Forum - Tu ne peux y échapper. [Partie 3]

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Eigoel Nahb | 07/06/08 13:07

Les heures étaient passées. Le temps en taverne s'était écoulé, et Eigoel sortait enfin de la gargote envahit par la fumée des pipes et les vapeurs d'alcool. La nuit était là, depuis un bon moment déjà. Seul le vacillement des lumières qui s'échappaient des fenêtres alentours, ainsi que les faisceaux lunaires éclairaient quelque peu le chemin devant l'humaine. La soirée avait été étrange, des choses qui lui échappaient plus ou moins se tramaient. Son regard se leva, et se posa sur la lune, qui formait un croissant parfait. On aurait presque cru que c'était elle, qui éclairait les étoiles. Le soleil, à l'autre bout du monde, devait être étincelant pour offrir à sa remplaçante nocturne un tel éclat.
Eigoel marcha un peu, prenant les chemins dallés dans la cité intercontinentale au hasard. Elle n'avait aucune envie de rentrer pour dormir, ou se reposer. Les pensées fusaient dans son crâne.
C'est alors qu'elle se rappela de cet étrange parchemin qu'elle avait reçu juste avant d'aller boire quelques bocks. Les messagers l'avaient grandement intriguée. De gros papillons de nuit poilus et repoussants étaient venus la trouver alors qu'elle sortait des bois et revenait d'une mission délicate. Etrangement, ces insectes ne lui étaient pas inconnus, ils lui étaient même familiers, sans que l'humaine ne réussisse à s'expliquer le pourquoi.
Peu importait finalement. Elle y réfléchirait plus tard. Dans un haussement d'épaules, elle sortit le parchemin de sa poche arrière de pantalon, s'approcha d'une fenêtre pour mieux voir les pattes de mouches imprimées sur le papier, et lut :

**Ma Fille,

Que le temps passe vite. Les années ont défilé sous mon nez sans que je ne m'en aperçoive. Je déplore de ne pas t'avoir vu grandir, mais de Grandes Choses m'attendaient, et il était impossible pour moi d'y renoncer pour t'élever, j'espère que ta mère te l'a bien expliqué. Paix à son âme.
J'espère que la vie ne t'a pas encore trop esquinté. Pour ma part, la fin approche. Je suis épuisé, mon énergie vitale baisse, de jour en jour, sans que je n'arrive à reprendre des forces. Ce jour devait arriver. Les Eléments ne veulent plus de moi et te demandent. Tu es mon unique enfant. Il est de ton devoir de leur répondre.
Cette lettre va peut être te paraître abrupte, mais le temps presse. J'espère de tout coeur que tu viennes me rejoindre dans la forêt D'Elgoac'h, à l'est de notre village, c'est celle qui recouvre les pieds des Monts de Roche Rose, vois-tu de laquelle il s'agit ?
Je t'attendrais.**

Eigoel en resta muette. Ce père, qui l'avait laissé depuis sa naissance, qu'elle n'avait jamais connu, venait de lui écrire. Elle ne savait qu'en penser. Devait-elle être en colère ? Devait-elle se réjouir de le voir enfin ? Elle ne parvint pas à se décider. L'humaine relut plusieurs fois la lettre dans l'indécision la plus complète. De lourds nuages noirs traversaient paresseusement le ciel sombre. La lune fut dissimulée plusieurs minutes avant de réapparaître avec moins de brillance. Un orage éclata, comme sortit de nul part, et un éclair fendit le ciel en deux, faisant sursauter la jeune femme. Puis, plus rien. Le calme de la nuit reprit place, et Eigoel avait pris sa décision. Elle irait voir ce vieux fou, et seul l'avenir dirait ce qu'il en adviendrait.

