Forum - « Tu trembles, frêle carcasse. »
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Sanaga | 08/08/10 18:07
« Et tu tremblerais bien d'avantage si tu savais où je te mène. » (*)
Ces foutus fourmillements qui démangeaient le bout de ses doigts lui reprenaient. À croire qu'au mépris de sa tranquillité d'esprit, son corps se laissait submerger par une recrudescence d'angoisse. La Dragonne rit doucement en son for; voilà qu'elle aurait tout vu. Elle agita les doigts au vent pour leur intimer le calme. Du campement en face s'élevait le chant de quelque barde. Et tous, tapis à l'abri dans l'attente de l'assaut, en écoutaient la mélodie. Sanaga aimait prodigieusement la musique, quelle qu'elle fut, y compris parfois les chants imbibés de quelque soiffard. Elle avait tout d'un conte, la musique, pour peu qu'on l'écoute avec attention. Entre tous, le barde était sans doute celui qui, du bout des doigts, pétrissait l'humeur de son auditoire avec le plus de dextérité. Tout comme la tempête d'une bataille, la captivité qui retenait l'esprit de chacun était sienne. Et le silence qui lui succédait était encore de lui.
L'écailleuse maugréa, quand le meuglement de la vache, sous elle, démembra un peu la mélodie lointaine. Elle bougonna un peu sur sa large monture avant de tendre sa chope vide au satyre posté à ses côtés, soldat des premiers jours, un sourire languide au visage.
-Encore?
Sitôt la chope saisie, le satyre disparut sous la bovine monture pour en extraire quelques traits lactés. Contrairement à la musique, Sanaga n'aimait pas tant les bêtes. La réciproque était tout aussi avérée. Mais comment reprocher à une bête d'en redouter une autre ? Pour autant, elle se félicitait cette fois d'être parvenue, plût aux herbes, à annihiler suffisamment l'instinct de survie de l'animal pour parvenir à le domestiquer sans qu'il ne s'épouvante de la nature Dragonnique de sa cavalière.
Sanaga leva le nez en l'air. En cette fin d'après-midi, le ciel était plus bouché qu'aucun baril de rhum. Oui da, un ciel Hermestiquement radin en soleil. Étonnant d'ailleurs, sous cette latitude. Bas et tout en longueur, les énormes cumulus étranglaient les cieux pour n'en pas laisser filtrer un seul rayon solaire. Cela se tortillait, comme mille serpents aériens, et enflait à vue d'oeil en de gros amas grisâtres. Emportés par les courants aériens, les pernicieuses gangues nuageuses filaient tout droit vers l'Est, sur le campement ciblé. Torche en main derrière d'épais taillis, un scout s'approcha silencieusement vers la Dragonne juchée.
-Le temps est propice. Les courants porteront sur le cantonnement. Peut-on commencer à enflammer les réserves?
-Oui, da. Nous Vormonterons avec d'autant plus de facilité, acquiesça la Dragonne en un sourire serein, sitôt approuvée par le léger mugissement bovin.
En ce bivouac prépotent, Sanaga s'était attendue que tentes et fortins seraient plus imposants qu'aucune forteresse. Mais rien ne faisait front, au delà des palissades, que de petites guitounes en toiles de lin et de dais haut dressés. Elle n'en mâchouilla que plus studieusement le brin d'herbe qui distrayait sa denture, orpheline de son habituel brûle-gueule. Et bientôt monta dans l'atmosphère l'odeur familière des herbes orangées, celles qu'affectionnait naguère Fanfan. Les nébuleuses opaques ne tardèrent pas à se déporter vers le campement du Roi d'Erin. Voilà qui l'aiderait à se souvenir de ses promesses.
Le nez jalousement camouflé, les troupes tapies patientaient, en amont du courant brumeux, le signal. Les vapeurs de délire orangées se déportaient doucement sur le campement. À défaut de divaguer dans ce vent rouge, l'emblème d'Erin, cet arbre blanc étrangement auréolé, se gondolait sur chaque fanion. Un garde défiant daigna tout compte fait remarquer les flammes suspectes de l'embuscade, et d'entamer le canon progressif des cris d'alerte. Tout comme l'eut fait un barde, repris par des centaines de semblables.
Ainsi donc les tentes s'évidaient de leurs soldats. Ils en sortaient avec la régularité d'un tic tac. Tandis que les lignes, là bas, se formaient en strictes portées, que les cris se renouvelèrent, tandis que tout autour les poignées d'elfes piquaient des deux pour les reprendre en choeur, sans plus attendre de signal. Sanaga se sentait déjà bien ailleurs, ayant pris soin avant sa venue de s'emplir d'autant de vapeurs camées. Assise sur l'impavide vache, l'écailleuse flottait dans son brouillard épais. Elle apercevait amazones, satyres et dryades qui jouaient à saute moutons en tournant autour des tentes. Et le nain d'Eckmöl gambillait à leur suite, qui ne devait pas être posté loin de là, lui aussi.
Ses yeux aveugles à la réalité du spectacle renâclaient à se détacher des brumes opaques. Emporté par elles, son esprit divaguait, houleux, parmi les fumées, mélange de feu et de vent, d'asphyxie et de chaos. Les corps ne furent bientôt plus que silhouettes, absorbées par le rideau rouge délétère. Sanaga talonna sa lente monture, désireuse d'entrer aussi dans la danse. D'une flemmarde traction, l'étrange bête de selle l'emporta se faire happer elle-même par les torrents suaves, déjà insensible à toutes perceptions, apaisée au delà de toute sensation.
C'est que, l'accoutumance aux Herbes fortes menait vers trois âges successifs: l'âge des appréhensions, l'âge des ivresses et l'âge des décadences. Sorti du premier âge, le sujet dégénère dans le second et s'éteint dans le dernier. La Dragonne jouait aux funambules, elle qui alliait superbement les trois d'un bloc. À savoir vers lequel elle penchait plus avant, là était une autre question. Elle vous aurait flambé la carcasse si vous lui aviez sorti le troisième, à savoir que le troisième âge n'était pas son dada. Une flambée si vous lui aviez collé le premier, frustrée de n'avoir pas droit au second. Et une flambée si vous l'aviez placée dans le second âge, car en transe la chose est bien connue, on ne se sent plus. Une bonne grillade en perspective, pour une langue trop bien pendue. Il faisait mauvais de reprocher à la Dragonne les défauts dont elle se savait pertinemment punissable.
