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Jaelle N'har Allora | 25/08/07 09:40
Il s'appelle Wax. C'est une force de la nature, un monstre de muscles comme on n'en voit guère : pas loin de trois toises de haut, des cuisses épaisses comme des poteaux, des bras courts mais massifs, un buste taillé comme une armoire en chêne. Une bête de guerre, en somme. Pourtant, Wax n'est pas belliqueux : c'est un brave garçon, un peu simplet qui ne demande qu'une chose, qu'on le laisse tranquille.
Il a débarqué dans l'armée de l'Empereur Feldine un peu par hasard, ramassé par une patrouille de soldats un soir de beuverie... Car Wax a un grand défaut : il ne faut pas qu'il boive. Il suffit d'un pichet de bière blonde bien fraîche pour que s'opère en lui une métamorphose dont beaucoup de compagnons d'infortune ont fait les frais : le gentil Wax qui ne ferait pas de mal à une mouche se transforme en brute épaisse qui tape sur tout ce qui bouge. Et quand Wax se met à taper, je peux vous dire que ça fait mal, très mal !
Ce soir-là pourtant, il avait décidé de rentrer sagement chez lui, sans perdre son temps à la Taverne : des bruits inquiétants couraient dans la population sur l'imminence d'une guerre avec un état voisin et on racontait que les milices de l'Empereur cherchaient des volontaires pour aller peupler les rangs dégarnis de l'armée impériale. Mais l'idée de se retrouver tout seul dans son taudis ne lui disait rien, alors lorsque ses pas l'ont amené devant la Taverne du Barde Fleuri, c'est sans hésiter qu'il a poussé la porte pour aller « s'en jeter une », comme on dit dans son village natal, un trou du côté de Douma, à trois journées de cheval d'Hangzhou. Le premier pichet l'a désaltéré, le second l'a déchaîné : un nain à la table voisine a eu le malheur de vouloir profiter de la grosse bourse qu'il voyait dans les mains de ce géant, et a décidé de venir s'inviter à sa table. Il n'a pas eu le temps de réaliser ce qui se passait : une bourrasque s'est mise à souffler et il s'est retrouvé projeté dans les airs. Le choc avec le mur d'en face a été très brutal et le pauvre nain a senti ses os craquer avant de se retrouver sur le sol douteux de la Taverne. Puis la bourrasque s'est transformée en tornade : Wax s'est hissé sur ses cuisses et s'est mis à cogner sur tout ce qui se trouvait à portée de ses battoirs. Une patrouille de douze soldats qui passait par là en est venu à bout en laissant quand même les trois quarts de son effectif allongés dans la sciure avec les clients habituels de la Taverne.
Lorsque Wax s'est réveillé, il était enchaîné à fond de cale en route pour le front.
Ses compagnons ont vite compris qu'il valait mieux l'avoir de leur côté pour conserver une chance de se tirer de cet endroit détestable. Car l'armée de l'Empereur n'est pas vraiment fréquentable, même en période de paix. Pourtant Wax s'est vite habitué à la routine et à la discipline militaire qui ne le gêne pas. Il apprécie de ne pas avoir à réfléchir avant d'agir : ici, il sait que lorsqu'on lui donne un ordre, il doit obéir sans se poser de questions.
Depuis trois lunes, les bateaux accostent sans arrêt et déversent sur la grève leur cargaison humaine. Wax est chargé de convoyer les futurs soldats vers le campement établi à moins d'un sablier de marche, dans un paysage de dunes sans cesse balayées par les vents marins. Le géant exécute sa tâche sans rechigner et sans difficulté majeure : vu sa masse, les pauvres hères qu'il accompagne n'ont pas envie de se retrouver confrontés à lui. En plus, ils émergent des cales sombres et puantes des navires dans un sale état et n'aspirent qu'à une seule chose, trouver un endroit convenable pour reprendre des forces. Wax est aidé par deux autres hommes qu'il ne connaît pas et avec qui il n'échange que le strict minimum : les relations humaines ne sont pas sa tasse de thé, et il n'a jamais été d'un naturel très expansif. Surtout avec les personnes du sexe opposé. Les femmes sont des êtres qui l'effraient. Il a toujours oeuvré pour les éviter, persuadé qu'elles ne peuvent être que sources d'ennuis. D'ailleurs aucune d'entre elles ne s'est intéressée de près ou de loin à ce géant, et c'est tant mieux.