***

Le lendemain matin, Eigoel se réveilla de bonne heure. Elle plia rapidement la tente dans laquelle avait prit l'habitude de dormir depuis des mois, ramassa ses quelques rares affaires et commença sa longue marche vers l'ouest. Elle emprunta d'abord les routes commerciales, jalousement gardées par la milice marchande. Elle croisa quelques chariots, tirés par d'immenses buffles d'eau, ainsi que quelques bataillons de soldats, qui entretenaient une marche rythmée, bruyante, sous les cliquetis d'armures, le bruit des pas heurtant dans un seul mouvement le sol, et le claquement des bannières au vent.
Son voyage dura six jours, et le septième après-midi, elle vit enfin les Monts de Roche Rose s'élever devant elle. A la naissance de la montagne s'étirait une grande forêt, très étendue. Le vent vint soulever la chevelure sombre de la jeune humaine, un air iodé, lointain, lui chatouilla les sens, la Mer des Toutes Fins devait être à quelques lieues de là, derrière les collines verdoyantes. Eigoel pressa le pas. La fin d'après-midi pointa son nez lorsqu'elle dépassa les premiers arbres de la forêt d'Elgoac'h. Les lieux étaient calmes, les chants des oiseaux émanaient des arbres, comme dans tous les paysages boisés. Au fur et à mesure qu'elle avançait, l'espace entre les tronc rétrécissait, et les cimes des arbres, ainsi que les nombreuses branches se rejoignaient, se mêlaient, ne créant plus qu'un seul et même amas de feuilles émeraudes, comme si elles appartenaient à un seul et unique feuillu.
L'humaine finit par s'impatienter. Il l'attendrait, c'est ce qu'il avait écrit. Mais personne. Le temps passa, et les jambes de la guerrière fatiguèrent. Elle s'accorda une pause. La pente qu'elle gravissait sur le flan de la montagne était des plus raides et elle ne s'était pas encore arrêtée depuis le petit matin.

-Satané Fou ! Cette forêt est déserte, cela m'apprendra à venir le v...

Un bruit de branchettes cassées stoppa net son marmonnement. Elle se retourna vivement, les sens aux aguets, et vit sortir de derrière un bosquet un vieil homme extrêmement maigre, presque diaphane. Un simple pagne en peau d'animal recouvrait son intimité, le reste de son corps était nu, recouvert d'arabesques peintes en bleu sur sa peau. Ses cheveux gris semblaient pris de démence, un vent fou semblait les agiter en tous sens, mais Eigoel ne pouvait sentir aucune brise s'échouer sur son visage, pas même un fin courant d'air. Le vieillard s'approcha tout près, jusqu'à ne plus être qu'à quelques centimètres de la jeune femme qu'il regarda attentivement. Son regard gris, vide, comme absent, se posa sur les grands yeux noirs de sa fille.

-Eigoel... Tu es venue. Enfin. Dit-il d'une voix fluette, un tantinet tremblante.

La jeune humaine le regarda des pieds à la tête. C'était donc lui, son père. Comment avait-il survécu si longtemps dans un état pareil ? Il semblait aussi fragile qu'un squelette d'oisillon séché.

-Oui, je suis là. Mais tu vas devoir me donner des explications, j'espère pour toi que je ne me suis pas déplacée pour rien. Répondit-elle.
-Tu n'as pas à t'en faire. Suis-moi...

