Forum - [RP Mytholodhil] Les Chimérrances...
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Chiméra Klesh | 23/10/07 15:53
Première errance - La voile noire du navire de Thésée
L'étrangeté était la fleur envoûtante et vénéneuse dont la fragrance régnait en maître sur ces terres légendaires : Chiméra Klesh le réalisait maintenant !
Tout avait commencé pourtant de façon rassurante, voire même presque familière : un seuil, des cavernes, un labyrinthe enfoui, promesse de milles énigmes sanctionnées de milles trésors ! Puis, les errances interminables de l'oniromancienne dans une solitude que rien ne venait troubler, si ce n'était les frôlements minéraux de soupirs aussi invisibles qu'intangibles.
« Étrange... Je croyais pourtant que nous serions une trentaine de seigneurs à errer dans ce labyrinthe. Et je ne vois pas âme qui vive ! » 
Peut-être aurait-elle du lancer quelques appels au hasard des couloirs torturés, mais après une rapide réflexion elle y avait renoncé : parmi ceux qui, comme elle, parcouraient le labyrinthe, elle n'avait pas que des amis. « Mieux vaut rester aussi invisible et intangible que ces soupires qui m'accompagnent dans mon errance... »
Mais très vite, elle avait du se rendre à l'évidence : elle n'était pas dans un simple labyrinthe ! La succession des nuits et des jours auraient du altérer sa forme, elle qui vivait ses jours dans un corps de dryade et qui hantait ses nuits dans la peau putréfiée d'une harpie ; or aucune métamorphose ne s'était imposée à elle depuis qu'elle était en ces lieux : dryade elle était et dryade elle restait, même lorsque la nuit régnait sur le labyrinthe.
Les apparitions des messagers, les Têth-deux, s'avéraient tout aussi surprenantes : une forme de magie qu'elle n'avait jamais vue, entre l'illusion et la réalité.
Puis, elle avait trouvé la porte bleue.
Simple et austère, à première vue : des planche de bois assemblées et clouées à la va-vite, peintes en bleu azur et manifestement rongées par un air trop salin. La poussant de la pointe de son épée courte, Chiméra contempla à quoi ressemblait la deuxième moitié du labyrinthe de Mytholodhil avant de s'y engager. C'était une plage ! Immense et céleste.
S'avançant sur le sable fin de couleur bleutée, l'oniromancienne scrutait l'étrange espace dans lequel elle venait de s'engager : une crique à ciel ouvert, qui ne comportait qu'une seule issue navigable, engoncée entre deux immenses pans montagneux écrasants de verticalité et dont les cimes se perdaient dans les brumes célestes de nuages trop joueurs.
« J'ai donc le choix entre la navigation et le vol... »
De mauvais souvenirs de Zeppelindhil lui firent opter pour la première solution : Chiméra s'installa sur le sable azur et commença à tracer des symboles ensorcellés du bout du doigt tout en murmurant ses incantations. Les esprits du vent et de la vague répondirent à son appel et convergèrent vers elle...
La nuit était tombée lorsqu'elle acheva l'élaboration de son embarcation enchantée. Une nouvelle nuit était tombée et toujours la harpie se refusait à elle. « Manifestement, les mystérieux enchantements du labyrinthe sont tissés à l'échelle du continent ! Tant pis, je me passerais de la férocité de la harpie pour m'appuyer sur les ensorcellements de la dryade. »
Avisant le ciel nocturne, Chiméra apporta la touche finale à son navire : une voile noire comme la nuit. Puis, après une inspection de son oeuvre qu'elle jugea satisfaisante, elle monta à bord et, immédiatement, le navire quitta la rive pour s'engager sur le fleuve encadré de parois rocheuses. Abandonnant la navigation à son navire enchantée, Chiméra gagna la cabine moelleuse qu'elle y avait incluse et s'y plongea dans un sommeil réparateur.
Elle n'en sortit que le lendemain, pour se demandait où elle pouvait bien se trouver : le fleuve se fragmentait en de multiples branches, toutes bordées par des immenses murs aquatiques, cascades vives et drues tombant d'incalculables hauteurs et formant les murs grondants de cet immense labyrinthe aqueux.
« Où que je puisse me trouver, je suis au delà de la porte bleue : il n'y a aucun doute là-dessus ! » Après avoir regardé sa boussole pour rechercher le chemin du nord, Chiméra s'installa à la barre et engagea son navire sur la rivière qui coulait nonchalament vers le septentrion.
