Forum - [La quête des légendes, Special Reissue Edition 7/21] La mer 3/4 : Avant le fond.

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Celimbrimbor | 26/09/19 18:10

Trop tard.

Pierre regardait les flammes monter au ciel et le sang qui cuisait sur les pavés en bas, plus loin. Le chemin lui paraissait beaucoup trop loin.

Encore avant.

Derrière, les cris de gardes l'effrayaient plus qu'il ne l'avouerait plus tard quand il raconterait cette histoire, parce qu'il survivrait pour la raconter, et tant pis pour le carreau qui dépassait de son épaule. Il savait, monsieur Pierre lui avait appris, il savait qu'il n'y avait que du muscle là, et il savait tenir les rênes d'une main et puis, de toute façon, Anatole connaissait sans doute mieux le chemin que lui et il n'avait plus vraiment la force de faire autre chose que de se pencher et murmurer des mots encourageants à l'oreille du cheval. Était-il sorti des bois ?

Trop tard.

Les navires étaient déjà partis, évidemment. Leurs équipages libérés, ils n'avaient aucune raison de rester à quai ici. Pierre regrettait peut-être de ne pas pouvoir assister à leur retour triomphant à Fère Vive.

Avant.

« Vous savez, Pierre, vous avez fait un très bon travail à Fère Vive, mais il est temps de passer la main.
─ Les navires ne reviendront plus, ils sont perdus. C'est beau d'espérer mais, en attendant, la ville se vide de son sang.
─ Nous avons perdu plus d'un tiers des habitants de la cité !

Encore avant.

La route, il la reconnaissait, c'était sûr. L'arbre, là-bas, c'était celui qui servait de borne sur le chemin, non ? Si. En tout cas, Anatole se lâchait, de terreur pour lui-même ou pour son cavalier, Franck n'en avait aucune idée, mais ça lui convenait bien en tout cas. Il sentait comme un grand froid dans son bras gauche et les rênes lui glissaient de la main droite. Quant à se retourner pour voir si ses poursuivants s'étaient rapprochés. Non, il fallait rentrer, Monsieur Pierre avait demandé des nouvelles avant dîner et il croyait voir la nuit tomber ou peut-être était-il en train de mourir ?

Avant.

─ Et voyez ce qu'il reste. Les, un temps, méprisant, habitants, puisque vous y tenez, du Chemin Roux, un peu de la vermine du port et puis quoi ? Les vieilles familles ont déjà plié bagage, Pierre ! Rendez-vous à la réalité.
─ Il ne faut pas laisser la ville mourir, Monsieur Davan.
─ Je vous ai déjà dit de ne pas m'appeler ainsi. Un temps. Bien entendu que je ne veux pas laisser la ville mourir. Me prenez-vous pour un idiot Étienne.

Encore avant.

Ils avaient gagné. Anatole était fatigué et l'avance qu'ils avaient pris tout à l'heure fondait comme gel le matin. Il entendait ses poursuivants. Un sourire cruel lui déchira le visage. Il était tellement près. La demeure de Monsieur Pierre se tenait juste là, même pas à cent mètres. Franck produisit un dernier effort pour se redresser, se retourner et adresser un geste vulgaire au premier des hommes derrière lui, puis il glissa de cheval et dans un sommeil dangereux.

Avant.

─ Alors pourquoi proférez des accusions aussi imbéciles plutôt que de vous ranger à la proposition de monsieur l'Ambassadeur ? Un temps. Et ce sera toujours monsieur Carsis pour vous, Pierre.
─ Parce que l'Ambassadeur est de mèche avec vous.
─ Ces lettres sont des forgeries. Quant aux dires que vous prétendez avoir arraché à un bandit, quelle valeur ont-ils ?

Un peu avant.

