Forum - [Certadhil III]Triste réalité.

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Kärel | 14/11/10 22:15

Le vent fouettait les cheveux des Elfes postés aux coins des ruines. Pas de Soleil, pas d'éclaircie, juste un ciel sombre, inquiétant, étouffant. A l'intérieur du camp, les maîtres d'armes entraînaient durement les soldats, ne leur laissant pas le temps de penser, de raisonner. Toute réflexion trop poussée signifiait un moral abbatu. Les ordres étaient clairs : personne d'inactif sauf les gardes. Toutes les trente minutes, de nouveaux combattants endossaient le rôle de sentinelles. Les anciennes, elles, partaiant en éclaireur par groupe de quatre. Seuls les plus aguerris avaient le droit de dépasser les murs, et s'il s'avérait qu'un novice avait tenté de passer outre le réglement, il serait en première ligne lors des combats à venir : pas d'exécutions, pas de gaspillages. S'il retentait de s'enfuir, il servirait d'âpat vivant lors des retraites. Pas d'exécutions, pas de gaspillages.

A l'intérieur du bâtiment le moins ravagé par le temps, autour d'une longue table de bois mort, Kärel et quelques hommes importants débattaient. Le ton montait, augmentant la tension ambiante qui entraînait inévitablement la perte de sang-froid des généraux les moins résistants. Leur seigneur était bien souvent obligé d'intervenir, parfois violemment, dans le seul but de les calmer, ou du moins de les faire taire temporairement.

