Forum - La Cérémonie des Trois Lunes

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Noir-feu | 14/09/08 17:47

(suite du rp: Le Cercle)

Le manteau de brume encercle la tour de Melandru qui s'illumine faiblement à travers cette opacité. De multiples fanions tremblotent de leurs pâles lueurs pour honorer la nuit qui se déploient sur la terre astrianne. En dépit de l'heure, bon nombre de gens se hâtent dans les larges couloirs du Palais. Un défilé continue d'hommes et de femmes vêtus de couleurs chatoyantes se presse, les serviteurs astrians se hâtent en se mélangeant aux autres commis portant la livrée aux couleurs de leur seigneur venus pour la Cérémonie de la Première Lune. Loin de cette agitation, dans une section plus obscure, des ombres brouillent le dessin des tapisseries pendues aux murs et masquent les silhouettes des hauts dirigeants qui se tiennent hors du cercle lumineux. Sur un socle de base carrée Noir Feu se tient de façon hiératique dans ses vêtements de cérémonies. Les soieries noires sont mises en valeur par quelques discrets fils d'or. Trop peu pour égayer l'ensemble qui ne semble pas se prêter à quelque chose de festif. Non loin de lui, Dame Auklèce, dans sa robe d'un blanc lunaire l'observe tout en saisissant la coupe en vermeil que lui tend le mage. Quelques fumerolles s'échappent du ciboire, elle en respire les exhalaisons si particulières qui lui rappelle le début de sa propre intronisation.

Avec un semblant de sourire, elle tend la coupe au Dragon Noir qui perçoit dans son fond de multiples morceaux qui semblent être de la pierre incandescente. Pourtant, le métal qui les contient ne diffuse pas suffisamment de chaleur pour lui brûler la paume des mains. Le Fenïm crépite doucement et s'évapore dans l'air en une fumée douceâtre et enivrante. Auklèce reste volontairement silencieuse pour ne pas influencer celui qui peut devenir son Roi. Elle l'observe avec une rare intensité où se mélange l'amour et la peur de l'échec ou même le refus d'être son Roi après cette expérience. Elle écoute à peine les paroles du Mage qui vient d'apercevoir les derniers grains de sable du sablier s'écouler.
- Seigneur Roi Feu, par les témoins ici présents, le Fenïm vous a été offert pour apaiser Kalog. Il est temps pour vous, fier Dragon Noir d'endeuiller une partie de vous pour devenir le serviteur des astrians. Cette Première Lune signera votre aptitude à devenir notre Roi.

Auklèce s'approche à nouveau et lui tend sa main pour l'inviter à quitter ce socle le mettant en valeur aux yeux de la petite assemblée.
- Il est temps pour vous de parcourir les Dédales, mon seigneur.

Le Dragon la dévisage avec une certaine surprise, elle ne lui a jamais parlé de cette partie d'Astria, elle détourne rapidement son regard du sien pour le fixer devant elle. A vrai dire, il ne sait même pas ce que lui réserve cette soirée de pleine lune masquée par les brumes. Les portes s'ouvrent dans cette alcôve nichée sous l'arc de triomphe qui encadre le couple et l'offre à l'esplanade de Melandru. Ils sont accueillis par une foule en liesse qui proclame la reine d'Astria et le prétendant qui va rencontrer Kalog. Une voie a été matérialisée par une ligne d'astrians aux ailes déployées, tels des anges qui se font les gardiens de l'avancée de leur dame et de son seigneur. Quelques pas derrière eux, les conseillers et les seigneurs des provinces communes les suivent en dignes témoins.

Les vapeurs de la coupe de Fenïm ne diminuent pas en intensité, les petites pierres paraissent même crépiter davantage tandis que le tatouage de la dame semble être pris d'une vie en s'entrelaçant sans fin le long de son épaule. Ils se sont stoppés devant une trappe mise en valeur par une arche en fer forgé dont les différentes ferronneries se rejoignent pour former une couronne. Le Mage s'avance sous l'arche pour s'adonner à une étape obligatoire, à force de gestes et de dialectes étrangers, un déclic libère le passage vers les Dédales de Melandru. Aussitôt quatre hommes se pressent pour aider le mage à rabattre la lourde porte. Un trou béant se dévoile, Auklèce fixe le passage obscur qui s'enfonce dans les entrailles d'Astria. Des tambours retentissent avec force et rythme pour saluer Kalog. Auklèce ne se rend même pas compte que sa main s'est posée sur sa propre épaule comme pour apaiser son tatouage figurant un labyrinthe sinueux qui retrouve toute sa réelle fixité. A demi-mot, elle prononce une phrase qu'elle aurait du taire, peut-être a-t-elle juste pensé à voix haute poussée par le souvenir de sa propre expérience. Elle ne sait si son seigneur l'a entendu à travers le son assourdissant des percussions qui prennent en intensité. « Melandru est la Mère de la terre d'Astria, en son sein vivent les plus célestes créatures qui sont le fruit de son esprit comme les plus ténébreux de ses enfants qui sont le fruit de ses instincts ».

Elle se détache à regret de lui en le laissant à sa destinée, elle étouffe ses effusions sentimentales et son désir de goûter une dernière fois à la douceur de ses lèvres. Elle se contente de lui sourire avec confiance, puis s'incline en déployant sa robe blanche à la manière de larges ailes. Cependant, au fond d'elle-même, elle ne sait s'il acceptera ce qu'elle lui a caché volontairement. Le Mage tend les bras vers les cieux, instantanément les tambours cessent leurs vibrations grisantes, remplacés par une vague de chuchotements naissant de la foule qui observe finalement un silence tragique. La voix grave de l'homme au visage sans âge mais aux cheveux d'un bleu pur noués en une longue tresse s'adresse à Noir feu :
- Nous vous attendrons ici même à la Deuxième Lune. Vous avez donc 30 jours pour revenir parmi nous. Durant cette période, ne perdez jamais la coupe de Fenïm que vous devrez remettre au gardien des bas-fonds, Kalog ! Vous n'aurez pas un jour de plus pour retrouver cette trappe cher seigneur. Gare à vous de ne pas vous perdre dans les propres fantasmes de votre esprit. Serez-vous distinguer la réalité de vos rêves ou de vos cauchemars ? Trouvez l'issue de ce labyrinthe!

Le vent est devenu plus froid, ou bien est-ce l'attitude de Noir feu qui glace Auklèce ? Il ne daigne pas la regarder alors qu'il dévisage ouvertement le Mage. Ses deux conseillers se rapproche un plus d'elle, Oliel semble soucieux, tandis que le plus jeune, Nëkiel, joue le suspicieux, sa propre fougue ne demande qu'à voir comment ce terrible dragon va sortir des Dédales et de ses illusions. On en revient toujours changé. Elle redresse son maintient pour adopter une attitude insondable et ne cille pas quand les marches accueillent les pas assurés de son seigneur pour le faire disparaître de sa vue. Peu à peu, les tambours reprennent vie et explose sous les cris de joie de la foule lorsque la trappe se referme avec un son sinistre. La Reine d'Astria se retourne vers son peuple en faisant bonne figure, elle discerne Viviane qui semble aussi surprise par cette drôle de cérémonie, contrairement à son Xcribe à ses côtés qui dansent comme un forcené grisé par les percussions qui s'élèvent dans l'atmosphère en fête. Auklèce ouvre le chemin vers la salle de réception pour honorer le banquet et les festivités qui se dérouleront jusqu'à la nouvelle pleine lune. Elle s'éloigne de la trappe du dédale avec un goût d'amertume collé à la langue, Astria accueillera la décadence et les excès, les instincts de Melandru seront célébrés pendant trente jours.

Plus de fanions colorés, plus de rires, seulement le son étouffé des tambours qui résonne dans le labyrinthe. Derrière Noir feu, la trappe s'estompe pour disparaître totalement, l'escalier ne semble pas avoir de fin, il s'enfonce inexorablement dans les profondeurs d'Astria. Une lueur étrange et bleutée inonde l'atmosphère lui permettant de discerner les lieux dans lequel il se trouve. Il fronce les sourcils quand un pont suspendu dans un vide vertigineux et insondable parait être l'avatar opposé du Pont Flied menant à deux colosses monumentaux en pierre reposant leurs deux mains sur une large épée. Leurs yeux sont fermés mais par une obscure magie ou illusion, ils s'ouvrent à l'approche du Dragon Noir qui entend l'écho de leurs voix résonner en son être :
-Toi qui possède le Fenïm, soit le bienvenu dans le Dédale de Kalog.