Sur ces dernières paroles, le père de l'humaine, nommé Merloel, tourna les talons, et mena sa fille dans une grande clairière naturelle, où de nombreuses huttes, ou yourtes selon les formes, avaient été construites. A vue de nez, ces constructions pourtant éphémères donnaient l'impression d'avoir été là durant des décennies, voir même des siècles.
Ils traversèrent ce campement de fortune, et se dirigèrent tout droit vers un tumulus. Cette dune d'herbe sacrée s'élevait à quelques mètres du sol, quatre tout au plus, et pouvait parfaitement passer pour une fantaisie de la terre. Ils n'avaient croisé personne, aucun habitant du bivouac ne s'était montré, le camp semblait figé. Eigoel et Merloel pénétrèrent dans le tumulus, et s'enfoncèrent dans les ténèbres de la sépulture. Les yeux de la guerrière mirent du temps à s'habituer, ses doigts effleurèrent les parois rugueuses, elle tenta de suivre son père, qui avançait aveuglement, sans juger utile de se guider grâce au mur. Le plafond était bas, et arrivait au raz de la tête des deux humains. Au bout d'un moment, ils s'arrêtèrent. Le vieillard déroula un bracelet en liane qu'il avait autour du poignet, et craqua ce dernier qui se mit à luire faiblement d'une lumière orangée, tamisée, apaisante. Ses doigts ridées et noueux, garnis d'ongles noirs de saleté, caressèrent des symboles gravés dans la pierre de la paroi. Des volutes, des runes, ainsi que des animaux étranges avaient été sculptés dans la roche.

-Regarde... Commença Merloel. Il est temps pour toi d'apprendre l'histoire de notre communauté. Tu es assez grande maintenant pour comprendre tout cela.
-Merloel... Enfin... Père... Hésita Eigoel. Je ne veux pas de tout ça, je ne veux pas d'un tel fardeau. Je sais pourquoi tu t'es réfugié ici, je connais ces histoires. Pendant longtemps j'ai cru qu'il s'agissait de contes pour endormir les enfants agités. Maman n'a pas failli à cette tâche de tout m'apprendre.
-Tu n'as pas le choix. Ce n'est pas quelque chose que je t'offre avec fierté, mais tu es la seule. Les Eléments te veulent, et n'abdiquerons pas parce que tu refuses de leur répondre. Il m'a été rapporté par les vents que tu as toujours essayé de fuir, mais ton heure est venue. Tu ne peux y échapper.
La voix du vieil homme avait étrangement muée, son regard s'assombrit considérablement tel le ciel qui s'alourdit un jour d'orage. Ses yeux furent traversés d'un éclair de démence. Eigoel recula de quelques pas, sa main s'amarra instinctivement à la poignée de son glaive accroché à sa ceinture, prête à tirer sa lame au clair. Son père continua dans un grondement sourd qui emplit le caveau :

-Les Eléments ne peuvent pas être délaissés, les Hommes doivent les écouter, il en va de leur vie... Et de la tienne ! Tu seras à leur écoute, tout comme je l'ai été, tout comme ton grand-père l'a été.

Subitement, Merloel mena sa main sa gorge, ses phalanges blanchirent sous la crispation et il tomba à genoux sur la terre humide de l'hypogée. Ses yeux reprirent leur teinte grise, et s'absentèrent à nouveau. Ses frêles cheveux gris retombèrent sur sa nuque. Il se releva péniblement, aidé par le mur et par le bras d'Eigoel qui s'était avancée, sur lesquels il s'appuya. Il regarda sa fille tristement, une infinie lassitude inscrite sur le visage et dans ses yeux morts.

-Je suis épuisé... Murmura-t-il en frottant son visage bleui de peinture.

Puis, il s'avança vers la sortie du tumulus, posant une main sur l'épaule d'Eigoel en la dépassant pour se soutenir. Il disparut. Elle resta là. La luisance du bracelet de liane sur le sol s'éteignait incessamment. Mais elle ne s'en rendit pas compte. Ainsi donc ses racines l'avaient rattrapée. Elle ne pouvait plus les ignorer. Son père avait supporté cela trop longtemps, il fallait qu'il se repose...

Edité par Eigoel Nahb le 07/06/08 à 13:15

Eigoel Nahb | 07/06/08 13:12

Suite de :

- Naissance d'une vengeance.[Partie 1] [Lien HTTP]
- Les Eléments la demandent.[Partie 2] [Lien HTTP]

C'est un peu le bazar au niveau des titres précedemment postés, veuillez m'en excuser. :(
Tout est dans le bon ordre là. :b

Dame Auklèce | 14/06/08 12:18

Agréable à lire ;)

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