"C'est suicidaire, vous dis-je, suicidaire ! Ces Elfes n'ont même pas le quart du talent de nos paladins ! Une manoeuvre de ce type est vouée à l'échec !
L'homme en cuirasse frappa du poing sur la table. Haavan avait toujours était très proche de ses guerriers, et le passage aux Elfes lui avait particulièrement déplu. Là où les armures étincelantes, les épées d'argent et les montures robustes lui reflétaient sa propre image de combattant droit et aguerri, ces silhouettes fines et grâcieuses le perdaient dans ses repères. Il ne se sentait plus à l'aise quand il passait ses ordres habituels, et encore moins quand il s'entraînait.
- Vos paladins sont à plusieurs jours de bateau ! Vous proposez quoi ? D'aller les chercher à dos de pigeon ?
- Je dis juste qu'on a aucune chance d'espérer un quelconque résultat si on applique les stratégies habituelles avec cette bande d'imbéciles dégénérés !
Un raclement de la gorge du bras droit de Kärel, elfe de nature, se fit percevoir. Une petite mise au point quant aux capacités martiales de ces "imbéciles dégénérés" ne lui aurait pas déplu, mais un regard rapide de son souverain le rappela à l'ordre losrqu'il s'apprêta à caresser le doux visage du capitaine avec le dos de ses bottes. Un troisième homme prit la parole :
- Mais faut bien qu'on fasse quelque chose, bordel ! On va pas rester ici à regarder le temps passer !
- Si.
La voix grave et lourde du seigneur instaura le silence dans la pièce. Tous le regardèrent, surpris. Ils s'attendaient visiblement à ce qu'il s'explique ou, pour les plus incrédules, à ce qu'il répète. Canas, scribe très haut placé, osa finalement poser la fatale question :
- Je... je vous demande pardon ?
- Vous m'avez très bien entendu. Nous resterons ici, jusqu'à nouvel ordre de ma part.
Le jeune homme, pourtant habitué aux décisions stratégiques de son supérieur, n'arrivait cette fois-ci pas à le comprendre.
- Mais... nous sommes, enfin vous êtes... venu ici pour agir, non ?
Un choix s'offra alors au bretteur : devait-il mentir ou révéler l'autre raison de sa venue ? Réponse évidente, il ne fallait pas qu'il passe pour un égoïste doublé d'un fou, pas devant ces soldats-là.
- Nous sommes effectivement venus ici pour barrer la route aux Démons et autres serviteurs du "Mal". Mais les choses sont loin d'être aussi simples.
- Je dois avouer ne pas comprendre...
- Normal, vous ne lisez pas les pigeons à ma place. Et vous m'en voyez heureux.
- Que se passe-t-il ? Un imprévu ?
- Non, juste une accumulation d'évènements et de questions qui aboutissent à ce qui me paraît la plus sage des décisions.
Haavan prit à son tour la parole d'une voix agacée, presque agressive :
- Avons-nous le droit à une quelconque explication, ou est-ce trop demander ?
- Une explication ? Kärel se mit à rire. Regardez autour de vous ! Nous sommes paumés, aussi bien géographiquement que politiquement ! Vous croyez qu'une simple stratégie militaire suffira à vaincre notre ennemi ? Vous pensez que nos alliés sont là pour nous aider ? Vous avez entièrement le droit, je le croyais aussi. Mais il faut ouvrir les yeux : nous ne contrôlons rien, capitaine. Absolument rien, si ce n'est notre propre royaume. Et encore, je n'en suis pas si sûr...
L'être sylvestre, resté jusque-là silencieux, s'approcha de son ami et, accessoirement, maître.
- Vous n'êtes pas obligé de tout lâcher d'un coup, vous savez.
- On ne lâche que ce que l'on tient, et ma main n'était refermée que sur du vide, une vague impression d'organisation. Il est temps de se mettre à jour : le vrai combat n'est pas pour nous. Et d'un certain point de vue, tant mieux.
- Vous avez donc choisi la lâcheté ? Pfff... je suis... déçu...
Le katana de l'épéiste vint immédiatement se placer sous la gorge du second capitaine.
- Alfred, mon cher Alfred, je vous conseille de surveiller vos paroles. Vous pouvez avoir votre opinion, mais je vous déconseille fortement d'insinuer pareille chose ouvertement, surtout en ma présence. On ne sait jamais, je pourrais succomber à la tentation, nous sommes sur Certadhil après tout...
Puis il rengaîna, et avoua tout de même :
- ... Bien que vous n'ayez pas tout à fait tort. Mais je pense que cela tient plus de la sagesse tardive, voyez-vous.
- De la sagesse ? De la... sagesse ? Abandonner ses alliés, laisser tomber ses compagnons, c'est cela pour vous, la sagesse ?
- Silence !
Alfred baissa les yeux.
- Qui êtes-vous pour juger mes gestes ? Vous n'êtes même pas informé de la situation ! Vous êtes encore plus pion que moi... mais je vais tenter de vous expliquer briévement mes raisons.
Il inspira, et reprit :
- Voyez-vous, nous sommes très nombreux sur ce continent, et un groupe de quarante seigneurs ne peut pas rester entièrement soudé, à mon grand regret. Pas ici.
- Et alors ? Ce n'est pas parce...
- Ne me coupez pas. Nous sommes donc plus dans un réel bordel diplomatique, traîtres ou non, que dans une supposée entente globale des forces en présence, et la confiance ne se donne pas à n'importe qui. Je ne la donne plus à n'importe qui. Et je pense que je vais la retirer à beaucoup de gens dans les prochaines lunes, s'ils ne me précèdent pas.
- Cela ne vous empêche pas d'avoir des alliés fiables, il suffit de les trouver, lança Haavan.
- Le principe d'une alliance est que les seigneurs la composant soient sur un certain pied d'égalité et partagent une confiance mutuelle. Ce n'est absolument pas le cas ici, à ma plus grande désillusion. Il m'est désormais impossible de faire quoi que ce soit sans me sentir utilisé et berné, et c'est bien dommage. Nous sommes en compagnie des plus grands de ce monde, et il s'avère qu'ils se connaissent bien mieux que nous ne les connaissons.
Il soupira. Se retrancher dans son coin, ne pas agir, c'était un peu ce que voulait l'ennemi. Mais c'était à se demander si les "compagnons" continentaux n'étaient pas plus dangereux que les tarés d'en face... de toutes façons, les choses se concrétiseraient bien à un moment ou un autre, jusque-là, mieux valait patienter et attendre plutôt que de faire une irréparable bourde... si la Mort ne venait pas frapper trop tôt.
- Mais... si nous ne servons pas... autant partir ?
Une lueur d'espoir se dessina dans les yeux de Canas. La possibilité de quitter cette île de malheur, même par voie maritime, l'enchantait au plus haut point.
- Et puis quoi encore ? Je ne suis pas venu pour des prunes. Je ne suis pas à la fois aveugle et lâche, comme le croient certains.
- Alors que proposez-vous ? cracha le scribe d'un ton ironique.
- La patience. L'espoir, si cela peut vous faire plaisir. Et le renouvellement continu de l'entraînement des troupes. Je veux plus d'éclaireurs, et des constructions plus rapides, plus efficaces. Tant pis si moins de soldats s'acharnent à viser des cibles en carton, ils récupéreront les heures perdues quand les bâtiments seront rénovés. Mais pas touche à mes élèves, je m'occupe de leur cas.
- Et nous, que faisons-nous ? Nous nous entraînons avec les autres ?
- Passez dans les rangs, faites connaissance avec les troupes. Ils sont un peu dingues mais pas dénués de personnalité pour autant. Apprenez à reconnaître qui est sous vos ordres. Familiarisez-vous avec leurs tactiques habituelles, s'ils en ont. De cette manière, peut-être éviterons-nous les débats stériles à l'avenir.
- Bien, monseigneur...
- Excellent, laissez-moi maintenant. Canas, tu restes avec moi. Toi aussi, mon ami."