Edité par Noir-feu le 14/09/08 à 17:48

Noir-feu | 14/09/08 17:48

Un escalier, sans fin, qui s'enfonce dans les insondables abysses de la Terre, marche après marche. Chacune d'entre elles fait ressurgir un souvenir, tandis que les vapeurs âcres d'une drogue inconnue envahissent l'esprit, tourbillonnantes fumerolles qui semblent réveiller chaque heure douloureuse, chaque minute de doute. Il descend, encore, et encore, l'esprit prêt à éclater une fois de plus sous le poids d'un passé aux reflets infinis, un passé qui ne signifie plus grand-chose, à vrai dire.

Il avait cru en être débarrassé, trop jeune sans doute pour comprendre encore que rien n'était jamais vraiment terminé, que les conséquences de chaque acte roulaient à jamais dans les destins, et d'une manière trop aléatoire pour que quiconque puisse en définir l'exacte portée.

Trois Lunes....

La première vient à peine de se lever, non qu'il puisse la voir, car ses lueurs enchanteresses ne pénètrent pas le roc, mais il en sent la magie, la force, lui qui longtemps lui fut lié de la plus indicible façon. Elle représente tant de choses, qu'il ne peut expliquer, seulement ressentir, entrevoir comme le corps parfait d'une femme derrière un voile vaporeux.

Une voix en son esprit le fait sursauter, si tant est qu'un léger haussement de sourcils puisse être qualifié de la sorte. Son regard se pose sur les deux statues qui lui souhaitent la bienvenue en ce lieu de perdition, un sourire dur relève ses lèvres, mais n'atteint pas ses yeux, qui demeurent de glace. Il a trop vu de statues dans sa vie pour encore les apprécier, elles ont laissé en lui des marques à jamais brûlantes, de cette chaleur contre laquelle la peau d'un dragon ne peut le protéger. Une envie soudaine, pulsion de mort, il porte la main dans son dos, là ou devrait se trouver son épée runique, se souvient qu'il l'a déposée avant de descendre, maudit copieusement le mage qui lui a demandé cela.

Parce que sa volonté fut forgée dans les méandres de Num, il exécute une révérence moqueuse devant les Gardiens, et les salue à sa façon.

-Le bonsoir, Gardiens des bas-fonds. Vous me direz bien où je puis rencontrer ce cher Kalog, puisqu'il semble que je doive le rencontrer. Au centre de ce fatras, me direz-vous sans doute, ainsi qu'il sied au monarque de ces profondeurs. Ne vous donnez pas la peine de m'accompagner, je saurais bien trouver celui qui doit m'éprouver.

Les Gardiens semblent un instant en proie à l'hésitation, devraient-ils ici-même mettre fin à l'arrogance de cet être écailleux ? Quelque chose d'infime les retient pourtant, une lueur dans son regard, qui indique peut-être que d'autres colosses de pierre se sont fracassés sur cette apparente désinvolture. D'un geste qui se veut méprisant, elles écartent leurs lames du passage, tandis que l'être s'enfonce en riant dans le dédale.

Au coeur des ombres, au centre de toute la malveillance de ces souterrains, se tient Kalog, attentif à cet inconscient qui pénètre dans le monde de ses peurs, de ses instincts les plus vils, de ses fantasmes inavouables. Un rictus satisfait montre qu'il pressent là une proie de choix, déjà il jubile de tous les errements qu'il va faire subir au prétentieux, si empli de cette obscurité qu'il apprécie plus que tout. Oh, comme il a attendu ce moment, son imagination lubrique et tortueuse ayant établi mille supplices plus raffinées les uns que les autres pour briser tel être, en faire son esclave rampant et suppliant ! D'un geste, il matérialise une cohorte de femmes plus séduisantes les unes que les autres, toutes ont un visage que le Dragon connaît, toutes atteindront ses pensées les plus cachées, révéleront ses faiblesses les plus secrètes. En vérité, quelle délectable lune pour Kalog !

Noir-Feu parcourt une allée, les murs semblent faits de visages hideux, figés dans la mort avec des expressions d'intense souffrance, de peur, de surprise. Des murmures résonnent comme une brise glaciale dans les catacombes, suppliques, malédictions, prières jamais exaucées. Il reconnaît certains de ces visages, pour les avoir déjà vus au gré des guerres innombrables qu'il a mené, d'autres échappent à sa mémoire, sans doute regardait-il ailleurs en donnant la mort. Certains aussi furent des amis, des proches, des êtres qu'il n'a pas su protéger, pas su aimer, peut-être. Pourtant, rien de tout cela ne le touche, les reflexes développés par son âme pour se protéger du Gardien d'Ivoire fonctionnent à plein régime, il ne pense à rien d'autre qu'à son but présent, sortir de ce lieu.

Une grande place se dévoile, parcourue par une foule nombreuse, mais silencieuse, tous vêtus de haillons terreux. Tous les visages sont tournés vers lui, leurs orbites vides semblant autant de reproches insoutenables. A contrecoeur, les morts s'écartent devant son avance déterminée et, quelque part au loin, un rugissement de frustration retentit, auquel le Dragon ne prête aucune attention. Il se fraie un passage, comme une lame affutée vers le coeur sans protection, s'engage dans une rue plus large que les précédentes.

Kalog se penche sur le bassin qui lui permet de voir chaque recoin des tréfonds, le moment de vérité arrive, il l'a soigneusement préparé, celui-là, ayant trouvé dans cet esprit étonnant une manne parfaite pour ses buts. Le Dragon se fige soudain, son coeur s'emballe, son armure d'indifférence vole en éclats. Kalog se renverse sur son trône, il rit, encore, et encore. Ah ! Il savait que cela marquerait le début du doute, de la peur, dans cette âme pourtant si rompue aux maléfices, aux illusions! Soucieux de ne rien manquer de cet instant si précieux, il se repenche bien vite sur le bassin, mais le spectacle qu'il y trouve ne semble pas lui plaire. D'un geste rageur il renverse la vasque, puis sort de la pièce d'un pas nerveux. Fini de jouer cette fois, ce satané Dragon a outrepassé les bornes de son étroite patience, il va croiser son pire cauchemar, et on verra bien qui rira le dernier !

Noir-Feu laisse ses griffes de jais dégoulinantes de sang regagner leurs logements invisibles dans ses mains, encore tremblant de ce qu'il vient de faire. Mais quel autre choix ? Il se secoue, reprend son avance rapide, et se trouve bientôt face à un être tout droit sorti des enfers, qu'il lui faut quelques secondes pour reconnaître : lui-même. Le Dragon commence à rire, un rire clair comme l'eau d'une source en montagne, limpide, un rire comme nul ne l'a jamais entendu en ces terres de Daifen. Kalog fronce les sourcils, décontenancé par cet accès soudain de lumière dans les ténèbres qu'il a si savamment orchestrées, il s'apprête à poser une question, mais les mots se bloquent dans sa gorge, vers laquelle se portent ses mains, il ne comprend pas. Son sang gicle avec force, éclaboussant le Dragon qui ne semble pas même le remarquer, il sent ses jambes qui se dérobent, fixe une dernière fois cet être qui vient de mettre fin à un règne millénaire d'un seul geste. La dernière chose qu'il voit, c'est le torse du Dragon, qui semble avoir jadis été pourfendu d'une blessure mortelle, alors il voit ce qui lui a été caché par les miroirs de Num, et il comprend.

Ce rire cristallin qui résonne encore semble avoir coulé sur les dalles sombres du pavement, traçant un chemin vers une petite porte presque invisible. Noir-Feu sourit, se dirige vers cette dernière, l'ouvre d'une main, l'autre tenant toujours la coupe, il sort.

Noir-feu | 14/09/08 17:49

Sa course l'a grisée, elle se repose maintenant sur ce rocher plat qui s'effile vers le vide et observe avec toute cette grâce féline, la majesté du paysage qui s'étend devant elle. Quel bonheur de se laisser aller à ses penchants, l'odeur du sang est encore forte et délectable sur son pelage. Elle respire aisément, sa bouche et sa gorge sont sèches, mais, elle ne sent pas encore le désir de chercher l'eau fraîche de la rivière. Elle repousse ce besoin au fond de sa conscience et se tend vers le centre serein de son être. Elle prend quelques profondes inspirations savourant toutes les infimes effluves qui se dévoilent à son odorat de prédatrice. Une pensée vient flotter dans son esprit, avec une grande clarté, elle voit ce que son instinct désigne comme une proie. Auklèce laisse derrière elle, les lumières de la cité qui scintillent au fond de la vallée. Finalement lasse de cette chasse trop facile, et pas d'humeur assez joueuse, le lynx fonce vers son nouveau désir avec souplesse. Une cascade de glace scintillante, monument au torrent de montagne, salue son passage en renvoyant sa douce lumière à la Reine des Astrians.

