Forum - La fille des éléments: (2)

Shadee | 06/07/09 20:30

L'air est mon souffle. L'eau est mon sang. La Terre est ma chair. Le Feu est ma passion.

Elles s'étendent en vague oraison pâmée
Les tentacules de la fraîche nuit
Comme sèches de tant d'horizons éployés
Vers les fragiles rêves quand se lève minuit.

Elle fixe en l'instant le clair de lune se lever
Né dans les poussières des pierres argentées.
Fille des éléments dessine avec ton âme
un somptueux feu des rêves où tes doigts sont flammes.

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L'imposant ouvrage se ferma avec un profond respect. La flamme vacillante jetait des ombres mystérieuses sur le visage du Grand Cornu. A l'extérieur, Shadee était allongée sur l'herbe, son attention portée vers les étoiles. A ses côtés, assis contre un arbre, le jeune druide, Brume jouait de la flûte au clair de lune. Le son était envoûtant, d'abord riante, des petites étincelles s'échappèrent des doigts la demi elfe. Des flammes flottèrent au rythme de la mélodie. Le Grand Cornu jura dans sa barbe en voyant une fois de plus les éléments utilisés à des fins futiles. Il ouvrit à grands gestes la fenêtre, mais, la magie s'arrêta. Les étoiles dansèrent devant les yeux de la jeune fille pour former un tunnel lumineux avec une sensation de vitesse vertigineuse.

Shadee assistait à la scène avec une fascination horrifiée. Elle avait vaguement conscience qu'un homme serrait une personne de son sang, sanglotante, à demi hystérique, et tentait de la consoler. Deux serviteurs, incapables de contenir leur curiosité, observaient discrètement la salle par une porte ouverte. Shadee sentait qu'elle devait intervenir pour calmer les émotions qui lui perçaient l'âme comme une flèche de feu passionnelle. Mais les évènements dont elle était témoin étaient si loin de son expérience qu'elle ne pouvait que les voir en esprit. Autour d'elle, des spectres murmuraient qu'il se produisait des scènes semblables dans certaines maisons baignées de tragédie. Un homme aux oreilles pointues suivi d'une femme altière, entra précipitamment. Celle-ci ordonna avec mépris de jeter l'humaine hors de sa vue en pointant un doigt menaçant vers la sortie. Un jeu d'intrigues liait ces deux femmes, le noyau était cet homme blond qui libéra la première de son emprise pour qu'elle soit raccompagnée par le garde.

«  Ta fille est morte emportée par les eaux. La présence de ta putain n'y changera rien! » Le ton était baigné de poison.
«  Elle devait fêter son dixième anniversaire aujourd'hui. » l'elfe se tourna vers la reine, une émotion non feinte déformant ces traits réguliers.
« Calion. Cesses de te raccrocher à ce qui n'est plus. Nous trouverons un autre héritier, le fils de ma tendre soeur est de sang noble et pur. Son ambition est grande et mesurée. »
«  Tu veux dire démesurer, Iwen... » Un silence pesant accompagna les pas du roi qui se dirigea vers la fenêtre. Il rajouta à demi voix « Les oracles ne parlent pas de lui si ce n'est... »
«  Si ce n'est?! » la femme d'une beauté envoutante s'approcha de son époux à force de gestes calculateurs.
«  Rien...Anahita avait le droit de participer à cette cérémonie du dixième anniversaire. Elle a assez attendu pour connaître la vérité. »
«  Ne prononces pas son nom ici! » La fureur emporta la voix douce de la reine vers les aiguës.

Shadee fut déstabilisée par ce vent invisible, étrange, de rage qui l'abîma vers un tunnel vertigineux et insondable. Les esprits riaient autour d'elle, la tirant ici et là comme un vulgaire fil à tisser. Comme un fil tissant une toile qui l'emprisonnerait dans sa propre destinée. Ses perceptions se brouillèrent pour lui révéler une autre scène. Abasourdie, Shadee resta sans réaction tandis qu'elle vit de nouveau cette femme aux tempes grisonnantes. Anahita essuyait des larmes «  Dix ans » elle reprit non sans difficulté pour elle-même «  Dix ans qu'ils sont venus s'emparer de toi, Shadee. Si seulement... » De nouvelles larmes montèrent aux yeux de la femme qui se tut , la gorge nouée. Les gardes restaient à une distance raisonnable, impassibles face à la détresse.
Comme écrasé d'émotion, le souffle de Shadee prit naissance dans la brise de ce lieu féerique. Etait-ce un rêve? Pourquoi cette femme parlait d'elle au passé? Comment connaissait-elle son nom?

Une cascade rugissait, la femme se tourna vers les hommes en armure et sans crier gare, elle se jeta vers les eaux écumeuses plusieurs mètres plus bas. Shadee s'entendit crier et tendre des mains invisibles. Une nuées d'oiseaux quittèrent le balancement tranquille des branches. Un visage d'eau se dessina dans les ondes mouvantes de la cascade. Shadee suivit du regard cette femme choir comme une vulgaire feuille morte, emportée par la fatalité du temps qui la coupe de la source. Avec douceur, elle la rattrapa en incurvant ses mains. Un coussin d'air se forma sous Anahita et la laissa tomber lentement sur la rive. Son regard d'eau croisa le sien embrumés de larmes. Élément qui les réunissait aujourd'hui. La fille des élèments se sentit épier, montrée du doigts; La stupeur des hommes et des femmes fut rapidement remplacée par un amas de corps se prosternant devant une cascade qui retrouva subitement sa chute ordinaire. Shadee voulut s'enfuir, un tourbillon d'émotions et d'espoir l'emporta vers son corps.

La lueur apaisante des étoiles scintillaient toujours dans la voûte céleste. Mais le visage du jeune minotaure était penché au-dessus d'elle.
«  Shadee! Shadee! Tu as encore fait un cauchemar. Lève-toi vite, filons! Tu devrais faire cantatrice avec les cris que tu pousses! » Il l'aida à se lever, jetant des regards inquiets par-dessus son épaule en direction de la bibliothèque.
«  Brume, j'ai encore rêvé de ces gens, tu sais, ces gens sans poil comme moi, dans ce royaume enchanteur. »
«  Tu lis trop d'histoires et tu piques le Kefrial des guides!  Vois ce qu'il t'arrive! Et puis, il y a que toi qui n'a pas de poil à 100 lieues à la ronde! T'es trop bizarre comme fille» Un éclat de rire emporta le minotaure qui prit la fuite face aux attaques amicales de Shadee qui lui montrerait bien de quelle fourrure les sans poils se chauffent!

Le Grand Cornu regarda les deux enfants s'enfuirent dans la nuit. Il aurait pu sourire, mais son regard était sombre et inquiet. Pendant quelques temps, il réfléchit, adossé dans son fauteuil, le regard perdu dans les étagères de livres. Ses pensées le portèrent vers le grimoire, bientôt ses pages jaunies se révélèrent une nouvelle fois. Sa plume légère traça des glyphes soignées et mystérieuses qui furent immédiatement avalées par l'ouvrage vierge de toute écriture, enfin en apparence...

Celimbrimbor | 06/07/09 21:09

Joli et triste, encore.

Noir-feu | 06/07/09 22:01

Mais non, ce n'est pas ce que vous croyez. Euh...je crois.

Noir-feu | 06/07/09 23:38

*rigole en se disant que le plus gâteux n'est pas forcément celui qu'on pense...*