Franck rouvrit les yeux dans l'écurie, le souffle chaud d'Anatole sur le visage. Le garçon porta la main à son épaule et n'y trouva rien, non plus qu'à l'autre. Il sauta sur ses pieds et un bras le cueillit avant qu'il ne quittât le box du cheval.
« Allons. Un temps. On n'est jamais si pressé qu'on ne prenne soin des autres. Une pause. Prends ça et bouchonne ton cheval, il t'a sauvé la vie et cela mérite reconnaissance. »
Par automatisme, Franck obéit à la voix chaude et commença à bouchonner Anatole pendant que la personne au bout du bras s'éloignait chercher un peu d'avoine pour le nourrir. Un elfe. Il n'en croyait pas ses yeux et avait du mal à se concentrer sur le brossage. Un vrai elfe, comme dans les histoires. Il n'en avait jamais vu. Monsieur Pierre en parlait comme s'ils étaient des monstres assoiffés de sang, prêts à tuer quiconque s'opposait à eux mais celui-là était là, juste en train de remplir un seau pour donner à manger à un cheval. Il n'avait même pas l'air extraordinaire avec ses oreilles un peu pointues et ses cheveux courts qui n'encadraient pas son visage. Il avait toujours cru que les elfes devaient avoir des cheveux longs. Et blonds. Ou blancs, au moins. Quelque chose pour montrer qu'ils étaient d'ailleurs, qu'ils étaient autre chose, mais là, rien. Il ne brillait même pas dans le noir. La curiosité lui brûla les lèvres.
« C'est vrai ? Ce qu'on dit sur les elfes ?
─ Que nous tuons les enfants pour les dévorer ensuite ? Un geste amusé. Pas à ma connaissance.
─ Mais non ! Que vous avez des pouvoirs magiques !
─ Oh, ça. L'elfe agita le bras et un petit oiseau de feu s'envola du vide pour s'y disperser un peu plus loin. C'est possible, oui. »

Avant.

─ Et n'est-il pas pratique que vous l'ayez relâché, d'ailleurs, ce bandit ?
─ Ce petit jeu n'a que trop duré, Pierre. Signez les accords commerciaux avec Iv' et qu'on en finisse.

Un peu avant.

Franck cligna lentement des yeux en fixant l'endroit où l'oiseau avait disparu. Ce n'était sans doute qu'une illusion, un mensonge joli pour le distraire. Les elfes passaient pour des joueurs de mauvais tours sans importance : faire tourner le lait dans les pis des vaches, rancir les biscuits dans les placards. Des racontars de vieillards un peu trop amis avec la boisson, aurait dit Monsieur André. La vraie magie n'existait que dans les contes. Une distraction pour les enfants. Le jeune garçon reprit ses esprits tout à coup.
« Les hommes ! les hommes ! Ils me poursuivaient tout à l'heure sur le chemin et j'y étais presque mais ils me rattrapaient et je suis tombé de cheval et j'ai plus mal à l'épaule Une pause. Monsieur Pierre ! »
De nouveau, il décocha comme une flèche pour filer hors du box et de nouveau un bras le saisit au vol, sans effort.
« Semble être en discussions importantes °°°°°°°°°° un bras tendu vers les fenêtres de la grande salle qui éclairaient la cour °°°°°°°°° tant et si bien qu'on ne me laisse pas rentrer.
─ Lâchez-moi ! Il faut le prévenir ! Lâchez-moi ! »

Avant.

─ Très bien. Un soupir las. Je signerai.
─ À la bonne heure !
─ Heureux de vous voir vous rendre à la raison.

Un peu avant.

« Lâchez-moi !
─ Seulement si tu m'amènes voir Piotr. Une incompréhension. Ton monsieur Pierre.
─ Vous lui voulez quoi ? Méfiant. Et pourquoi vous l'appelez Piotr ? Et mon épaule.
─ J'ai besoin de lui et il a besoin de moi. De la même façon qu'il a besoin des nouvelles que tu lui ramènes.
─ Juré ?
─ Je ne mens jamais, jeune homme. Une pause, dure. Le temps est précieux. Menez-moi. »
Franck hésita un instant mais abdiqua ses craintes. Les elfes n'étaient jamais méchants, dans les légendes. Souvent, on ne les comprenait pas, car ils étaient trop étranges, trop différents, que leurs actions ne répondaient pas au même sens commun que celui des humains. Parfois, ils semblaient se placer du mauvais côté de l'histoire et commettre des actions terribles mais en fin de compte, tout retombait correctement et on s'apercevait qu'ils étaient, depuis le début, des alliés secrets.

Avant.

─ Voilà. Un temps, triste.
─ Vous avez fait le bon choix, Monsieur Pierre. Un sourire. La ligue de commerce d'Iv' est heureux de compter Fère Vive dans ses rangs à présent.
─ N'est-ce pas ? Amer. Mais ?
─ Mais vous comprendrez que la ligue ne pourra bien longtemps commercer avec vous, Pierre. Une pause. Vous vous êtes montré un adversaire roué et doué et cela rassurerait les nôtres si nous avions un autre interlocuteur.
─ Étienne Carsis, je suppose.
─ Par exemple. Un nouveau sourire. Enfin, nous serons beaux joueurs. Nous vous laisserons vivre ici le temps que vous désirez. Même, on devrait pouvoir vous trouver un poste honorifique quelconque dans la ligue, qu'en pensez-vous ?
─ Que j'ai besoin d'un verre. Un temps. André, la bouteille de Lac Balmu.