Soudain, des chiens se mettent à glapir pour informer leurs maîtres qu'ils ont trouvé la piste de celui qui a égorgé quelques têtes du bétail. Leurs jappements résonnent dans cette nuit, se répercutant entre les fractures rocheuses de quelques parois éventrées par les ans. Elle est devenue une proie, un feulement sort de sa gorge quand cette pensée lui ordonne de prendre la fuite. Auklèce entend les voix de trois hommes encourager leurs bêtes, ils se rapprochent, ils se mettent à crier, et à siffler pour appeler d'autres compagnons ! Ils vont l'avoir ce nuisible ! D'un bond, elle file à toute vitesse vers cette piste escarpée dans l'espoir d'y trouver un renfoncement pour s'y abriter, mais elle n'y trouve qu'un cul de sac la mettant dangereusement en valeur. Le félin entend un nouveau cri, sans vraiment le vouloir, elle jette un coup d'oeil en contrebas pour y voir un chien, le museau dressé vers elle. Un homme encoche une flèche à son arc, aculée, impuissante, Auklèce constitue une cible idéale. La dame ne peut dévoiler son secret et reprendre sa forme humaine sans devoir les tuer !

Elle perçoit l'infime bruissement des vêtements de l'homme qui bande son arc avec force pour ne pas rater la cible. Une douleur terrible lui mord sa patte droite, son poignet droit... Cette fois, dans un réflexe de survie et de colère, son raisonnement par en fumée pour être remplacé par l'appel de son pouvoir. Elle ne va pas se laisser abattre comme une vulgaire bête par des bouseux ! Le flux de sa magie s'infiltre dans son esprit, mais le fluide est obscur et transforme ce fauve des montagnes en un autre genre de prédateur. Son regard est toujours ambré comme l'était celui du Lynx et ses canines toujours aussi menaçantes entre ses lèvres vermeils, mais ses courbes sont plus féminines et tentantes dans leur nudité. Ce n'est cependant pas la concupiscence qui se lit sur les visages terrifiés des trois hommes.
- Sorcellerie !
- La Reine d'Astria !

Avec une démarche sensuelle, elle s'avance sans peur vers l'objet de son attirance. Les chiens, excités par l'odeur de son sang se jettent vers elle. Auklèce n' y prend pas garde puisqu'ils viennent de s'aplatir en gémissant devant ses pieds. Elle connaît sa force de persuasion, les ténèbres eux-mêmes se font complice de son aura infernale et sa furtivité irréelle. Succube est sa forme et ses traits commencent à se dessiner pour répondre aux goûts les plus cachés de ces hommes. Elle rit et caresse la joue du premier chasseur qu'elle vient de stopper dans sa fuite. Auklèce se sent joueuse, mutine, peut-être va-t-elle lui laisser l'espoir qu'il aura la vie sauve s'il s'épanche avec elle dans quelques ébats. Sa voix douce apaise l'esprit affolé de l'humain sans qui se l'explique, d'eux-mêmes, tels des automates, ses deux autres compagnons le rejoignent. Délicatement, elle enlève la chemise du plus robuste avec une gourmandise toute meurtrière. Elle la déchire pour bander son poignet sanguinolent. En silence, elle lui demande de se rapprocher d'elle par un signe du doigt, il s'empresse d'aller vers cette vénus des vices, promettant quelques jeux infernaux.

Au tréfonds de son être, un appel raisonne, son tatouage lui brûle la peau. Kalog est insatisfait. Une idée se dessine, elle va les offrir aux maîtres du dédale! Elle souffle un nouveau mot de façon voluptueuse et enchanteresse avant de prendre la direction d'Astria. Noyée dans sa folie, elle ne prend pas garde à sa nudité. Elle ne s'inquiète pas des regards quand elle franchit les portes de la ville. La fête bat son plein, l'alcool coule à flot, les créatures infernales semblent avoir pris d'assaut Astria pour célébrer la Première Lune. Elles saluent avec un respect profond la Reine ténébreuse en ce soir de lune descendante. Le Mage accourt vers elle, munis d'un long voile pour la couvrir, sa voix tremble. La Peur que perçoit Auklèce lui donne des envies de meurtre.
- Noir Feu n'a pas offert le Fenim à Kalog !
- Je sais ! J'ai un présent pour lui !

Il regarde les trois hommes qui suivent la dame avec un air terrifié.
- les sacrifices ne sont plus autorisés...vous ne pouvez pas !
- Vous avez une meilleure idée ?!

La musique s'arrête, les torrents de vin stoppent son flot de déboire quand Auklèce apparaît et se dirige vers le Dragon. Elle sourit de façon étrange, elle lui prend la coupe des mains sans un autre mot sinon ceux que véhicule son regard mordoré masquant ses teintes bleutées qu'il connaît si bien. Avec sensualité, elle le déshabille par sa pensée, frémissante d'un désir charnel qui prend naissance au creux de ses reins. Cependant elle se détourne pour emprunter l'escalier des dédales, avec à sa suite les victimes offertes par le destin. Aucune illusion ne la leurre, elle débouche rapidement dans l'unique salle existante pour y voir Kalog trôner. Sa voie grave résonne dans son esprit alors qu'elle se courbe en révérence :
- Auklèce...Ma très chère Auklèce, toujours aussi prévenante quand il s'agit d'avoir ce qu'elle désire.

Elle se redresse et lui tend à bout de bras la coupe contenant le Fenïm. Il en respire les vapeurs qui le transportent dans un ravissement palpable.
- Il y a si longtemps que je n'ai pas tenu ce cadeau des Rois. A ce propos, tu as choisi plus qu'un Roi. Il doit être pire que moi !

Son rire dément résonne dans la salle de son trône aux illusions :
- Kalog ! Ne jouez plus ce jeu avec moi. Je vous connais, et surtout, je me connais.

Un son de gorge rageur sort de la gorge du dément. Sa bouche se tord de rage sous cette sorte de porte-chef en fer qui masque tout le haut de son visage
- Même si vos yeux ne le voient pas, j'ai ici de quoi vous amuser ! Votre esprit perçoit déjà la folie qui s'est emparée d'eux.

Elle se retourne vers les hommes prostrés, recroquevillés sur eux-mêmes, se balançant d'avant en arrière.
-Auklèce...Magnifique Reine, va rejoindre ton monde ! Tu as ma bénédiction. Noir Feu peut être Roi d'Astria. Prends garde cependant que son effronterie ne te joue pas des tours.

Par une magie obscure, elle découvre sous ses yeux l'esplanade de Melandru. Elle fronce les sourcils, se rendant compte qu'elle n'en a fait pas encore découvert la véritable identité des dédales...Elle respire profondément prise de nausées et de vertiges, elle reprend sa nature humaine et retire d'un geste rapide sa parure de tête qui lui a valu tant de tourment. Malgré son environnement qui tangue, elle se dirige vers l'interrogatoire imparable de Noir Feu qui la détaille dans sa tenue trop légère. Hébétée, les astrians se regardent les uns les autres, libérés du joug de Kalog.

Noir-feu | 14/09/08 17:49

Noir-Feu regarde s'avancer vers lui cette femme à l'aspect si sombre, découvrant ainsi une facette ignorée de sa Reine. Un léger sourire relève les coins de sa bouche, tandis que son regard brille dans l'obscurité relative qui baigne la cité, éclairée par la lune et de nombreuses torches aux reflets rougeoyants. Il détaille sans la moindre gêne ses courbes, qui sont plutôt mises en valeur que cachées par le manteau que vient de lui remettre le mage, un vent de désir menace de l'embraser, mais il a conscience de la foule qui les entoure, aussi se contente t'il de l'enlacer brièvement pour déposer un baiser sur ses lèvres, un baiser qui a un étrange goût de sang.

Il se tourne vers les Astrians qui semblent hagards, ne sachant comment réagir à ce qui vient de se passer. Noir-Feu se tourne vers eux, et d'une voix sans appel, leur enjoint de reprendre les festivités. Lentement, ils retournent à leurs occupations, comme des marionnettes privées de leurs fils. Le Dragon se tourne à nouveau vers Auklèce, qui semble attendre un flot de questions avec une légère appréhension, mais il se contente de la prendre doucement par le bras, l'entraînant vers le sommet de la plus haute tour d'Astria. Une fois arrivés, il prend sa forme Dragonnique, et invite sa dame à monter sur son dos, puis, sans heurt, s'élève dans les airs, se dirigeant sans un mot vers les confins des terres, loin au nord.