Mais déjà l'écailleuse se retrouvait insoucieuse en bord de bataille. Tous dansaient en savantes échappées, poursuivant le petit leitmotiv de la survie. Certains donnaient le La d'un minutieux swing d'épée, laissant l'autre choir sur le Do. Et partout, les hommes mazoutés de sang, de sueur, de vapeurs, d'égratignures et de terre. Et qu'ils dansaient, et qu'ils soufflaient, et qu'ils criaient les mélopées chavirées de si beaux décibels. Râles et uppercuts. Qui a dit que les plus belles mélodies s'écrivent en clé d'Ut ? Celui-là avait dû goûter au baiser des nues, avant de sombrer dans les Sols, bourbeux et dissonants. Le feulement d'un incendie crépitait au centre des huttes, provoquant et quartes et quintes de toux. À pas feutrés, la vachette entrait dans l'arène, sans que le commun des mourants mortels ne s'en soucie, sans que la bête elle-même ne songe aux coups qui, de toute part, pleuvaient en reprises successives. Le doux réconfort que la perte de raison. Un brusque heurt mit cependant le bémol à sa tranquillité.
Un homme vint caramboler dans la meuglante monture, pour bientôt cueillir au visage les solides éperons d'une botte ferraillée de la Dragonne. Il ne tarda pas à s'étaler au sol, offrant un tapis rouge à Sanaga, qui mit pied à terre. Du mouvement attira son attention non loin. Un grand gaillard balayait ses troupes à grands renforts d'épée, comme on racle un parterre de feuilles mortes. La belle proie, stature moyenne, galons et cheveux d'or. D'après la dégaine qu'il se tirait, il ressemblait note pour note au portrait qu'on lui en avait dressé.
S'approchant à la dérobée, la Dragonne lui plongea une profonde révérence. Son sourire s'étoffa, lentement, comme une douce éclosion. D'entre ses lèvres reluisait l'éclat rigide de ses dents étonnement blanches, encore, pour avoir fréquenté tant de tabac. Intactes comme le lait de leurs premiers jours, elles se riaient des vents, des fumées, tout comme elles se riaient des flammes, elles qu'avaient trempées des fournaises autrement brûlantes.
-Duc de Bastheng. Champion d'Erin. C'est grand'pitié que le valet subroge le maître.
Gisait à côté d'elle une palissade envolée sur laquelle se trouvait glacé le corps précédemment empalé d'un homme. La main blanche de l'écailleuse vint se poser sur la garde du glaive du trépassé. Elle tira du fourreau un son désolé en en extrayant la lame. Et de la renquiller dans un accord sec. Dédaignant son épée, le Bastheng en face s'était alloué une large plommée. Hérissée de pointes, elle dardait le reflet des brumes orangées au travers de son fer immaculé. Un sourire en dessous et la Dragonne offrit au colosse ses flancs désarmés, si lui prenait jamais la fantaisie de baptiser son arme avec le sang du Dragon. Nullement émotionné, le Duc se contenta de charger.
L'attendant là, Sanaga prétendit au dernier instant se caparaçonner d'écailles crépusculaires, saillantes et tranchantes, et envoyer de tout son poids Dragonnique le robuste guerrier gésir dans le parterre de corps par lui-même expédiés. Le craquement sourd que ç'aurait été de l'entendre se démembrer comme futaille, sans résistance, colosse au pied d'argile. Et la mélodie de déchanter lorsque ce fut le Duc qui, d'un revers de coude, aborda son côté dans le craquement successif de quelques côtes. Un cri d'amertume, rauque et éraillé, barytonna d'entre ses vocales cordes lors que Sanaga, plus humaine qu'elle ne le fut jamais, oscilla. Une toile d'une tente céda contre sa chute, qui s'écroula par-dessus elle, tout comme l'eut fait un pernicieux linceul. Point d'arrêt et longue atonie, tandis que fusait d'improbables interrogations. Rêve ou cauchemar? comme l'inconcevable s'orchestrait de la pire des manières. Comment n'avait-elle pu ?
Pourquoi ? Comment ? Se peut-il que la Noire ne dure qu'un temps ? Vraiment? Surplombant le suaire et son champ d'agonie, le ciel nuageux dut subir une percée lui aussi. Le couchant du soleil laissa errer l'ombre du Capitaine d'Erin par-dessus les voiles affaissées. Un vent d'effroi dégrisa net l'écailleuse. Sous les étais, elle se débattit avant que je fuse un nouveau coup de maillet du Bastheng, soucieux qu'il était d'achever sa tâche. Trompé par le mouvement de la toile, la masse s'abattit sur la dextre de l'écailleuse, pour en broyer méticuleusement quelques phalanges. Un nouveau bronchement éploré frémit sous le linon. Qu'il était dur de se rappeler la douleur. De nouveaux assauts alliés durent divertir le Bastheng, attendu qu'aucun coup ne succéda.
Ce court répit permit à Sanaga de se dégager. Ses mâchoires se serrèrent, convaincues sans doutes d'amoindrir sa douleur aux côtes. Luttant contre la toile, elle rampa jusqu'à recouvrer les lueurs du soir et ses vapeurs de cendres rouges. L'abri d'un mur à demi abattu la vit se recroqueviller un instant, alors qu'affluaient bribes épars du passé, comme parfois au détour d'une ivresse. Ses doigts fourmillaient encore, exceptés ces deux petits là, auriculaire et annulaire, spectaculaires tant ils se trouvaient bétournés. Un rire nerveux la prit à observer ses mains. Ce ne ferait pas grande différence au fond. La panoplie de ses doigts s'étaient toujours trouvée mal fichue, de travers, croche et moche. D'où venait qu'ils soient si torturés ? Réponse fut faite au reflux d'un souvenir que lui apportèrent de nouvelles effluves enivrantes.