Ils sortirent de la salle rejoindre les élèves du bretteur. Ceux-ci poireautaient dans le froid depuis quinze bonnes minutes, et c'est tout grelôtants qu'ils acceuillirent leur professeur. Aujourd'hui, c'était excursion pédagogique en terrain hostile : un bien joli programme qui faisait office de prétexte pour rechercher quelque chose d'extrêmement important. Mais quoi ? Kärel ne le savait pas lui-même. Dans le doute, il avait décidé de prendre son scribe et son plus grand homme, ou plutôt elfe de confiance pour l'accompagner, sans oublier les spadassins en herbe dont il avait la charge. Pas plus que ça, les soupçons seraient trop vite éveillés. Mais quelque chose d'assez puissant pour attirer son propre instinct sur le lieu le plus dangereux de Daifen ne devait pas, ne pouvait pas être sans risques pour celui qui le recherchait. Et pourquoi diable était-il le seul à sembler attiré par cet émant de pouvoir, lui, un humain si banal ? A moins que son agression n'en soit l'unique cause... tant de questions et aucune solution envisageable. Plongé dans ses pensées, il ne vit pas tout de suite l'immonde bestiole qui se traînait à l'horizon. Une sorte de chien squelettique à la chair pourrie, un énorme cou traînant sur le sol, déséquilibrant son corps aux membres disproportionnés. On se demandait bien quel genre de fou aurait pu créer pareille abomination. Il se repentait des restes d'un cadavre envahi par les insectes et les vers, impossible de savoir si la pauvre bête avait été humanoïde ou non. Brusquement, la tête du molosse cadavérique se tourna en direction du petit groupe. Son regard assoifé de sang ne laissait paraître aucune raison, seule la folie et l'envie de chair fraîche y étaient lisibles. Immédiatement, il se mit à courir vers les élèves, dérapant, trébuchant lamentablement sur ses petites pattes, se rétamant de la manière la plus pathétique qui soit lorsque son cou le faisait partir de travers. Kärel, attristé par pareil spectacle, s'avança, Freyja à la main.

"Bien, première leçon du jour : la décapitation propre et efficace. Prenez des notes, après moi, c'est votre tour, bande de moules."

[HRP : Ma petite quête personnelle n'a rien à voir avec Drazankhar et tout le tralala, je ne chamboulerai pas le scénario mis en place par les organisateurs du continent :D juste au cas où, on sait jamais :o ]

Kärel, Ombre égarée sur les rives de l'Existence.

Edité par Kärel le 14/11/10 à 22:20

Althâr Anthâar | 14/11/10 22:47

Le fossé n'est pas creusé par ceux que vous croyez, mon jeune ami...

(Super récit en tout cas :))

Le Prophète Ecorché | 14/11/10 22:58

HRP : le scenario, c'est vous qui le faites ;)

Bart Abba | 15/11/10 00:54

Ekcellent ! :b :b :b

Kärel | 15/11/10 19:36

Merci :)

[HRP : Il me vient tout à coup des tonnes d'idées... :o ]

Kärel, Ombre égarée sur les rives de l'Existence.

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