Quelques heures plus tard, il se pose au sommet d'un pic aux flancs abrupts, au coeur d'une région désertique, laisse descendre Auklèce et reprend sa forme humanoïde. Non loin, une petite entrée se distingue dans la paroi, le dragon s'y dirige en faisant signe à sa compagne de le suivre. Ils s'engagent dans le petit passage qui plonge en pente raide dans les profondeurs de la terre. Quelques heures passent, dans l'obscurité la plus totale, dans une descente sans fin qui n'est pas sans rappeler l'accès au dédale de Kalog. Une vaste salle se dévoile soudain aux yeux des explorateurs des profondeurs, éclairée par la luminescence d'une arche de pierre sculptée, qui irradie une lueur orangée d'assez forte intensité. L'espace intérieur de l'arche est constitué d'une sorte de miroitement impalpable, ressemblant fort à la surface d'un lac agité sous le soleil de midi. Déposée non loin de l'arche, une vieille cotte de mailles achève de rouiller. Déposée par-dessus, une épée longue de l'acier le plus simple, mais aussi le plus parfait, semble attendre celui, ou celle, qui la portera à nouveau. Noir-Feu se dirige sans hésiter vers cette arme, qu'il empoigne avec un profond respect. Désignant sans un mot l'arche, il fait signe à sa Dame de s'y engouffrer, se demandant si elle acceptera de lui faire suffisamment confiance pour se lancer ainsi dans l'inconnu.

Vingt et un jours, c'est le temps qu'ils auront avant la deuxième lune, le Dragon ignore si cela sera suffisant, et cela lui importe à vrai dire assez peu. Il veut que sa compagne voie cette route par laquelle il est venu, il veut qu'elle voie une fois ce monde sur lequel il a grandi. Un vague sourire retrousse ses lèvres, il y a aussi une autre raison à ce voyage, bien plus importante à ses yeux, mais cela fait partie de ces choses qu'il garde cachées pour l'instant, car le temps de tout révéler n'est pas encore venu. Reprenant son air impassible, il refait face à Auklèce, attendant sa décision.

Noir-feu | 14/09/08 17:50

Ses yeux se plissent sous l'éclat inattendu qui éclaire la cavité rocheuse, la main qui servait à lui ombrer le visage tant bien que mal glisse maintenant sur la lame lisse et inaltérée qui aurait pu être rongée par le temps comme la côte de maille. Auklèce ressert machinalement son manteau en laissant Noir feu fixer cette arme à son ceinturon. Elle le questionne du regard attendant qu'il daigne lui expliquer ce à quoi tout cela rime. Mais elle n'accueille que son silence et son geste l'invitant à le suivre. Auklèce se rapproche de la surface de l'arche sentant une irradiation piquer sa peau comme pour la consumer. Instinctivement, elle fait un pas en arrière et regarde autour d'elle avant de couper court à cette ambiance qui lui est étrangère :

- Que va-t-il arriver ?
- Tout dépend de vous, Auklèce.

Surprise par cette réponse simple, elle sent l'agacement pointer mais aussi sa curiosité piquer à vif comme son esprit qui décortique ce lieu étranger. Tout dépend toujours de ses choix. Mais après tout n'est-ce pas seulement une illusion qui donne l'impression d'avoir le pouvoir sur sa vie ? C'est peut-être pour cela qu'elle se jette à coeur perdu dans des pures folies pour tester cette fatalité qu'il la cantonne à son sort. Et pourquoi diable, Noir Feu doit-il toujours répondre à demi mot ? Prise d'un excès impulsif, elle s'approche d'un pas vif vers cette surface irisée sans prendre la main qu'il lui tend par pure fierté. La surface pareille à de l'eau l'enveloppe en des milliers de fourmillements qui engourdissent tout ses muscles. C'est un lieu noir et scintillant qui s'ouvre à elle la propulsant à une vitesse effroyable. Sa tête est compressée comme dans un étau, prête à imploser pour répandre en fines poussières d'étoiles les plus infimes parties de son corps et de son âme. Lorsque la sensation de terreur finit par l'envahir, c'est un sol humide et doux qui soutiennent ses pieds nus dans le plus banal mouvement de marche. Un soleil éclatant réchauffe sa peau glacée par ce choc sensoriel et physique, les éléments verdoyants qui l'entourent lui font penser à une clairière, elle entrevoit plus loin un hameau composé de quelques maisons aux toits de chaume.

-Ha Ha Ha, je savais que je te reverrais Breagel'ann ! Les étoiles ont parlé, je suis venu !

Déboussolée par cet étrange périple, elle ne peut retenir un sursaut quand elle sent le contact pourtant rassurant de son amant sur son épaule. Auklèce regarde cet étrange personnage portant le poids des ans sur son dos légèrement voûté. La canne qu'il manie semble avoir toujours fait parti de lui, il avance à grand pas, trottinant presque. Sa joie est palpable, à sa grande surprise, Auklèce voit des dents éclatantes de santé ornées un large sourire plaqué sur un visage irradiant de sagesse.

Elle s'incline maladroitement et ressert à nouveau son manteau quand elle voit que le vieil homme la salue de façon amicale. A vrai dire, elle n'y comprend rien. Que fait-elle ici à regarder un illuminé qui appelle son Roi Bregeal'ann !? Car même si le respect suinte de ce bonhomme, il lui apparaît bel et bien comme un Illuminé. Noir Feu l'a-t-il fait venir ici pour rencontrer ce vieux fou si sympathique soit-il ? Elle croise ses bras sous sa poitrine quand Tyl-Bora lui jette un coup d'oeil étrange auquel elle répond par un simple sourire innocent.

Le Dragon Noir s'incline et finit par abandonner sa réserve pour exprimer sa joie en donnant une accolade qui déséquilibre le Bâtisseur juché sur ses petites jambes maigres.
-Tyl Bora, comment as-tu su que j'allais venir? Oh mais avant, laisse moi, te présenter Dame Auklèce, Reine d'Astria, mais qui règne à présent aussi sur mon coeur.
-Astria ! Astria ! Jamais entendu parlez de ça ! Jeune homme !

Le vieillard regarde Auklèce en riant puis ressert ses lèvres sous le coup d'une pensée :
-Vous êtes un dragon ? Non, non. Il secoue la tête vivement. Vous n'êtes pas un dragon ! Il point sa canne vers elle. Vous êtes autre chose. Peut-être tout simplement une femme, les femmes ont leurs mystères, pas vrai ?!

Un frisson remonte le long de son échine, elle a cette étrange impression qu'il lit à travers elle comme un simple livre ouvert sous ses yeux, et elle reconnaît que cette impression lui fait horreur :
- Certainement Monsieur... Pourriez vous me dire où nous sommes ?

Il la dévisage interloqué :
- Sur les Terres de Bregeal'ann ! C'est ici que ce vieux fou est né !
Il se tourne à nouveau vers le Dragon cette fois avec une mine sérieuse, Auklèce remarque avec étonnement comment il peut passer du rire franc à un sérieux déstabilisant :
- Bregeal'ann...ce nom ne semble plus être le tien, tu as perdu quelque chose mon ami...

Il repart dans un éclat de rire et les invite à le suivre, Auklèce prend le bras de Noir Feu et lui murmure :
-Pourquoi ne m'avoir rien dit ? Et c'est quoi ce nom ?

Le vieillard tourne la tête vers elle, remplit de malice. Elle fronce les sourcils, l'Illuminé lui renvoie un sourire éclatant qui finit par avoir raison de son étonnement. Noir Feu lui répond sur le même ton :
- Et pourquoi pas ? Il lui fait un clin d'oeil et ressert doucement sa main dans la sienne.

Le Dragon Noir répond à Tyl Bora qui se lance dans des histoires qui font penser à Auklèce que cet homme est vraiment fou et elle ne comprend pas pourquoi Noir feu semble lui donner du crédit ! Ils avancent ainsi sur ce petit sentier qui s'étire jusqu'aux chaumines desquelles émanent un sentiment de paix. Tyl Bora s'arrête au portail d'une petite maison coquette entourée par un jardin entretenu où quelques poules picorent joyeusement. Il pousse une porte de bois qui cède en un doux grincement pour dévoiler une pièce principale ressemblant à un vrai champ de guerre menée par des scribes. Des rouleaux de parchemins s'entassent sur les moindres bouts de table libres, ou sur les chaises que Tyl Bora dégage énergiquement pour ses invités. Les piles de livres s'accumulent dans un chaos intellectuel qui impressionne Auklèce. Tyl Bora verse de l'eau dans une petite bassine qu'il accroche à la crémaillère, puis il y jette quelques feuilles qui commencent à répandre petit à petit l'odeur de leur infusion.

Auklèce aurait voulu arrêter le temps à cette scène simple et apaisante.