Alors que se passe-t-il dans la tête de Wax lorsqu'il aperçoit cette femme dans le troupeau qui vient de surgir de la cale du dernier navire de la journée ? Qu'a-t-elle de particulier pour attirer ainsi son attention ? Elle est petite, elle marche comme une zombie, les yeux fixés sur ses pieds, indifférente au monde qui l'entoure, à ces hommes avec qui elle va devoir composer jusqu'à la fin de ses jours ? Car il ne faut pas se leurrer, les individus qui arrivent ici sont de la chair à canon, ni plus ni moins, et leurs jours sont comptés.
Elle est revêtue d'une jupe longue qui lui tombe sur les chevilles, grise de poussière, effilochée dans le bas. Ses bras maigres sont resserrés autour d'une poitrine plate, la chemise qui la couvre n'est plus qu'un haillon et laisse entrevoir sa peau plus claire par de multiples déchirures, ses cheveux noirs sont attachés négligemment dans son dos et son visage est recouvert de crasse. Elle a dû pleurer mais ses larmes se sont taries, ne laissant que deux sillons irréguliers sur ses joues. Ses yeux sont vides. Aucune flamme ne les habite, on a l'impression que l'âme de cette femme a déménagé sans demander son reste, ne laissant derrière elle qu'une coquille vide... Et Wax est brusquement attiré par cette coquille. Lui, le Géant indestructible est en train de perdre un combat auquel personne ne l'a jamais préparé.
Le fouet claque dans l'air humide : il faut se hâter, la nuit tombe et le dernier contingent doit gagner l'abri du campement avant que l'obscurité ne soit totale. Wax accélère la marche. Des propos égrillards arrivent à ses oreilles. Les hommes du groupe ont soudain remarqué qu'il y avait une femme parmi eux :
- Tu viens dans mon lit, ce soir, mignonne ? dit l'un...
Un autre répond :
- Non, Lifar, elle est pour moi, je l'ai vue le premier, c'est le repos du guerrier avant l'heure !
- Pour qui tu te prends, Krios, elle est pas pour toi cette femelle, on n'a qu'à la jouer aux dés en arrivant ! rétorque le dénommé Lifar.
Des éclats de rire ponctuent cette proposition. La femme ne dit rien, elle continue à avancer, imperturbable.
Le camp se dessine enfin dans le noir : c'est un vaste espace délimité par des palissades en bois hâtivement dressées par les charpentiers pour éloigner les bêtes sauvages. Des sentinelles montent la garde et des torches sont disséminées parmi la multitude de tentes regroupées en escouades. Des allées ont été tracées et des pancartes portent des numéros qui permettent, normalement, de se repérer dans ce labyrinthe militaire.
Les formalités administratives sont expédiées en moins de temps qu'il n'en faut pour monter une tente militaire : deux piquets en bois et une toile revêche. Le strict minimum pour s'abriter des averses, fréquentes dans la région. Wax se hâte lentement vers ses propres quartiers. Il a abandonné son troupeau de nouveaux sur le carré central et s'est éclipsé sans demander son reste. Mais des éclats de voix montent dans la nuit noire. Le géant reconnaît ces voix. Il décèle la tension qu'elles contiennent. En temps ordinaire, il aurait continué son chemin. Mais une aile mystérieuse l'a frôlé tout à l'heure et il n'est plus tout à fait le même... Il fait demi-tour et se hâte vers la querelle dont il connaît l'enjeu.
Les deux hommes sont face à face, hargneux, les traits défigurés par la haine. Le dénommé Krios a les lèvres en sang, l'autre, Lifar, a une grosse pierre dans la main droite. Avec un cri furieux, il se jette sur son compagnon d'infortune. D'autres soldats font cercle autour de ces deux-là et les encouragent. La femme est debout, les bras croisés sur sa poitrine, un peu à l'écart. Sa chemise est complètement déchirée et pend en lambeaux autour de ses hanches, uniquement retenue par sa ceinture.