Vitas Brevis | 29/10/07 00:42
Onirique à souhait... et joliment écrit.
(je sais j'ai du retard sur mes lectures
)
Chiméra Klesh | 09/11/07 20:53
Deuxième errance - Les rugissements du Lion Vert
Le labyrinthe aquatique se poursuivait devant la proue du navire ensorcelé de Chiméra Klesh, mais plus de la même façon que précédemment : si son esquif avançait toujours dans un labyrinthe aqueux, il n'était plus cerné de murs d'eau mais de gouffres abyssaux et vertigineux! Partout autour d'elle rugissait le grondement de l'eau qui se précipitait dans le vide avant de s'y écraser bruyamment. Balloté entre des dizaines de chutes assassines qui dessinaient ce labyrinthe mortel, le navire à la voile noire était entraîné par un courant vif autant que brutal. Les eaux avaient perdu leur douce teinte azur et se drapaient désormais d'une inquiétante couleur émeraude, déchirée par l'écume de nacre de vagues trop violentes.
Pouvait-on encore parler de navigation dans cette folle course en avant d'un navire perpétuellement emporté par les rapides et voué à ne pouvoir qu'accélérer ? Aspiré par le courant, il fallait choisir hâtivement son chemin tout en se tenant le plus loin possible des gouffres qui faisaient office de murs. Cramponnée à la roue de bois - tout autant pour diriger son navire que pour ne pas chuter sous l'effet du roulis - Chiméra ne quittait plus la barre ! Et les heures défilaient, indifférentes à l'attention de tous les instants que le cheminement exigeait de la dryade.
Si seulement elle avait eu une poignée de minutes de libres, elle aurait pu invoquer ses élémentaires : un Hydrak qui aurait apaisé les eaux ou alors un Aerak qui aurait guidé le navire d'un vent stabilisateur. Hélas, elle ne pouvait se permettre de lâcher la barre un seul instant : abandonner le navire à lui-même signifiait un naufrage immédiat dans ces eaux vertes, suivi d'happement par un gouffre rugissant. Pourtant, Chiméra réalisait parfaitement que se cramponner à cette barre n'était certainement pas une solution : elle n'était ni guerrière, ni navigatrice, et ses pauvres bras de magicienne étaient complètement tétanisés par l'effort fournit par ces interminables heures de lutte contre ce courant qui, lui, ne se fatiguerait pas ! Elle ne sentait de ses deux bras que leur douleur et leur atroce rigidité et seuls ses yeux lui affirmaient qu'elle tenait encore la barre fermement, son sens du toucher ayant déserté depuis bien longtemps ses mains endolories.
Mais elle était déterminée à ne pas céder : il lui fallait trouver une issue et la perpétuelle accélération du courant ne pouvait que la rapprocher de la sortie. Devant ses yeux brouillés d'écumes salines et de fatigue désespérée, les embranchements du labyrinthe happaient la proue de son navire, écho instantanée des décisions qu'elle imposait instinctivement à la barre engoncée dans ses bras meurtris : à gauche à gauche en face à droite à gauche en face en face à droite !!!
Un coup d'oeil rapide à la boussole. À gauche à gauche tout droit tout droit... Par les cornes du Minotaure, où est le nord ?? À droite tout droit à droite... Le regard qui remonte vivement sur la pointe de la proue. Attention un gouffre ! À gauche pour l'éviter, à droite pour contrecarrer l'élan pris, en face pour stabiliser, impasse en face de moi.
Plus d'issue ! Chiméra n'a pas le temps de réaliser que son navire ne peut pas emprunter ce chemin là que déjà il se termine brutalement et l'esquif bascule dans le vide, se voit précipiter quelque part, vers le bas, dans le sourd grondement des eaux victorieuse. La vertigineuse sensation de chute libre s'empare de la dryade alors que, à l'instar de son navire, elle tombe. Le vent glacé qui la fouette et la transperce de ses gouttes glacées donne un nouvel élan à ses mains mortes à force de cramponner cette barre qui désormais lui est bien inutile. Un sortilège, vite ! Oubliant ses doutes, oubliant le trop faible nombre d'élémentaires répondant à ses appels depuis Fulupudhil, Chiméra incante fiévreusement. Elle prie Mère Magie de déchirer les trames de la réalité qui séparent ce monde de celui de l'Air, elle appelle à elle les serviteurs du souffle céleste. Elle ne le réalise pas encore mais déjà un élémentaire d'Air l'enveloppe et ralentit sa chute. Quelque part, infiniment plus bas, son navire se fracasse contre ce qui semble être sa destination finale à elle-aussi : une vaste étendue d'eau.