Noir-feu | 14/09/08 17:50

Le vieux sage remplit trois tasses d'un thé aux arômes envoûtants, puis s'assied avec précaution, dardant son regard perçant sur Noir-Feu. Quelques minutes de silence s'égrènent, interminables, tandis qu'il vérifie que le breuvage est correctement dosé. Il le rompt soudainement, avec un sérieux qui pourrait presque être inquiétant, retenant son souffle en attendant la réponse.

-L'as-tu trouvé ?

Le Dragon sourit légèrement, goûte posément à son breuvage avant de répondre.

-Oui.

-Bien. Tu as fait ce que je t'avais indiqué ?

-Oui.

-Parfait. En as-tu parlé à qui que ce soit ? Quelqu'un est-il au courant ? demande-t'il en désignant d'un vague signe Dame Auklèce.

-Non.

Til Bora se renverse sur sa chaise, respirant profondément, visiblement fort soulagé par ces réponses monosyllabiques.

-J'imagine alors que tous s'est déroulé selon mon plan...je me demandais...

Noir-Feu l'interrompt d'un geste ferme, signifiant qu'il ne pouvait en être autrement, puis se penche vers le vieux bâtisseur et murmure :

-L'as-tu encore ?

Til Bora désigne un petit coffre d'apparence anodine posé sur une étagère, entre un pot de sel et une pile instable de casseroles.

-Bien sûr. Tu es venu la chercher ? Oui, évidemment. As-tu compris ce qui en découlerait ?

Noir-Feu serre doucement la main de Dame Auklèce, qu'il sent sur le point d'exploser face à ce dialogue incompréhensible pour elle, lui demandant par ce geste de garder le silence quelques instants encore.

-Je sais ce qui adviendra par cet acte, oui.

-Et pourtant tu as décidé de venir me la demander...tu es soit très courageux soit complètement fou.

Un sourire amusé nait sur les traits durs du Dragon Noir.

-Les deux, Maître, c'est pour cela que vous m'avez choisi, souvenez-vous. Puis-je la prendre ?

Le bâtisseur fixe encore Noir-Feu quelques instants, d'un regard qui semble mettre à nu les facettes les plus secrètes de son être, puis se tourne vers Dame Auklèce.

-Etes-vous bien certaine de votre choix ? demande-t'il en désignant Noir-Feu, êtes-vous sûre de vouloir lier votre vie à cet être, sachant que presque tout ce que vous pensez savoir de lui n'est qu'illusions ?

C'est au tour du Dragon de retenir son souffle, Dame Auklèce darde sur lui un regard des plus sombres, qu'il soutient sans la moindre parcelle d'hésitation. Il prend la parole d'une voix sourde, mais qui ne tremble pas, son regard est à nouveau du noir le plus absolu, de cette nuance bien particulière qui caractérise l'obsidienne la plus pure.

-Tout dépend de vous, Auklèce.

A nouveau cette phrase qui a le don de mettre sa Dame en rage, mais il n'a pas le choix. Certaines choses dépendent de nos décisions présentes, d'autres de choix appartenant à un lointain passé, et le passé ne peut être changé. Il n'avait pas prévu de la rencontrer, et sent qu'en cela réside la faille de leur plan si soigneusement mis en place et exécuté. Il n'avait pas prévu que sa Dragonne de femme pourrait quitter la vie malgré ses enfants, tout aurait été bien plus simple si elle ne l'avait pas fait. Mais le passé ne peut être changé.

Noir-feu | 14/09/08 17:50

Ses inspirations sont profondes et calmes pour tenter de maîtriser le flux de colère qui monte en elle. Elle relâche la main de Noir feu en fixant le petit coffre. Ses doigts se sont crispés un peu plus autour de sa tasse de thé, les vapeurs du breuvage ondulent et disparaissent petit à petit, tout comme la maîtrise d'Auklèce quand elle dévisage Tyl Bora qui lui sourit maintenant. Tout dépend elle ! Pourquoi tout ne dépendrait-il pas d'eux et de leurs mystères ? La porcelaine éclate entre ses mains, les multiples tessons volent en éclat libérant le thé qui s'écoule le long de la table. Etonnée, Auklèce regarde ses paumes qui laissent sourdre son sang en minces filets rouges, puis elle repousse sa chaise avec un calme glacé et quitte la pièce de cette chaumière laissant sans regret tous les secrets qui lui sont cachés volontairement. Tout prend l'air d'un sacrifice, de son sacrifice ! Elle devrait se noyer dans un océan fait d'obscurité sans que personne ne se donne la peine d'éclairer sa frêle embarcation.

Son pas s'accélère quand elle franchit le portail qu'elle ne prend pas la peine de refermer. Elle avance vers ce sentier emprunté quelques minutes plus tôt pour retrouver cette clairière qu'elle a vu pour la première fois. Peu à peu, son allure prend celle de la course, peu à peu son apparence humaine s'efface pour celle d'un lynx qui court à tout rompre dans la campagne environnante. Son manteau s'envole au vent et se pose sur le bas côté sans qu'Auklèce n'y prête attention. A vrai dire, elle n'est muée que par sa colère sourde qui a eu raison de sa faible tempérance. Elle a un royaume à gérer, elle a en plus qu'assez de perdre son temps et son énergie dans des devinettes. Elle ne supporte pas d'être prise pour une étrangère surtout quand il s'agit de celui qu'elle aime. Son orgueil a éteint la flamme de sa raison et l'ont poussé à suivre la voie de son instinct. Elle dépasse une charrette lourdement chargée en foin qui tangue un peu plus quand le cheval se cabre sous le coup de la frayeur, le paysan lance des cris d'exclamation en voyant le fauve qui ne peuple pas sa région, dévaler la dernière colline. Elle s'en contrefiche, elle voit déjà la lisière du sous-bois qui abrite le lieu où doit se trouver l'arche et la reconduire chez elle.

Mais, elle ne voit rien, si ce n'est la brise qui chahute le feuillage des arbres, elle n'entend que le gazouillis des oiseaux qui volent de branches en branches. Un feulement sort de sa gorge en feu, elle rebrousse chemin et vise un nouveau but. Le paysan avance toujours avec l'équilibre précaire de son moyen de locomotion. Il attrape sa fourche derrière lui près à accueillir le drôle de chat qui fonce sur lui. Mais son arme de fortune tombe à ses pieds quand il voit que l'animal se change en femme qui avance vers lui sans l'ombre d'une hésitation alors qu'elle est nue de la tête aux pieds. Auklèce jette un coup d'oeil furtif vers le village au loin, regardant si des silhouettes familières n'apparaissent pas sur le chemin.

- Où est l'arche qui conduit à Daifen ?

Le pauvre hère se frotte les yeux puis se gratte la nuque quand il se rend compte que c'est à lui qu'elle s'adresse
- Vous n'existez pas !! J'ai trop forcé sur la gnôle !

Il fouette son cheval nerveusement en prenant soin de ne plus la regarder. Auklèce jure entre ses dents et prend la charrette en marche pour s'asseoir à ses côtés et lui arracher les rênes des mains :
-Donnez moi, vos vêtements !
-Mais...
-Dépêchez vous ! Vous ne voudriez pas qu'on vous voit avec une femme dans son plus simple appareil !Votre chemise et votre pantalon ! Dépêchez !
- Vous êtes bien réelle ! Sorcière !!!

Auklèce lui prend sa chemise en le dévisageant et enfile son pantalon sans le quitter des yeux qui le foudroient sur place :
-Où se trouve l'arche ? Dites le moi ou je vous tue !

Le paysan regarde cette femme blonde qui ne semble pas plaisanter tant que sa voix est dure, pourtant il bredouille quand il voit son regard bleu s'embuer de quelques larmes.
-Je ne vois pas de quoi vous voulez parler...Vous avez des problèmes ? Pourquoi vos mains sont dans cet état ?

Avec rapidité, elle serre le cou de l'homme dans la pliure de son bras tandis que de son autre main, elle bloque toute tentative de défense en contrariant l'articulation de son épaule prête à céder. Ses larmes finissent par rouler librement le long de ses joues alors qu'elle demande une nouvelle fois tout en coupant la respiration de l'innocent :
-Où se trouve l'arche de Daifen ?
-Je ...ne ...vois pas de ...quoi vous ...vous parler ! Daifen...c'est quoi ? Pitié !

Elle le pousse plus qu'elle ne le relâche, il toussote en se reculant de cette folle qui quitte sa charrette sans un mot tel un zombie en soufflant quelques mots d'excuses. Jamais, elle ne retournera chez ce fou, et jamais elle ne veut être bercé par des illusions ! Les rayons du soleil paraissent bien froids, elle regarde l'horizon, il lui semble voir l'éclat d'un océan vers l'Ouest. Son questionnement silencieux trouve une réponse à travers le paysan qu'elle vient d'agresser :
- C'est la route du Port de Llast, peut-être trouverez-vous ce que vous cherchez.