Sa tête dépassait à peine la hauteur de la table alors que le grand maigrichon lui tenait avec fermeté le bras au dessus d'une enclume. Elle paillait en reniflant ses larmes, dans une langue elle aussi oubliée. L'autre, plus costaud, laissait les flammes rougir un large tisonnier, avant de s'approcher, menaçant et grinçant. Puis il frappait immanquablement, en la sermonnant. Les doigts de Sanaga cueillaient à chaque coup toute la rudesse et la brûlure de la cautère. Sévère punition pour n'avoir pas obéi, plus tôt. Et elle de vociférer de stridentes élégies de son cru, dans une langue incompréhensible. Sans doute une complainte sur l'injustice, va savoir. Que cela voulait-il dire, déjà ? Oh. Oui. Bien sûr.
-Sale con.
Bastheng reparut d'entre les brumes, qui dut prendre le compliment pour lui. Le sens de l'équité le reprit. De toute la puissance de son bras droit, il assena un nouveau coup qui dégrada le bras de l'écailleuse. Hurlement cette fois qui, bordel de Dieu, invoquait de tout son être le Don Noir, échappé, inatteignable et pourtant bien présent, palpable entre les trames. Placide devant sa proie, Bastheng n'en éprouva pas plus d'humanité pour la Dragonne impuissante :
-Dommage que sachant tant de choses vous ayez si peu d'esprit, madame, dit il de sa voix de basse.
Sur quoi il conclut d'un nouveau coup de maillet, porté cette fois en plein visage. Chaque pointe rafla avec elle un morceau de chair, un fragment de cartilage, une bribe de ses traits. Elles se figuraient défigurer. Et sans doute ne s'étaient-elle pas trompées, puisque cette fois, sans plus broncher, le corps se laissa doucement choir contre la roche. Pas de hurlement cette fois, seulement le lent sifflement d'une berceuse mortelle. Muettes de douleur, les perceptions de Sanaga s'envolaient en éclat, elles aussi. L'avaient désertée jusqu'à ses sens les plus primordiaux. Plus de trame et plus d'instinct. Plus de choix et plus de sens. Cet homme qui lui avait paru si insipide plus tôt, lui flanquait d'inconcevables menaces, à présent que l'avait désertée sa Nature. Pourquoi ne puis-je juste, juste un moment ? Son buste l'entraina basculer dans le moelleux de la fange, comme tous ceux qui, avant ou à venir, gémissaient ou reposait.
Sanaga voyait encore les talons du Duc, qui s'en retournaient dans la scène brumeuse; de plus en plus rouge. Un nouveau cor sonna en sourdine. Les sons différaient eux aussi, assourdis. Des vagues incessantes de silhouettes affluaient. On eut dit que le flot de soldats se rengorgeait. Du soutien, peut-être, mais pour qui. Qu'importait finalement. Et avant que les frimas de vapeur rouge ne le recouvrent, Bastheng fit front à l'offensive d'un nouvel adversaire au bras d'Ombre, plus coriace celui-là que ne l'avait été la Dragonne privée de sa force. Voici que la hache de Baramir allait pour se mesurer aux armes d'Erin.
Couchée dans le Styx, Sanaga observait, flou, le vol osé de quelques corbeaux qui flottaient en suspend au dessus des rives d'agonie. Et tout se fit plus doux. Des sons, ne fut plus que le battement débridé de son crâne. Des sens, l'écoulement câlin du sang contre sa joue, qui, réconfortant, coulait jusqu'à son oreille assourdie des murmures suintants de chaleur. Les relents de brumes venaient encore consoler doucement la Dragonne pendant que, portés par une nouvelle charge, les frais et nouveaux soldats, qui toujours renflouaient la masse, déboulaient de droite et de gauche, de haut ou de bas, selon que vous étiez debout ou couché, à l'article de la vie ou de la mort. Question de point de vue, toujours, quand celui de Sanaga ne se résumait plus qu'à la perception d'un seul oeil.
Parmi la mêlé des arrivants, nelrks, il en fut un qui s'arrêta pour observer le sol que jonchaient les corps. L'écailleuse écumait d'une sourde verdeur, attristée et délirante encore. Veux-tu nos portraits, connard? Le curieux tableau que ç'aurait été, suspendu dans un salon, au dessus d'une cheminée crépitante de fureur. Une voix grave s'adressa au contemplateur, qui lui ordonna de suivre ses semblables. L'écailleuse distingua le nom du curieux spectateur, Bifidus, et avant que les sons ne la quittent, pour une tonalité aiguë et bourdonnante, celle de la déficience toute proche. Et soudain claqua, telle une danse entre toutes agréable, la longue écharpe d'un commandant, qui passa un bras autour de ses épaules. Sans doute était-ce là le chef des nelrks; un orc tonsuré, le large poitrail recouvert de tatouages admirables. Son visage se pencha au dessus de la Dragonne, qui grimaça de constater l'état de sa gueule, enfantine, reine et ruine. Elle le reconnut avant que ne se referme lentement son oeil sur le voile blanc du doux sopor, Brox.
Et plus rien ne fut.
(*) Turenne.
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De Legier Vovlloir Longve Repentance.
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Lancwen de Sigil | 08/08/10 22:39
Celimbrimbor | 09/08/10 01:00
Vous n'allez pas me claquer dans les doigts comme ça.
Pas vous. Pas là.
Pas vous...
Où dois-je aller vous chercher ?
Ne me laissez pas...
La Demeure Franche : [Lien HTTP]
Bifidus | 09/08/10 10:14
Midi passé, le campement somnolait paisiblement. Les hamacs tendus jusque haut dans la canopée tissaient un ersatz de toile, que semblaient prolonger au sol les tentes basses des hommes-ophidiens. Ne parvenaient à mes oreilles que les bruits de la nature, le vent dans les branches, quelques conversations à voix basse, et des ronflements étouffés. Le calme apaisant de la sieste pendant la digestion, renforcé par un ciel assombrit que l'on devinait bas, semblant se déchirer sur les hautes branches.
Depuis plusieurs lunes nous passions nos nuits à piller les caves, les réserves, les hangars de tous les fûts de rhum que nous pouvions trouver, sans jamais avoir à croiser le fer, aucune résistance. Le bruit s'était bien sûr vite répandu auprès des locaux que des quantités considérables de fûts disparaissaient, et des tours de garde étaient censés y palier, mais le sort de sommeil du client étant redoutable, nul n'y résistait, si bien qu'il l'utilisait à tours de bras.