Et soudain, tout devient vert et humide. La douleur qui parcourt son corps lui fait prendre conscience de la violence de l'impact à la surface de l'eau, mais grâce à la vaillance de son élémentaire, elle a survécu. Empêtrée dans ses robes de magicienne, Chiméra se débat, entraînée vers le fond par le tissu gorgé d'eau glacée et devenu trop lourd. Elle chasse hâtivement l'étourdissement causé par le choc : si elle ne veut pas mourir noyée, elle n'a que quelques secondes pour se tirer de là. Empoignant ses tuniques à pleines mains, elle les déchire rapidement afin de s'en extirper, puis, à bout de souffle, elle nage précipitamment vers la lumière. Son arrivée à la surface est saluée par une brusque goulée d'air frais qu'elle aspire voracement. Fourbue et glacée, elle regarde frénétiquement ce qui l'entoure, cherchant un échappatoire à la froide noyade qui guette son corps exténué. Plusieurs îles... Peut-être même aurait-elle la force de nager jusqu'à l'une d'entre elle, n'importe laquelle, toutes feraient sans doute l'affaire pour s'y laisser mourir de froid et de harassement.
Sur l'une de ces îles, un lion la regarde. Installé sur la plage, c'est un lion au pelage vert, robuste et massif. Son regard de sphinx de porte sur la dryade en train de se noyer.
« Le corps du lion, halète Chiméra entre deux goulées d'eau glacée. Le Corps du Lion... »
La simple présence de l'animal lui donne alors les ressources qui lui faisaient défaut. Elle passe de longues minutes à nager vers le Lion Vert, dans le grondement des précipices mortels qui encadre son naufrage. Dans son délire, Chiméra perçoit ces grondement comme étant ceux du lion, qui l'encourage à venir le rejoindre, à poursuivre ses efforts, même si ses bras la brûlent et si ses jambes n'obéissent que mollement à ses injonctions. Mus par l'énergie du désespoir, ses membres écrasés de fatigue la mènent, brasse après brasse, jusqu'à la plage salvatrice où elle s'échoue, haletante et brisée, mais victorieuse !
Grelottant de froid et d'épuisement, nue et tremblante, Chiméra titube sur le sable mouillé et s'effondre contre le lion qui la regarde en silence, sans esquisser un geste. Blottie contre lui et à l'abri dans son pelage émeraude, elle s'endort profondément.
Edité par Chiméra Klesh le 09/11/07 à 20:54
Pépé Le Pew | 11/11/07 22:41
De mieux en mieux, je trouve.
Noir-feu | 12/11/07 00:51
On attend la suite avec impatience!
Jarx le Vieux Loup de Mer | 12/11/07 10:17
Yep, bravo! 
A'ort Clan du sang | 14/11/07 02:52
A'ort continuait ses errances dans les labyrinthes Mytholodiens.
Il avait déjà croisé plusieurs seigneurs sur sa route, pour la plupart aussi paumés que lui, et avait échangé quelques mots avec eux, discuté le bout de rune, mais il continuait ses pérégrinations.
Il fallait bien qu'il retrouve 'Urt.
Il se posait aussi beaucoup de question sur son statut. Le labyrinthe avait un effet bizarre sur lui. Son ectoplasme était encore capable de voler, mais il se sentait lourd, pesant, et il lui arrivait d'être capable d'interagir avec certains objets, parmi lesquels - ô joie - le crane de certaines créatures.
Plus tôt, à l'entrée d'une salle, il avait voulu traverser une porte comme à son habitude, et il l'avait poussé !
Son nez n'avait pas trouvé l'expérience particulièrement agréable, mais cela avait profondément perturbé le khan.
A'ort fit halte, devant lui un cul de sac, et en face à quelques mètres une échelle gravée dans la pierre.
Trop évident.
Il se baissa et plana jusqu'au sol. Une petite rainure parfaitement rectiligne montait le long des murs de chaque côté. Un piège !