Un sourire amer tente de réchauffer ses traits :
-Non, je ne crois pas...

Pourtant, elle prend cette direction sans regarder en arrière.

Noir-feu | 14/09/08 17:51

Le vieux Til-Bora observe sans mot dire la fuite éperdue de Dame Aukléce, son regard perçant lui révélant bien des choses qui n'ont été dites. Il se retourne vers Noir-Feu, une lueur interrogative dans les yeux. Le Dragon se contente de hausser les épaules, récupérant les armes qu'il venait de déposer contre un mur de la chaumière. Le bâtisseur hoche lentement la tête.

-Es-tu certain de ce que tu t'apprêtes à faire, Breagel'Ann ? Son choix a été de partir, n'est-il pas plus sage de le respecter ?

-J'ai déjà perdu bien des êtres chers, parce que je pense que ce que nous avons entrepris est nécessaire. J'ai sacrifié celui que j'étais pour devenir un Seigneur sombre, ainsi qu'il le fallait. Je suis devenu le Gardien de la Porte d'Ivoire, pour que cesse cette malédiction millénaire qui frappait les âmes perdues. J'ai dispersé la Fraternité, sans que personne ne sache les vraies raisons, parce que sa tâche était achevée. Mais je ne laisserais pas disparaître ma compagne parce que nous avons décidé jadis que nul ne devait savoir.

-Il se pourrait alors que tout ce que tu as enduré ne serve à rien. Il se pourrait que tout ce qui a été accompli jusqu'à ce jour soit vain. Mais tu le sais, n'est-ce pas ?

-Oui. Comme il se pourrait que tout soit vain parce que je n'ai plus la force de continuer seul, parce que la tangence primordiale de mon être ne peut plus être maintenue sans quelques attaches fortes.

-Bien. Alors retrouve-la. Mais souviens-toi d'une chose : Si tu lui révèle un jour la nature de notre quête, tu l'entraîneras à sa perte, ce qui causera la tienne, et la mienne de par ce qui nous lie. Elle a pris la route de la côte.

Noir-Feu darde son regard dans celui du sage, et pour la toute première fois en plus de cinq millénaires, Til-Bora baisse les yeux, ne pouvant affronter ouvertement ce qu'est devenu son ami, son élève. Fataliste, il désigne d'un geste le coffret, puis se rassied, semblant plus âgé que jamais Noir-Feu ne l'a vu. Le Dragon Noir prend le coffret d'une main qui ne tremble pas, bien qu'il en connaisse le contenu, puis s'incline une dernière fois devant le vieux maître.

-Garde espoir, ami, j'ai suivi des voies que nul n'a parcourues avant moi, si sombres qu'elles en sont invisibles même à ceux du Cercle. Je ne faillirais pas.

Le vieil homme murmure :

-Je l'espère...oui, j'espère que les ténèbres ne t'ont pas dupé...

Noir-Feu hoche la tête gravement, puis quitte la maisonnette sans se retourner. Il parcourt quelques centaines de mètres, puis laisse sa forme Dragonnique prendre le dessus, prenant son envol avec une vélocité empreinte de puissance.

Dans les tréfonds d'une crypte, au coeur d'une terre ravagée, une silhouette encapuchonnée lance un appel, la jubilation est perceptible dans ce cri mental, voilà tant de siècles qu'il attendait ce moment !

Neuf êtres damnés prennent aussitôt leur envol, franchissant en un instant des distances qu'aucun mortel ne pourrait franchir, dut-il y passer sa vie. Neuf terres respirent enfin, soulagées d'une malédiction si ancienne que les vies qui ont réussi à y survivre se trouvent soudain désemparés, sentant obscurément que leurs existences viennent de basculer subitement.

Au coeur d'une cité oubliée, quelques puissants mages retiennent leur souffle, ils savent que le destin de milliers, de millions de vies se joue, ils savent que leur destin est sur un fil si fin qu'un rien suffirait à le briser.

Quelque part dans les airs d'un monde relativement épargné, un Dragon d'obsidienne fend les airs, il scrute avec une attention méticuleuse le terrain qu'il survole, il cherche celle qu'il aime, il ne veut pas la perdre, quitte à la chercher sa vie durant.

Neuf êtres appartenant au Cercle restreint des Princes Nécromants fondent sur le Seigneur de Num, oblitérant le soleil de leur présence aux relents de putréfaction. Sous leur vol, la terre meurt, la vie se flétrit dans d'indicibles souffrances. Tel un raz de marée nauséabond, ils franchissent plaines et montagnes, leur ombre retrouvant trace d'un passage ancien, en un temps où vivait les ancêtres de celui qu'ils viennent détruire. Le Dragon ne les sent pas arriver, toute son attention est dirigée vers sa recherche, les Neuf le sentent, ils attaquent.

Les neuf sortilèges de mort frappent ensemble Noir-Feu, calcinant membranes et écailles, l'aveuglant instantanément, il chute comme une pierre, et percute la forêt comme un météore, arrachant les arbres centenaires comme de vulgaires brindilles, traçant dans le sol rocailleux un sillon sanglant. Les Princes Nécromants s'acharnent, usant de toute leur sorcellerie pour en finir avec cette créature qui les défie depuis si longtemps.

Le Dragon Noir est mortellement touché, mais en lui coule le Sang d'Orféor, Roi parmi les siens. Aussi se retourne-t'il malgré la douleur inimaginable qui le lacère de toutes parts, et dans un rugissement titanesque crache son feu le plus puissant, fournaise infernale qui calcine en une fraction de seconde arbres et rochers, englobant trois des Nécromants qui hurlent comme des possédés tandis qu'ils meurent une deuxième fois, la dernière, sans doute. Les six autres lancent une fois encore leur plus puissant maléfice, réduisant le Dragon à une gigantesque plaie dévoilant en plusieurs endroits des os fracassés, émiettés. Sa vie s'écoule par les multiples blessures comme l'eau dévale les montagnes, mais sa volonté d'airain ne l'a pas encore tout à fait quitté. Les Princes Nécromants survivants se regardent un instant, abasourdis de voir qu'un souffle de vie demeure encore en lui, mais ce sont des maîtres en leur art, aussi usent-ils leurs dernières forces pour l'achever enfin, sans plus attendre.

Un dernier souffle, lent, laborieux, un dernier mot, que nul n'entend, il meurt comme il a vécu presque toute sa vie. Seul.

Noir-feu | 14/09/08 17:52

Le ciel s'est brusquement obscurcit, le vent s'est levé emportant avec lui quelques relents nauséabonds. Une tannerie ne doit pas être loin du lieu où elle se trouve, aussi n'y prend-elle pas garde. Elle rentre un peu plus les épaules et fourre ses mains dans les poches du pantalon un peu trop large pour elle. Ce n'est pas vraiment mieux, mais au moins, elle a la sensation d'avoir un peu plus chaud. Le Port se rapproche et avec lui la vie qui l'entoure. Auklèce entend quelques rires qui fusent d'individus trouvant fort drôle de voir une femme habillée en homme en marchant sur la Grand' Route, pieds nus ! C'est vrai que sur ce coup là, elle n'a pas été très fine, elle ressent déjà ses voûtes plantaires protester. Et ce fait n'arrange pas son humeur maussade. Petit à petit, sa colère s'est transformée en désarroi qui la déchire entre ce que lui dicte son coeur et son orgueil. Soudain, une lueur d'espoir jaillie quand elle voit une troupe de troubadours pointer le doigt vers le ciel !
- Un dragon ! Un dragon !

Mais l'horreur se peint sur les visages, Auklèce est rapidement prise d'une angoisse qu'elle ne s'explique pas. Elle se retourne vers l'objet de toutes les attentions
- La Mort l'accompagne ! Regardez ! Regardez !
- Fuyons ! les démons l'accompagnent !

Le temps ralentit quand elle observe les conséquences de son acte, ses entrailles se serrent douloureusement alors que les neuf choses foncent sur le dragon qui chute en même temps qu'Auklèce libère un cri. Ce dernier déclenche la panique, il est reprit à la chaîne par les troubadours qui courent s'abriter derrière les murailles du Port. Elle attrape au passage la cuisse d'un cavalier lancé dans un petit galop, ne prenant pas garde aux protestations douloureuses et scandalisées de ce dernier, elle court rejoindre le cheval qui s'est arrêté un peu plus loin. Avec agilité, elle prend possession de la monture et galope à brides abattues vers le drame qui se déroule.

