellerie ou la théurgie classique ? Pour trouver le secret de la Vie... cela peut paraître ambitieux mais il faut de toute façon être un peu fou pour se lancer dans la magie. Moi, ma folie s'appelait « peur insensée de vieillir ». J'avais d'abord essayé toutes les préparations alchimiques imaginables avant de baisser les bras comme des milliers de mages avant moi. C'est à ce moment-là que je fus pris d'une passion morbide pour l'au-delà. La nécromancie me servit d'outil d'exploration. Je voulais interroger les morts, acquérir leur savoir. Malheureusement, les morts qui ont gardé des liens étroits avec notre monde sont avares d'informations, comme s'ils n'étaient que des reflets de nos propres esprits torturés. Alors j'ouvris une porte sur un autre univers, pour voir si l'herbe était plus verte ailleurs...

Olaus Wormius, « Journal des années flétries », Bibliothèque privée du Chancelier d'Urbizonde.
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Olaus se redressa sur les genoux en ouvrant des yeux atterrés. Une longue ligne de chevaliers lourds émergeait lentement de la forêt dans un cliquetis de métal. A vue de nez il put en dénombrer une cinquantaine, luisants dans leurs cuirasses d'acier sombre. Il chercha Azalée du regard et la trouva un peu plus loin à demi étendue sur le flanc, la tête penchée en avant et le visage masqué par ses longs cheveux. Elle essayait de se redresser sur un coude et semblait souffrir. Plus loin, le lutroll était terré dans une touffe d'herbes folles, allongé sur le ventre, la tête basse. Il ne quittait pas Olaus du regard.
Le magicien se releva péniblement, frêle silhouette perdue au milieu d'une plaine balayée par le vent. A quelques centaines de pas, la ligne de chevaliers passa au trot. Les cavaliers situés aux extrémités accélérèrent pour former un arc de cercle dont le magicien aurait pu figurer le centre. Ils levèrent de concert leurs longues haches et se penchèrent en avant comme un seul homme. Les destriers s'élancèrent soudain en avant en martelant la terre de leurs sabots percés de pointes. Olaus restait figé dans une attitude hébétée face à ce spectacle terrifiant. La ligne ennemie se resserra et les bêtes franchirent les derniers mètres à une vitesse qui ne laissa aucun espoir de réaction au mage. Un cavalier se détacha du lot et courut en tête droit sur lui en agitant une grande francisque.
- Mais... murmura le mage pour lui-même, réagis Olaus ou tu es mort...
C'est alors que, n'en tenant plus de frayeur, les mains sur les yeux, le lutroll poussa un long hurlement tonitruant. Tous les chevaux firent un écart en plein galop et changèrent de direction en dérapant, certains se percutèrent de plein fouet tandis que leurs cavaliers décollaient de leurs étriers pour aller donner de la tête sur le sol. Il y eut un fracas d'armures entrechoquées et de hennissements. La ligne se brisa et les rares cavaliers encore en selle filèrent dans toutes les directions sans pouvoir contrôler leurs bêtes affolées.
Olaus était resté figé sur place, tétanisé, les oreilles sifflantes. Un cheval fou lancé au triple galop le frôla sans qu'il puisse même tenter de se pousser.
Devant lui, à peine quelques coudées en avant, un chevalier se relevait de sa chute. Il portait une armure vaguement cuivrée et rougie par endroits, une salade baroque ciselée de figures grotesques couvrait son visage et ne laissait voir qu'un grand vide sombre là où auraient dû se trouver ses yeux. Il se dressa devant Olaus et fit un pas vers lui, et vers la francisque qui était plantée dans le sol à égale distance entre les deux adversaires. Olaus n'arrivait pas à reprendre ses esprits. Il vit son ennemi approcher comme dans un rêve et tendre la main vers le manche de la longue hache. Il battit des paupières et d'un coup son esprit se délia de la gangue de stupeur qui l'emprisonnait. Tout sembla s'accélérer. Il se jeta en avant vers l'arme et la saisit au moment où la main du chevalier se refermait dessus. Il tira de toutes ses forces et l'arracha à la prise de son adversaire qui parut complètement surpris par cette réaction de dernière minute. Olaus essaya de soulever la hache pour frapper son ennemi, mais il n'était pas assez entraîné pour la faire tournoyer rapidement et avec précision. Le tranchant de la francisque décrivit un arc de cercle latéral vers le chevalier, qui para l'attaque avec son avant-bras, et prépara aussitôt sa riposte en