Wax enregistre tout ça d'un seul coup d'oeil. Sans hésiter, il se précipite en fendant le cercle des spectateurs. Lifar lève la main pour frapper Krios mais ne termine pas son geste : il est saisi par le cou et se retrouve suspendu dans l'air, les pieds à dix pouces du sol. Il proteste, sa bouche s'ouvre à la recherche d'un peu d'air. Krios, lui, est assis sur le sol et regarde bêtement ce géant qui les surplombe tous les deux : la dispute pour cette femelle lui semble tout à coup bien dérisoire.
Wax lâche Lifar d'un seul coup. Il dit d'une voix grave :
- Cette femme est avec moi. Personne n'y touche, compris ?
Le silence qui suit est à couper au couteau. Indifférent, Wax délaisse les deux hommes et se dirige vers la fille. Un frisson parcourt la foule des badauds et le Géant se retourne brutalement, alerté par un picotement entre les épaules qui lui a plus d'une fois sauvé la vie : son poing percute Lifar qui arrive à toute vitesse, la pierre brandie dans sa main droite. Le bruit est horrible : un craquement sinistre, comme un tronc d'arbre qui hésite avant de se fendre en deux... Le crâne de Lifar éclate comme un fruit mûr, il meurt avant même de toucher le sol, du sang dans la bouche et les oreilles.
Plus tard. Il marche le long des allées obscures. Il lui a pris la main, pour la guider. Elle le suit sans difficulté, confiante. Le Géant se repère sans mal. Il arrive bientôt à sa tente. Une torche en éclaire l'emplacement. Ses lueurs mouvantes donnent du relief à cette scène irréelle. Il lâche sa main, se plie en deux pour aller chercher sous l'abri de la toile une couverture qu'il lui met sur les épaules. Il pose les deux mains sur les épaules frêles et la regarde dans les yeux. Il dit :
- Moi, c'est Wax. Et toi ?
La fille le regarde intensément, comme si elle comprend soudain qu'il vient de la tirer d'un sale pétrin. Elle semble chercher dans son esprit embrumé puis elle sourit et dit :
- Sydney. Je suis Sydney.
- Sydney, répète Wax, Sydney.
Il la pousse vers la tente. Obéissante, elle pénètre à l'intérieur et se couche tout au fond, pelotonnée sous le tissu rêche. Wax s'assied devant l'abri de fortune tout en cherchant à comprendre pourquoi il s'est mis dans cette situation. Au-dessus de lui, les étoiles s'allument une à une. Un ange passe, rassuré.
Jaelle N'har Allora | 25/08/07 12:51
Lancwen > Mon intention n'est pas de chambouler l'atmosphère agréable et tranquille du Faux Rhum en publiant des textes qui pourraient heurter la sensibilité des lecteurs bien sympathiques qui s'y côtoient. Mais je devine en vous un lecteur assidu de mes aventures à Hangzhou, bravo ! J'en suis ravie et ...flattée !
Orféor > Merci mon ami, longue vie aux Dragons !
Zoltahn Kodaly | 25/08/07 13:47
Ne serait-il pas temps d'enterrer ces vieilles querelles ?
Kez Maefele | 25/08/07 14:04
Où ça des quenelles ???
Cerbère | 26/08/07 13:58
Désolé pour le retard, mais très joli texte
Loken Nifelheltyr | 26/08/07 20:28
Moi j'ai pas compris la querelle mais je demande si on peut prendre des paris?
Celimbrimbor | 26/08/07 23:14
Avis : le prochain message qui jettera de l'huile sur le feu ou essaira de raviver une controverse qui n'a pas lieu d'être sera immédiatement supprimé sans justification de ma part.
Amicalement.
Celim.
Messages de Lancwen et d'Orféor supprimés, raisons données par mail.
Merci de votre compréhension.
Celim.
Edité par Celimbrimbor le 26/08/07 à 23:27
Whispershill | 27/08/07 19:30
J'accroche pas mal (comme beaucoup d'autres textes d'ici d'ailleurs) ! Aura-t'on la suite des aventures de ce laconique et sympathique Wax ?