Son horreur s'amplifie, elle voit les champs cultivés devenus désolation, la forêt verdoyante s'est transformée en un gigantesque cimetière. La nausée la prend quand elle comprend que cette odeur putride n'est pas le signe d'une tannerie mais celle d'êtres damnés. Sa monture refuse d'aller plus loin, prise de panique, quand des flammes jaillissent de la forêt desséchée. Elle termine son chemin dans une course rapide oubliant ses poumons qui se transforment en feu alors qu'elle s'approche de l'enfer.

Auklèce est tétanisée, ses muscles se sont figés, sa gorge ne peut produire aucun son. Seuls ses yeux fixent Noir Feu et son corps lacérés, lentement son regard troublé de larmes se tourne vers les six Princes sombres qui observent l'inconsciente avant de s'en détourner sans autre considération.

- ARRETEZ !

Son cri s'élève avec fureur, mais, elle parvient seulement à les faire se détourner quelques secondes avant que ces derniers ne disparaissent dans une brume aussi noire que leur apparence. Elle s'avance tremblante vers le corps du Noir Feu qui gît à terre, Auklèce effleure de ses doigts la chair à vif avec une douleur qui déchire son âme. Ses genoux goûtent durement au sol alors qu'elle enlace comme elle peut la tête du Dragon Noir, ses lèvres se posent sur une de ses paupières closes priant qu'elle se réveillera de ce cauchemar. L'histoire ne fait donc que se répéter ! La voici de nouveau sur une terre qu'elle ne connaît pas en perdant celui qu'elle aime, celui avec qui elle devait s'unir. Un courroux fou s'empare d'elle, et la fait se hisser sur des jambes flageolantes. Son esprit noyé dans un abîme de douleurs insondables prend conscience de l'amulette qui entoure son cou. Elle ne pensait pas que le présent du sieur Paserbe trouverait une utilité si funeste. La dame serre l'amulette d'orientation dans son poing rageur alors qu'elle fixe l'endroit où ont disparu les princes.

- Croyez vous que cela est nécessaire ?
Tyl Bora approche nimbé d'une force impossible à son âge avancé. Auklèce ne répond pas, le pendentif prend une lueur écarlate et dévoile à ses yeux la porte invisible qu'ont franchit les nécromants.

- Auklèce, vous n'avez même pas d'armes !
La voix du sage est calme, tout comme celle d'Auklèce qui s'adresse plus à elle-même que pour répondre à l'avertissement de Tyl Bora :
-Si, j'en ai une, elle s'appelle l'amour...

Elle entend l'écho lointain de L'illuminé mais ne saisit pas les dernières paroles qu'elle lui adresse. Elle marche sur une route qui se construit suivant son avancée, dalle par dalle, et qui s'effritent en poussière ne lui laissant aucune chance de retour. Il n'y a rien autour d'elle si ce n'est le vide et le noir. La seule lumière provient de son amulette qu'il l'entoure d'une lueur rougeoyante. Un vent noir secoue ses frusques, son souffle lui donne l'impression qui la couvre de suie, sa respiration devient difficile tant l'odeur de souffre est désagréable et prononcé. Une silhouette se découpe enfin dans l'obscurité ambiante, elle ne l'aperçoit que par sa propre lumière. La forme l'attend de façon hiératique, les bras croisés simplement sur son torse. Les larges manches qui camouflent ses mains, ne laissent pas l'opportunité à Auklèce de voir s'il cache une arme. Une voix d'outre-tombe remplit le vide :
- Bienvenue dans le Cercle, vous êtes le centre de notre attention.

Elle comprend le sens des paroles quand elle remarque que les cinq autres Pinces l'entourent sur une place parsemée de ruines. C'est un soleil blafard qui filtre à travers un étrange brouillard, il éclaire la nouvelle scène d'une lumière étrange. Elle ne doute pas une seconde que sa vie est en jeu, quand les causes sont désespérées, les actes ne sont que plus fous.

- Je veux voir votre maître.

Ils lui répondent à l'unisson :
-Nous sommes notre maître, vous voulez notre mort, mais nous sommes la mort.

Auklèce fait le vide en elle, et les regarde à tour de rôle avec une absence d'émotion qui ne trahit pas la haine profonde qu'elle ressent. L'ombre de leur capuche ne lui permet pas de distinguer les traits des individus. En revanche, elle perçoit la même chose chez chacun d'entre eux, une attraction incommensurable pour un être. Elle en capte, les moindres parcelles et les moindres traits, et elle sait où elle doit se rendre sans l'ombre d'un doute. Elle respire profondément et aspire son pouvoir qui s'infiltre dans ses membres, qui imprègne ce qu'il y a autour de son corps. Elle a l'impression qu'elle brille comme le soleil si bien qu'elle en est électrisée, si bien que la chose qu'elle incarne maintenant lui donne envie de vomir. Sa voix est rude est rocailleuse, Auklèce a disparu

- Ôtez vous de mon chemin ! Je ne suis pas ici pour vous !

Les Princes se regardent les uns les autres ne sachant que faire par cette subite apparition. Finalement l'un d'entre eux s'incline avec un respect mêlé de crainte, il est bientôt imité par ses compagnons de mort. Ils osent se redresser et poser leur regard que lorsque l'objet de leur attirance passionnelle s'engouffre dans la crypte du Maître.

Noir-feu | 14/09/08 17:52

La nuit. L'obscurité totale, absolue, que jamais un rai de lumière n'est venue percer. Puis une vague luminescence, d'un vert d'abord hésitant, puis de plus en plus vif. Un éclat insoutenable, qui n'est pas que lumière, de loin. Il est aussi vision, une vision englobant tout, chaque être, chaque vie, chaque roc, chaque étoile. Ce qui est, ce qui fut, ce qui sera. Le tout en un instant si dérisoirement bref qu'il ne signifie rien. Une voix, profonde, aux consonances rauques et ancestrales, qui prononce quelques mots en une langue que moins de dix êtres de par les mondes connaissent encore.

-Tu es le dernier. Tant que cela sera, il n'y aura nulle place pour toi en ce lieu. Ton Père l'a su. Va ! Deviens ! Le cycle des Dragons Noirs n'est pas achevé, ni leur tâche.

Obscurité. Douleur. Rêves, cauchemars, douleur, folie, peur. Lumière.

Lune 764 du calendrier Daifennien, souterrains de la citadelle du Sans-Age.

La crypte est vide, silencieuse depuis le jour où le dernier ouvrier l'a quittée, son travail achevé. Ses murs sont de pierre noire, légèrement translucide, son plafond voûté est soutenu par des piliers ogivaux, de la même pierre. Le sol est irrégulier, brut, taillé à même la roche incommensurablement ancienne de la montagne sacrée qui sert de base à la citadelle désertée. Dans une alcôve, un trône d'obsidienne sculptée semble attendre un roi qui n'est jamais venu, quelques runes s'entrelacent telles les racines d'un vieil arbre noueux, c'est d'elles que provient la légère lueur qui permet de distinguer la pièce.

Nul n'est là pour le voir, mais l'intensité de leur lumière augmente subitement, jusqu'à égaler l'éclat de l'astre du jour. Un fracas soudain retentit, semblable à un coup de tonnerre multiplié par cent, toute la cité résonne de ce coup, quelques nuages de poussière s'élèvent ici et là dans les salles et les couloirs vides. Quand la lueur diminue, un être est assis sur le trône, à moins que ce ne soit une statue. Il est grand, plus de deux mètres, une puissante musculature dessine un entrelacs semblable à des cordes sur ce corps d'obsidienne. Les runes du trône se fondent lentement en lui, arabesques flamboyantes qui révèlent plus qu'elles ne camouflent la nature rocheuse de l'être. Il ouvre les yeux, lentement, comme à regret, des yeux de feu, dépourvus de toute expression, de toute humanité. L'être soupire profondément, puis se lève, incertain. Quelque part au coeur de cette folle citadelle, construite selon les plans d'un bâtisseur fou, un choeur s'élève, fait de milliers de voix graves, lentes, vibrantes.