La nuit précédente nous avions fait larguer les amarres à notre second vaisseau, plein ras-la-gueule, si bien que la ligne de flottaison allait devoir faire tout le voyage immergée. Le premier bateau que nous avions envoyer décharger chez nous serait de retour d'un jour à l'autre, nous l'attendions pour rentrer. Les conflits éclataient partout autour de nous et le client, ne pouvant dénicher l'amie qu'il était venu retrouver, avait décidé que nous quitterions le dhil avant d'avoir à en découdre. Mais le destin en avait décidé autrement.
"Aux armes! Aux armes!"
Le client était sortit de sa tente comme une furie, braillant à pleins poumons.
- Bougez-vous! Un tissu et une gourde par nelrk! Allez! Allez!
Quelques-uns chutèrent de leurs hamacs sous le coup de la surprise, d'autres bougonnaient, mais aucun ne perdait de temps, comme un seul nelrk tout le campement sauta sur son équipement, saisit son arme et jeta des regard aux alentours.
Rien.
Et le client qui hurlait toujours, coléreux à souhait. Suitus intervint.
- D'où vient l'attaque ?
- De nulle part idiot, c'est nous qui attaquons, et maintenant! Allez bougez-vous! N'oubliez pas le tissu!
- Tu comptes endormir l'ennemi ?
- Non, pas moi. Mais elle aura fait brûler de l'herbe et... Cessez de discuter et bougez-vous! On a de la route devant nous et pas de temps à perdre.
En seulement quelques minutes nous nous sommes tous retrouvés en arme, un tissu mouillé noué autour de la bouche et du nez, à courir à travers les bois pour ne pas être distancé par le client. Piquant une pointe j'arrivais à sa hauteur.
- On attaque qui ?
- J'en sais rien. On verra une fois là-bas.
- Mais... Comment tu sais?
- J'ai contacter les esprits. Si nos espions avaient fait leur travail nous n'en serions pas là.
- Et tu sais quoi exactement ?
- Mon amie et un allié à elle ont lancé un assaut sur un ennemi commun, ça risque de tourner en eau de boudin. Fais passer l'information : qui que soit l'adversaire, il ne faudra pas avoir de pitié.
Après avoir légèrement ralentit, j'exposais la situation à Alvir qui fit passer le mot à ceux de son espèce. Personne ne savait vers quoi l'on courait, mais pour courir, on courait.
Nous sortîmes enfin du bois, le client s'arrêta net, et tout le monde derrière lui. le spectacle qui s'offrait à nous était édifiant. Tout un campement faisant office de champ de bataille, on y distinguait des troupes elfes et d'autres, naines, aux prises avec des nelrks. D'étranges volutes orangées y voletaient par endroit. Le client nous fit face et éleva la voix.
- Un camp ennemi! Ici! A pas même une heure du nôtre! Comment n'ai-je pas été mis au courant!?
Le silence lui répondit. Il se renfrogna.
- C'est le moment de justifier votre paie. Nos ennemis sont les troupes nelrks, n'ayez aucune pitié.
Des protestations se firent entendre. Nous autres nelrks rechignons à nous entre-tuer, mais le client n'en avait cure, il hurla donc de nouveau.
- Je m'en cogne de vos états d'âme, je vous paie pour vous battre alors préparez-vous à répandre la mort dans le camp adverse ! Compris ? Et celui que je vois reculer je le tue de mes mains !
Il était sérieux, son regard était noir de colère. Il fit à nouveau face à la scène, prit une profonde inspiration, leva ses deux haches au-dessus de sa tête, et sa voix se fit entendre une dernière fois.
- Par le sang et le fer !!!
Au pas de course il prit la tête de l'assaut.
Les troupes ennemies nous prirent dans leur flanc de plein fouet. Odieuse chose que de tuer l'image de soi. Les nôtres ne mirent pas tout de suite du coeur à l'ouvrage, dégoûtés à l'idée de faire couler le sang d'autres nelrks, mais la guerre est la guerre, et nos adversaires se moquaient bien de savoir que nous avions le même sang. Ils nous firent vite comprendre que le faire couler ne leur posait aucun soucis. Ainsi, après quelques morts inutiles dans notre camp, la contre-offensive ennemi recula peu à peu et sa ferveur se noya dans notre colère.
Je constatais que le client s'éloignait peu à peu de nous et prenait de la hauteur lorsque ça lui était possible, comme s'il cherchait quelque-chose, ou quelqu'un. Je pris le risque de le suivre, et accessoirement de couvrir ses arrières. Nous arrivâmes dans une zone qui aurait pu paraître calme, compte tenu du carnage environnant. Un peu plus loin, un nain était aux prises avec un gaillard tout en galons et décorations, muni d'une imposante masse d'arme. Le client les contempla un instant, j'en profitais pour le rejoindre :
- On n'intervient pas ? Un allié sauvé c'est un adversaire de mort... Même quand l'allié est un nain.
- Il se nomme Baramir, prends son adversaire et tu verras de quel bois est fait un nain.
- Comment tu reconnais un nain en armure d'un autre ?
- Son bras.
Le client s'éloigna à nouveau, alors que j'observais le bras du dit Baramir. Un bras inexistant, remplacé par une sorte d'ombre a priori immatérielle, mais avec laquelle il faisait sans difficulté danser sa hache. Au grand dam de son adversaire.
Des nelrks de chez nous commençaient à courir tout autour, ils tentaient de prendre les troupes ennemies sur un nouveau flanc, dans les cris et le brouhaha de leur course. Un gémissement se détacha néanmoins de la bataille. Négligemment je jetais un coup d'oeil autour de moi, et je la vis, étendue dans la boue, couverte de sang, une elfe avait fait les frais de rudes coups, et elle me fixait, d'un oeil, ayant perdu l'autre, le visage à moitié arraché, le thorax défoncé, le bras en miettes. Son regard me glaça le sang, me figea sur place, tel celui d'une gorgone. Le temps s'arrêta, et je ressentis toute sa douleur, sa haine, sa colère. La nausée me prit alors que le client revenait sur moi en hurlant, encore et toujours.
- Bifidus! Réveille-toi, c'est pas le moment. Suis les troupes et fais passer mes ordres.
Je rassemblais mes pensées tant bien que mal mais je ne pouvais détacher mon regard de la pauvresse. Je pus articuler un semblant de réponse.
- Quels ordres ?