Un truc sympa dans le fait d'être immatériel, c'était de pouvoir mettre son nez partout sans risque - à l'exception des portes dernièrement. Cela rendait la progression dans le labyrinthe des plus aisées, et la plupart des pièges dérisoires.
Probablement, les quelques échelons gravés dans la pierre s'arrètaient quelques mètres plus haut, et n'étaient qu'un leurre.
- Bon, on va vérifier ça ! murmura le khan pour lui-même.
Il laissa son ectoplasme flotter jusqu'au premier échelon, et machinalement posa son pied spectral dessus ....
WWWWOOOUUUUUUAAAAAHHHHHH !!!!!!!!!
Le mur se rabattit sur lui, tandis qu'une trappe s'ouvrait au sol.
Le boyau dans lequel se retrouva le khan était sombre et résolument vertical.
- Qui a éteint la lumièeeeeeere ???!!!
De plus, un violent courant d'air soufflait vers le bas.
Le khan essaya de résister au vent violent et de se stabiliser, tout en battant des bras pour trouver des prises et s'accrocher.
Rien à faire, mi-chair, mi-éther, le khan poursuivit sa course de plus enp lus rapide vers ...
Un ciel bleu, des flots à perte de vue, et une plage de sable fin.
Le khan tournoya quelques instants, chercha en vain du regard par quel orifice il venait de déboucher là, et se mit à regrouper ses esprits.
- Deux pieds, OK. deux jambes, OK. bras droit, Un. bras gauche, ouais Un aussi, avec la main au bout. La tête à l'air d'être à la bonne place. Bon. Mon vieil ectoplasme n'a pas trop souffert.
je suis où là ?
Pas grand chose dans les environs à première vue. Tout cela resemblait fortement à un petit ilot isolé.
Seul élément mytholodhilien incongru, un lion au pelage vert, robuste et massif tronait sur la plage tel un sphynx.
- Mouais ! à défaut de ptérotaure !!!
L'orc vérifia si ses hachoirs étaient toujours là, et chargea :
- KKAAAAARRRNNNNAAAAAJJJJJ !!!!!!
Pépé Le Pew | 14/11/07 08:31
Sympa ces errances aussi.
Mais c'est pas chouette de piquer la page de son petit camarade, meme lorsqu'on a les memes hallucinations. 
Chiméra Klesh | 14/11/07 19:10
Le piquage a été fait avec l'accord expresse du petit camarade. 
A'ort Clan du sang | 17/11/07 04:41
Eh .. non finalement, j'ai rien à dire .. alors je dis rien ... 
Edité par A'ort Clan du sang le 17/11/07 à 04:42
Chiméra Klesh | 04/12/07 22:05
Troisième errance - Les cantiques de l'Antimoine
« Alors, où sommes nous ?
- Mais tu le sais, Chiméra. Nous sommes au coeur du labyrinthe. »
La dryade soupira, une fois de plus. Cette conversation ne menait nulle part. Comme à son habitude, elle regarda autour d'elle l'île qui était devenu son refuge depuis qu'elle avait échoué ici : ce qui la caractérisait le plus était sa simplicité, son dénuement. On n'y trouvait nul coffre dissimulé, nulle caverne mystérieuse et nulle cascade scintillante. Nulle voyageur non plus : tout au plus crut-elle entendre crier son nom à quelques reprises, mais personne ne se manifesta cependant. Ici, il n'y avait rien ni personne. Juste du sable et de vaines discussions avec ce lion au pelage vert. Elle avait initialement cru voir en lui un sphinx, mais s'il s'exprimait par énigme, il n'était en rien la créature fantastique répondant à nom si prometteur. En fait, Chiméra le soupçonnait d'être un autre voyageur égaré qui, de lassitude, se considérait désormais comme un habitant du labyrinthe. Car s'il restait bien peu loquace à son propre sujet, le Lion Vert pouvait parler du labyrinthe pendant des heures.