L'être se dirige vers la seule porte de la crypte, qui s'ouvre à son approche sans un bruit malgré son poids colossal. Il emprunte le long couloir qui s'illumine au fur et à mesure de son avance par quelque procédé mystérieux, puis gravit l'escalier interminable qui le prolonge, parvenant après plusieurs dizaines de minutes à une autre porte, de bois, cette fois. Il débouche dans une pièce relativement sombre, dans laquelle est rangé dans de grandes étagères sculptées un fatras indescriptible. L'être fouille quelques instants, mettant de côté quelques objets, une lourde épée à deux mains, deux haches de combat aux tranchants ondulés, un sac étrangement plat de dimensions fort réduites, quelques petits coffrets, une bourse pleine de pierres précieuses, des rouleaux de parchemin, un grimoire à la couverture faite d'écailles de Dragon Pourpre. Hormis les armes, tout rentre dans le sac, bien que ce dernier ne semble pas s'alourdir ni même gonfler. Puis l'être s'empare d'une clef soigneusement dissimulée dans un livre anodin, l'insère dans un coffret tout aussi banal qu'il ouvre lentement, presque avec révérence. Ce coffret n'était pas là la veille, mais bien sûr, nul n'est là pour s'en rendre compte. Il en sort une couronne d'un métal qu'aucun forgeron nain, fut-il le plus ancien et le plus savant de ce peuple, ne saurait reconnaître. Quelques diamants scintillent, répartis selon un ordre extrêmement précis, leur fonction n'est pas uniquement décorative, mais là encore, nul ne s'en rendrait compte sans une étude approfondie. L'être lève la couronne en direction des cieux, invisibles depuis ces profondeurs, puis prononce une étrange incantation, sorte de sourde mélopée aux accents rauques et chantants, au rythme à la fois funèbre et subtilement joyeux. Ce rituel se prolonge quelques minutes encore, puis l'être dépose délicatement la couronne sur sa tête, psalmodiant toujours en cette langue que les autres peuples nomment Dragonnique. Un sourire terrifiant assombrit les traits de l'être, qui vient de donner corps à une prophétie, multimillénaire : Un Seigneur des Ombres porte la couronne du Maître de la Confrérie d'Elladyll, voilà qui ne plaira pas à tous, mais l'être n'en a cure.

Il sort de la pièce, rejoignant rapidement les niveaux usuels de la cité, puis gravissant sans s'arrêter les dizaines d'étages du donjon. Une fois au sommet, il se métamorphose en Dragon et s'élance dans le vide sans hésitation, il sait que le temps lui est compté. Quelques minutes lui suffisent pour quitter les cieux Daifenniens, parcourir la Route qui lui appartient désormais, franchir Num la dévastée, puis la porte d'Ivoire. Il emprunte ensuite une étrange voie d'ombre dans le vide, parvenant sans ralentir dans le repaire des Prince Nécromants, qui hoquètent de surprise. Prendre par surprise un Dragon et l'abattre est une chose, résister à ce même Dragon alors qu'il leur tombe dessus comme un tsunami en est une autre. Le feu dévastateur du Dernier des Noirs les calcine avant même qu'ils entament leurs incantations. Le Dragon d'obsidienne se pose, cherchant le passage dans lequel s'est engouffrée sa Dame. Il le trouve rapidement, c'est l'une des rares choses qu'il a retenu de son bref passage dans le Grand OEil Vert. Son regard se fait plus dur, intransigeant, mortel. Le Maître du Cercle va mourir, aujourd'hui, la pitié n'est plus un sentiment que le Dragon est capable d'éprouver, et qui pourrait résister à ce couple si mortellement inquiétant ?

La Mort a changé de camp.

Noir-feu | 14/09/08 17:53

Le boyau est large et humide, son sol est tapissé d'une substance froide et visqueuse qui couine à chaque pas de la femme qu'incarne Auklèce. Cette démarche ne lui appartient pas, ni ses vêtements qui habillent un physique d'une corpulence plus petite que la sienne ni ses cheveux d'un blanc lunaire qui descendent en cascade jusqu'au niveau de ses hanches. Ses gestes sont vifs et précis, ils ordonnent aux affidés qu'elle croise de la suivre. Ils abandonnent les cocons qu'ils protègent sans aucune protestation. Elle est sûre de son autorité, aucun des monstres que la terre engendre, n'osent croiser le regard de leur maîtresse. Mais dans ce corps qui n'est pas le sien, Auklèce jubile, comme à chaque fois qu'elle laisse libre cours à sa capacité. La cavité s'est élargie pour l'accueillir dans une caverne illuminée avec des centaines de torches. La lumière vacillante joue avec les ombres et sculpte les lieux d'une atmosphère pesante et inquiétante. Le cortège macabre qui la suit, attend en s'inclinant qu'elle s'adresse à eux. Elle gravit un roc à la surface plane qui permet d'être en vu de tous. Les nécromanciens en herbe laissent leurs cadavres et s'avancent tels des spectres vers elle. Les mages noirs oublient leurs sacrilèges et se prosternent devant la femme du Maître du cercle. En ce jour, c'est elle qui est au centre et ils doivent suivre aveuglement ce qu'elle va ordonner du haut de sa toute puissance chaotique.

Le coeur qui n'est pas le sien répond aux émotions d'Auklèce, il bat à tout rompre, comme pour hurler aux entités se trouvant devant elle que cela n'est qu'illusion ! Son excitation atteint son paroxysme quand elle voit ce qui se déploie devant elle en une totale soumission. La voici en tête d'une armée de damnés ! Pourquoi a-t-elle gravit ces marches ? Elle n'en sait rien. Tout lui est dicté par ses perceptions, tout ce qu'elle veut savoir, elle le lit dans le livre ouvert des pensées des êtres qui l'entourent pour se nourrir de leur essence et les faire ployer sous sa volonté. Il lui est déjà arrivé de cueillir la vie d'un hère solitaire rêvant d'une mort douce, pour cela, elle a juste incarné la défunte épouse noyant le veuf dans une solitude insoutenable. Elle attendu dire qu'elle serait une succube, cela la fait doucement rire, elle est ce qu'elle est, et, elle y prend un immense plaisir quand elle se révèle.

Aujourd'hui, son projet est plus grand, elle va tuer avec un infime plaisir celui qui lui a donné la mort Noir Feu. Ses mains se lèvent vers les cieux rocheux laissant perler des gouttes d'humidité qui résonnent dans ce silence pesant. La voix rauque de la drow, observée avec une avidité craintive, s'élève avec puissance :

- Ecoutez moi, Sujets des Ténèbres. En ce jour, ne pliez pas sous le poids du doute ! Suivez moi par delà la Mort qui est notre fidèle amie. En ce jour, vous êtes ceux qui peuvent chavirer la destiné, votre avenir.

Les yeux vides restent fixer sur Auklèce qui ne perçoit que l'absence d'humanité dans les esprits qu'elles sondent. La Folie les habitent, elle peut leur demander les choses les plus folles sans qu'ils trouvent que le fil de la raison a été rompu. Elle reprend son souffle et parle plus bas, attirant plus que jamais l'attention sur ses paroles qu'elle décompose savamment :

- Aujourd'hui, nous partons en guerre, contre le Maître de vos tourments. Aujourd'hui, moi, votre mère, je vous libère du joug du Maître du cercle : Tuez le !

Une vague de cris percutent les cavités sombres de la grotte, et s'infiltre dans les boyaux rocheux. Dans un de ces chemins, la vendetta insufflée par Auklèce arrive aux portes de la crypte du Maître. Un son de gorge marque son étonnement, mais son apparence extérieure ne laisse en rien filtrer sa surprise. Il abandonne sa femme sur la couche ne pensant cependant pas le moins du monde qu'il la retrouverait à la tête d'une armée improvisée.
Lentement, il repasse sa chemise et son pantalon avant de se munir de sa dague courbe. Il n'en a guère besoin, mais il ne peut s'en séparer pour une raison sentimentale. C'est étrange d'ailleurs, car les sentiments sont proscris de sa vie. Le temps ne presse pas, même si les cris deviennent plus intenses et qu'Auklèce se dirige vers lui, suivit de centaines d'êtres réclamant leur liberté. Il sait tout ça. Il sait que la mort le menace, mais rien ne l'inquiète. Il disparait dans l'ombre pour lui aussi créer une surprise.

Le choc est brutal, l'air lui manque, quand une main froide lui sert le cou. Le maître du cercle se penche sur elle alors que le sol se dérobe :

- Petite catin ! Tu crois me berner avec tes tours de passe-passe ! Tu n'es pas elle !

Auklèce attrape la dague qu'il affectionne tant pour la lui planter avec rage dans l'estomac. Cela a simplement pour effet de provoquer son hilarité malgré le sang qui tache sa chemise :
- Inconsciente !!!

Il la relâche avec brusquerie alors qu'elle souffle l'ordre ultime aux affidés :
- Ne les laissez pas tuer votre mère !!! Je vous ai donné la vie ! Retirez le sienne.

Une vague de fureur s'abat sur le Maître du Cercle alors qu'Auklèce parvient à ramper un plus loin pour ne pas se faire piétiner par les charges des damnés. Sa réelle apparence reprend le dessus, elle se cache dans l'ombre d'une cavité regardant avec anxiété cet être qui repousse comme un brin de paille les créatures de l'enfer.

Noir-feu | 14/09/08 17:54

Ce rp fait suite à celui du Cercle, précédant le dernier de la série: La Lune éclaire une autre rive.

Shadee | 13/12/09 14:26

*Elle tourne les pages avec un intérêt grandissant*

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