- Dis leur de s'écarter des troupes naines, la plupart ignorent que nous sommes le renfort. Qu'est-ce que tu regardes com... Merde non...
Suivant mon regard il la vit, lui aussi, et se jeta immédiatement à genoux à ses côtés en marmonnant :
- Merde San', qu'est-ce qu'ils t'ont fait? Tu m'entends? Sanaga!
La lumière se fit dans mon esprit :
- Sanaga? La dragonne ?
- T'es encore là toi ? T'as pas un ordre a exécuter !?
- Attends Brox! Ton "amie" c'est la dragonne! Et tu nous as caché ça?
- Tu crois que c'est le moment? Obéis. Immédiatement.
Alors qu'il prenait soigneusement l'elfe dans ses bras, je m'éloignais de quelques pas et saisis un des nôtres par le bras, lui répétant l'ordre transmis et à transmettre. Je ne voulais plus lâcher le client des yeux, son quota de cachoteries était depuis trop longtemps épuisé, il ne ferait plus rien dans notre dos.
Je le vis soulever le corps inerte de la dragonne et s'éloigner du front après s'être assuré que le fameux Baramir faisait la vie dure à son adversaire ; sûrement le responsable de l'état de l'elfette, à en croire la rage avec laquelle le nain le rudoyait. Quand leur combat prendrait-il fin ? J'en vint presque à plaindre le géant d'avoir choisit le mauvais camp pour cette bataille.
Le client arriva enfin à un bosquet dont il se fit un abri et dans lequel il entreprit de soigner son amie, à grand renfort de baumes et d'herbes curatives. Caché, je l'entendis à maintes reprises râler de ne pas avoir les bonnes plantes, les bons insectes sous la main, et sans cesse sermonner la victime pour l'état dans lequel elle s'était laissée mettre. Je le vis retirer son écharpe noire dont jamais il ne se séparait, exposant pour la première fois une cicatrice présente sur sa gorge. Il se servit du tissu pour maintenir un épais cataplasme de feuilles sur les côtes de la blessée dont il avait retiré une partie de la légère armure. Il creusa quelques trous dans le sol qui firent office d'autant de braseros, dont émanèrent bientôt les fumées de plantes, champignons et autres mousses en train de brûler. Il s'assit enfin à son chevet :
- Bif', approche.
Je m'exécutais, vexé de m'être à un moment trahis.
- Comment tu as su que j'étais là ?
- Je commence à te connaître, tu ne lâches jamais le morceau.
- Elle va s'en tirer ?
- Oui, mais dans quel état...
- C'est la dragonne... Comment c'est possible ?
- Aucune idée... Elle aurait pu raser ce campement à elle seule. Je ne comprends pas.
- Dis moi ce que tu sais, il y a trop de mystères et de secrets dans cette affaire.
- Je n'ai rien à te dire, je n'en sais pas beaucoup plus que toi.
- J'ai du mal à te croire... Mais bon, on fait quoi maintenant ?
- On va sauver ses intérêts, et une fois que tout cela sera finit, vous et moi on se sépare.
- Comment ça ? Tu nous laisse ?
- Oui.
- Pourquoi ?
- Vous êtes des brigands, pas des soldats, et encore moins des mercenaires, vous êtes indisciplinés, râleurs, vous chiez sur la hiérarchie et vous n'êtes pas fiables.
- Nous sommes Nelrks.
- Voilà. Ca vous rend attachants, mais ce n'est pas en se tapant sur l'épaule qu'on gagne une guerre, et les temps prochains s'annoncent sombres.
- Et tu vas faire quoi ?
- Retrouver les miens, en espérant qu'ils me reconnaissent encore comme leur Saigneur.
- Et sinon ?
- Je verrais bien...
Un silence s'installa, nous restâmes tous deux assis au chevet de cette dragonne que tant avaient craint et qui en était maintenant réduite à être cachée, inconsciente, dans un bosquet. Dans le campement les bruits des combats s'atténuaient peu à peu, jusqu'à s'éteindre. Nul hourra ne leur fit suite.
- Bif', retourne là-bas, présentes-toi à Baramir et invite-le à me rejoindre ici, nous avons à parler lui et moi. Traites le avec égard, ce n'est pas n'importe quel nain. Après quoi tu prendras la troupe, les blessés, et vous rentrerez au camp. Je vous rejoindrais dès que possible. C'est peut-être le dernier ordre que je te donne, tâche de le mener à bien.
Silencieux, je quittais le bosquet, vint me présenter à Baramir sous le regard suspicieux des siens. Il ne dit mot et prit aussitôt la direction du bosquet, refusant toute escorte. Après quoi j'ai aidé les miens à ramasser les blessés et nous primes la route du camp.
"Les temps prochains s'annoncent sombres" avait dit Brox... Ne comprenait-il pas qu'ils l'étaient déjà depuis bien longtemps ?
Lancwen de Sigil | 09/08/10 10:48
Vormonta | 09/08/10 23:11
[Bravo Sanaga, c'est super bien écrit. Désolé si il reste des fautes.]
Cour du royaume d'Erin, à la tombée de la nuit. Le Duc d'Ibor, Grand Chevalier de la Garde, à l'honneur d'annoncer l'entrée du cortège royal dans la salle du trône, qui pour l'occasion est tapissée de fresques retraçant l'histoire de la fondation du royaume.
« LE ROI ! »
L'assemblée s'incline au passage d'Aeren, premier du nom. Roi des Rois d'Erin. Il marche d'un pas lent mais assuré, un peu intimidé par tant d'honneur et de faste, plus habitué à la rude vie des campagnes militaires, son armure d'apparat est de toute beauté, faite d'or, elle scintille comme mille feux, un linge de lin blanc recouvre sa tête, signe de noblesse d'arme. Ses fidèles capitaines, ayant tout connu à ses cotés suivent de près le Général, dans la longue file. A sa gauche figure Aurel, son aide de camp de toujours, le visage buriné par tant d'années de batailles et de vie spartiate, lui ont fait perdre un peu de sa beauté elfique. Le cortège avance jusqu'au trône, imposant, orné de pierres précieuses et d'or, vide depuis la prise de pouvoir d'Aeren, suite à la mort soudaine de son père lors de la fronde de Kysor et de ses sbires. Ce temps- là semble lointain désormais, la stabilité, la paix, règnent des rives de la Mer d'Ibor, jusqu'aux montagnes du Nord, les peuples vivent en harmonie. Les ennemis d'hier, se sont tous ralliés à la bannière royale, ils ont fait allégeance au monarque, et servent tous dans des postes importants du royaume. Vormonta, arrive devant le trône, il effectue un demi-tour, fixe la cour, il s'incline à son tour, puis prend place. Il se tourne vers le Duc d'Ibor, hoche la tête en guise de remerciement, puis s'adresse à l'assemblée, d'une voix puissante et sûre.