Juste avant.

Ils traversèrent la cour rapidement, passèrent une porte, un escalier de service et longèrent un couloir. La porte se refermait à peine.
─ Aux routes commerciales, alors ?
─ Aux navires disparus et à leurs gens d'équipage.

Au même moment.

Franck fit irruption dans la salle, l'elfe entrant doucement à sa suite.
« Monsieur Pierre ! Les navires n'ont pas disparu ! Je les ai vus à Lubey ! »
Étienne Carsis bondit comme un chat pour lui décocher une baffe violente mais l'elfe lui saisit le bras et le retint. Le futur maire jaugea l'autre du regard et hésita un instant avant de dégager lentement son bras et de reculer les mains levées. L'elfe se tourna vers Franck :
« J'ai été à Lubey, comme vous l'aviez demandé, Monsieur Pierre, et j'ai vu les navires ! Tous : la Mouette, le Chambellan, le Tronc et les autres ! J'aurais pu courir d'un bout à l'autre de la rade sans toucher la mer ou les ponts, tellement les gréements se touchent ! Même ici on n'a jamais vu ça !
─ Mensonges !
─ Laissez-le continuer, Étienne. Un temps. Tu n'es pas encore maire.
─ Sains et saufs. Un peu maigre, mais vivants. J'ai été jusque dans le village pour voir.
─ Ce sont des mensonges !
─ Allons, Étienne. L'ambassadeur eut un sourire confiant. Même si cet enfant ne mentait pas, Pierre, vous avez signé. Un temps. Et il ne s'agit là que de la parole d'un jeune homme impressionnable et à votre service.
─ André, faites sceller des chevaux et dépêchez des gardes de la ville pour vérifier les dires de Franck.
─ Oh oui. Un sourire délicieux. Bonne idée. Un temps. Méfiez-vous cependant. Les routes ne sont pas sûres.
─ Il a raison ! Il y a des gardes partout ! Ils m'ont poursuivi et
─ Et quoi, jeune homme ? Un sourire dur d'Étienne. Si des gardes vous ont couru après, ils ont fait un bien piètre travail. Vous avez de la chance de ne pas être tombé sur moi, je vous
─ C'est très certainement dommage, en effet. L'elfe, souriant. Je suis sûr que vous auriez magnifié le tableau des sots qui gisent dans le fossé aux portes de la demeure. Un temps. Piotr, le gamin dit vrai.
─ Comment osez-vous me couper la parole, immonde créature ! »
Étienne n'eut pas le temps de finir le coup qu'il portait à l'elfe que celui-ci le soulevait déjà à bout de bras, lui écrasant la gorge sous le poing, les yeux toujours sur Piotr.
« Vous allez cesser ces enfantillages, si vous le voulez bien. Un craquement sec, un bruit mat de corps glissant sur le sol. Vos navires sont à Lubey. Je peux vous y amener. Et les faire revenir. Une porte claquant. Vous restez ici, monsieur l'Ambassadeur.
─ Et en échange ? Pierre semblait fatigué. Que voulez-vous ?
─ Un navire et son équipage pour un voyage de quelques jours. Et ce n'est pas tout.
─ Allons donc. Quoi d'autre ? »

Le moment.

Piotr se tenait sur la falaise de la rade de Lubey et regardait les navires qui gémissaient leurs gréements. Franck ne mentait pas, ils auraient pu marcher, de mât à mât, d'un bout à l'autre. La vision, sous la lune, paraissait irréelle. Le village garnison avait été reprit en main complètement, les maisons abandonnées servant ou de caserne ou de prison. Les gardes patrouillaient un peu partout.
Il n'en revenait pas. Ils avaient juste fait un pas ! De la salle de réception à la falaise. C'était impossible.
Il tourna les yeux vers l'elfe qui ne le quittait pas de son regard blanc.
« Oui. Allez-y. »
Les cris commencèrent avant même qu'il se tût.

Trop tard.

Dos aux flammes, Celimbrimbor regardait le maire.
« Tes vaisseaux sont rentrés. Tiendras-tu parole, Piotr ?
─ Oui. Des larmes. Un navire et son équipage vous sera prêté.
─ Et ?
─ Et je renonce à toute vengeance sur vous. En bas, devant, le village brûlait et l'odeur de cochon flambé semblait insoutenable. Partez. Je vous en supplie. Partez. »

Edité par Celimbrimbor le 26/09/19 à 18:13

Celimbrimbor | 26/09/19 18:13

Merci à ceux qui lisent. Merci à ceux qui en parlent.
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