Selon lui, le labyrinthe était différent pour chaque personne : chacun voyait, vivait et affrontait un labyrinthe qui n'avait rien à voir avec la perception qu'en avaient les autres. Telle est la magie du labyrinthe : diviser pour mieux régner ! Nul ne pouvait compter que sur ses propres forces pour le vaincre. « Pourtant, lui avait un jour dit le Lion Vert, ceux qui parviennent à comprendre la magie des Runes peuvent accorder leur labyrinthe avec d'autres voyageurs. Le mot est synchonicité. »
Les jours passaient et Chiméra retrouvait des forces. Grâce à sa magie élémentaire, elle avait pu faire pousser quelques plantes et se tisser un pagne rudimentaire avec ces quelques matériaux de fortune : « je fais vraiment dryade, ainsi vêtue... ou plutôt ainsi dévêtue, » se dit-elle en se mirant dans l'eau. Mais ce séjour auprès du fauve chrysopéen lui permit de réfléchir, de se concentrer sur la lourde tâche qui l'attendait.
« L'arme de ce labyrinthe est l'illusion. En tant qu'oniromancienne, voila qui devrait me parler ! Je suis actuellement plongée dans le même palais des délices, somptueux et meurtrier, que celui que j'impose à mes propres victimes. Pour en sortir, je dois ne plus respecter la règle du jeu, mais imposer la mienne. » C'est ainsi qu'elle sût comment elle allait faire.
Il lui semblait inutile de se fabriquer un lit confortable : si son intuition était juste et si son plan fonctionnait, ce détail serait sans réelle importance. Elle s'allongea sur le sable en silence et ferma les yeux avant de commencer mentalement ses transes oniromantique, sous les yeux amusés du Lion Vert. Elle se concentra sur elle-même et sur son propre sommeil naissant, le seul élément extérieur lui parvenant encore étant le chant des vagues sur la plage. Son actuel Royaume sur les Récifs, tout à la fois dépourvu de royaume et de récifs.
Le chant des vagues fut tout ce qu'elle conserva lorsqu'elle passa de l'autre côté. C'est du moins ce qu'elle crut dans un premier temps. Sa première pensée fut la surprise et le soulagement : c'était la première fois qu'elle pratiquait un ensorcellement oniromantique sur ses propres rêves ! Maintenant qu'elle était passagère de son propre rêve, elle espérait s'affranchir du joug que lui imposait le labyrinthe. Elle regarda autour d'elle : elle se trouvait au milieu d'un petit sentier forestier, vêtue de ses habituelles robes pourpres. À ses oreilles résonnait encore le son qui l'avait accompagné dans son plongeon dans les songes, mais maintenant qu'elle l'écoutait bien, il ne s'agissait plus vraiment du bruit de vague mais de psaumes graves et réguliers. Des psaumes qui nécessairement venaient d'une gorge ! Quelqu'un venait !
Il suffit de quelques minutes pour que le sentier soit foulé par un autre voyageur, celui qui chantait les cantiques qu'entendait Chiméra : un homme mince et légèrement ventripotent, dans en robe de bure d'un jaune tirant à la fois sur le brun et sur l'écru. Son visage disparaissait sous le lourd capuchon qui le recouvrait. La dryade l'accueillit avec un sourire énigmatique, se demandant si cet étrange ecclésiastique était un ami ou un ennemi. Devant elle, l'être cagoulé s'était immobilisé et avait cessé son chant : sans doute se posait-il la même question.
« Bonjour à toi, voyageur. Sans doute es-tu perdu comme moi dans ces terres denses et mystérieuses ? Je suis Chiméra Klesh, l'Oniromancienne, et peut-être pourrions nous faire route ensembles ?
- Salut à toi, Dame au nom de Chimère. Je suis le Frère Rebis l'Antimoine. Sans doute ne suis-je pas perdu, puisque mon chant révèle les destinations et préserve de l'égarement. Mais tout comme toi, je suis à la recherche de quelque chose, même si ce n'est pas mon chemin...
- Et que cherches-tu, Frère Rebis ?
- Le jour où tu auras deviné la réponse à cette question, ma quête aura bien avancé ! »
Sur ces mots énigmatiques, l'Antimoine reprit son chemin et ses cantiques. Chiméra lui emboîta le pas. Au fil de ses pas, elle réalisa plusieurs détails qui lui avaient échappé jusqu'à maintenant. Le chant de l'homme semblait commander aux sentiers : certains s'ouvraient devant ses cantiques et d'autres se refermaient. Quoiqu'il en soit, son chant neutralisait la pluralité et l'incertitude qui y était lié. Ceci démontrait hélas que, bien que plongée dans son propre rêve, Chiméra était toujours dans un labyrinthe, même s'il avait désormais l'apparence d'une forêt daifennienne. L'autre chose que réalisa la dryade est que le postérieur qui avançait devant elle avait manifestement quelque chose de... féminin. En regardant de plus prêt l'antimoine, il lui sembla également que ce qu'elle avait pris pour un léger embonpoint pourrait aussi être une poitrine un peu basse. Pourtant, la carrure de l'ecclésiastique évoquait celle d'un homme : avec cette robe de bure qui estompait ses formes, il était difficile de savoir si Rebis était homme ou femme.