-Nos armées sont victorieuses, et ramènent de lourds tributs en provenance de nos conquêtes ! Profitons tous ensemble dans l'allégresse de ses richesses, et donnons un bal qui restera graver dans les mémoires ! Place à la fête !
D'un geste du Général, les musiciens commencent à jouer des airs entraînants qui déclenchent immédiatement les conversations et les danses. Aurel, s'installe aux cotés du souverain et lui fait cette confidence.
- Sire, je suis inquiet.
- Pour quelle raison ?
- La Garde, sire, la Garde.
- Laissons la Garde faire son travail, Aurel. Le Duc de Bastheng n'est -il pas le Champion d'Erin ? N'a-t-il pas prouvé à maintes reprises sa valeur ? Je ne suis pas inquiet, il sera de retour d'ici la fin de la nuit, soyez en assuré.
- Si bien sur, mais nous les avons laissés en arrière garde sur ce fichu continent, sire, exposés aux multiples dangers, des armées innombrables sont à leurs trousses, je crains pour leurs vies.
- Si cela peut vous aider à festoyer, envoyez un messager.
- J'ai anticipé votre demande depuis deux lunes, d'où mon inquiétude. Je n'ai eu aucun retour, aucune armée n'est parvenue jusqu'aux postes du Nord, aucun navire n'est amarré à Florks.
- Un contretemps.
- Il s'agit de plus, sire, j'ai un mauvais pressentiment. Et si toute la Garde avait périt au court de la bataille ou si les Dieux de la mer les avaient emportés au retour ?
- Vous voilà croyant ? Impossible voyons, impossible !
-M'autorisez vous à partir à leur rencontre sire ?
- Si cela peut vous faire cesser de geindre, oui, faite, mais hâtez vous, j'ai besoin de vous pour le prochain embarquement.
Edité par Vormonta le 09/08/10 à 23:36
Terfanae De Caledon | 11/08/10 22:51
bravo sanaga! magnifique! (désolée, j'ai pas encore lu les autres!)
Terfanae de Caledon, Hordelle
Bifidus | 25/08/10 18:11
** Trois jours que nous étions revenus au camp, trois jours que nous attendions le retour de Brox, notre client. Des rumeurs commençaient à courir, l'inaction faisant travailler l'imagination, des rumeurs qu'il était seul à pouvoir démentir, si toutefois nous faisions encore le choix de le croire. Certains disaient qu'il nous avait abandonné et était repartit avec les troupes de la Dragonne, d'autres disaient que les nains de ce Baramir l'avaient fait prisonnier, ou pire, qu'ils l'avaient tué pour différentes raisons toutes plus extravagantes les une que les autres. La vérité, tout le monde la connaissait, il pêchait les renseignements pour tirer au mieux parti de la situation. Mais nous voulions tous rentrer, quitter ce petit paradis qui prenait de plus en plus la consistance d'un enfer, et tel est l'esprit, il rumine des idées noires et en fait des vérités illusoires.
Mais le client revint enfin, à la mi-journée, la mine sombre, les traits tirés. Lui qui avait l'habitude des petits gestes, des petits mots qui lient les soldats à leurs chefs, il traversa le campement d'un pas lourd, sans porter une quelconque attention aux nelrks qu'il avait sous ses ordres. Il se contenta d'en alpaguer un par le bras pour lui dire de nous trouver, Alvir, Suitus et moi-même pour nous avertir qu'il nous attendait dans sa tente, sans plus attendre. J'avais parlé à mes deux compères de la conversation que nous avions eu l'orc et moi, au chevet de son amie, en oubliant volontairement quelques détails, ils l'avaient mauvaise de savoir qu'il voulait rompre notre accord, surtout Alvir qui était hors de lui. Le vent de la colère allait souffler sous la tente du client...
A peine étions-nous entrés qu'Alvir mit les pieds dans le plat, j'avais en vain tenté de le calmer:
- Alors com'ça tu te casses, dégonflé ? Après nous avoir bien mis dans la merde tu fais le pleutre et tu nous y abandonnes ?
Le geste fut vif et sonore, Alvir reçu un violent crochet au menton et tomba, sonné, après avoir titubé quelques pas. Suitus et moi n'avions eu le temps de réagir avant le coup, et n'osions après. Il faut de la force pour arrêter un homme-ophidien, alors que dire d'un coup qui parvient à en assommer un ? Tout en se frottant les phalanges, l'orc toisait du regard l'homme-lézard qui se relevait avec peine, avant de le sermonner:
- Tant que vous êtes à mon service, vous avez deux droits, celui d'obéir avec entrain, et celui de partir sans demander votre reste. Notre accord n'est pas encore caduque, alors tu vas me faire le plaisir de fermer la fosse à purin qui te sert de gueule et de m'écouter sagement. Bon, vous deux, du nouveau en mon absence ?
Devant le mutisme d'un Suitus encore déboussolé de ce qu'il venait de voir, le client se tourna vers moi. Je pu parler après avoir déglutit plusieurs fois:
- Le premier bateau est déjà de retour, les vents ont été favorables comme jamais, il a jeté l'ancre dans la crique durant la nuit et tout le monde se tient prêt à prendre le large à ton signal. Sinon, rien de particulier... Ah si, lors de l'assaut les gars ont trouvé une vache sur le champ de bataille, aucune idée de comment elle s'y est retrouvée ni de ce qui lui a été fait, mais elle avait l'air bizarre, elle broutait les cheveux des morts... Bref, ils l'ont ramenée et s'en sont fait une sorte de mascotte.
- Bien, abattez-la et faite la rôtir pour ce soir, on a que faire d'une mascotte et un peu de viande ne fera pas de mal. Rien d'autre donc ?
- Euh... Rien.