dressant son poing ganté d'acier. Il arma le coup et, alors qu'Olaus était déstabilisé par son attaque maladroite, il fit jaillir une longue pointe de son gantelet puis frappa le mage sous le bras droit. Le coup porta en pleine poitrine, arrachant un hurlement de douleur au vieux sorcier. Olaus fut projeté en arrière. Il n'essaya pas de garder son équilibre car l'autre réarmait déjà un second coup et il préféra se laisser tomber en arrière. La douleur le tétanisa complètement et il s'écroula sans même essayer de se retenir. Sa vue se brouilla et il hoqueta en essayant de reprendre son souffle. Mais l'air ne voulait plus passer. A la place, un flot de sang acre et chaud lui inonda la bouche et coula par son nez quand il expira. Il toussa et cracha douloureusement le sang qui l'empêchait d'inspirer. Du coin de l'oeil, il vit le chevalier ramasser la hache et approcher la lame de son visage convulsé. Il s'obligea à retrouver son calme et à ralentir les battements de son coeur pour empêcher le sang de l'étouffer. En portant la main à sa poitrine, il put compresser la plaie mais cela ne lui apporta que peu de soulagement.
- Veux-tu vivre encore vieillard ? Demanda d'une voix caverneuse le chevalier qui se tenait désormais juste au dessus de lui, la lame négligemment inclinée vers sa nuque.
Olaus toussa encore. Ses yeux s'embuèrent de larmes qui troublèrent sa vue. Il tourna le visage vers le monstre caparaçonné qui le défiait de toute sa taille.
- Oui... dit-il d'une voix faible et sifflante en grimaçant de douleur.
- Oui quoi ? Tu veux vivre ?
- Oui, et je... vais... te... tuer, réussit-il à articuler.
L'autre prit la menace au sérieux et il leva aussitôt sa francisque pour frapper le mage. Une longue flèche se planta sous son aisselle avec un sifflement et un claquement de métal percé. La hache lui échappa de la main et tomba à ses pieds. Il marqua un instant de stupeur. Puis, d'un geste brusque, il arracha le trait et cribla le mage de sang noir. Olaus tendit la main et hurla un mot de pouvoir. Le chevalier s'immobilisa et se cambra en poussant un hurlement suraigu qui lui vrilla les tympans. Une seconde flèche se ficha dans son plastron, aussitôt suivie d'une troisième puis d'une quatrième. Les flèches le criblaient une par une en sonnant dans le métal de l'armure. A trente pas de là, Azalée armait ses tirs et lâchait ses traits sans prendre le temps de viser. Sa main volait avec grâce du carquois à la corde de l'arc elfique. Son visage était figé dans une expression de profonde concentration. Quand elle arriva à la dernière flèche, le chevalier hérissé d'empennages dorés chancela et trébucha. Il arracha rageusement une dernière flèche et cassa la hampe d'une seconde. Une quinzaine de traits avaient transformé son armure cuivrée en une tapisserie sanguinolente striée de lignes sombres. Olaus ferma le poing en murmurant une phrase à voix basse et le chevalier fut secoué de spasmes. Après quelques secondes, il se plia en deux et chût sur les genoux avant de s'effondrer sur le flanc.
Azalée clopina en grimaçant jusqu'au mage et s'agenouilla à côté de lui, les yeux affolés. Il bavait du sang et des larmes ruisselaient sur ses joues jusque dans sa courte barbe rougie. Elle lui prit le visage entre les mains et plongea son regard dans celui de son compagnon. Il ouvrait la bouche comme un poisson hors de l'eau.
- Ce n'est... pas... fini, parvint-il à dire.
- Non, répondit-elle avec un sourire crispé. Ne bougez pas, restez calme, j'ai vu des blessures plus graves... Surtout ne parlez pas !
Elle releva la tête et inspecta les environs. Les ennemis se relevaient un peu partout. Les chevaliers qui avaient pu rester en selle se battaient au loin avec leurs montures et semblaient encore trop occupés pour représenter un danger immédiat, mais au moins une dizaine d'adversaires démontés avaient récupéré une arme et se dirigeaient vers eux. Elle fronça les sourcils et huma l'air.
- Allez nom d'un chien, marmonna-t-elle, tu nous suis depuis Lacore, je te sens... Montre-toi maintenant !
A ce moment, une monstruosité cauchemardesque jaillit de derrière la plus proche colline. Une créature ailée totalement noire avec des grappes d'yeux rouges disséminées sur un crâne oblong. L'élémentaire de mort ouvrit la gueule et poussa un feulement strident qui hérissa les cheveux d'Azalée.
- Mon dieu, ce n'est pas de toi dont je parlais... lâcha-t-elle avec un air dépité.

