Forum - [Les Cercles Maudits] chapitre Ier: Le poids du passé.

Noir-feu | 13/03/11 17:50

-Devons-nous les prévenir, Seigneur?

-Non. Ils ne nous croiraient pas.

-Il y aura de très lourdes pertes.

- Peu m'importe. Qu'ils crèvent.

Le puissant vampire scruta son roi quelques instants en silence, analysant avec sa froideur coutumière les raisons qui pouvaient pousser le Noir à garder pour lui des informations aussi capitales. Il sentait que certains éléments lui échappaient, et malgré la confiance dont il se savait investi, il lui apparaissait clairement que son Seigneur ne lui révélait que des fragments soigneusement choisis de ce qu'il savait. Chassant ces questions qui, il le savait, demeureraient sans réponses jusqu'à ce que le sombre maître de Riredhil en ait décidé autrement, Troeren acquiesça d'un signe de tête prudent.

-Comme vous le souhaiterez, monseigneur. Puis-je porter à votre attention le fait que votre fils se trouve actuellement sur Certadhil?

-Quoi?! Par les enfers! Que fait-il là-bas?

-D'après nos informateurs, Sire, il a décidé de veiller sur la jeune femme des éléments.

-Shadee?

-Oui, Seigneur.

-L'imbécile...murmura sombrement le Seigneur d'Obsidienne, qui fit quelques pas pour gagner une haute fenêtre donnant sur les cours intérieures de la puissante cité fortifiée de Riredhil.

Les yeux plissés par une profonde réflexion, il observa distraitement les manoeuvres des nouvelles recrues, puis reporta son attention sur le commandant en titre du lieu, le scrutant longuement sans prononcer un mot. Impassible, le vampire soutint l'examen, ce qui tira un léger sourire à Noir-Feu. De tous ses officiers, le vampire était le plus redoutable, il ignorait littéralement la peur, gardant son sang-froid dans les pires situations. C'était un des rares à pouvoir soutenir sans fléchir l'attention acérée du Dragon, et le courage était quelque chose que le Noir appréciait, quand il n'était pas pétri d'arrogance.

-Que suggérez-vous, alors, commandant?

-Il me manque des éléments, Seigneur. Mais au vu des informations dont je dispose, je pense impératif de verrouiller promptement les défenses de Deuxièmecercledhil. Qui dirige là-bas, en l'absence de votre fils?

-Un quelconque sous-fifre. J'ai envoyé Sarkos sur Quanastadhil récemment, en espérant qu'il pourra y couler ses derniers jours en paix.

-Il me semble, Seigneur, que c'est là une priorité urgente. Si la citadelle tombait...

-En effet. Combien de temps vous faut-il pour organiser le transport des légions d'obsidienne et les envoyer là-bas?

Le vampire sourit imperceptiblement, satisfait d'avoir cerné les pensées et volontés de son Seigneur avant qu'il ne les exprime.

-La flotte peut lever l'ancre ce soir, Seigneur.

-Excellent travail commandant! Procédez à l'embarquement sans tarder. Vous accompagnerez vos troupes et prendrez le commandement de Deuxièmecercledhil dès votre arrivée. Je vous y rejoindrai dans les jours qui viennent avec les légions d'ivoire.

-Merci, Sire. Qui dois-je nommer pour diriger ici?

-Larme se débrouillera de ce problème, pour peu qu'il parvienne à s'extirper quelques instants des bras de sa traître donzelle. Riredhil lui appartiendra dès que vous aurez levé l'ancre.

-J'espère que...

-Ce n'est plus notre souci. Veillez à être opérationnel d'ici deux lunes sur Deuxièmecercledhil, les signes rapportés par nos espions sont extrêmement inquiétants. Il est probable également que nous soyons entre l'enclume et le marteau avant longtemps, laissez-moi me charger personnellement de toute lettre diplomatique qui vous parviendra.

-Bien, Seigneur. Avez-vous des nouvelles des autres Cercledhils?

-Très peu. Les rares qui me soient parvenues sont mauvaises, je doute qu'ils tiennent plus de quelques lunes.

-Et votre Dame ? N'y a-t'elle pas une forteresse?

-Xüne est sur Cephalopodhil. Je n'ai plus la moindre nouvelle depuis des lunes. Nous serons seuls dans la tempête, commandant.

Le vampire ne put s'empêcher de manifester d'une discrète grimace son inquiétude.

-C'est prendre un gros risque, Seigneur, si je puis me permettre...

-Je sais. Cela nous coûtera extrêmement cher. Nous n'avons pas le choix, quoi qu'il en soit, vous savez que nous sommes considérés comme étant des traîtres.

-Oui. Ce serait amusant, sachant de qui provient ce jugement de dupes, si la situation n'était pas aussi grave. A ce propos...pour Certadhil?

-Rien. Néant. Qu'ils brûlent tous en enfer, je me fous de leur destin. Ils l'ont choisi.

-Les prévenir ne vous coûterait rien, et peut-être réviseraient-ils partiellement ce jugement. Cela pourrait nous servir.

-Je n'ai strictement rien à faire de leurs jérémiades. Ils crèveront la gueule ouverte et ce monde ne s'en portera pas plus mal. Tout se paie, Troeren, et mon prix est élevé. Je sais que cela vous déplaît, j'ai pris note de vos conseils, maintenant allez, le temps nous est compté.

-A vos ordres, Seigneur.

A peine la nuit s'étendit-elle sur Riredhil que neuf trirèmes lourdement chargées de combattants quittèrent le port fortifié à destination de Deuxièmecercledhil. A la proue du navire amiral, Troeren contemplait l'horizon d'un air inquiet. Les légions du Dragon avaient beau être nombreuses et entraînées, il sentait que cela ne suffirait pas pour remporter une victoire dans la guerre qui allait débuter sur les Cercles. Haussant les épaules, il regagna sa cabine, il ferait son devoir et l'ennemi, quel qu'il soit, souffrirait durement avant de franchir les épaisses murailles de l'antique Krak d'Orféor le Noir. Un sourire cruel dévoila ses canines proéminentes, il lui tardait de combattre à nouveau, et l'heure était proche, maintenant.