- Alors à moi de vous exposer la situation. Comme vous le savez, mon amie la Dragonne s'en est pris plein les dents pour une raison encore inconnue, elle a été incapable de se défendre, ce qui n'est pas dans ses habitudes. Je pense qu'il y a anguille sous roche, le problème c'est que c'est un domaine qui m'est totalement étranger, je dois donc me contenter d'être témoin, et ça me met hors de moi. Bref, Sanaga étant sur le carreau, je me suis arrangé avec son état-major pour que ses intérêts soient protégés le temps que la nouvelle se répande et pour que ses troupes puissent discrètement quitter le dhil. Du moins c'est ce qui est prévu, après, ils feront ce qu'ils voudront. Concernant Baramir, le seigneur nain dont on a soutenu les troupes, il se trouve que pendant qu'il vengeait Sanaga, son propre campement se faisait raser. Il a donc du repartir mais a eu la bonté de m'indiquer la présence d'une vieille... connaissance, on va dire. Un barde elfe nommé Faerandel. Je l'ai parfois côtoyé lors de soirées d'ivresse, à une époque révolue. Je ne le connais que peu, mais il n'y a pas de risques à lui octroyer une relative confiance, et surtout il a tout intérêt à nous suivre. J'ai donc été le trouver sur ses terres et nous sommes arrivés à une entente. A la prochaine lune nous allons subir un assaut, mais nous aurons déserté le camp avant cela, et nous serons chez nos assaillants, avec les troupes de Sanaga et celles de ce fameux Faerandel, afin que l'assaut chez Baramir ne reste pas impuni. Vous suivez jusque là ?
Nous suivions, mais tant de questions se bousculaient... J'ouvris les vannes de ma curiosité:
- Comment sais-tu qu'on va nous attaquer ?
- Je ne le sais pas, je le sens... Et vu notre adversaire, ce ne serait pas étonnant de sa part.
- Et ton Faerandel là, il est fiable ?
- Autant qu'un barde elfe peut l'être. Je ne le connais pas assez pour me reposer sur lui, mais il n'a pas de raisons de nous trahir, ni l'opportunité.
- Et le colosse à la masse ?
- Mort.
Alvir, contrarié à juste titre, montrait des signes de nervosité que je ne lui connaissais pas. Pressé comme pas deux de quitter la tente pour laisser derrière lui la correction qu'il avait reçu, il en vint à me couper alors que j'avais une autre question:
- Abrégeons, a la prochaine lune on attaque avec ton barde et les troupes de Sanaga en soutien, c'est bien ça ?
- Oui.
- Et ensuite ?
- Vu que dans la même lune notre camp sera rasé, on prendra la mer pour rentrer chez nous.
- Et une fois chez nous, tu mets un terme au contrat ?
- Sans nul doute.
- J'en sais assez, j'espère que cette lune passera vite. Vous savez où me trouver.
Sur ces mots Alvir se leva et sortit sans se retourner, une ultime provocation que Brox laissa passer sans sourciller, conscient de l'avoir au préalable blessé dans sa fierté.
Un silence s'installa, Suitus pris la peine de le briser avant qu'il ne devienne trop pesant:
- Autre chose pour nous ?
- Non, je crois que c'est tout... Vous pouvez disposer.
Vint le jour de l'assaut. Toute la troupe était fébrile, ne sachant à quoi nous allions nous frotter. Brox, lui, était résolu, il passa sa journée à préparer des tours de passe-passe shamaniques sous sa tente. Seuls les messagers osaient l'y déranger. Il fit sonner le rassemblement en début de soirée, il était convenu que nous devions frapper à la tombée de la nuit et nous devions être en avance.
Le silence se fit lorsqu'il sortit de sa tente. On l'avait vu se préparer pour des combats, mais jamais à ce point. Son écharpe nouée autour du cou et remontée sur son nez, il avait les pupilles dilatées à l'extrême et les yeux injectés de sang, comme s'il était pris de démence. Les tatouages qui recouvraient son torse luisaient d'une pâle lueur verdâtre aux nuances de blanc brillant, et les runes gravées sur ses deux haches laissaient échapper de petites volutes de fumée. Quand à ses muscles, ils étaient saillants, tendus plus que de nature, comme s'il contractait tout son corps, rendant sa carrure encore plus large qu'à l'accoutumée. Il m'avait par le passé parlé de ce genre de préparatifs, bien que le résultat soit impressionnant, cela consistait bêtement à prendre différentes drogues et à étaler quelque étrange substance tirée de plantes au bon endroit pour un plus bel effet. La seule incidence qu'avait ce folklore, c'était de miner le moral des troupes ennemies en se faisant passer pour un démon ou quelque-chose s'approchant. Il valait bien sûr mieux avoir la carrure adéquate, un démon en furie gringalet s'écrasant lamentablement sur une ligne de défense, ce n'est pas du meilleur effet...
Je ne prends guère de plaisir à me remémorer les combats auxquels je prends part, surtout lorsqu'ils tournent au carnage, comme ce fut le cas. Le camp de l'adversaire étant pour ainsi dire vide, les quelques soldats restants ont vu trois armées leur sauter à la gorge et n'ont pas vraiment eu le temps d'opposer une once de résistance. Brox en parut déçu, il voulait une vraie bataille, il voulait s'opposer à une marée d'adversaire et se jeter dans le combat corps et âme. Il voulait surtout laisser sa colère s'exprimer, mais n'en eu pas l'occasion.
Nous nous retirâmes bien vite du champ de bataille et prîmes la route vers la petite crique où le navire nous attendait. AU petit matin nous avions déjà levé l'ancre. Brox passa les quelques jours de voyage cloîtré dans sa cabine. Une fois retrés chez nous, il ne perdit pas de temps et vendit un tiers du stock de rhum pour son propre compte, nous laissant le reste. Personne ne vit à y redire, dans quelques lunes cela constituerait un sacré pactole. Il nous conseilla toutefois de continuer nos activités, afin de ne pas éveiller les soupçons sur nous. Une bande de nelrks devenus riches en vendant du rhum, ça allait vite s'ébruiter.