Mais Chiméra Klesh dut alors cesser ses réflexions car le bruit du ressac se faisait entendre à ses oreilles : le vrai, celui de l'écume des vagues sur les récifs minéraux ! La forêt cessait brusquement pour laisser la place à une citadelle de pierres noires, nimbées d'une aura couleur flamme et hérissée de donjons dressant vers le ciel leur unique doigt vengeur. Deux griffons sillonnaient les nuages en poussant leur cri strident pour avertir les téméraires.
Et elle sût instantanément qu'elle venait de trouver son royaume ! Dans le mur d'enceinte, juste à côté du portail, se trouvait l'alcôve où montait la garde celui qu'on appelait le maître du rempart : un homme large à stature de combattant, drapé de pourpre et portant ses armoiries.
La conquête de Mythlodhil allait enfin pouvoir commencer !
[à suivre]
Le Déchu | 06/12/07 16:41
Pépé Le Pew | 12/12/07 07:15
(avec un peu de retard) toujours aussi plaisant.
C'est pour quand la suite ? 
Chiméra Klesh | 12/12/07 22:13
Quatrième errance - Cassius blêmit
À nouveau le tendre souffle des vents dans son plumage ! Chiméra avait repris son vol et, au comble de la jouissance, éclatait de rire au milieu des tourmentes célestes. Autour d'elle, ses soeurs harpies firent écho à sa joie de leurs cris dissonants. Au dessous de leurs trajectoires capricieuses s'étendait la citadelle de pierres noires, dont les murs résonnaient au son de l'acier qu'on forge. La fumée des artisans teintaient le ciel de noir et de blanc, faisant écho au rouge des fourneaux. Les trois couleurs alchimiques : cette citadelle était-elle son athanor ? Car l'alchimie était transmutation, phénomène que connaissait bien Chiméra, habituée qu'elle était des passages entre ses formes de dryade et de harpie. Et maintenant qu'elle était sur le sentier de la guerre, elle avait fait de son corps et de son âme ceux de la harpie.
Son vol erratique tout autant qu'extatique l'amena jusqu'au balcon qui dominait toute la citadelle. Le maître des remparts, Cassius, s'y trouvait une fois de plus. Chiméra se posa sur la balustrade et contempla le paysage forestier et maritime qui l'entourait. Décor onirique que cela... De sa simple volonté, Chiméra fit arriver l'aube et le soleil déjà dardait ses traits acérés sur elle, la ramenant à l'état de dryade.
« C'est mon rêve, après tout ! Je peux bien faire lever le jour si je veux. »
Elle se tourna vers Cassius, pensive : le garde drapé de pourpre était là, une fois de plus, avec toujours la même expression désapprobatrice. Elle savait déjà ce qu'il allait lui dire une fois de plus. Il fallait qu'elle prenne une décision le concernant : l'écouter finalement ? Le faire exécuter ?
« Ma Dame, je vous en conjure, vous dev...
- Cassius, tu m'as tant et tant parlé que tu dois être assoiffé et affamé. Allons donc dans le grand salon : nous y retrouverons Rebis l'Antimoine et nous pourrons déjeuner. Je meure de faim. »
Tandis qu'ils se dirigeaient vers la vaste pièce d'où émanaient d'affriolantes odeurs de cuisine, Cassius murmura à sa maîtresse.
« Ma Dame. Je porte le pourpre de vos armoiries tout autant que vos intérêts en mon coeur. Vous devriez vous méfier de cet ecclésiastique au visage dissimulé. Rien ne vous garantit qu'il soit un allié.