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Olaus Wormius - Voyage en Illurie - 8
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Plus rien ne sera comme avant
Revenus des abîmes atrophiés
Inspirations pulsantes au milieu de nova rougeoyantes
Seuls au milieu du néant
Oubliés au bas de l'escalier des titans
Nul ne pleurera leurs forces déclinantes
Nus sous le regard des horreurs boréales
Illuminations vespérales
Etoiles mourantes aux larmes étincelantes
Renaissances incandescentes
Souffrance sera mère de persévérance...

Bas-relief du Gôn Menhtar, texte sans doute tiré du Grimoire des Esprits Captifs.
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Azalée se redressa et boitilla jusqu'au cadavre du cavalier percé de flèches. Elle entreprit de retirer rapidement les traits plantés dans l'armure mais n'arriva à en sauver que trois. Elle jura entre ses dents et clopina en grimaçant jusqu'au corps étendu du mage. Olaus l'observait entre ses paupières mi-closes.
- Ça s'annonce mal ? Demanda-t-il.
Azalée éluda la question.
- Si vous connaissez un sort qui puisse balayer une quarantaine de chevaliers et un élémentaire de mort dans la foulée, faites-vous plaisir... une autre occasion comme celle-ci ne se représentera peut-être jamais.
Olaus ferma les yeux et inspira difficilement. Un mince sourire désabusé étira ses lèvres.

L'élémentaire déploya ses ailes et bondit dans les airs en poussant un hurlement strident. Azalée encocha deux flèches et banda son arc de toutes ses forces. Le bois grinça en pliant sous l'effort de la jeune femme. Elle ferma un oeil et suivit doucement le vol du monstre en gardant les pointes dirigées vers la bête. Olaus l'entendit chantonner un air dans une langue inconnue. Sa voix tremblait mais ses paroles caressèrent l'âme du mage avec la douceur d'une berceuse. Il ouvrit les yeux et vit les étoiles étinceler dans le grand dôme du monde. Quand l'ombre du monstre déchira la toile du ciel, il n'osa pas regarder et retint son souffle. Azalée se tut. Une bourrasque balaya la plaine. L'elfe lâcha ses deux traits en poussant un souffle de soulagement, comme si toute son existence s'était concentrée dans le vol de ces deux pointes d'acier. Les traits sifflèrent dans le ciel nocturne et volèrent droit vers la forme pesante qui tombait sur elle. Olaus serra les dents à s'en faire éclater les mâchoires. Il sentit soudain le corps de l'elfe lui tomber dessus et lui serrer le visage entre ses bras, comme une mère protégeant son enfant, et il sut que la fin était proche. La terre trembla et son corps fut soulevé de terre avant d'être écrasé par une masse colossale. Il projeta alors une bulle de protection au dessus de lui et sentit avec soulagement l'étau libérer sa poitrine. Il eut l'impression qu'une chape de ténèbres s'était abattue sur ses sens. Ses oreilles se bouchèrent douloureusement en le coupant encore plus du monde. Il crut avoir atteint le néant, mais le doux parfum des cheveux d'Azalée flatta son esprit et il sut qu'il était toujours en vie. Il la serra dans ses bras et pria les Anciens Dieux de lui donner la force de se relever. Tout autour de lui n'était qu'ombre et glissements furtifs de choses impies. Il voulut crier mais ses poumons ne le lui permirent pas.
Puis la bête s'éleva de nouveau au dessus d'eux en frappant le sol de ses immenses ailes membraneuses. Le cou du monstre se dressa vers le ciel alors que de sa gorge traversée de deux traits argentés jaillissait un crissement sonore qui déchira le silence de la nuit. La bête sembla prise dans une stase temporelle. Elle s'éleva au ralenti et sa queue balaya le sol en projetant une pluie de terre et de boue. Ses yeux innombrables fixèrent leurs prunelles rouges sur le couple enlacé et sa gueule garnie de crocs s'ouvrit pour cracher un flot de bile acide.
Azalée roula sur le côté et se redressa péniblement en s'appuyant sur le manche d'une francisque plantée dans le sol. Tout autour d'eux, surplombés par l'immense masse sombre de l'élémentaire blessé, un cercle parfait de chevaliers noirs resserrait peu à peu son étreinte mortelle en projetant de longues ombres grises sur la plaine.
Azalée arracha la hache de sa gangue de terre et s'apprêta à livrer son dernier combat.