Il s'empressa enfin de prendre la route, à mon avis moins pour nous quitter que pour mettre les évènements dont il avait été témoin derrière lui. Il avait décidé de retrouver sa tribu, reprendre son titre. C'était sûrement sa plus sage décision depuis nombre de lunes. **
Noir-feu | 25/08/10 18:20
Baramir d'Eckmöl | 17/10/10 02:22
Devant moi la plaine s'étend. Un léger vent souffle et balaye nos chevelures et nos barbes tressées. À mes côtés se tiennent mes frères d'armes les plus fidèles. Ils ont vu de trop nombreux champs de batailles pour être bien ailleurs qu'ici, pour être eux-mêmes ailleurs qu'au milieu des cris des soldats, du fracas des armes et des ordres aboyés. Nos armures étincelles sous la lumière diffuse du soleil naissant. Nous attendons encore l'heure du signal. Nos armes réclament du sang, nos corps s'impatientent d'entré dans cette frénésie que seules les batailles les plus éprouvantes peuvent vous offrir.
La bataille d'aujourd'hui ne serait pas des plus aisées. Mais nous ne seront pas seuls. Avec nous marcheront les forces de deux amis. Les premières sont celle de la Dragonne, Sanaga. Les autres seront celles d'un ami à elle. Je n'en sais pas plus. L'important est de connaitre notre adversaire. Les hommes de Vormonta, ou plutôt ses Nerlks pour ce continent. Autrefois un ami qui se retrouve à être un ennemi ? Qu'importe. Nous suivons le dessein de la Dragonne.
« Vous savez ou vous mettez les pieds. Les fumées seront présentes. Imprégnez vous en ou non, mais restez en vie. Voilà le commandement mon commandement »
Il ne nous fallut pas atteindre longtemps avant que le signal ne soit donné. Lorsque les premières fumées orangées s'élevèrent du royaume du Général nous nous mîmes en marche. Certains couvrirent leurs visages avec des lignes humides. D'autres comme moi affichaient un sourire satisfait. La bataille débuterait à notre avantage. L'effet de surprise les fumées hallucinogènes, auxquels nous étions soumis nous faciliterais la tâche. Les herbes fortes provoquent d'étranges réactions. Certains parmi mes hommes ne parviennent déjà plus à dormir sans s'évanouir dans leurs brumes aux odeurs aguicheuses. Qu'en est-il pour moi ? Je ne le sais. J'ai perdu la raison il y a bien longtemps. J'ai perdu mon coeur il y a bien longtemps. J'ai sombré dans un royaume d'Ombres et d'obscurité insondable pour chercher ce que je jamais je ne retrouverais. Eveillés je m'assomme de ces fumées, et assoupis je sombre dans des méandres, m'enfonçant de plus en plus loin, jusqu'au jour ou je m'y perdrais réellement.
Je me sentais déjà enivré et ma perception du monde qui m'entourais se muait peu à peu en forme et couleurs étrange, simpliste, presqu'enfantine. Ma hache pourtant transmettais la mort et envoyais se reposer tous ceux qu'elle croisait. J'avançais sans peine, pourfendant ceux qui voulait me frapper avant que ceux-ci ne le fassent, parant les assauts et protégeant alliés et amis de mon bouclier. Au fil du temps - notions à présent vague lorsque l'on se bat. Combien de temps faut-il pour ôter la vie d'un homme ? Combien de temps faut-il pour esquiver un coup qui vous aurait arraché un bras ? Combien de temps faut-il pour mettre un terme à cette ronde qui vous retient face à un adversaire un peu plus valeureux que les autres ? - le sol s'était taché de sang et devenait spongieux sous mes bottes.
Puis je le vois. Impressionnant colosse au milieu de la masse grouillante et bouillonnante. Son impressionnante massue frappe et avec une garantie sans faille apporte la mort et la destruction à chacun de ses coups. Est-ce donc lui, dont Sanaga m'a parlé ? Est-ce donc lui, le Duc de Bastheng. Je me fraye un chemin, lentement, gêné par tous ces incompétents qui croient que protéger leur champion leur apportera la victoire. C'est alors que je vis avec une certaine horreur, malgré mes perceptions altéré, l'adversaire du Duc d'Erin. Comment peut-il ? Pourquoi ne peut-elle ? J'hurle pour elle lorsque le dernier coup de maillet frappe ce visage ami. Mon coeur se serre et ma mâchoire se crispe. Mes poumons se gonflent et du fond de mon âme sort un cri qui couvre le bruit des combats.
« BASTHENG ! LAISSEZ MOI BOTTEZ VOTRE POSTERIEUR POUR CE QUE VOUS VENEZ DE FAIRE ! »
J'oublie toute les questions que je me posais. J'en oublie la bataille. Nous sommes seuls, lui et moi, sur cette plaine déserte. Les armes d'Erin contre celle d'Eckmöl. La hache contre le maillet. Les coups s'enchainent, lentement au début. Nous nous échauffons, sans doute. Le rythme monte d'un grand lorsque le premier sang vient à couler sur ma joue, écorchée, abimée bien moins que feu le visage de Sanaga. Je redouble d'effort, il redouble de talent. Il frappe plus fort et j'accuse sans broncher les coups. A quoi bon. Finalement se petit jeu me lasse. Chaque seconde qui passe entraine un peu plus loin la Dragonne. Encore quelques passes d'armes, encore quelques feintes et finalement en le laissant frapper l'Ombre de ce qui fut mon épaule ma lame tranche sa chaire. Le voilà, le fier Duc d'Erin à genoux devant moi. Je peux enfin reprendre mon souffle. La sueur coule sur nos fronts, nos cheveux moites collent sur nos visages. Le temps à passer sans que l'on ne s'en rende compte. Autour de nous tout est calme et étrangement silencieux. Le campement n'est plus à présent qu'un tas de débris sentant le sang et la fumée. Je me détourne finalement et fait quelques pas. J'ai failli. Le bruit sourd du corps tombant sur le sol ne me console d'aucune manière. J'ai failli.
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Baramir d'Eckmöl, Mister Daifen 2008.
Archiviste occasionnel de la Skippypédia
Celimbrimbor | 17/10/10 20:55
C'est donc ainsi que cela s'est déroulé...
La Demeure Franche : [Lien HTTP]
Noir-feu | 20/10/10 14:06
Il paiera...dans ce monde et dans tous les autres, il paiera pour la chute de la Noire...
(Superbe du début à la fin!)
Edité par Noir-feu le 20/10/10 à 14:07