- Allié, il ne l'est certes pas ! Il est une émanation du labyrinthe, une aberration imposée par Mytholodhil à la trame onirique du songe que j'impose ici. Mais sa présence à mes côtés est indispensable, ainsi le veut Mytholodhil. Il est celui que je suis. Et ne t'inquiète pas de ce capuchon qui camoufle ses traits : je sais parfaitement ce que dissimule cette robe de bure jaune. »
D'ors et déjà ils arrivaient et Chiméra s'attablait devant un robuste petit déjeuner. Face à elle, l'antimoine chantait doucement, sans guère toucher aux victuailles. Avec un soupire exaspéré, Cassius revint à la charge une fois de plus.
« Ma Dame, vous devez trouver vos alliés au plus vite. Vous ne pouvez commencer les manoeuvres et le pillage sans les avoir identifiés, vous risqueriez... »
Chiméra frappa du poing sur la table. Une cruche de vin se brisa et répandit son contenu parmi les mets, souillant les denrées de son éclat carmin et de son odeur entêtante. La table semblait baigner dans le sang.
« Je risquerais QUOI, Cassius ? J'ai fait tout mon possible pour les retrouver, mais leur seule réponse est le silence ! Alors qu'à cela ne tienne !!! Je ne suis point isolée non plus : j'ai des amis, même en dehors de cette Maison que m'impose Mytholodhil. Alors que résonne le fracas des armes ! Et si jamais mes harpies débarquent massivement chez l'un de ces supposés alliés, je ne donnerais nul ordre de retraite, nul ordre de cesser le feu ! Je veillerais qu'une harpie ou deux trouve le maître des lieux et lui bouffe la langue. Au moins nous aurons une explication rationnelle à ce silence !!! »
L'antimoine s'était figé et avait cessé ses psaumes, contemplant la scène dans un silence menaçant et désapprobateur. Le maître des remparts, quant à lui, était devenu livide devant l'incroyable fureur de sa maîtresse : même revenue à sa forme de dryade, la hargne de la harpie l'habitait encore. Et le venin aussi, constata-t-il alors qu'elle reprenait d'une voix calme, presque sifflante.
« Cependant, je vais leur donner une toute dernière chance. Cassius, tu vas quitter ton alcôve dans le mur et prendre la route. Ton périple sera à l'échelle du continent lui-même. Toi qui te soucie tant du destin de ces seigneurs de ma Maison, parcours donc les routes de ce continent et trouve-les. Raconte leur ce qui s'est passé ici et aujourd'hui : tout ce qu'ils ont besoin d'y trouver s'y trouve, tout ce qui aurait pu s'y glisser par erreur en a été chassé. Dis leur de me contacter au plus vite, avant qu'ils ne se retrouvent face à mes troupes. Car le temps n'est plus à l'expectation mais à l'action. Et s'il le faut, je partirais en guerre seule contre tous et je réglerais ça à la filoche. Ça me rappellera ma jeunesse, sur Amberdhil ! »
Un silence de plomb s'abattit dans la salle. Aucun domestique n'osait bouger et l'antimoine semblait pétrifié. Seul impertinent de l'endroit, le vin renversé gouttait sur le sol, d'un ploc-ploc discret et régulier. Mais ces directives suffisaient au maître du rempart : il allait enfin pouvoir essayer de retrouver ceux qui étaient censés combattre aux côtés de Chiméra Klesh. Il salua silencieusement sa maîtresse puis quitta la pièce pour rejoindre ses quartiers et s'équiper au plus vite. Il avait trop peu de temps et tant de chemin à parcourir. Dans une heure à peine, il serait parti.
Pendant ce temps, Chiméra regardait le repas souillé et sentait sa fureur s'apaiser. D'un mouvement agacé, elle fit de la main une passe oniromantique et par son caprice, le grand salon se transforma en pigeonnier.
« Alors, mes petits ? Des nouvelles de mes amis ? »
Il y en avait...
Quelques heures plus tard, la nuit était à nouveau tombée sur le labyrinthe et ses illusions. Escortées des deux griffons, les harpies prirent leur envol, Chiméra à leur tête.
Le Déchu | 12/12/07 23:05
On a l'air de bidons avec nos continents normaux, nous. Eh ben bravo, ça me fait toujours triper. Je vais le reprendre du début, tiens, du coup...
Lancwen de Sigil | 13/12/07 00:53
parfois le silence est d'or, parfois il signe votre mort...
Pépé Le Pew | 13/12/07 07:47
Je ne peux dire si c'est lié, mais 2 seigneurs auraient peut-etre mieux faire de parler avant cette lune... 