Un grondement étouffé résonna au-delà du cercle de chevaliers et l'espace d'un instant ce qui paraissait un cercle mortel de lames et de pointes d'acier vola en éclats. Une créature haute de plus de trois mètres, rapide comme l'éclair et puissante comme la foudre, frappa de droite et de gauche. Le premier chevalier s'envola comme un fétu de paille, laissant sa hache à l'endroit où il s'était tenu un instant plus tôt. La bête se dressa sur ses postérieurs et attrapa un autre chevalier dans l'une de ses pattes aux griffes acérées. Le métal grinça quand elle planta ses crocs dans l'acier terni du plastron. Le chevalier se débattit comme un diable, assénant du revers du bras une série de coups qui firent gicler le sang du monstre. La bête exhala un rugissement et projeta le chevalier au loin avant de se replier sur elle-même, prête à bondir de nouveau. Le cercle de chevaliers se referma aussitôt autour d'elle et les lames luirent dans sa direction. Les crocs du monstre claquèrent, ses yeux brillèrent d'une lueur espiègle, puis il bondit au milieu de la troupe. En deux coups de pattes il fit sauter un heaume et la tête qu'il contenait, puis il esquiva un coup d'estoc avant de riposter en brisant le bras de son adversaire. A peine avait-il mis deux chevaliers à terre qu'il broyait le crâne d'un troisième et virevoltait comme une immense danseuse de cauchemar. D'un revers négligent de la patte, il propulsa deux guerriers à terre et les piétina pour s'élancer vers une nouvelle cible. Les chevaliers se jetèrent en avant avec témérité. Le sang ruisselait le long des immenses pattes de la créature qui soufflait comme un buffle dans l'air moite et gluant de sueur acide, mais rien ne semblait pouvoir venir à bout de son insatiable soif de combat. Le rang de chevalier s'était disloqué et les survivants semblaient hésiter à battre en retraite. Alors, dans un mouvement d'une fluidité terrifiante, la bête se dressa de toute sa hauteur et son aura de puissance domina la plaine. Son ombre s'étira dans le halo lunaire pour former une silhouette à la fois gracile et monumentale. Azalée contempla avec un mélange d'effroi et d'admiration le plus grand loup-garou qu'il lui eut jamais été donné de voir. Le museau, large et luisant, dégouttait du sang des dizaines de plaies que les épées des chevaliers lui avaient infligé, mais le loup semblait s'en moquer. Il avança d'un pas et son ombre couvrit les premiers adversaires qui commençaient à reculer en désordre. Avec un rictus amusé, il se pencha en avant et poussa un hurlement qui découvrit une rangée de crocs opalins, clairs comme un reflet de lune.
Un chevalier imprudent chargea mais l'allonge du loup était impressionnante et il décolla son adversaire de terre d'une chiquenaude. Le reste de la troupe reflua prudemment vers le bois en essayant de garder une formation de combat. Le loup ne chercha pas à les poursuivre. Il attendit patiemment que les derniers ennemis aient disparu dans les ténèbres de la forêt pour se retourner vers l'elfe et le mage qui l'observaient avec un air inquiet.
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Note du compilateur : ici s'arrête momentanément la compilation des textes sur l'arrivée des créatures de la dimension opaque sur Daifen et leur confrontation avec Wormius et ses alliés. Nous continuerons d'ajouter des textes au fur et à mesure que les copistes les restaureront et nous espérons réussir à créer un volume complet et cohérent qui fera référence en la matière.

Celimbrimbor | 22/08/07 15:45

Je l'ai dit, je le répète : j'aime.

Kez Maefele | 22/08/07 20:34

Moi aussi, j'aime beaucoup. Il est seulement dommage de présenter les élémentaires de mort sous un jour aussi négatif...

Edité par Kez Maefele le 22/08/07 à 20:34

Cerbère | 26/08/07 13:05

Magnifique, prenant, envoutant, excellent.

Du premier texte jusqu'à celui là, vraiment.

Edité par Cerbère le 26/08/07 à 13:06

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